lundi 12 septembre 2011

Alien 3. Version Longue 2h25.


de David Fincher. 1992. U.S.A. 2h25. Avec Sigourney Weaver, Charles S. Dutton, Paul McGann, Brian Glover, Ralph Brown, Daniel Webb, Christopher John Fields, Holt McCallany.

Sortie en salles en France le 26 Aout 1992. U.S.A: 22 Mai 1992.

FILMOGRAPHIE: David Fincher est un réalisateur et producteur américain, né le 28 Août 1962, à Denver dans le colorado des Etats-Unis.
1992: Alien 3. 1995: Seven. 1997: The Game. 1999: Fight Club. 2002: Panic Room. 2007: Zodiac
2008: l'Etrange histoire de Benjamin Button. 2010: The Social Network.


Pour une première réalisation, David Fincher signe un coup de maître avec Alien 3. Troisième opus d’une saga immortalisée par la présence virile de Sigourney Weaver et l’antagonisme féroce d’un alien venu des confins. Ambiance religieuse, angoisse diffuse, tout se resserre autour d’un pénitencier échoué sur la planète Fiorina 161. Après l’incendie du vaisseau la ramenant vers la Terre, Ripley est éjectée à bord d’une capsule et s’échoue sur la plage grise de Fiorina. Recueillie par un surveillant, elle est ramenée au cœur d’une prison caverneuse où survit une vingtaine de détenus rongés de pulsions. La présence d’une femme ravive chez ces condamnés des instincts pervers ou meurtriers. Quand la mort suspecte de l’un d’eux survient, Ripley redoute aussitôt la présence d’un nouvel alien.

Avant cela, deux chefs-d’œuvre antinomiques avaient posé les fondations : l’un sculptait la suggestion de l’angoisse, l’autre exultait dans l’action belliqueuse. Et ce troisième volet, ambitieux, surprend encore en se réinventant dans la sobriété d’un suspense minutieux, une psychologie écorchée, et une dernière demi-heure livrée à un chaos furieux. Ce qui frappe d’abord, c’est cet univers ocre, suffocant, rouillé, recréé avec un souci d’authenticité pour capter la vie brutale de ces damnés en vase clos - couloirs-labyrinthes, trompe-l’œil propices à la traque d’une créature infiltrée. La hiérarchie fondamentaliste, promesse de rédemption par la foi, nimbe le lieu d’une aura mystique, presque gothique. Et voilà qu’en ce cloître lugubre s’impose Ripley, flanquée de l’inévitable Alien. La fragile cohésion de ces âmes véreuses s’effrite sous la panique quand le monstre, plus délétère que jamais, entame sa moisson de chair.

Après s’être rapprochée du médecin Clemens, Ripley, infestée de poux et de regards lubriques, se rase le crâne - pour conjurer ces pulsions qu’elle attise malgré elle. L’inévitable survient : trois détenus tentent de la violer, mais leur leader, prophète mécanique de la parole divine, l’arrache à leur fureur. Ripley trouve refuge dans la loyauté de Clemens, hanté lui aussi par un passé trouble, et inquiet de devoir autopsier la fillette morte retrouvée à bord de l’USS Sulaco. Alors qu’on redoute que l’Alien ait contaminé ce petit cadavre, la menace rampe ailleurs, insidieuse, prête à investir un nouveau corps. 


Dans ses deux premiers tiers, Fincher accorde une densité rare à la psychologie de ses marginaux : violeurs, meurtriers sans remords, soudés par l’Évangile, et face à eux une héroïne abandonnée par ses supérieurs, résolue à se sacrifier pour l’humanité - car son propre corps porte l’œuf maudit de la créature. C’est là toute la force dramatique de cette tragédie : l’enjeu vital sublime la tension, Ripley se dresse, plus combative que jamais, vers un baroud désespéré. Sans recourir au spectaculaire outrancier, le film déploie une dernière partie rigoureuse et trépidante : fuites haletantes, chasses mortelles dans les boyaux du pénitencier, portes scellées à la hâte, bête traquée vers une fonderie de plomb. Point d’orgue mémorable, à la fois haletant et fatal, jusqu’à un épilogue d’une poignante intimité : l’héroïne, acculée, choisit de mourir pour déjouer les visées abjectes de ses supérieurs, obsédés par l’idée de faire de l’alien une arme biologique.


Le jour de la pénitence.
L’intrigue, pétrie de psychologies blessées en quête de rachat, et cet esthétisme gothique sont pour Fincher l’écrin idéal pour réinventer la créature, mythe organique à l’aura hypnotique. La cohérence du scénario, la tension latente et la mise en scène ciselée subliment cette épopée sombre d’un souffle épique et désenchanté. Sigourney Weaver, figure christique, Jeanne d’Arc d’un futur sinistré, n’a jamais été aussi bouleversante et vaillante dans sa quête rédemptrice pour sauver l’humanité.

12.09.1. 3
Bruno Matéï

Les critiques des autres opus:
Alien, le Huitième Passager: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/04/alien-le-huitieme-passager.html
Aliens, le retour: http://brunomatei.blogspot.fr/…/aliens-le-retour-aliens.html
Alien, la Résurrection: http://brunomatei.blogspot.com/2011/08/alien-la-resurrection.html
NOTE (INFO WILKIPEDIA). Cet épisode contient également le mystère (ou incohérence ?) de la saga Alien : la provenance de l'œuf au début du film. Un sujet qui passionne les fans. Certains disent que c'est la Reine qui l'a pondu à la fin d' Aliens, le Retour mais comment celle-ci peut-elle pondre sans son abdomen pondeur ? D'autres disent que c'est Bishop qui l'aurait embarqué et caché dans le Sulaco pendant l'absence de Ripley (partie sauver Newt). N'oublions pas que la mission de base de Bishop était de ramener un spécimen, Bishop est un androïde et il est conçu pour ça. Certaines scènes du précédent volet le montrent clairement. De même dans ce 3e épisode où il éconduit du mieux qu'il peut les questions de Ripley en lui faisant croire qu'il a mal (depuis quand un androïde a mal ?). N'oublions surtout pas que l'on entend un œuf s'ouvrir tout à la fin du générique d'Aliens, le Retour... ce qui indiquerait que James Cameron avait laissé un indice pour cette suite.

