dimanche 7 décembre 2025

House 2: la deuxième histoire / "House 2: The Second Story" d'Ethan Wiley. 1987. 1h27. U.S.A.

                   (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

"La maison des mondes perdus."

House 2 d’Ethan Wiley est une séquelle bougrement fun, sympathique, bonnard, sans la moindre prétention - une série B innocente qui, aujourd’hui, dégage bien plus de charme et de sympathie qu’à l’époque de sa location VHS. Les personnages y sont franchement attachants dans leur naïveté assumée, et les séquences fantastiques, héritières autant d’Indiana Jones que du western, fonctionnent à merveille grâce aux portails temporels qui nous projettent dans des époques historiques avec une aisance désarmante.

Nos héros en herbe traversent ainsi le Jurassique, l’empire aztèque et l’Ouest américain avec un esprit bon enfant qui rend l’aventure aussi potache que délicieusement stimulante - notamment grâce à deux créatures innocentes adoptée par nos héros, légères comme un souffle familial. House 2 devient alors une fantaisie aventureuse portée par un humour tendre et lumineux, à l’opposé de son modèle plus horrifique ; et l’on ne s’en plaint pas, tant l’ensemble, mené sans temps mort, distrait continuellement par ses rebondissements surréalistes, dépaysants, fantasques et étrangement attendrissants.

À l’image de l’arrière-grand-père de Jesse et de son acolyte, militant mutuellement pour l’honneur familial et l’amitié avec une ferveur héroïque, le film respire une cohésion simple, chaleureuse, profondément généreuse. Un très bon moment de détente, donc - et je me surprends à penser que j’avais été bien trop sévère lors de sa sortie initiale. House 2 rallume la magie dans l’étrange douceur d’une séquelle débridée si bien que toute la famille devrait y trouver son compte.

— le cinéphile du cœur noir 🖤
3èx. 06.12.25.
27.07.18


Distribution: Arye Gross, Jonathan Stark, Royal Dano, Bill Maher, John Ratzenberger, Lar Park-Lincoln.

Sortie salles 18 Novembre 1987. U.S: 28 Août 1987.

FILMOGRAPHIE: Ethan Wiley est un réalisateur et scénariste américain. 1987 : House 2
1998 : Les Démons du maïs 5 : La Secte des Damnés. 2006 : Blackwater Valley Exorcism. 2007 : Brutal. 2012 : Elf-Man. 2015 : Journey to the Forbidden Valley.

samedi 6 décembre 2025

Alice au pays des merveilles / Alice in Wonderland de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson, Hamilton Luske. 1951. 1h15.

  (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)
 
Classique Disney aujourd’hui célébré comme un film-culte, Alice au pays des merveilles fut pourtant boudé par la critique et par le public avant de renaître de plus belle dans les années 60 et 70. Merveille d’animation surréaliste, il déploie une structure narrative affranchie du sens comme de la logique. Les trois auteurs y laissent libre cours à un imaginaire fantasque pour illustrer l’errance initiatique d’une fillette dévorée par le désir d’évasion, lasse de la pesanteur du monde réel.

D’une inventivité en roue libre, Alice au pays des merveilles devient une invitation à la fuite par le pouvoir d’un cinéma chimérique, expressif, fringant, primesautier. Son humour folingue, décalé, porté par une horde de personnages loufoques et décomplexés, divertit sans relâche sous l’impulsion d’une Alice à la fois fureteuse et contemplative, en quête d’identité. Cet appel à l’imaginaire, brisant les repères classiques, et l’enchaînement d’épisodes absurdes reflètent l’évasion mentale d’une enfant instable, oscillant entre réel et rêve.
 

Rester ouvert à l’étrange, à la curiosité, à l’enfantin : voilà ce que nous soufflent les auteurs, avec un art consommé d'une imagination exubérante. Quant à la thématique du temps qui file, elle se cristallise dans le Lapin Blanc, perpétuellement affolé, prisonnier d’une montre capricieuse. Il forme un contraste saisissant avec la liberté d’Alice, qui savoure le présent dans une absence bénie de pression sociale, préférant la rêverie à la course effrénée derrière un agenda mécanique.

Et même si, dans la finalité, son réveil la ramène à la réalité quotidienne - aux responsabilités, à la croissance physique et morale - le spectateur accepte de refermer ce livre d’innocence onirique, enchanté par un Disney à l’une de ses heures les plus glorieuses.
 
— le cinéphile du cœur noir 🖤

vendredi 5 décembre 2025

Une vie volée / Girl, interrupted de James Mangold. 1999. U.S.A. 2h07

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"La Parenthèse qui sauve."

Première découverte, alors qu’on m’en disait du bien depuis des lustres : Une vie volée m’a franchement surpris par son émotion pure, dénuée de fard et de tout pathos. Le film pâtit pourtant d’une affiche et d’un titre français trompeurs, alors que le titre initial - Girl, Interrupted - se révèle parfaitement idoine pour dépeindre l’interruption, la parenthèse d’une jeune femme placée de son plein gré en institut psychiatrique durant dix-huit mois. Une pause forcée, une dérive intérieure, un temps nécessaire pour suspendre le cours d’une existence douloureuse.

