mardi 28 avril 2020

La Tour du Diable

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Lupanarsvisions

"Tower of Evil/Beyond the Fog/Horror of snape Island" de Jim O'Connolly. 1972. Angleterre. 1h30. Avec Bryant Haliday, Jill Haworth, Mark Edwards, Anna Palk, Derek Fwolds.

Sortie salles le 19 Mai 1972. D'après le roman de George Baxt

FILMOGRAPHIEJim O'Connolly est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 26 Février 1926 à Birmingham, décédé en Décembre 1986 à Hythe dans le Kent. 1963: The Hi-Jackers. 1965: The Little Ones. 1964: Smokescreen. 1967: Le Cercle de Sang. 1967-1969: Le Saint (série TV). 1969: Crooks and Coronets. La Vallée de Gwangi. 1972: La Tour du Diable. 1974: Maîtresse Pamela


"La Tour du Diable : archéologie d’un cauchemar insulaire".
Durant sa brève carrière, Jim O’Connolly parvint pourtant à marquer les fantasticophiles avec deux œuvres hybrides : le réjouissant La Vallée de Gwangi, et le shock-horror qui nous occupe ici, La Tour du Diable. Sortie en VHS à l’orée des années 80 sous la bannière étoilée d’Hollywood Vidéo, cette bisserie made in Grande-Bretagne fit son petit effet de stupeur auprès des rats de vidéoclub avides de surprises déviantes ou transgressives. La Tour du Diable conserve aujourd’hui encore son pouvoir de fascination sépulcrale, à travers une ambiance insulaire glauque et quelques dérives gores — doublées d’un érotisme gentiment folichon.

Le pitch : en Écosse, sur l’île de Snape Island, une jeune femme est retrouvée en état de démence après la découverte de trois cadavres gisant dans leur sang. Internée, la survivante subit des séances d’hypnose pour tenter d’extirper la vérité enfouie dans les limbes de sa mémoire, dans l’optique d’un procès. En parallèle, une équipe de scientifiques, intrigués par la présence d’une lance phénicienne sur les lieux, débarque sur l’île, bien décidée à mettre la main sur un fabuleux trésor sacré dédié à une divinité antique.

Revoir aujourd’hui La Tour du Diable, c’est retrouver le réconfort moite des classiques bisseux de l’adolescence, à l’aube flamboyante de l’ère VHS. Franchement bien mené, propulsé par un casting naturellement attachant, le récit ombrageux alterne séquences choc et cruauté inattendue pour l’époque. Le réalisateur n’hésite pas à forcer l’agression visuelle par des zooms féroces sur les visages pétrifiés des victimes. Survivante d’un massacre atroce, Penny est contrainte de revivre sous hypnose les événements macabres survenus dans le phare de Snape Island. L’ambiance inquiétante et la brutalité sèche des meurtres — aussi brefs soient-ils — nous plongent dans un cauchemar nébuleux, captivant dès ses premières brumes..

Mais c’est avec l’arrivée des scientifiques, attirés par le mirage d’un trésor oublié, que l’intrigue prend corps, se mue en une redoutable chasse au trésor hantée. Une mystérieuse présence les épie dans l’ombre, les alpaguent un à un. Sifflements dans la nuit, portes qui claquent, gémissements moribonds qui résonnent : tout concourt à installer une tension, parfois amplifiée jusqu’à une angoisse tangible quand les victimes s’enfoncent dans les corridors poisseux, infestés de bruits suspects. Certaines situations provoquent encore aujourd’hui un malaise viscéral. Cloîtrés dans la tour antique, les invités sont les jouets d’événements aussi inquiétants que pernicieux. L’incendie volontaire de leur bateau ne fait qu’accélérer leur plongée vers la damnation, d’autant qu’une créature mi-humaine, mi-monstre, réduite à l’état primitif, rôde dans les ténèbres, accentuant cette insécurité funèbre dans une scénographie crépusculaire, ceinturée d’eaux froides.

Cet être mutique serait-il Saul Gurney, le frère dégénéré d’Hamp, venu s’isoler jadis sur l’île avec sa femme et son enfant, fuyant l’intolérance ? Ou bien son propre fils, aujourd’hui adulte, héritier d’une filiation maudite ?

Captivant à plus d’un titre, notamment grâce à la sobriété des comédiens auxquels on s’identifie naturellement, La Tour du Diable s’habille d’une texture étrange, née d’une confusion des genres savamment dosée. En greffant un récit d’aventure classique sur les codes d’un film d’épouvante vintage dynamité par une imagerie érotico-sanglante, le film se transforme en psycho-killer atmosphérique (on pense parfois au très sympathique Humungous, cousin brumeux de cette ambiance insulaire malsaine). Ce périple exotique, truffé d’embûches, pousse chaque protagoniste un peu plus loin dans le dédale d’une grotte souterraine infestée de mystères, de râles étouffés et de cadavres putréfiés — imprimés en gros plan.

Si cette série B typiquement bisseuse s’avère toujours aussi immersive, c’est avant tout grâce à son atmosphère gothico-malsaine, forgée dans les entrailles de ce phare côtier, lui-même érigé sous une grotte dévolue à une divinité faisandée.


"L’île aux murmures sanglants".
Avec son ambiance insulaire, nécrosée par une histoire de filiation cruelle, La Tour du Diable transcende la série B d’épouvante. Elle impose une audace visuelle presque réaliste, entre gore insalubre et tension sourde, pour peu que le spectateur accepte de suivre ces âmes perdues, pas à pas. Une perle bis, mortifère, moite et purement atmosphérique. À réhabiliter fissa.
Dédicace à l'Univers fantastique de la Science-Fiction, Artus Film et la génération Hollywood Vidéo !

*Bruno
28.04.20
22.03.12. 444 v

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