LA VERSION ALTERNATIVE et ses différences avec le MONTAGE CINEMA.
La version alternative de 2003 disponible sur l'édition spéciale en DVD et BLU-RAY diffère sur de nombreux points par rapport à la version sortie en 1992. Par exemple, dans la version cinéma, le xénomorphe sort d'un chien alors que dans l'édition spéciale, il sort d'un boeuf mort. On voit brièvement le Superfacehugger, une version évoluée de la créature qui pond des œufs dans leur victime (ici un boeuf). On y voit l'apparition complète du background des prisonniers, les fameux chromosomes double Y. On apprend entre autres que la prison est fermée depuis plusieurs années, mais qu'ayant trouvé un équilibre dans le travail minier, ceux-ci ont été autorisés par la « Compagnie » à continuer leurs occupations ici. On en apprend ainsi beaucoup plus sur l'histoire du docteur Clemens. La fin, elle aussi, est différente. Si dans l'édition de 1992, on voit la reine Alien sortir du corps de Ripley quand celle-ci se suicide, il n'en est rien dans l'édition alternative.
A noter, qu'il n'y a pour l'heure aucune version "director's cut". En effet, David Fincher étant brouillé avec les producteurs qui ont remonté son film sans son accord, n'a toujours pas voulu y retoucher...

                                         

vendredi 9 septembre 2011

THE HOLE (After The Hole). Prix "Spécial police" à Cognac 2001.


de Nick Hamm. 2001. Angleterre. 1h42. Avec Thora Birch, Keira Knightley, Desmond Harrington, Laurence Fox, Daniel Brocklebank.

Prix "Spécial police" au festival du film policier à Cognac en 2011

Sortie en salles en France le 20 Juin 2001. Angleterre: 20 Avril 2001.

FILMOGRAPHIE: Nick Hamm est un réalisateur et producteur né en 1957 à Belfast, en Irlande du Nord.1989: The Bottom Line (doc).1990: The Bill (série TV, 2 épisodes). 1991: The harmfulness of Tobacco. Out of the Blue (télé-film). 1992: Soldier Soldier (série TV, 3 épisodes). 1993: Micky Love (télé-film). Briefest Encounter (télé-film). Dancing Queen (télé-film). 1998: Martha, Frank, Daniel et Lawrence. Talk of Angels. 2001: The Hole2004: Godsend, expérience interdite. 2011: Killing Bono


Réalisateur british peu connu en France, hormis son grotesque Godsend sorti en 2004, Nick Hamm avait réalisé 3 ans au préalable un thriller choc sortant des sentiers battus, malgré son affiche branchée. D'après le roman After the Hole de Guy Burt paru en 1993, The Hole constitue un cauchemar opaque et glaçant auquel la dextérité d'un scénario tortueux nous entraîne dans le dédale d'une idylle impitoyable. Deux couples d'amis, étudiants dans une université anglaise, décident de flâner trois jours à l'intérieur d'un bunker désaffecté. Un prétexte pour Liz, éperdument amoureuse de Mickael, de se retrouver en intimité dans ce lieu clos barricadé. En effet, nos quatre étudiants vont se retrouver enfermés durant 18 jours alors que cette dernière, seule survivante d'une hécatombe, va réussir à s'échapper du blockhaus. Une psychologue va tenter de découvrir l'horrible vérité par l'entremise de cette rescapée traumatisée.


Récompensé à Cognac la même année que sa sortie officielle, The Hole mérite amplement cette louange tant il retranscrit avec intelligence et réalisme sordide un suspense finaud beaucoup plus subtil qu'il n'y parait. En prenant comme point de départ une banale réunion festive de quatre lycéens décidés à s'enfermer trois jours durant dans un bunker, l'intrigue épouse le point de vue de l'unique survivante pour ses confidences auprès d'une psychologue. Dès le départ, nous sommes sur le qui-vive, dubitatif, perplexe de la version des faits rapportés par une jeune fille préalablement amoureuse d'un coureur de jupon frigide. Durant la première partie, nous ne savons même pas s'il y aurait un potentiel autre survivant, de manière à mieux semer la confusion et le doute sur le cheminement de l'intrigue. Ce n'est qu'un peu plus tard quand la police dépêchée sur les lieux laisse sous entendre que Liz aurait été l'unique rescapée d'un charnier improbable. Reste donc à savoir de quelle manière sont décédés ces amis, quel en était le mobile et surtout le tueur présumé ! C'est ce que Liz va finalement décider d'avouer à Philippa Horwood en reconstituant de manière chronologique la trajectoire de leurs vicissitudes durant ses 18 jours de cauchemar.


L'atmosphère étouffante émanant de ce lieu clos ténébreux réussit facilement à incommoder le spectateur observant méticuleusement ses protagonistes piégés en interne du bunker. D'autant plus que la construction narrative, davantage pernicieuse et incertaine dans les faits rapportés par Liz, souhaite mieux nous immerger dans un perfide jeu de massacre sur fond d'amour déchu. Ainsi donc, l'efficacité du récit nous piège dans le refuge caverneux d'un huis clos particulièrement glauque et éprouvant si bien qu'au fil des jours escomptés, la destinée chétive de nos protagonistes s'avère de plus en plus abrupt et implacable. La soif, la faim, l'insalubrité, l'hygiène et la fatigue vont petit à petit les étreindre vers une irréversible agonie. La caractérisation de nos personnages, tous remarquables de conviction à travers leur personnalité bien définie, doit beaucoup à la force émotionnelle qui en émane. Chaque profil psychologique de prime abord jovial se retrouve facilement accablé par la dégénérescence physique, la peur de trépasser et le désir désespéré d'escompter désespérément une issue de secours. Cette humanité moribonde et révoltée éprouve et dérange le spectateur alors que le cheminement de l'énigme va peu à peu dévoiler son horrible vérité. A moins que tout ceci n'était que l'immense leurre d'un esprit machiavélique ! Spoiler ! A ce titre, je ne manquerais pas de souligner l'incroyable prestance de Thora Birch (American Beauty), terrifiante de machiavélisme pour les exactions accidentelles décrites, sans oublier la facture sournoise du fameux dénouement. Fin du Spoiler.


Rythmé d'un ombrageux score monocorde, formidablement endossé par des comédiens d'une saillante densité psychologique (en passant, Keira Knightley - Domino, Pirates des Caraîbes - n'a jamais été aussi sexy et effrontée que dans ce rôle d'aguicheuse provocante), The Hole est un thriller d'une remarquable intensité à travers un suspense imbibé de cynisme. L'atmosphère glauque et suffocante qui en découle et l'incroyable cruauté assénée aux victimes nous acheminant vers une cinglante conclusion particulièrement incongrue. 

A (re)découvrir d'urgence !