Le titre français en trahit le sens : il laisse imaginer une vie brisée par l’institution, alors que le séjour de Susanna (magnifiquement incarnée par Winona Ryder, mais j’y reviendrai) est relativement court et profondément fructueux. Elle n’est ni enfermée contre son gré, ni détruite par l’hôpital ; l’issue demeure apaisée. À l’inverse du chef-d’œuvre de Milos Forman - auquel on compare trop souvent le film, à tort selon moi - l’institution n’est pas filmée comme une machine inhumaine. Rien, dans le cheminement narratif, ne correspond à l’idée d’une vie "volée".
 

Le film, remarquablement conté, prenant le temps de cerner la pudeur et la sensibilité dépouillée de ses protagonistes féminins, traite davantage de dépression, de confusion identitaire et du passage délicat à l’âge adulte. Susanna y apparaît en proie à un trouble dépressif, à une quête identitaire, à un doute existentiel tenace. Quant à Lisa, incarnation marginale, rebelle et menaçante d’Angelina Jolie - justement récompensée par six trophées, dont l’Oscar et le Golden Globe - elle demeure irréprochable dans ses expressivités martiales sur le fil du rasoir. Pourtant, Winona Ryder, à mes yeux, lui vole la vedette. Elle domine silencieusement une galerie de patientes attachantes et bouleversantes, chacune enfermée dans son désarroi moral, parfois jusqu’aux limites du suicidaire.

Winona connaissait d’ailleurs intimement la fragilité racontée ici, ayant elle-même séjourné brièvement en hôpital psychiatrique après sa rupture avec Johnny Depp en 1993. Elle dégage une aura rassurante, un regard noir sans hostilité, un naturel sensuel, trouble et fragile, mais déterminé à vaincre ses démons. Face à la brutalité gratuite de Lisa, elle cherche un sens à sa vie, à travers une évolution morale gagnée par l’amitié féminine, le besoin d’aimer et d’être aimée, d’être comprise avec une sincérité bouleversante. Sa présence fluette illumine le récit d’une empathie douce, presque chuchotée. Elle est belle, divine, elle déambule discrètement sans projecteurs. 
 

Refusant de singer les grandes œuvres sur la folie institutionnelle, James Mangold choisit la pathologie dépressive et la cohésion féminine comme cœur battant de son film. Il en tire une fragile humanité, une sensibilité parfois écorchée vive, que ses comédiennes explorent avec une vérité dépouillée qui force le respect.

Un très beau portrait psychologique, donc, que ce Girl, Interrupted, transcendé par ses talents féminins et par une Winona Ryder irradiant l’écran clinique d’une pudeur réservée, chargée d’une chaude intensité. Et ce final d’adieux, illustré avec une tendresse distanciée, fait chavirer les émotions sans la moindre programmation.
 
— le cinéphile du cœur noir 🖤

jeudi 4 décembre 2025

La Belle et le Clochard / Lady and the Tramp de Hamilton Luske, Clyde Geronimi et Wilfred Jackson. 1955. U.S.A. 1h16.

                       (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)
 
"Le charme indestructible de la première ère Disney."

Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu La Belle et le Clochard enfant ou adolescent. Mais le découvrir aujourd’hui, pour la première fois, soixante-dix ans après sa création, me confirme à quel point les premiers Disney possédaient une alchimie féérique inoxydable. 

Une magnifique romance canine imprégnée d’un onirisme à la fois candide, pittoresque et sombre - si j e me réfère par exemple au sort réservé aux chiens de fourrière promis à l’euthanasie - soutenue des chansons bienveillantes de Sonny Burke et Peggy Lee.
 
La Belle et le Clochard déploie sa magie grâce à l’expressivité émouvante de ses personnages, canins comme humains, d’une humanité presque désarmante. Profondément attachant jusque dans ses seconds rôles (les pizzaiolos serviables, inoubliables), le récit initiatique magnifie le courage, l’amour, la liberté de vivre et la fidélité entre l’homme et l’animal avec un art consommé de l’innocence la plus exaltante.
 

Visuellement splendide, comme toujours dans la première période Disney, La Belle et le Clochard gagne encore en classe et en séduction grâce au cinémascope utilisé pour la première fois par le studio, accompagné d’un son stéréo à quatre voies. 
 
Bijou d’animation à l’enchantement constant, traversé d’une douce fantaisie tendre et badine, cette ode à l'amour canin demeure l’un des cadeaux les plus gratifiants à offrir à la famille en cette période lumineuse de Noël.
 
— le cinéphile du cœur noir 🖤
Vostf 
 
Sortie salles France: 23 Décembre 1955

Box Office France: 11 175 716 entrées (l'un des plus gros succès de l'animation chez Disney)

Alice / Neco z Alenky de Jan Svankmajer. 1988. Tchécoslovaquie. 1h26.

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"Descente onirique : Alice, poison doux et vision baroque."

Attention : ovni inouï venu de Tchécoslovaquie. Alice est une expérience hors du commun, comme le proclame d’ailleurs le descriptif de notre blu-ray frenchi. Grand Prix du long métrage au Festival d’Annecy en 1989, cette oeuvre culte propose une variation très personnelle du roman de Lewis Carroll, mêlant prise de vue réelle et stop-motion pour mieux nous immerger dans l’esprit onirique d’une fillette en éveil existentiel détraqué.

