"Gloire et horreur du corps vivant."
Wormtown, réalisé par Sergio Pinheiro (inconnu au bataillon) est un petit météore que je n'ai pas vu arriver. Une œuvre indépendante qui ne ressemble à nulle autre, surgie de nulle part avec la force brute d’un cauchemar organique. On pourrait lui prêter des ascendances - La Nuit des vers géants, The Faculty, The Bay, Horribilis, Mutations (Slugs), Frissons de Cronenberg (toute proportion gardée), la série TV The Strain, mais le film revendique sa singularité, son territoire propre, tremblant de vie et de mort mêlées. Dès le début, on est attiré, curieux, médusé par cette nouvelle hiérarchie humaine d'un genre nouveau.
Sa trajectoire narrative s’élabore avec une douceur inattendue : un récit humaniste qui dresse de délicats portraits de jeunes lesbiennes en quête de liberté, de paix, d’un refuge où respirer sans peur. Une quête d’absolu dont la tendresse vient heurter, de plein fouet, l’horreur la plus répulsive. Car Wormtown n’épargne rien : son gore hyperréaliste, filmé parfois en gros plans suffocants, exhibe une matière organique répugnante, des séquences viscérales, presque vomitives, qui retournent l’estomac autant qu’elles bouleversent l’âme. Le sang y est un rouge rutilant, épais, presque intime. C'est beau et repoussant à la fois.
Et pourtant, la beauté affleure partout. La photographie, d’une délicatesse inattendue, enveloppe les corps et les paysages dans une lumière gracile, baignée d’une nature paisible, presque idyllique, en contraste radical avec l’horreur rampante. La bourgade fantomatique, sous l’emprise d’un maire sectaire, respire la désolation poisseuse, comme si la terre elle-même refusait encore de révéler ses secrets.
La musique envoûte, portée par un score hypnotique qui hante longtemps après le silence, jusqu’à ce superbe générique de fin bercé par une mélodie rock mélancolique - un souffle de rédemption arraché à la violence entre deux étreintes figées.
L’interprétation étonnamment attachante, confiée à des interprètes méconnus, sonne d’une authenticité prude et révoltée. Leur fragilité, leur chair, leurs regards écorchés donnent au film une émotion palpable, une tendresse fébrile qui transperce jusque dans les scènes les plus brutales. La dramaturgie se hisse alors jusqu’à un sommet escarpé, où chaque choc sanglant devient un cri existentiel, un appel désespéré vers une vie meilleure.
Du coup, Wormtown est une excellente surprise, une curiosité foudroyante de 2025, une œuvre baroque et ensorcelante, feutrée d’un climat indicible qui ne fera pas l’unanimité - loin s'en faut - et c’est tant mieux.
Un parcours de vie passionnant traversé par une horreur craspec mais stylisée, fascinante, profondément humaine. Là où on ne l'attend pas.




