09.09.11.   2
Bruno Matéï

jeudi 8 septembre 2011

ATTACK THE BLOCK


de Joe Cornish. 2011. Angleterre. 1H28. Avec Nick Frost, Jodie Whittaker, Luke Treadaway, Joey Ansah, John Boyega, Flaminia Cinque, Chris Wilson, Terry Notary, Paige Meade, Adam Leese, Lee Long.
Sortie en salles en France le 20 Juillet 2011

FILMOGRAPHIE: Joseph Murray "Joe" Cornish est un humouriste, présentateur télé et radio, réalisateur, scénariste et acteur anglais, né le 20 Décembre 1968. Il forme avec son ami de longue dâte le duo impayable Adam et Joe.
2011: Attack the Block.


Co-scénariste de la nouvelle réalisation de Spielberg, Les Aventures de Tintin, le secret de la Licorne, le prolifique et touche à tout Joe Cornish entame pour son premier métrage un divertissement survitaminé dans la lignée du club des cinq version banlieusarde. Un alliage détonnant de science-fiction, d'action et d'horreur en compagnie d'une bande de lascards brittish retranchés dans leur immeuble pour se protéger contre une invasion d'aliens belliqueux. Dans une banlieue de Londres, une jeune femme à pied rentre dans son quartier lorsqu'une bande de délinquants juvéniles décident de la racketter. Au même moment, une boule de feu venue du ciel s'écrase sur le toit d'une voiture pour libérer une créature extra-terrestre. La jeune femme apeurée profite de cet évènement soudain pour prendre la fuite. Le leader du groupe s'approche à son tour de la présence hostile enfouie dans le véhicule quand elle décide de l'attaquer. Il réussit à la poignarder mais la chose mortellement blessée se dirige en direction de leur immeuble. La bande décide alors de le prendre en chasse tandis qu'une véritable invasion extra-terrestre est sur le point d'envahir Londres.

Alors que vient de sortir récemment sur les écrans Super 8, l'Angleterre nous refourgue une version indocile et belliqueuse imparti au portrait de délinquants cloîtrés dans leur HLM pour se protéger contre une armée d'aliens enragés. Le prologue inquiétant débute tel un vigilante movie réaliste et surprend par son austérité lors de cette violente altercation nocturne entre un groupe de jeunes rackettant une jeune femme démunie (on imaginerait presque un instant sortir de l'ombre un clone de Charles Bronson venir rendre justice). La gravité de la situation élude le moindre écart humoristique et on se demande même si la victime ne vas pas trépasser quand le leader décide de la menacer avec l'aide d'un poignard. Mais un revirement inopiné va complètement chambouler ce cliché pour fugacement nous entraîner dans une cuisante chasse au monstre. La maîtrise de la réalisation épaulée d'un montage dynamique nous permet de nous immerger dans une course poursuite horrifique aussi déroutante et débridée que vigoureuse et captivante. De prime abord, nous pouvons êtres déconcertés par la caractérisation des adolescents antipathiques suite à l'agression commise contre une innocente quidam. Mais au fur et à mesure du danger davantage délétère de cette menace extra-terrestre, les personnages héroïques et fougueux réussissent finalement à emporter l'adhésion dans leur courage et leur hargne à sauvegarder leur vie et celle de leur victime antérieure. Sachant ainsi que l'héroïne violentée du début du film réside dans le même immeuble que ces assaillants. Ils vont donc s'imputer une cohésion mutuelle sachant que celle-ci est une infirmière novice apte à soigner leurs blessures. Au fur et à mesure du récit rondement mené par des actions virevoltantes et d'une omniprésente bande son Rap, ces jeunes désoeuvrés livrés à leur propre loi vont peu à peu s'humaniser. En particulier le leader surnommé Moïse, davantage reconnaissant de l'aide fraternelle de la jeune femme jusqu'à ce qu'il envisage de lui rendre une bague en argent qu'il eut préalablement dérobé.


Le réalisateur en profite d'ailleurs un court instant en filigrane sociale, entre deux scènes d'action échevelées, le malaise de cette génération rebelle systématiquement appréhendée par les forces de l'ordre pour un motif injustifié. Quand bien même Moise suggère à ses camarades sur un ton ironique tacite qu'après le fléau de la drogue et de la prolifération des armes à feu, les flicards auront décidé d'envoyer des extra-terrestres pour mieux les entretuer et ainsi enrayer plus furtivement les immigrés des bas quartiers londoniens. Même si le scénario ne brille pas pour son originalité et se révèle sans surprise, ce huis-clos est suffisamment habile et calibré pour rendre l'aventure épique et jouissive. D'autant plus que certaines séquences chocs se laissent parfois guider par une violence graphique déployant quelques effusions de gore, tandis que l'apparence opaque des monstres aux poils, contrastant avec le vert fluo de leur mâchoire acérées impriment une physionomie délirante (sortes de Critters en plus agressifs et pernicieux). Autant dire que sous ses apparences de production familiale estampillée Amblin EntertainmentAttack The Block ne cible pas tous les publics, particulièrement  les - de 12 ans !


LA HORDE + LE GANG DES BMX + CRITTERS = ATTACK THE BLOCK !Scandé d'une bande son hip hop tonitruante et nerveusement emballé dans un montage virtuose, Attack the Block est un divertissement aussi inattendu qu'insolent pour son portrait subversif émis à une poignée de lascards au courage inflexible. Même s'il peut dérouter au premier abord, de par le caractère rigide de ses interprètes précités, la succession de péripéties diablement frénétiques, l'efficacité des enjeux encourus sous le moule du survival ludique emportent facilement l'adhésion.

08.09.11
Bruno Dussart

mercredi 7 septembre 2011

MES MEILLEURES AMIES (Bridesmaids)


de Paul Feig. 2011. U.S.A. 2h05. Avec Kristen Wiig, Maya Rudolph, Rose Byrne, Melissa McCarthy, Ellie Kemper, Wendi McLendon-Covey, Chris O'Dowd, Jon Hamm, Michael Hitchcock, Kali Hawk.

Sortie en salles en France le 10 Aout 2011. U.S: 13 Mai 2011

FILMOGRAPHIE: Paul Feig est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain né le 17 Septembre 1962 à Royal Oak, Michigan. 1997: Life Sold Separately. 2001: Les Années campus (série TV). 2003: I am David. 2011: Mes Meilleures amies demoiselles d'honneur. Bridget Jones 3. 


Une célibataire endurcie cumule les rencontres d'un soir en attendant l'éventuel coup de foudre qui pourrait un jour frapper son destin. Alors que sa meilleur amie est sur le point de se marier, Annie est sélectionnée pour être la demoiselle d'honneur. Avec l'aide de ses amies, celles-ci confectionnent les préparatifs d'une soirée idyllique exceptionnelle.