Parfois à la lisière du bad trip - selon l’humeur du jour - et par moments irritant (surtout les 20 dernières minutes) tant ses idées débridées surgissent brutalement, toutes les cinq secondes en métronome affolé, Alice est un vortex halluciné : aussi étrange que cauchemardesque, aussi féerique que trouble. Une expérience capiteuse qui donne littéralement le tournis, perdue dans son incompréhension fantasmagorique, irrésistiblement attirante, vénéneuse, ensorcelante… et profondément dérangeante.


Sur ce point, mieux vaut prévenir : le métrage n’est pas destiné aux jeunes enfants - ni même à tous les adultes - tant ses visions animales animées image par image, baignées d’un baroque grinçant, patibulaire, peuvent heurter ou déstabiliser.

Mais ce rêve éveillé qui mord insuffle un onirisme si étrangement singulier, rythmé d’une cadence infernale, qu’il oppose sans cesse fascination et inquiétude, dans un dépaysement enfantin noyé de surréalisme nonsensique et de métaphores charnelles. Unique au monde dans le paysage cinématographique, Alice est à découvrir d’urgence - à condition d’y être préparé, et d’avoir l’esprit clair, non plombé, pour se laisser happer par cet imaginaire foisonnant issu d'un rêve déréglé. 
 
-- le cinéphile du cœur noir 🖤

mercredi 3 décembre 2025

Une fille nommée Loly Madonna / Lolly-Madonna XXX de Richard C. Sarafian. 1973. U.S.A. 1h45.

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"Lolly Madonna : la rage jaune des oubliés."
 
Il y a des films que l’on découvre grâce à une intuition, au gré d’une circonstance généreuse. Œuvre maudite s’il en est, invisible depuis des lustres malgré une réputation discrètement solide (notamment chez Jean-Baptiste Thoret dans Le Cinéma américain des années 1970), Une fille nommée Lolly Madonna est un choc thermique à la distribution prestigieuse. On y croise Rod Steiger (Amityville, le Docteur Jivago), Robert Ryan (les 12 Salopards, La Horde sauvage), Jeff Bridges (The Big Lebowski, Starman), Scott Wilson (Les flics ne dorment pas la nuit), Ed Lauter (Cujo, Le Justicier de New York), Randy Quaid (Bande de flics, Midnight Express), Gary Busey (Point Break, Peur bleue), Paul Koslo (Une Bible et un fusil, La Porte du paradis). Des charismes creusés, fatigués : de véritables gueules, peu recommandables, inspirant une marginalité désœuvrée et solitaire dans leur hiérarchie décervelée.

Réalisé en 1973 par Richard C. Sarafian (Point Limite Zéro, Le Convoi sauvage), Une fille nommée Lolly Madonna transpire les Seventies : un réalisme âpre, tributaire d’un western désenchanté que le film expose dans une lumière presque jaunie et un parti pris escarpé. Drame psychologique poisseux, désespéré, mélancolique et violemment régressif, ces deux portraits de familles se disputant un bout de terrain dans un no man’s land rural nous entraînent vers une descente aux enfers où les coups les plus viciés et les plus couards culminent en un bain de sang paroxystique.
 
 
Dans un climat de déréliction pesant, étouffé sous un soleil écrasant, Lolly Madonna devient une épreuve de force que le spectateur subit malgré lui, désarmé devant ces deux clans prêts à tout, notamment lorsqu’ils s’arrachent l’appât d’une jeune étrangère que l’un des fils aime en secret. D’une violence psychologique et physique profondément éprouvante (on peut notamment hélas déplorer une certaine maltraitance animale), le film instille une nonchalance dépressive au fil d’un cheminement moral dégénératif. Le spectateur redoute alors, avec une empathie involontaire, l’issue fataliste de ce conflit sordide orchestré par deux patriarches assoiffés d’orgueil, de revanche et de dignité, perdus dans leur ignorance brute.

Il en émane un morceau de cinéma maladif, à l'agonie, habité par des rednecks livrés à eux-mêmes, naufragés dans la violence primitive avec autant de regrets que de culpabilité enfouie. Un néo-western mortifère dont on ne sort pas indemne, qui persiste longtemps dans l’esprit par son intensité épineuse, dépressive, dénuée de toute illusion. Et c’est un film qu’il faut voir, absolument, ne serait-ce que pour sentir son souffle noir vous traverser.

— le cinéphile du cœur noir 🖤

mardi 2 décembre 2025

Le Portrait de Dorian Gray / The Picture of Dorian Gray d'Albert Lewin. 1945. U.S.A. 1h50

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(Révision)
 
"La Putréfaction de l’Âme sous le Vernis de l’Éternité."
 
Le Portrait de Dorian Gray demeure, à mes yeux, un chef-d’œuvre absolu du cinéma fantastique - injustement délaissé ces dernières années (décennies ?) par les fantasticophiles. C’est un tort immense tant le film, auréolé de l’Oscar de la meilleure photographie et du Golden Globe de la meilleure actrice pour Angela Lansbury, reste imperméable à l’épreuve du temps, figé dans une éternité glacée -(euphémisme !), à l’image de son protagoniste iconique.
 
