mardi 8 novembre 2011

Portier de Nuit / Il portiere di notte

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Liliana Cavani. 1974. Italie/France. 1h58. Avec Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy, Gabriele Ferzetti, Giuseppe Addobbati, Isa Miranda, Nino Bignamini, Marino Masé, Amedeo Amodio, Piero Vida.

Sortie en salles en France le 3 Avril 1974 (Int - 18 ans). U.S: 1 Octobre 1974

FILMOGRAPHIE: Liliana Cavani est une réalisatrice italienne, née le 12 Janvier 1933 à Carpi (Emilie-Romagne). 1966: Francesco d'Assisi. 1968: Galileo. 1969: Les Cannibales. 1972: l'Ospite. 1974: Milarepa. Portier de Nuit. 1977: Au-dela du bien et du mal. 1981: La Peau. 1982: Derrière la porte. 1985: Berlin Affair. 1989: Francesco. 1992: La Traviata. 1993: Sans pouvoir le dire. 2002: Ripley s'amuse. 2005: De Gasperi, l'uomo della speranza. 2008: Einstein (téléfilm).


Un chef-d'oeuvre maudit profondément scabreux dont les images incongrues, difficilement acceptables, laissent d'inévitables traces de par la force de la mise en scène, son fascinant climat mélancolique et du jeu transi des acteurs damnés.

Oeuvre polémique à sa sortie, rarement diffusée en salles ou à la T.V, classé X aux Etats-Unis, Portier de Nuit est une oeuvre sulfureuse et dérangeante sur l'amour interdit d'amants compromis. Si bien qu'un parfum de scandale s'esquisse autour de la relation sadomaso d'un ancien tortionnaire nazi et de sa maîtresse déportée juive toujours aussi fascinée par leurs plaisirs éhontés. A moins que celle-ci ne soit finalement victime du syndrome de Stockholm (voire même manipulatrice ?) au sein d'un huis-clos intimiste en déliquescence physique et morale. 

Le pitchA Vienne, en 1957, Max travaille comme portier de nuit dans un grand hôtel. Un jour, il reconnait son ancienne maîtresse aujourd'hui mariée à un chef d'orchestre d'opéra. Leur relation amoureuse était préalablement établie sous le régime nazi au moment où Lucia fut envoyée dans un camp de concentration. Aujourd'hui, ils décident de renouer leur lien passionnel mais des officiers nazis, anciens compatriotes de Max, manifestent leur inquiétude face à ce témoin capital potentiellement capable de les dénoncer pour leurs antécédentes exactions. 

Considéré comme le chef-d'oeuvre baroque de sa carrière plutôt politique, la réalisatrice Liliana Cavani  dépeint avec verdeur et réalisme clinique le portrait d'un couple en réconciliation après avoir entretenu une relation passionnelle durant le règne despotiste du 3è Reich. Alors qu'il fut officier nazi chargé d'envoyer à la mort des milliers de juifs parqués dans les camps de concentration, Max tomba subitement amoureux d'une jeune déportée juive du nom de Lucia. D'abord réticente et pétrifiée pour l'objet de soumission qu'elle représente, la jeune fille se laisse peu à peu entraîner dans une relation masochiste alors que le génocide de son peuple est en pleine expansion. Quelques années plus tard, ils se retrouvent par hasard d'une représentation théâtrale dans laquelle le mari de Lucia est chef d'orchestre renommé.