Ne vous fiez pas au titre hexagonal et à l'affiche édulcorée aux teintes rose bonbon, Mes Meilleures Amies est une comédie caustique complètement débridée et franchement décalée. Sous prétexte d'une trame balisée archi rebattue (les préparatifs d'un mariage nanti), ce divertissement politiquement incorrect est un prétexte à étaler à intervalle régulier une succession de situations toutes plus acerbes les unes que les autres. Comme ce remue méninge dans une boutique luxueuse par nos donzelles venues essayer diverses robes de mariée. En effet, après avoir préalablement déjeuné dans un restaurant brésilien, nos charmantes comparses vont être prise de nausée subite pour se diriger incessamment vers les wc alors que l'une d'elle, incapable de se retenir, va devoir déféquer dans l'évier ! Il y a aussi cette scène de panique à bord d'un avion causée par une Annie terrifiée à l'idée de voir l'avion s'écraser. Sa rivale jalousée va donc lui administrer en guise de calmant un cocktail frelaté à base de somnifères et de whisky fugacement ingurgité ! Annie, totalement enivrée et dévergondée va se livrer à un numéro démesuré pour semer une véritable zizanie à l'intérieur de l'avion ! Des séquences délirantes de cet acabit, cette comédie inhabituelle en regorge d'autres tout aussi impromptues et irrésistibles.


Avec le charme gracile et la drôlerie incisive de la pétillante actrice Kristen Wiig (également co-scénariste du film), cette folle équipée de trentenaires féministes pleines d'aisance et d'aplomb nous emportent dans un festival de gags inopinés et subversifs. La verve des dialogues parfois crus (voirs vulgaires diront les âmes prudes) et l'absurdité de leur vicissitude nous déconcertent par leur franchise désinhibée. Comme cette séquence hilarante où Annie exerçant sa profession d'une vendeuse (défaitiste) dans une boutique de diamants va volontairement provoquer une blondinette de 15 ans dans une succession de réparties verbales aussi cinglantes que véhémentes. Ou encore l'accueil improvisé du jeune couple d'asiatiques sur le point de se marier, venu chercher une bague de fiançailles mais littéralement démoralisé par les conseils pessimistes d'Annie philosophant sur la confiance et la fidélité du couple.
Il est par contre dommageable que le final s'égare dans les ficelles mielleuses du genre pour malencontreusement aseptiser son esprit désinvolte, (Annie trouvera finalement l'homme de sa vie et sa meilleure amie aura le plus beau des mariages) avant qu'une dernière note hilarante ne vienne nous réconcilier avec le ton effronté de l'aventure échevelée.


Souvent drôle, trash, décomplexé, voir parfois hilarant, Mes Meilleures Amies est une excellente comédie sortant des sentiers battus. Dominé par la fraîcheur et la spontanéité d'un duo d'actrices déchaînées, cette farce débridée trouve son originalité dans l'audace insolente des gags incongrus (où  parfois la grossièreté n'épargne pas la scatologie). Paul Feig illustre également avec réalisme aigri un portrait incisif sur l'émancipation de la femme évoluant dans une société en perte de repère. Le profil établi envers la caractérisation irrésistible de son héroïne démontre également à quel point la solitude inflexible du célibat et la quête identitaire peut profondément éprouver l'être esseulé. Alors que l'amitié solidaire reste l'une des valeurs essentielles quand l'amour conjugal reste encore une denrée rare. Hormis un final paradoxalement orthodoxe et conformiste dans sa romance édulcorée, Mes Meilleures Amies détonne et surprend par sa vigueur sarcastique.
Ames prudes, s'abstenir !

A Jill Clayburgh, décédée en Novembre 2010.



07.09.11
Bruno Matéï


mardi 6 septembre 2011

La Corde Raide / Tightrope


de Richard Tuggle. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Clint Eastwood, Geneviève Bujold, Dan Hedaya, Alison Eastwood, Jennifer Beck, Marco St. John, Rebecca Perle, Regina Richardson, Wes Block.

Sortie en salles en France le 16 Janvier 1985. U.S: 17 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Richard Tuggle est un réalisateur et scénariste américain.
1984: La Corde Raide. 1986: Out of Bounds

 
"Un flic, ses démons, et la morsure de la nuit".
Première réalisation de Richard Tuggle, scénariste de L’Évadé d’Alcatraz (1979), La Corde Raide ose plonger dans la fange des peep-shows et boîtes échangistes de la Nouvelle-Orléans, dans une description glauque et sordide. À sa sortie, une rumeur tenace affirmait que Clint Eastwood en avait supervisé la mise en scène. Pour accentuer la relation paternelle entre Amanda et son père (l’inspecteur Block, incarné par Eastwood), le réalisateur fit appel à la propre fille de l’acteur, Alison Eastwood, renforçant ainsi l’authenticité de ce lien affectif marqué par un divorce. 

Synopsis: Tandis qu’un maniaque sexuel étrangle ses victimes dans les bas-fonds, l’inspecteur Block, encore meurtri par sa séparation, enquête dans le milieu de la prostitution. Mais le tueur, pervers et méthodique, semble vouloir l’incriminer en disséminant les traces de ses ébats avec certaines de ses amantes occasionnelles.


En 1984, le néophyte Tuggle compose un thriller trouble, austère, vénéneux, qui s’aventure dans les dérives SM sans jamais céder à la complaisance putassière. L’ambiance crépusculaire entraîne le spectateur dans une descente aux enfers aussi fascinante que malsaine. Le portrait de Block transgresse les conventions du flic conventionnel : il éprouve ce besoin équivoque de coucher avec ses partenaires d’interrogatoire, prostituées tributaires de leur propre déviance, tandis qu’un ancien policier devenu maniaque sexuel sévit pour assouvir ses pulsions et salir la réputation de l’inspecteur. Éprouvé par son divorce, Block vit seul avec ses deux filles et ses animaux. Sa tendresse envers son aînée donne lieu à des scènes d’une justesse rare, empreintes d’une émouvante sincérité. Mais hanté par son échec sentimental, il redoute de s’abandonner à une nouvelle relation avec une militante féministe. 