 
Dorian Gray, incarné par un Hurd Hatfield d’une sidération hypnotique, ange maudit au venin discret, avance le visage lisse et l’âme pétrifiée avec un art consommé. Sa présence, rigide et spectrale, glace le sang de manière infiniment insidieuse et lancinante. Dandy altier lancé à toute vitesse dans une débauche sans frein, il choisit la volupté, l’excès, la jouissance comme unique boussole, tandis que son portrait - reflet monstrueux de sa décrépitude morale - pourrit lentement, se décompose, se crevasse, vieillit dans une lèpre abjecte et répugnante que le réalisateur amplifie en "couleurs". Une vision d’horreur pure qui dérange lamentablement. 
 
Il faut louer la maîtrise magistrale de Albert Lewin : une réalisation pleine de tact, d’intelligence et de précision, où chaque dialogue, ciselé comme une lame froide, dévoile avec une cruauté feutrée les conséquences pitoyables d’un aristo corrompu, modelé par les mauvaises influences, serviteur de sa propre hégémonie. Une jeunesse éternelle, mais figée, inerte, morte ; une âme vidée de toute empathie, réduisant autrui, femmes surtout, à de simples objets de distraction, dans un égoïsme orgueilleux qui refuse toute émotion, tout attendrissement, toute limite.
 
 
Baignant dans un climat étrange de douceur vénéneuse et de froideur meurtrière, Le Portrait de Dorian Gray hypnotise du premier au dernier plan. Son argument fantastique, fascinant et terrifiant, frappe avec d’autant plus de force quand l’on contemple cette toile suppurante, rongée par la philosophie abominable du "tout pour soi", de l’individualité cannibale, de la consommation sans vergogne.
 
Une oeuvre réfrigérante indispensable, brûlante d’actualité, dans ce monde obsédé par le paraître au détriment du sentiment, de la considération, de l’empathie, du respect, de l'amour. Un morceau de cinéma pictural qui dépasse les frontières du genre avec une finesse de suggestion dialectique à la fois pléthorique et salutaire.
 
 
— le cinéphile du cœur noir 🖤
2èx. Vostf 
 
Budget : 3 500 000 de dollars
 
Le film est sorti en France en 1948, soit 3 ans après sa sortie Outre-atlantique. 

lundi 1 décembre 2025

La Veuve Couderc de Pierre Granier Deferre. 1971. France/Italie. 1h25.

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"Les amants sous le regard des corbeaux."

Pour un premier visionnage (honte à moi), La Veuve Couderc est une ode poignante à la vie campagnarde, filmée avec une tendresse assassinée. Sous ses allures de chronique rurale presque documentée, le film se révèle un mélodrame d’une cruauté grave, fustigeant la jalousie, la rancune, l’ego et la vendetta de métayers rongés par leur médiocrité morale. Autour d’eux, le couple que l’on juge, que l’on épie, demeure pourtant plus humain, plus respectueux, malgré la tempête sentimentale qui les secoue lorsque Jean - qu’endosse Delon avec un naturel séducteur et une élégance rare gravée sur ses traits - s’éprend d’une jeune paysanne à la réputation souillée.
 

Un peu ridée par ses épreuves, Simone Signoret y livre un jeu bouleversant, criant de vérité démunie, brûlé d’un amour tu et secret, dont chaque silence invoque un désespoir à la fois maternel et conjugal. Sa douleur, retenue jusqu’à l’étranglement, nous émeut au plus profond sans crier gare. Et puis il y a la musique de Philippe Sarde, nappée de tendresse et de mélancolie, presque timorée, pour ne pas dire évanescente - comme un souffle suspendu au-dessus de ces êtres qui se débattent comme ils peuvent avec le destin.

Granier-Deferre excelle dans l’art du storytelling, magnifiant cette sombre histoire d’amour et de trio conjugal brisé par la bassesse humaine que symbolisent les voisins de la veuve Couderc, figures d’une méchanceté imbécile et sournoise. Superbement photographiée, la nature rurale transpire la vie - la tranquillité d’un monde révolu, en 1934 - et l’atmosphère de bien être nous enserre, tant il fait bon y demeurer auprès de ces amants à l’expressivité vibrante.
 

Grand Prix du cinéma français en 1972, couronné par plus de deux millions de spectateurs en salles, La Veuve Couderc est une œuvre magnifique qu’il serait temps de faire revivre, le cœur offert à ceux que l’on aime. Et retrouver le couple Delon / Signoret à l’écran - comme s’ils étaient encore vivants, traversant le temps avec la même intensité - libère une émotion nostalgique qui imprègne tout le récit, lui conférant une dimension cinématographique trouble et capiteuse, presque fragile.

— le cinéphile du cœur noir 🖤

jeudi 27 novembre 2025

Dracula de Luc Besson. 2025. France. 2h09.

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"L’Impensable Rédemption : le miracle gothique de Luc Besson."

Les bras m’en tombent, béat. À peine remis de ce que je viens d’endurer 2h03 durant (exit le générique), la nouvelle proposition de Luc Besson m’a trituré la raison et les émotions avec un art consommé de la féerie horrifique. Et si, comme on a pu le lui reprocher, la première demi-heure laisse craindre une semi-parodie du Dracula de Coppola - avec un Jonathan Harker encore plus transparent et ridicule que Keanu Reeves, et un vampire sclérosé, à peine caricatural - le climat étrangement baroque, déconcertant, déroutant, décomplexé, et surtout le jeu à la fois infaillible et impassible de l’incroyable acteur texan Caleb Landry Jones (déjà révélé dans le magnifique Dogman, et preuve que ce n’était pas un accident pour remettre sur les rails le Besson des années 80), emportent peu à peu l’adhésion.
 