De prime abord fuyante et angoissée de retrouver son précédant amant tortionnaire, la jeune femme se laisse attendrir par ses pulsions sexuelles refoulées, faute d'une romance fusionnelle indocile afin de renouer avec leur relation torturée d'humiliations, de châtiments et d'amour extraverti. Ainsi donc, dans une photographie blafarde illustrant avec froideur un climat austère renforçant son caractère trouble, dérangé, assez antipathique, Liliana cavani nous entraîne dans une impossible histoire d'amour auquel deux amants torturés de culpabilité souhaitent malgré tout vivre jusqu'au bout leur désir sulfureux d'un rapport autodestructeur. Ainsi, en confrontant cette audacieuse romance galvaudée du spectre tyrannique du nazisme, la réalisatrice établie un parallèle malsain pour notre sentiment interne face à la fascination / répulsion du Mal. Comme si Lucia, martyrisée d'un gouvernement dictatorial souhaitait amorcer cette relation putanesque à travers une sexualité sadique oscillant jouissance et douleur afin de fuir, omettre inconsciemment l'agonie de milliers de juifs sacrifiés dans des conditions infâmes. Dans le rôles des amants maudits, Dirk Bogarde impressionne fortement auprès d'une force d'expression bicéphale puisque contenue ou autrement furibonde à travers sa prestance déloyale d'ancien tortionnaire SS épris d'amour fou pour une jeune juive fascinée par ses rapports de soumission. Pour la présence meurtrie et ambiguë de Lucia, Charlotte Rampling hypnotise l'écran face à son regard félin particulièrement velouté, son attachement irrésistible auprès des actes abusifs de Max, formant ainsi à eux deux les amants maudits d'une idylle incongrue. 


Déshonneur du désordre amoureux.
Superbement mis en scène sans esbroufe car renforcé d'une sobriété autonome de la part de sa réalisatrice particulièrement affirmée, Portier de Nuit demeure un fascinant poème noir sur le destin de ces amants fous déterminés à fuir leur sinistre existence à travers les liens de l'épanouissement amoureux. Transcendé du jeu réaliste des comédiens se livrant corps et âme face à une caméra introspective, ce drame d'amour nécrosé dégage un parfum de souffre aussi malsain qu'étrangement beau (si je peux me permettre d'une certaine manière). Tout du moins d'une beauté mélancolique. Ainsi, il en résulte une oeuvre austère à la fois étouffante, fragile, hallucinée, abstraite, renfrognée, malaisante sous l'impulsion d'acteurs transis d'émoi. Même si évidemment leurs personnages plus vrais que nature à l'écran ne cessent de nous évoquer la perplexité, l'interrogation, la commotion, voire la timide empathie à travers leur culpabilité (impardonnable ?) d'une emprise délétère anti-manichéenne. Un film malade en somme (difficile à digérer donc) qui reste (inévitablement) entaillé en notre mémoire, ad vitam aeternam. 
Pour Public Averti.

*Bruno
08.11.11
15.09.22
25.10.24. Vostfr

lundi 7 novembre 2011

L'Enfer des Zombies / Zombie 2 / Zombie Flesh Eaters

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com


de Lucio Fulci. 1979. Italie. 1h31. Avec Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Auretta Gay, Stefania d'Amario, Olga Karlatos.

Sortie salles France: 13 Février 1980. Italie: 25 Août 1979. U.S: 18 Juillet 1980

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.

Un an après le succès planétaire de Zombie de Romero, Lucio Fulci est chargé de concurrencer les Américains en livrant sa propre vision du mythe, teintée d’exotisme. Le producteur Fabrizio De Angelis le contacte sur les recommandations d’Enzo G. Castellari, d’abord pressenti pour exploiter ce filon lucratif. D’après un scénario de Dardano Sacchetti, l’intrigue est légèrement remaniée pour suggérer une filiation avec le chef-d’œuvre de Romero. Malgré une sortie expurgée de ses effets les plus sanglants, le film rencontre un immense succès mondial, et la notoriété de Fulci s'impose durablement dans l’Hexagone. En Italie, L’Enfer des Zombies sort sous le titre fallacieux de Zombi 2, faisant croire à une préquelle imaginaire.

Pitch: Un bateau fantôme échoue sur le port de New York. Deux policiers montent à bord. L’un d’eux est aussitôt agressé par un colosse monstrueux qui lui arrache la jugulaire. Peu après, la fille du propriétaire de l’embarcation, interrogée par la police, se rend sur l’île de Matoul pour retrouver son père disparu.