Ce scénario, aussi pervers que courageux pour une production hollywoodienne, bouscule en misant sur la suggestion plus que sur l’exhibition. Par instants, on songe à Cruising de Friedkin, voire à Basic Instinct, tant le portrait immoral d’un héros attiré par le Mal s’affirme dans un climat de thriller noir flirtant avec l’horreur crapuleuse (la domestique retrouvée dans la machine à laver, la vulnérabilité de la fille aînée de Block). Le récit culmine dans un final haletant, violent, où l’angoisse quant au sort de la compagne de Block atteint son paroxysme. Eastwood incarne avec une ambiguïté troublante ce flic interlope, miné par ses démons intérieurs et la persuasion vénéneuse d’un tueur résolu à le corrompre. Alison Eastwood, avec naturel, campe une adolescente autonome qui protège sa petite sœur tout en s’accrochant à la tendresse fragile d’un père souvent absent.


Baignant dans une superbe photographie sublimant les nuits moites de la Nouvelle-Orléans, et d’une mise en scène sobre, refusant l’action gratuite, La Corde Raide demeure un voyage urbain au cœur des ténèbres. Un film noir d’une intensité rare, porté par un suspense tranchant et une étude de caractères magistrale, opposant un maniaque implacable à un flic faillible, en guerre avec lui-même. Un des thrillers les plus pervers et audacieux des années 80.

— le cinéphile du cœur noir

06.09.11.    3

lundi 5 septembre 2011

Vampire, Vous avez dits Vampire ? / Fright Night. Prix Dario Argento à Avoriaz 1986.


de Tom Holland. 1985. U.S.A. 1h46. Avec Chris Sarandon, William Ragsdale, Amanda Bearse, Roddy Mc Dowall, Stephen Geoffreys, Jonathan Stark, Dorothy Fielding, Art Evans, Stewart Stern, Irina Irvine.

Sortie en salles en France le 29 Janvier 1986. U.S: 2 Aout 1985

FILMOGRAPHIE: Tom Holland est un réalisateur et scénariste américain né le 11 Juillet 1943.
1985: Vampire, vous avez dit vampire. 1987: Beauté Fatale. 1988: Jeu d'Enfant. 1989: l'Enfant génial (The Wizard). 1993: Meurtre par intérim. 1996: La Peau sur les Os.

Première réalisation de Tom Holland, Vampire, vous avez dit Vampire ? s’est taillé un joli succès critique et public lors de sa sortie en 1985. Avec un budget de 9,5 millions de dollars et l’innovation de ses effets spéciaux orchestrés par la Boss Film Corporation de Richard Edlund, le film en récolta 25, devenant rapidement un classique de la comédie fantastique — oh combien mérité.

Le pitch : Charley Brewster, adolescent rêveur, découvre un soir que ses nouveaux voisins sont… des vampires ! Après avoir tenté, en vain, d’alerter les autorités, il s’allie avec deux amis et part solliciter l’aide d’un présentateur TV has-been, jadis spécialiste des créatures de la nuit. Ensemble, ils vont tenter de déjouer les imposteurs.

Dans les années 80, une vague nouvelle s’abat sur le cinéma de genre pour réanimer le corps flétri de l’horreur : mélanger l’effroi et l’humour sans verser dans la parodie crasse. Vampire, vous avez dit Vampire ? s’inscrit ainsi dans la lignée glorieuse de Re-Animator, From Beyond, Evil Dead 2, Bad Taste… en jouant une partition hybride, tendre et déjantée, nourrie par une complicité touchante entre des personnages solidaires et malmenés. L’idée de départ — un ado convaincu que son voisin est un suceur de sang — reste savoureuse dans sa montée en tension, avec cette banlieue paisible comme théâtre d’un cauchemar insoupçonné. De nuit, le vampire Jerry Dandridge provoque Charley, attise sa curiosité, le menace, l’envoûte…

L’alchimie entre les jeunes comédiens, pleins de fougue et d’aplomb, participe au charme incandescent de cette série B iconique, sublimée par l’arrivée d’un invité d’exception : Peter Vincent. Sexagénaire sur le déclin, animateur d’un show poussiéreux dédié aux classiques du cinéma d’horreur, il incarne une figure grotesque et touchante, brisée par l’oubli. D’abord sceptique, il finit — à ses dépens — par découvrir que la fiction a mordu la réalité.

Truffée de rebondissements et de trouvailles visuelles, la seconde partie déploie une série d’affrontements homériques. Les stratégies de Charley et Peter pour vaincre les goules se révèlent aussi hasardeuses que palpitantes. Les effets spéciaux, d’une créativité jubilatoire, confèrent au film un attrait mythologique : la transformation d’Ed, de loup féroce en adolescent mourant, bouleverse autant qu’elle sidère — surtout face au regard incrédule de Peter.

Côté casting, Chris Sarandon incarne un Jerry Dandridge à la prestance sensuelle, dandy ténébreux aussi charmeur que terrifiant. Rody McDowall partage l’affiche dans le rôle d’un chasseur de vampires pathétique et menteur, qui se réinvente en héros avec une ferveur maladroite mais bouleversante. Amanda Bearse, quant à elle, irradie de sensualité lorsqu’elle tombe sous l’emprise du prince des ténèbres, jusqu’à cette danse torride en boîte, gorgée de tension érotique. William Ragsdale campe un ado pugnace et amoureux, mû par une énergie désespérée. À ses côtés, Stephen Geoffreys compose un acolyte aussi irritant qu’irrésistible, petite frappe gouailleuse dont la dérive tragique ne laisse pas indemne.

Soutenu par la bande-son hypnotique de Brad Fiedel, parfaitement synchronisée aux visions surnaturelles, Vampire, vous avez dit Vampire ? équilibre à la perfection l’absurde d’une situation grotesque ("mon voisin est un vampire !") et la violence réelle d’affrontements nocturnes saisissants. En confrontant le mythe du vampire gothique à un contexte contemporain — où l’icône désuète de Peter Vincent côtoie une jeunesse débordante —, Tom Holland offre un divertissement vivace, drôle et respectueux du genre. FX artisanaux splendides, pitch malin, rythme effréné, et surtout, un casting fusionnel : tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce film un joyau éternel des eighties.

Du pur bonheur sur pellicule.

RécompensePrix Dario Argento au festival du film fantastique d'Avoriaz, 1986.

*Bruno
05.07.24. VF. 
10/07/20
05.09.11.


                                         


samedi 3 septembre 2011

HYPNOSE (Stir of Echoes). Grand Prix au Festival de Gérardmer en 2000.

                         
de David Koepp. 1999. U.S.A. 1h40. Avec Kevin Bacon, Kathryn Erbe, Ileana Douglas, Liza Weil, Kevin Dunn, Conor O'Farrell, Jennifer Morrison, Zachary Davod Cope, Lusia Strus.

