mardi 26 novembre 2019

Joker. Lion d'Or, Venise 2019

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Todd Philips. 2019. U.S.A. 2h02. Avec Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz, Frances Conroy, Shea Whigham, Bill Camp.

Sortie salles France: 9 Octobre 2019 (Int - 12 ans avec Avertissement). U.S: 4 Octobre 2019

FILMOGRAPHIE: Todd Phillips est un réalisateur américain né le 20 décembre 1970 à Brooklyn (New York). 2000 : Road Trip. 2003 : Retour à la fac. 2004 : Starsky et Hutch. 2006 : L'École des dragueurs. 2009 : Very Bad Trip. 2010 : Date Limite. 2011 : Very Bad Trip 2. 2013 : Very Bad Trip 3. 2016 : War Dogs. 2019 : Joker.


Lorsque l'injustice sociale mène à la folie meurtrière. 
Auréolé du Lion d'Or à Venise, d'une presse dithyrambique et d'un succès commercial inespéré (eu égard de sa sinistrose sociétale d'une noirceur plombante), Joker restera l'un des évènements clef de 2019 sous l'impulsion d'un jeu d'acteur transi d'émoi. Celui du caméléon Joaquin Phoenix transperçant l'écran à chaque seconde de par sa posture borderline compromise au mal être existentiel qu'ils nous communique avec une intensité aussi bien poignante que bouleversante. Oscillant le rictus nerveux pathologique avec le déhanchement sensuel lors de ses fantasmes pailletés (celui d'accéder au podium médiatique), Arthur tente de se faire une place dans la masse d'une métropole urbaine toujours plus divisée quand à l'inégalité des classes entre riches et pauvres. Co-existant avec sa mère dans un appartement vétuste, il s'efforce pour autant de relativiser en se fondant dans le corps d'un clown afin d'y communiquer rire et joie auprès des enfants cancéreux hospitalisés. Quand bien même son rêve de devenir humoriste est peut-être sur le point de se cristalliser grâce aux encouragements d'une illustre vedette d'un show satirique, Murray Franklin. Mais son agression dans le métro par 3 jeunes rupins, sa divergence morale avec sa thérapeute, ses rapports toujours plus houleux avec sa mère et le monde externe vont le mener au point de non-retour. Film choc s'il en est, de par sa violente diatribe contre l'incommunicabilité, le capitalisme, l'ultra-conservatisme et une répression policière dictatoriale, Joker demeure un immense cri d'alarme contre l'intolérance d'une société déshumanisée répudiant souffres-douleur, prolétaires et laissés pour compte. Arthur s'érigeant malgré lui porte-parole contestataire d'une populace séditieuse en crise existentielle, de par leur condition de vie économique toujours plus arbitraire.


Toute société engendre les monstres qu'elle mérite. 
Métaphore évidente sur le malaise contagieux de nos sociétés contemporaines en proie la révolte de peuples davantage atrabilaires et sur cette soif de reconnaissance individuelle, Joker implore un climat crépusculaire à la fois baroque et désenchanté sous l'impulsion d'un anti-héros dangereusement schizo. La puissance dramatique de Joker émanant notamment des violences inciviques de la populace de Gotham glorifiant aveuglément un criminel grimé en clown depuis que ce dernier osa perpétrer l'irréparable sur de jeunes bourgeois gouailleurs Spoil ! et un présentateur TV fin du Spoil (symboles de l'élitisme). Fort d'une mise en scène personnelle sublimant sans fioriture les faits et gestes de ce schizophrène extravagant en proie à sa psychose endogène, Joker est un uppercut moral aussi puissant qu'un Taxi Driver vitriolé lorsque Arthur laisse s'échapper ses instincts de colère les plus primitifs. LA référence ciné que tout le monde eut comparé afin de qualifier cette oeuvre inclassable d'une fragilité psychologique névralgique ("on perd son humanité dans un océan de chagrin"). Si bien que le public le plus lambda s'y reconnait à travers la douloureuse introspection névrosée d'Arthur, puisque compromis par une compassion bipolaire quant à la dégénérescence morale de celui-ci d'une vigueur expressive tristement dérangeante. Pour ce faire, et pour atteindre un tel niveau de vérisme et d'acuité dramatique (émaillée d'estocades gores tranchées !); Todd Phillips aura pris soin de nous planter son décor blafard et d'y radiographier l'évolution (im)morale de son personnage avec une méticulosité ensorcelante. Et ce même si l'interprétation emblématique de Joaquin Phoenix y doit énormément de par l'émotion à la fois si froide et chaleureuse qu'il nous suscite. Tant auprès du reflet existentiel de son insupportable solitude (tant perméable et si d'actualité !) que de ses exhibitions fantasques afin d'y esquisser la caricature d'un justicier redresseur de maux sociétaux.


Je suis Joker. 
Grand film s'il en est d'une infinie mélancolie à travers son désespoir humanitaire que Joaquim Phoenix nous transcende des pores de son visage martyr, et à travers la langueur de son réalisme cafardeux que Tod Phillips inscrit dans une pellicule vitriolée, Joker laissera une trace dans l'histoire du genre inclassable sous le pilier de ce porte parole annihilé par l'isolement identitaire. 

*Bruno

Récompense:
Mostra de Venise 2019 : Lion d'or avec une ovation de 8 minutes

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