 
"L'île aux morts : fièvre tropicale et pourriture vaudoue".
Premier volet d’une quadrilogie fondée sur la mythologie du mort-vivant, L’Enfer des Zombies suscite aussitôt l’effroi lors d’un prologue cinglant resté gravé dans les mémoires : dans les entrailles d’un yacht, deux flics font face à l’apparition insensée d’un zombie mastard, dévoreur de chair. Fulci exacerbe le choc avec une gorge arrachée, effet gore minutieux concocté par Gianetto De Rossi, tandis que la physionomie du monstre — amas de chair terreuse, pourrie — affirme déjà la patte fulcienne. Entouré de ses fidèles (Frizzi, De Rossi, Sacchetti), le réalisateur impose un style baroque, fiévreusement latin.

À partir d’un scénario simpliste, Fulci opère un retour aux sources du zombie vaudou, ancrant son récit dans un décor insulaire baigné de lumière et souillé par la mort. Une atmosphère poético-macabre s’installe, contrastant avec la beauté solaire de la nature tropicale. Comme ce crustacé s’échappant sur la poussière d’un village déserté, tandis qu’en arrière-plan une silhouette putride déambule vers nous. Fulci transcende la futilité narrative par une mise en scène sensorielle, délétère, nourrie d’un environnement fantasmagorico-baroque. La peur latente s’infiltre dans chaque recoin de l’île de Matoul : salle de bain, chapelle en ruine, baraque en bois transformée en hospice... Tout respire la fièvre, la sueur, l’agonie.

À la différence des zombies romerien, ceux de Fulci sont de véritables charognes spumeuses, suintant la puanteur. Leurs corps, rongés de vers, errent lentement, comme hypnotisés. Dans le dortoir des malades, recouverts de draps infectés de sueur et de sang, la mort plane — dans l’air chaud et poisseux que survolent des mouches insolentes.

Par intermittence, Fulci orchestre des péripéties tragiques avec une brutalité frontale. Impossible d’oublier la mort de Paola Ménard (Olga Karlatos, à la beauté méditerranéenne), séquestrée dans sa salle de bain par un zombie voyeur. Une écharde lui perfore l’œil dans un plan-séquence anthologique, zoomé, sans coupe — bestial, implacable. Fulci ose aussi l’irréel : une scène sous-marine où Susan, partie plonger, est menacée à la fois par un requin et un zombie spectral. Un duel improbable éclate entre les deux prédateurs, tableau surréel d’un monde en bascule. Plus loin, dans le cimetière des conquistadors, des morts émergent lentement de leurs tombes ; l’un d’eux se jette sur Susan pour lui déchirer la gorge. Et le final, précipité dans l’action, laisse exploser une apocalypse insulaire, où les zombies surgissent en masse, engloutissant le jour dans l’opacité.

La mise en scène, portée par une équipe d’orfèvres du macabre, serait incomplète sans la partition funèbre et entêtante de Fabio Frizzi. Le compositeur signe un score poisseux, d’une lenteur obsédante, martelant une ambiance exotico-macabre, presque olfactive.

 
Quarante ans après, ce chef-d’œuvre transalpin conserve intact son pouvoir de fascination morbide, son souffle moite, son horreur sourde. On fermera les yeux sur la direction d’acteurs bancale — l’un des points faibles récurrents chez Fulci — tant le charisme brut de certaines trognes secondaires (Richard Johnson en tête) rattrape l’essentiel. Et l’essentiel, c’est cette alchimie unique, ce cauchemar sur pellicule qui provoque une peur viscérale, déclenchée par un climat insulaire fiévreux, jusqu’à cette ultime image, prophétique, annonciatrice d’une apocalypse mondiale — écho halluciné aux zombies politisés de Romero.

Dédicace à Fabio Frizzi.

*Bruno
07.11.11. 6èx.