GRAND PRIX AU FESTIVAL DU FILM FANTASTIQUE DE GERARDMER EN 2000

Sortie en salles en France le 3 Mai 2000. U.S: 10 Septembre 1999.

FILMOGRAPHIE: David Koepp est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 9 Juin 1963 Pewaukee (Wisconsin, Etats-Unis). 1994: Suspicious (court-métrage). 1996: Réactions en Chaine. 1999: Hypnose. 2003: Suspense (télé-film). 2004: Fenêtre Secrète. 2008: Ghost Town. 2012: Premium Rush.

                                       

Sorti à la même période que le 6è Sens, ghost story à l'ancienne sublimée par M. Night Shyamalan, Hypnose fut malencontreusement occulté à tort, faute de son sujet similaire (un enfant communiquant avec les morts épaulé d'un adulte rationnel tentant de découvrir une vérité éclipsée) et du prodigieux succès planétaire porté sur les épaules du novice Haley Joel Osment mais aussi de Bruce Willis. Inspiré d'une nouvelle du célèbre écrivain Richard Matheson, il est temps de reconsidérer l'oeuvre digne de David Koepp, couronnée à juste titre du Grand Prix du Festival de Gérardmer en 2000. 

Le pitch: Tom Witzky mène une existence paisible à Chicago en compagnie de sa femme et son enfant. Au cours d'une soirée festive, il essaie sans conviction à tenter une séance d'hypnose improvisée par une amie railleuse. Or, depuis cette expérience, il est sujet à d'intenses visions hallucinatoires particulièrement imbitables et dérangeantes. Peu à peu, Tom va découvrir la vérité sur une affaire de disparition d'adolescente par l'entremise de ses visions fantomatiques. 

Outre la solidité de son intrigue à suspense impeccablement soutenu, nous sommes frappés par la maîtrise de la mise en scène amorçant son canevas horrifique de par une séance d'hypnose hermétique à marquer d'une pierre blanche. Car une épreuve psychologique sensorielle portée par le témoin incrédule, Tom Witzky subissant un florilège d'images insolites consciencieusement structurées à travers une mise en forme baroque, trouble, inquiétante car expérimentale.

                                             

Cette séquence percutante et concise frappe par son aura insolite, son intensité rigoureusement palpable si bien qu'elle rend l'expérience d'autant plus persuasive qu'elle est remarquablement exacerbée de l'interprétation habitée de Kevin Bacon. Un rôle taillé sur mesure car endossant avec une vigueur morale parano un père de famille sans histoires, équilibré et amoureux de sa dulcinée mais bientôt intrigué par le comportement de son bambin communiquant discrètement avec un personnage invisible et surtout par son expérience d'hypnose altérant sa propre réalité avec l'intrusion cinglante d'images d'avertissement. Le travail fourni sur la bande-son occupe également une place considérable afin de provoquer un sentiment d'anxiété chez le spectateur intrigué, mais c'est surtout le suspense remarquablement ciselé autour d'une histoire d'enlèvement d'adolescente qui rend l'intrigue perpétuellement passionnante. La subtilité suggestive allouée au scénario charpenté permet au spectateur de s'impliquer de manière attentive au sein de cette ghost story offusquant une famille au bord de la déliquescence. L'étude psychologique des personnages en prise avec leur conflit conjugal crédibilise naturellement leur rapport orageux auprès de situations jamais bêtifiantes ou conventionnelles. Une relation aussi communément compassionnelle même si la lente progression dans le folie du père de famille rendu inflexible, voir carrément intransigeant, ne fera qu'amplifier se sentiment de marasme familial incontrôlé.

                                            

Quand à sa conclusion à tiroirs (hélas prévisible, réel défaut du film car beaucoup trop éculé quant aux coupables identifiés déjà éventés plus tôt), Hypnose se permet après son point d'orgue frénétique un ultime rebondissement fructueux (car on ne s'y attend pas) ainsi qu'une dernière note émouvante auprès de sa poésie cathartique, suivie l'instant d'après d'un inquiétant moment ombrageux octroyé à l'enfant installé à l'arrière d'un véhicule mené par ses parents en route vers une contrée indéterminée. Un garçonnet victimisé par l'emprise des morts et donc irrité par l'écho machinal de murmures spirituels invoqués de façon insolente. Outre l'interprétation solide de Kevin Bacon, parfait de sobriété à travers son personnage assidu de paternel obsédé à l'idée de découvrir l'ultime vérité, on est aussi fasciné par la trogne inquiétante de l'innocence du bambin qu'incarne David Cope, surprenant de naturel diaphane de par ses expressions raisonnées pour un si jeune âge. Quand bien même les charmantes Kathryn Erbe et Ileana Douglas composent avec aplomb des femmes affirmées, délibérées, d'une force tranquille et rassurante.

                                     

Superbement conté, interprété sans fioriture et méthodiquement construit autour d'un implacable suspense, Hypnose se décline en film fantastique humble pour y honorer la maturité du spectateur en dépit de son final assez décevant. L'intelligence de sa réalisation menée avec dextérité car réfutant l'artillerie d'effets grand-guignolesques nous proposant à contrario des séquences tantôt angoissantes (les séances d'hypnose, les flashs carmins imposés par le psyché troublé de Tom, la baby-sitter déconcertée de la conversation entendue à travers le moniteur de surveillance par l'enfant à Samantha) ou terrifiantes (dont je ne dévoilerai aucun indice). Des séquences adroites  mises en exergue sur la véracité d'un quotidien fustigé. On pense d'ailleurs parfois au magnifique l'Enfant du Diable auquel il renvoie d'étranges similitudes de par sa narration appuyée sur l'empathie d'une disparition candide et d'un homme aussi avide de cette abominable découverte. Un clin d'oeil implicite est également attribué au fabuleux Dead Zone de David Cronenberg sans toutefois tenter de le plagier vulgairement. Hormis un épilogue prévisible donc (tant dommageable car on frôlait le classique du genre !) mais haletant et fertile en péripéties perfides, Hypnose demeure toutefois l'un des métrages les plus marquants des années 90 auprès du thème de la hantise impartie à l'inconsolable perte de l'être cher.

18.08.24. 4èx. Vostfr.
03.09.11.
Bruno Matéï          

                                         

jeudi 1 septembre 2011

Destination Finale 5 / Final Destination 5

                                                    

de Steven Quale. 2011. U.S.A. 1h26. Avec P.J Byrne, Nicholas d'Agosto, Tony Todd, Jacqueline MacInnes Wood, Emma Bell, David Koechner, Courtney B. Vance, Ellen Wroe, Miles Fisher, Tanya Hubbard.

