lundi 27 octobre 2025

Golem: le tueur de Londres / The Limehouse Golem de Juan Carlos Medina. 2016.

                      (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 

"Le théâtre du sang et des larmes."

Dans le brouillard jaune de Londres, la peur s’infiltre dans les ruelles comme une vapeur acide. Le sang, les cris, la scène et la potence. 

Formidable thriller horrifique au suspense exponentiel, Golem: le tueur de Londres s’annonce d’abord comme une simple enquête victorienne, mais rapidement s'élève, se déploie, s'y tord une véritable tragédie humaine que nul de pouvait prédire. 

Au cœur de cette mécanique parfaitement huilée : Lizzie Cree, interprétée avec une intensité naturelle par Olivia Cooke (Bates Motel). Elle prend vie dans une douce tranquillité. Elle ensorcelle délicatement. Or, derrière ses yeux, un abîme - celui d’une femme broyée par le mépris des hommes, par la faim de reconnaissance, par l’illusion de la célébrité. On éprouve pour elle une empathie profonde, dérangeante : enfant maltraitée, femme humiliée, marionnette du patriarcat victorien. Une longue asphyxie sociale et intime où moult suspects nous interrogent par leurs actions déplacées. 

Le film se nourrit de cette tension psychologique, fiévreuse, entre Lizzie et l’inspecteur Kildare (un Bill Nighy d’une retenue bouleversante comme le souligne l'incroyable final dramatique). Deux âmes solitaires : lui cherche la vérité comme on cherche Dieu en guise de justice et de loyauté, elle cherche l’amour comme on mendie la lumière. Chacun est hanté par son propre masque. L’enquête devient alors un duel silencieux, un ballet d’ombres et de regards où les confessions se font par ricochet au fil d'un suspense toujours plus délétère. 

Juan Carlos Medina filme ce labyrinthe mental avec une élégance froide, théâtrale - les rideaux rouges du music-hall deviennent le rideau de scène du crime passées les numéros comiques. Le théâtre, la presse, la morale : tout se confond dans un carnaval de faux-semblants où la société elle-même devient coupable, victime et ignorante de ce qui se trame.

Et quand vient la révélation, c’est un vertige émotionnel qui affecte la gravité. Non pas le triomphe d’un twist, mais l’effondrement d’une âme, faute d'un dilemme moral terriblement ambigu. 
Le Golem n’est plus un tueur dans la nuit - c’est la créature que le monde narcissique fabrique lors de mises en scène ludiques. Une mise en abyme aussi fantasque que dramatique. 

Visuellement somptueux, étonnamment cruel, tant d'un point de vue graphique que psychologique, Golem le tueur de Londres est d’une rare intelligence émotionnelle dans sa disparité des genres que forment le drame, la romance, le policier et l'horreur mutuellement confinés dans une tragédie humaine. Le cœur y bat davantage sous le vernis des costumes, dans la solitude, dans ce besoin désespéré d’être regardée - même pour ses crimes.

Or, à travers cette vendetta victorienne impeccablement reconstituée, rien ne laissait présager la valeur humaine qui se détache de ce conte macabre, aussi stylisé qu'éprouvant. Si bien que l'on en sort taiseux, amer et démuni.

— le cinéphile du cœur noir

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