Je comprends les puristes renfrognés vouant un amour immodéré au roman de Bram Stoker (que je relis depuis deux semaines, coïncidence oblige !) et les réfractaires aux adaptations libres qui s’approprient sans complexe le mythe de Dracula. Mais comment résister à cette flamboyance formelle à damner un saint ? La photo à se pâmer d'amour, les décors capiteux, les costumes, les paysages, les monuments gothiques, la lumière crépusculaire ; sa structure narrative constamment surprenante et inventive ; l’implication des seconds rôles, modestement décalés… tout nous invite à un spectacle somptueux, aussi fou et audacieux qu’à l’époque du Pacte des Loups.
 

Et, il faut le répéter, Caleb Landry Jones bouffe l’écran avec une sobriété naturelle qui n’appartient qu’aux grands, donnant chair et sang à son personnage maudit avec une pudeur mélancolique rigoureusement tenue. Car s’il est une qualité que l’on ne peut reprocher à cette adaptation parfois un brin pétulante et même pittoresque, c’est son refus absolu de la mièvrerie. Besson la récuse sans cesse pour transcender la romance intime entre Dracula et Mina, lors d'apartés et d’étreintes subtilement sincères, nobles, presque épurées.


Splendide romance gothique, d’une générosité surprenante, un rien marginale dans son refus des conventions éculées (même s'il s'en approprie parfois), le Dracula de Besson existe aisément par lui-même en toute autonomie, dans un esprit, un parti-pris peut-être sciemment dégingandé (combien de fois me suis-je demandé : mais qu’est-ce que je suis en train de voir ?!), mais irrésistiblement fascinant dans sa folle ambition formelle, technique (FX impeccables, notamment les créatures de pierre frisant au départ le ridicule sans jamais s'y vautrer) et narrative, osant même l’impensable : la rédemption lumineuse, lors d’un épilogue onirique à l’émotion bouleversante, porté par l’impulsion d’un Danny Elfman rigoureusement engagé.
 

Pour conclure, nous avions affaire à du grand spectacle au souffle épique et luxueux (je n'ai même pas évoqué les combats et batailles aussi hybrides et anachroniques qu'au sein de la pochette surprise: Le Pacte des Loups); du sang frais, furieusement autonome ; de l’émotion tenue sur le fil entre retenue et décadence (je n'ai même pas mentionné le second-rôle dévergondé Maria); une romance pure noblement magnétique; et surtout un sens horrifique baroque et féérique comme on n’en voit jamais dans le paysage français.

— le cinéphile du cœur noir
Vost  
Budget: 45 Millions d'euros
Box-Office France: 650 248 Entrées. Russie: 1 745 274 entrées. Italie: 690 627 entrées.
 
Info (Wikipedia): Dracula est programmé pour une sortie à l'international dans une cinquantaine de pays devant s'étaler sur plusieurs mois, d'août à décembre 2025. Il est devenu le plus gros succès au box office mondial pour un film français de 2025.

lundi 24 novembre 2025

Train Dreams de Clint Bentley. 2025. U.S.A. 1h43.

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Avant-propos: Pour faire mentir ceux qui jurent que Netflix ne sert que des poubelles.

"Éclats de deuil sous la lumière des pins."

Train Dreams est un crève-cœur.
Hymne à la vie, à la nature et à la famille, raconté avec une pudeur humaine d’une sensibilité écorchée vive, le film suit la destinée d’un bûcheron taiseux cherchant un sens à son existence après une tragédie inexorable. Sorte de Hatchi inversé - dans l’attente d’un retour de quelqu’un qui ne reviendra jamais du point de vue humain - Train Dreams devient une expérience de cinéma universelle.

Sa poésie naturaliste résonne comme les traversées lyriques de Terrence Malick et de ces cinéastes-auteurs qui interrogent notre condition humaine, notre faculté à relever les défis dans une introspection mystique, rédemptrice pour qui sait ouvrir les yeux au monde vibrant autour de nous, avec un respect absolu pour tout ce qui respire encore.


D’une puissance dramatique à vif, Clint Bentley - également scénariste - radiographie avec une pudeur retenue cet être esseulé, introverti, transpirant la vie la plus épurée, celle des valeurs nobles et inaltérables. Train Dreams nous laisse le cœur brisé sans nullement s'apitoyer sur son sort, porté par une trajectoire existentielle qui sublime la beauté des rencontres humaines et animales, de la vie et de la nature, dans une métaphore fertile et bouleversante.

Par sa formalité onirique crépusculaire et sensorielle (superbement éclairée), par l'émotion à fleur de peau qu'il suscite, on en sort transformé, inconsolé, effondré, porté par l’impulsion d’une musique discrète dans son infinie sensibilité - ces violons fragiles résonnant comme un souvenir diffus, saturé de nostalgie, de tendresse timorée et de mélancolie, filtré à travers ces rencontres perdues et ces rendez-vous manqués qui révèlent notre condition, notre trajectoire morale, brutalement contrariée par le deuil le plus inéquitable.