Sortie en salles en France le 31 Aout 2011. U.S: 26 Aout 2011.

FILMOGRAPHIE: Steven Quale est réalisateur américain de cinéma. Il a travaillé en tant que deuxième réalisateur sur d'énormes productions comme Titanic et Avatar, pour les effets visuels sur ce dernier. 2000: Darkness (court). 2002: Superfire, l'enfer des Flammes (télé-film). 2006: Alien of the Deep (doc). 2011: Destination Finale 5

                                     

Cinquième volet d'une franchise lucrative, Destination Finale 5 ne déroge pas à la règle de la redite, offrant au spectateur ce qu’il est venu chercher : un divertissement de samedi soir tout à fait efficace, où la grande faucheuse déploie, une fois encore, tout son potentiel pour reprendre ce qu’on lui a volé - la vie de huit jeunes survivants.

Le pitch : à bord d’un car, Sam et ses collègues se dirigent vers une session de formation. Mais au moment de traverser un pont en chantier, une terrible prémonition s’impose à lui : l’effondrement imminent du viaduc, l’hécatombe à venir. Réveillé de ce cauchemar à la chair vive, Sam implore les siens de fuir. Huit d’entre eux échappent au désastre, déjouant in extremis les plans de la mort... mais pour combien de temps ? L’horreur revient, vengeresse, implacable. 
 
                                    

On ne change pas une recette qui fait mouche. Le film ouvre sa danse macabre avec un accident d’anthologie sur un pont suspendu au-dessus du néant. Corps éjectés, membres broyés, chairs transpercées, projectiles d’acier jaillissant comme autant de messagers funestes : une séquence d’ouverture aussi furieuse que virtuose, où la violence devient chorégraphie, éclaboussée d’hémoglobine. Le reste suit le même canevas, dans la droite lignée d’un Vendredi 13 ou, plus récemment, d’un Saw. À la différence près que le tueur masqué ici s'efface devant l’abstraction absolue : la Mort, invisible et joueuse. Et toutes les dix ou quinze minutes, une offrande : un trépas grotesque, inventif, impitoyable, parfois hilarant dans sa cruauté.

                                     

On peut lui reconnaître cette efficacité : privilégier les scènes chocs au détriment de la psychologie, certes, mais avec un sens de la mise en scène et un humour noir assez jouissif. La gymnaste pulvérisée en plein salto, la bimbo azurée victime d’un laser chirurgical, ou encore le crash aérien final font partie de ces instants suspendus où l’horreur se mue en spectacle fascinant. Quant à ces survivants à l’éthique chancelante, prêts à tuer pour vivre, ils confèrent au récit une amoralité délicieusement perverse.

Cerise sur le cercueil : un épilogue brillant, clin d'œil temporel malicieux qui vient boucler la boucle avec un sadisme presque élégant, nous ramenant à l’origine du mal, là où tout a commencé.

                                      

Plus inventif, plus fun et plus tendu que les troisièmes et quatrièmes chapitres, même si l'interprétation terne, parfois même agaçante, laisse à désirer, Destination Finale 5 rejoue son massacre rituel avec une vigueur retrouvée. Un jeu sardonique sous stéroïdes qui, sans renouveler le genre, honore sa promesse de plaisir innocent. En attendant l’inévitable sixième volet… beaucoup mieux construit, endossé, investi, vif et intrépide.

le cinéphile du cœur noir

01.09.11
02.08.25 Vost 

mercredi 31 août 2011

Les Yeux de la Terreur / Night School / Terror Eyes. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1981.


de Ken Hughes. 1981. U.S.A. 1h28. Avec Leonard Mann, Rachel Ward, Drew Snyder, Joseph R. Sicari, Ncholas Cairis, Karen MacDonald.

Sortie en France le 13 Mai 1981. U.S: 24 Avril 1981

FILMOGRAPHIE: Ken Hughes ou Kenneth Hughes est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier né le 19 janvier 1922 à Liverpool, Royaume-Uni, décédé le 28 Avril 2991 à Los Angeles de la Maladie d'Alzheimer. 1955: Piège pour une canaille. Portrait d'une aventurière. Les Trafiquants de la nuit. 1964: l'Ange pervers. 1967: Casino Royale. Arrivederci Baby. 1969: Chitty, chitty, bang, bang. 1970: Cromwell. 1975: Aftie Darling. 1978: Sextette. 1981: Les Yeux de la Terreur

 
                               Les Yeux de la Terreur — Rituel sanglant d’un cinéma oublié

Pour son dernier film, le réalisateur de Casino Royale tire sa révérence en 1981 avec un psycho-killer vaguement inspiré de La Lame Infernale, classique du Giallo préfigurant l’accoutrement ténébreux du tueur à moto. Les Yeux de la Terreur révèle au passage, pour la toute première fois, la plantureuse Rachel Ward — future icône de la série Les Oiseaux se cachent pour mourir.

Auréolé d’une belle réputation à l’ère VHS, précédé d’une critique estimable (Prix Spécial du Jury à Avoriaz), ce thriller habilement mené semble aujourd’hui déprécié sur certains sites. Las de ces jugements tranchés, j’ai voulu lui rendre hommage. Car à mes yeux — subjectifs, oui, mais pleinement assumés — Les Yeux de la Terreur demeure l’un des psycho-killers les plus attractifs des années 80.

Le pitch : à Boston, un tueur mystérieux, casqué comme un motard de l’enfer, muni d’un sabre, décapite ses victimes selon un ancien rituel. Judd Austin, détective renommé, épaulé par son adjoint, mène l’enquête. Un anthropologue volage devient rapidement le principal suspect.

Les nostalgiques de l’époque n’ont pas oublié le prologue tranchant, incisif comme une lame d’argent : une institutrice et une écolière patientent sur un tourniquet, à la sortie de l’école. L’enfant rejoint sa mère, le dernier employé quitte les lieux. Seule, l’enseignante aperçoit alors un motard s’approcher. Lentement. Subrepticement. L’homme enclenche le manège. La plateforme tourne, de plus en plus vite. La victime ne peut s’échapper. Puis, soudain, la lame s’abat. La décapitation est foudroyante. Chirurgicale. Terrifiante.


Des séquences de cette trempe, Les Yeux de la Terreur en regorge — violentes, sèches, mais sans jamais verser dans le gore outrancier. Ken Hughes en maîtrise les excès, préférant la tension au carnage. Les apparitions spectrales du tueur, drapé de noir, s’accompagnent de stridences sonores oppressantes, exacerbant l’ampleur de ses méfaits.

