lundi 27 octobre 2025

Le Règne animal



"Un chant d'amour et de désespoir pour le devenir de l'humanité."

De manière prude et posée, et dans l'art du storytelling, Le Règne animal s’avance comme une fable organique où le fantastique naît de la chair, du souffle et de la forêt sous l'impulsion d'effets spéciaux bluffant de réalisme viscéral. Thomas Cailley y orchestre la métamorphose d’un monde et d’un fils, Émile, adolescent en dérive, dont le corps se fissure à mesure que l’humanité chancelle. Le film respire la peur et la tendresse, la sauvagerie et la douceur mêlées. Sous ses dehors de récit initiatique, il murmure une vérité essentielle : celle du droit à la différence, de l’acceptation de ce qui échappe, et du retour à la nature comme refuge ultime.

Dans la forêt, le film s’abandonne à un onirisme naturaliste d’une beauté rare dans le paysage du cinéma Français, en toute sobriété. L’amitié entre Émile et l’homme-oiseau y atteint une grâce silencieuse, presque spirituelle. Leurs gestes, leurs regards, leurs tentatives de vol sont autant d’élans vers la liberté, d’appels à la lumière, de cri d'alarme pour le droit d'exister en toute autonomie. La musique, subtile, un peu discrète et lyrique, accompagne ces instants suspendus avec une justesse qui caresse le coeur. 
Et puis il y a Nina - cette romance impossible, douce comme une blessure tacite. Cailley en saisit la fugacité, la pudeur, l’éclat fragile d’un sentiment condamné avant d’avoir vraiment vécu.

Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos - trois âmes vibrantes suspendues entre amour, questionnements, et perte. Thomas Cailley filme leurs visages comme des paysages à l’orée du désastre. L’émotion circule, nue, fragile, bouleversante, jusqu’à ce final d’adieux qui étreint le cœur et le laisse battre à vif. Le générique défile, on reste bouche bée, muré dans un silence pesant. 

Métaphore du passage de l'adolescence à l'âge adulte dans une  émancipation primitive renouant avec notre instinct animal, hymne à l’altérité, cri écologique pour la cause animale et poème d’amour aux métamorphoses du vivant, Le Règne animal s’impose comme l’un des plus beaux films fantastiques contemporains - une œuvre de tendresse somme toute sensible par son humanité déchirante inscrite dans le non-dit, dont on ne ressort pas indemne. 

On pleure en guise d’exutoire, d’échappatoire, face à un monde en crise qui échappe un peu plus chaque jour à notre raison et à notre compréhension.

— le cinéphile du cœur noir

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