Un chef-d'oeuvre sur la lumière, l'espoir et le souvenir, sur ceux qui ne reviennent pas mais qui vibrent encore au-delà du générique.

— le cinéphile du cœur noir

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Ci-joint l'avis de Pierre Laporte:

Calme, contemplatif, intimiste, thérapeutique même grâce à l'effet méditatif qu'il procure, pour une fois, les critiques et la bande-annonce ne furent pas mensongères : Train Dreams est bien le bijou escompté.
On dirait Terrence Malick qui aurait adapté le Walden de Thoreau. C'est un parcours rêvé, simple, profondément naturaliste, racontée par des images sidérantes judicieusement cadrées dans un format 1.43 qui lui donne des allures de vignettes sorties d'un lointain souvenir. ​Bien que le style narratif soit ici résolument lyrique, l'histoire de Train Dreams arrive à faire tenir en 1h35 toute une réflexion existentielle qui rappelle, par certains aspects, la destinée de personnages tels que Jeremiah Johnson et Josey Wales. En cela, le film m'a profondément parlé et touché.


Joel Edgerton s'avère bouleversant, il respire la bonté malgré sa solitude. Il en est de même pour le grand Will Patton. S'il n'apparaît pas à l'écran, il s'est chargé de la voix off : un texte poétique récité avec un ton réconfortant qui élève la portée mythique du récit.
​C'est, sans conteste, le plus beau film que j'ai vu cette année : des sentiments épiques nichés dans une vie ordinaire.

Pierre Laporte

samedi 22 novembre 2025

Wormtown de Sergio Pinheiro. 2025. U.S.A. 1h47.

                            (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

"Gloire et horreur du corps vivant."

Wormtown, réalisé par Sergio Pinheiro (inconnu au bataillon) est une petite pépite que je n'ai pas vue arriver. Une œuvre indépendante qui ne ressemble à nulle autre, surgie de nulle part avec la force brute d’un cauchemar organique. On pourrait lui prêter des ascendances - La Nuit des vers géants, The Faculty, The Bay, Horribilis, Mutations (Slugs), Frissons de Cronenberg (toute proportion gardée), la série TV The Strain, mais le film revendique sa singularité, son territoire propre, tremblant de vie et de mort mêlées. Dès le début, on est attiré, curieux, médusé par cette nouvelle hiérarchie humaine d'un genre nouveau. 

Sa trajectoire narrative s’élabore avec une douceur inattendue : un récit humaniste qui dresse de délicats portraits de jeunes lesbiennes en quête de liberté, de paix, d’un refuge où respirer sans peur. Une quête d’absolu dont la tendresse vient heurter, de plein fouet, l’horreur la plus répulsive. Car Wormtown n’épargne rien : son gore hyperréaliste, filmé parfois en gros plans suffocants, exhibe une matière organique répugnante, des séquences viscérales, presque vomitives, qui retournent l’estomac autant qu’elles bouleversent l’âme. Le sang y est un rouge rutilant, épais, presque intime. C'est beau et repoussant à la fois. 


Et pourtant, la beauté affleure partout. La photographie, d’une délicatesse inattendue, enveloppe les corps et les paysages dans une lumière gracile, baignée d’une nature paisible, presque idyllique, en contraste radical avec l’horreur rampante. La bourgade fantomatique, sous l’emprise d’un maire sectaire, respire la désolation poisseuse, comme si la terre elle-même refusait encore de révéler ses secrets.

La musique envoûte, portée par un score hypnotique qui hante longtemps après le silence, jusqu’à ce superbe générique de fin bercé par une mélodie rock mélancolique - un souffle de rédemption arraché à la violence entre deux étreintes figées. 

L’interprétation étonnamment attachante, confiée à des interprètes méconnus, sonne d’une authenticité prude et révoltée. Leur fragilité, leur chair, leurs regards écorchés donnent au film une émotion palpable, une tendresse fébrile qui transperce jusque dans les scènes les plus brutales. La dramaturgie se hisse alors jusqu’à un sommet escarpé, où chaque choc sanglant devient un cri existentiel, un appel désespéré vers une vie meilleure.

Du coup, Wormtown est une excellente surprise, une curiosité foudroyante de 2025, une œuvre baroque et ensorcelante, feutrée d’un climat indicible qui ne fera pas l’unanimité - loin s'en faut - et c’est tant mieux.

Un parcours de vie passionnant traversé par une horreur craspec mais stylisée, fascinante, profondément humaine. Là où on ne l'attend pas. 

Un film marginal qui griffe, qui brûle, qui reste dans le coeur, l'âme et les tripes.


— le cinéphile du cœur noir

Castle Rock. Série TV créée par Sam Shaw et Dustin Thomason. 2018. U.S.A. 2 saisons de 10 épisodes.

                                                       
                 (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 
 
Un mot: "Remarquable."
 
Castle Rock est un puits sans fond. Une brèche dans l('a)normalité, une rumeur de malédiction qui serpente au cœur d’une ville rongée par le passé. Tout est feutré, tout s’y fissure, lentement, comme une cloison fine entre le réel et l’indicible. La série choisit la suggestion plutôt que la démonstration, le non-dit plutôt que le sang - un territoire mortifère où l’horreur se nourrit du silence, des angles morts et des souvenirs à reconstituer tel un puzzle.