Le scénario, certes linéaire, n’éblouit ni par sa richesse ni par la surprise de sa résolution (le choix se limite à un anthropologue adultère ou à sa maîtresse possessive). Mais le cinéaste parvient malgré tout à instaurer une vraie efficacité narrative, notamment via les motivations insolites du tueur.

Le meurtrier s’inspire en effet d’un ancien rituel asiatique : les chasseurs de têtes décapitaient leurs ennemis pour s’approprier leur force vitale, avant de purifier leur âme en immergeant la tête tranchée dans l’eau. Ce cérémonial barbare, Hughes l’enrobe parfois d’un humour noir grinçant : une tête dévale lentement au fond d’un aquarium, sous le regard horrifié d’une vieille dame ; ailleurs, deux maçons dégustent une soupe de ragoût dans un snack, jusqu’à ce que l’un d’eux découvre une mèche de cheveux dans son assiette.

L’épilogue, lui, ose une dernière salve d’ironie noire avec le potentiel retour du tueur revenu d’outre-tombe. Clin d’œil final, délirant, presque jubilatoire.

Le fruit noir de la décapitation.
Scandé par la musique lancinante de Brad Fiedel, oscillant entre pulsations sourdes et éclats frénétiques, Les Yeux de la Terreur tisse un suspense haletant et des estocades horrifiques autour des thèmes du rituel, du désir possessif et de l’émancipation féminine. S’il s’avère si attachant, si efficacement rythmé dans son époque, c’est aussi grâce à la bonhomie désabusée de son duo de flics badins, et à la tension vénéneuse des amants en étreinte — Rachel Ward, dans une posture charnelle, y grave une scène de douche restée anthologique. Et quitte à me répéter : les membres du jury d’Avoriaz ne s’y étaient pas trompés, l’ovation fut méritée.


*Bruno

31.08.11. 6èx

mardi 30 août 2011

Flavia la Défroquée /Flavia, la monaca musulmana


de Gianfranco Mingozzi. 1974. Italie. 1h40. Avec Florinda Bolkan, Maria Casares, Claudio Cassinelli, Anthony Higgins, Jill Pratt.

FILMOGRAPHIE: Gianfranco Mingozzi est un réalisateur et scénariste italien né le 5 avril 1932 à Molinella, province de Bologne en Emilie-Romagne, mort le 7 Octobre 2009 à Rome.
1959: Festa a Pamplona. 1961: Les Femmes accusent. 1967: Trio. 1974: Flavia la défroquée. 1975: Morire a Roma. 1977: Les 3 Derniers jours. 1983: l'Ecran magique. 1987: Les Exploits d'un jeune Don Juan. 1988: La Femme de mes Amours. Ma mère... mon amour. 2000: Le Café des Palmes

                                       

Réalisateur peu connu en France, Gianfranco Mingozzi réalise en 1974 un pamphlet féministe contre le machisme, le rigorisme et le patriarcat exerçant leur dictature durant l'époque moyenâgeuse d'un couvent intégriste.

Le Pitch: En l'an 1400, dans le sud de l'Italie, une jeune femme, Flavia Gaetani se voit contraint de vivre dans un couvent sous l'autorité de son père, témoin d'avoir observé sa fille émue de la mort d'un guerrier sarrasin. L'ambiance dans le monastère devient davantage indécente et frénétique auprès de la folie déraisonnée de jeunes nonnes refoulées. Dès lors, Flavia en quête d'autonomie décide de s'évader en compagnie d'un juif pratiquant dans une contrée plus paisible. 

                                        

Difficile de décrire ce réquisitoire contre le totalitarisme d'une société à la fois machiste et rigoriste dans ce nunsploitation auteurisant tant il dégage un sentiment persistant de mal être et de fascination d'une expérience vécue comme si nous avions parcouru un bon dans le temps révolu. Autant dire que la manière dont Gianfranco Mingozzi s'y entend pour nous immerger dans une lointaine époque vétuste et rétrograde se révèle aussi rebutante que captivante. Celui-ci réussissant parfaitement à reconstituer une époque moyenâgeuse réactionnaire où notre héroïne réduit à l'état d'esclave, va peu à peu prendre conscience de son existence intolérable et surtout de son emprise sectaire avec une religion extrémiste incapable d'y différencier les valeurs du Bien et du Mal. Ainsi, cette oeuvre austère se vit tel un parcours obsédant d'une femme en éveil à sa sensualité sexuelle et à sa condition de domestique, en proie à sa psyché lourdement éprouvée de par l'agissement de ses comparses délurées et de nonnes hystériques sous emprise de folie extériorisée. A travers un florilège de séquences débridés et hallucinatoires, alternant l'horreur des tortures infligées, l'épanouissement délurée de nonnes endiablées et la prise de conscience humaniste d'une femme jamais dupe, Flavia la Défroquée nous entraîne dans un maelström d'images provocantes et dérangeantes. Une ambiance lourde de névrose dévergondée, décuplée par une mise en image cinglante proche des débordements déraisonnés des Diables de Ken Russel, tourné 3 années au préalable ou encore des visions ésotériques, surréalistes d'Alejandro Jodorowski

                                          

Auprès de son physique ombrageux d'un regard noir renfrogné, Florinda Bolkan (le Venin de la peur, la Longue Nuit de l'Exorcisme) s'avère accomplie dans la peau d'une nonne juvénile réfutant toute forme de domination de la part des mâles incapables d'éprouver la compassion pour la femme assouvie à un objet sexuel quand elle n'est pas une esclave inculquée dans la piété. De par la faveur des insurgés musulmans, sa destinée anarchique semble vouée à une quête de rébellion à grande échelle, telle une Jeanne d'Arc vêtue d'un uniforme belliqueux afin de faire payer à ces tortionnaires un châtiment vindicatif. 

Soutenue d'une douce partition dérivative et baignant dans une superbe photo sepia, Flavia la Défroquée est un nunsploitation à prendre en considération historique sur la vérité des faits exposés. Une forme de documentaire provocateur, difficile d'accès pour certains spectateurs exigeants, mais tout à fait convaincant dans sa démarche d'y dénoncer avec force et fracas une religion obscurantiste, tributaire de sa société despotiste contraire à l'égalité des sexes. Une oeuvre subversive difficilement oubliable de par son ambiance démoralisante, ses scènes chocs malsaines (la castration du cheval, la femme nue enfouie dans la carcasse d'un veau suspendu, les quelques sévices corporels inquisiteurs) et son portrait attentionné pour une femme en pleine crise identitaire. A ne pas mettre entre toutes les mains. 
  
31.08.11
Bruno