Au centre du labyrinthe, Henry Deaver, enfant perdu revenu sur les lieux du crime intime. L’avocat porte sur son corps et dans son regard l’empreinte d’un traumatisme que la ville n’a jamais digéré. Castle Rock n’est pas un décor, c’est un organisme malade ; un lieu qui dévore ses habitants, qui joue avec leurs failles humaines. Les visages sont hantés de secrets, leur geste charrie la culpabilité, comme si le Mal ne venait pas de l’extérieur mais suintait de l’intérieur, depuis les caves, les forêts, la mémoire collective surtout. Le mythe Kingien de la ville maudite. 
 
 
L’arrivée du jeune homme sans nom, trouvé enfermé dans une cage sous la prison de Shawshank, agit comme un catalyseur. Une présence muette, un regard étrangement abyssal, et les destins se désaxent : suicides, accès de folie, accidents absurdes, violence soudaine. Est-il le diable ? victime ? reflet de l’horreur tapie dans les cœurs ? La série ne le dit jamais. Elle préfère laisser le spectateur suffoquer dans l’incertitude, pris dans le même piège mental que les personnages. L’énigme n’est pas là pour être résolue : elle est là pour contaminer, pour nous plonger comme les personnages dans un dédale sans repères. 
 
Les acteurs (surtout le black endossant l'avocat) sont habités de perplexité, d'incompréhension, de doute, de crainte. Le coeur serré. Ils jouent l’égarement, le désespoir, cette incapacité à nommer ce qui les possède. Chacun semble marcher sur la corde raide d’un gouffre métaphysique, avec la sensation que le réel peut s’effondrer à tous moments.

L’esthétique est le prolongement naturel du récit : une mise en scène lente, lourde de sens, qui laisse respirer le vide. Une photographie glacée, un tantinet sépia, où chaque plan résonne d’un pressentiment funèbre. La musique se fait discrète, elle est  insidieuse.
 

Castle Rock travaille la peur la plus profonde : celle de ne pas comprendre, de perdre son identité, de devenir étranger à son propre passé sans jamais nous ennuyer 10 épisodes durant.
La série tend à sous-entendre que le Mal n’est ni surnaturel ni explicable : il est endémique, contagieux, immémorial. Il rampe dans les recoins de Castle Rock comme un poison héréditaire. Une ville condamnée à revivre éternellement sa propre damnation, dans un cycle qui dépasse les frontières de l’espace et du temps.

Remarquable. Fort. Intense. D’une beauté sombre et dévastée, cette tragédie cosmique hypnotise nos sens de manière latente mais passionnante où l’espoir s’étouffe et où la vérité semble appréhender le pire à travers la culpabilité, le destin et l'héritage des secrets familiaux. 
 
En attendant la saison 2 - la dernière - que l'on dit supérieure.
 
— le cinéphile du cœur noir

mardi 18 novembre 2025

Le Retour des Morts-vivants 3 / Return of the Living Dead III de Brian Yuzna. 1993. 1h40.

                                                      
               (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 
 
(Révision: 5)

"Romance nécrophage."

Réjouissante fête foraine vitriolée, Le Retour des morts-vivants 3 flirte avec la bande dessinée dans sa formalité saturée : effusions gores omniprésentes mais au service du récit – une fois n'est pas coutume –, comédiens de seconde zone sciemment naïfs, grotesques, pédants, décomplexés, irresponsables, marginaux. Yuzna sait nous divertir, nous choquer et nous fasciner avec une efficacité brute en revitalisant le mythe du zombie à travers une romance écorchée vive – au propre comme au figuré. Le couple Curt / Julie, emporté par une intensité horrifico-dramatique en crescendo, nous accroche assez fermement pour que l’on s’inquiète de leur sort, de leur détresse, de leur fuite impossible.


Melinda Clarke, formidable de charisme sépulcral, s’impose en martyr gothique contrainte de s’infliger sur sa chair sévices, écorchures, piercings et scarifications afin d’étouffer sa faim de chair humaine. L’ambiance hystérique, aussi folle que débridée, et son aspect légèrement télévisuel (pas une première chez Yuzna) renforcent le caractère quasi documentaire de cette nuit d’horreur en roue libre, culminant dans un chaos frénétique et incongru où des zombies "métallisés" servent cruellement de cobayes à une science dévoyée par une idéologie militaire révolutionnaire.

Même si la photographie aurait peut-être gagné à plus de couleurs, sa texture demeure soignée, presque séduisante dans son format de BD de gare. Elle nous immerge pleinement dans cette relecture intelligente et trash de Roméo et Juliette, version nécrophile et SM sanguinaire où ça gicle à tout va (FX artisanal à l'appui). Si bien que Yuzna l'emballe avec une personnalité propre et une générosité à laquelle on ne s’attendait pas, aussi expansive que dévastatrice.
 
 
Interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie, le film fut couronné du Prix du Public à Gérardmer et du Silver Scream Award au Festival du film fantastique d’Amsterdam en 1994, consacrant ainsi le travail singulier de l'auteur. 
 
— le cinéphile du cœur noir
5èx. Vostf

samedi 15 novembre 2025

Buffy contre les Vampires / Buffy the Vampire Slayer: histoire d'un mythe télévisuel. 1997 / 2003.

 
                               (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 
 
Voilà, c’est fini.
Qu’est-ce que je vais faire maintenant, Buffy ?
Revenir à une vie normale ? Elle ne l’a, fort heureusement, jamais été.
Mais alors… sur qui compter désormais ?
 
L’aventure s’achève ici, après 144 épisodes, découverts pour la première fois du 23/05/2023 au 14/11/2025 (même si, à l’époque, j’avais déjà reluqué les deux premières saisons, dans une posture inversement instable et immature).
 
 
J’ai pris le temps de savourer chaque chapitre, même si j’ai englouti la septième et ultime saison de 22 épisodes en dix jours - une impulsivité névralgique, disons.
Hier soir, j’appréhendais tant d’amorcer ce final scindé en deux. Je redoutais ce lever de rideau fataliste.
Et ça n’a pas loupé : une turbulence météorologique incontrôlée à l’intérieur. Pourtant, les auteurs hétérodoxes - leur marque de fabrique - ont évité la facilité du tire-larmes, préférant la pudeur mélancolique.
 
Mais comment ne pas se dissoudre quand notre meilleure amie chrysalide (et ses chers comparses), consciente d’avoir abandonné sa panoplie de tueuse, se tient prête à affronter d’autres tempêtes, plus rationnelles, en femme affirmée ? Et ce avant que mon écran se teinte brutalement d'un fondu au noir dans une logique de non-dit.
 
 
Je me sens orphelin. J’ai l’impression que ma lucarne télévisuelle ne sera plus jamais la même après cette odyssée humaine, épique et déchirante. Les drames impromptus, les plus cruels, que je ne peux dévoiler ici, me resteront gravés au fer rouge dans l’encéphale.
 
Alors, quoi qu’en disent tes détracteurs, Buffy Summers : tu as ma gratitude la plus étendue. A coeur ouvert. Tu as transformé ma vie de cinéphile, guerrière farouche de la résilience et du dépassement de soi, leçon vivante d’existence et de solidarité, jusque dans la résurrection christique. 
 
 
Sarah Michelle Gellar, je te le dis avec mes sentiments les plus nobles et sincères, et quelque soit la trajectoire de ton parcours au cinéma, tu es et tu resteras une légende du petit écran, pionnière de la révolution féministe, avec cette profondeur humaine qui n’appartient qu’à ta dignité morale la plus absolue et fragile.
 
Une dernière pensée émue pour Michelle Trachtenberg, en toute humilité...
 
— le cinéphile du cœur noir
 

vendredi 14 novembre 2025

Une Bataille après l'autre / Eddington

               (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 
 
Le coeur du problème: "Le temps au cinéma."

Deux grands films. Deux grands récits. De grands acteurs. Deux grandes mises en scène. De l'ambition perpétuelle. De l'invention chiadée. 
Tout concourt à les sacraliser chefs-d’œuvre - et pourtant je m’y brise. 2h42 pour Une bataille après l’autre, 2h28 pour Eddington. Un tempo en dents de scie, narcotique, qui étouffe l’élan, sabote l’ardeur, décourage, démotive la concentration.

Ces œuvres que j’admire deviennent des traversées exténuantes, des marathons émotionnels qui usent en intermittence au lieu d’élever. L’éblouissement existe, mais il se noie parfois (souvent ?) dans la longueur - et c’est là que naît ma douleur de spectateur : aimer, et souffrir en même temps.

L’émotion est pourtant bien là. J’aime ces films, sincèrement - avec toutefois une préférence pour Eddington. Mais demeure en moi une frustration tenace : leur structure rythmique, insupportable à mes yeux, m’asphyxie à petit feu.
 

Peut-être que cette dérive du temps, cette tentation de l’étirement, vient aussi de là : le cinéma se laisse contaminer par la logique des séries.
Les séries ont imposé leur empire narratif : plusieurs heures, des arcs multiples, des respirations lentes, l’attente comme moteur, une caractérisation psychologique plus dense et profonde. Une temporalité dilatée où l’accumulation fait monument.

Mais transposer ce modèle au cinéma revient souvent à trahir son essence. Le cinéma n’est pas un fleuve, c’est une déflagration. Un éclat. Un impact. . Sa force naît de la concentration, de la densité, de la fulgurance, de la fascination hypnotique, de la sensitivité. 
Là où la série s’étire, le film doit inciser.
Là où la série construit patiemment, le film doit brûler intensément. Nuance. 

Aujourd’hui, trop de cinéastes semblent fascinés par la durée comme signe extérieur de grandeur - comme si l’ampleur automatique des minutes garantissait la noblesse du geste artistique. Une mode, presque une superstition : plus c’est long, plus c’est élevé. 
Or cette équation est fausse. La longueur n’est pas la profondeur. L’étalement n’est pas la vision.
 

Le cinéma perd alors son tranchant, son nerf, son unité organique. Il emprunte au format sériel un rythme qui n’est pas le sien, et le spectateur, lui, vacille dans ce no man’s land temporel où l’intensité se dissipe et où la beauté se dilue.

Ce n’est pas la patience du public qui manque : c’est la nécessité.
Le temps doit être vécu - pas rempli. Et j'en suis terriblement frustré avec ces 2 grandes oeuvres d'utilité publique.
 
— le cinéphile du cœur noir