Bande-annonce française
Oh ! Vous m'entendez ? Est-ce qu'il y a quelqu'un à bord ?
On dirait qu'il est abandonné !
Si tu bouges j'te flingue ! Reste ou tu es !
Oui, c'est bien le voilier de mon père. Et ou se trouve t-il pour l'instant ?
Nous voulons nous rendre à Mattool, nous sommes à la recherche de son père, les dernières nouvelles venaient de la-bas.
Mattool ! C'est une île que tout le monde évite. On dit qu'elle est maudite.
Mais de quelle maladie est mort mon père ? Quel est donc le secret de cette île ?
Dites moi ! Qu'est ce que c'est que cette histoire de morts qui reviennent à la vie et que l'on doit tuer une seconde fois ?
Il circule sur cette île de fantastiques légendes. Légendes de Vaudou et de Zombies.
Quand la terre recrachera ses morts, tu vivras l'horreur de tes pêchers.
J'ai peur tu sais, j'ai peur que l'on ne puissse jamais quitter l'île.
Docteur ! Les morts reviennent à la vie ! Ils envahissent l'île.

A lire également, l'excellente critique de Leatherfacehttp://deadstillalive.canalblog.com/archives/2011/09/07/21903753.html



vendredi 4 novembre 2011

Kidnapped / Secuestrados. Mélies d'Argent à Espoo Ciné.


de Miguel Angel Vivas. 2010. Espagne. 1h22. Avec Guillermo Barrientos, Dritan Biba, Fernando Cayo, Cesar Diaz, Martijn Kuiper, Manuela Velles, Ana Wagener, Xoel Yanez.

Récompenses: Mélies d'Argent à Espoo Ciné.
Meilleur film, Meilleur Réalisateur au Fantastic Film Fest 2010.

FILMOGRAPHIE: Miguel Angel Vivas est un réalisateur, scénariste et acteur espagnol.
1998: Tesoro (court-métrage). 2002: El hombre del saco (court-métrage). 2002: Reflejos (réflections). 2003: I'll See you in my Dreams (court-métrage). 2010: Kidnapped


Sélectionné au festival de Strasbourg 2011, à Sitges 2010 et récompensé du Meilleur Film et Meilleur Réalisateur au Fantastic Fest 2010, Kidnapped est le second long-métrage d'un réalisateur espagnol déjà multi-récompensé auprès de courts-métrages. Mais rien ne semblait présager l'émotion traumatique qu'allait engendrer cet électro-choc dénonçant avec rigueur le phénomène inquiétant de la violence urbaine sur le territoire ibérique: l'"enlèvement express". A savoir, kidnapper avec une extrême violence une famille lambda en un minimum de temps afin de leur soutirer de l'argent. 

Le Pitch: A Madrid, une famille aisée installée dans leur nouvelle demeure est victime de l'intrusion de trois individus cagoulés. Ligotés et menacés de mort, les parents ainsi que leur fille sont contraints de leur divulguer leur numéro de carte bancaire pour les monnayer. C'est le début d'une nuit de cauchemar auquel personne ne sortira indemne. 
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En tablant sur un canevas éculé mainte fois adapté au cinéma de genre (la Rançon de la peur, les Chiens de paille, la Maison des Otages, la Dernière Maison sur la gauche et plus récemment The Strangers), Kidnapped exploite le fameux filon du "home invasion", huis-clos dédié à l'efficacité d'un suspense exponentiel chez une famille lambda séquestrée par des malfrats sans vergogne. Le préambule persuasif dans sa verdeur acerbe car illustrant un individu ligoté allongé sur le sol, nous impressionne lorsque celui-ci suffoque faute d'un sac plastique sur la tête. Après avoir réussi à rejoindre une chaussée, une nouvelle estocade nous est assénée après que ce dernier composa un appel téléphonique pour avertir sa famille. Parmi la froideur d'une photo blafarde et d'une caméra agressive portée à l'épaule, l'ambiance oppressante s'insinue instinctivement auprès du spectateur déjà averti que le cheminement narratif sera loin d'être une partie de plaisir. Générique liminaire... Après nous avoir furtivement présenté le profil équilibré d'un couple de bourgeois et de leur adolescente venus emménager dans leur nouvelle résidence, le réalisateur Miguel Angel Vivas va droit au but de son sujet pour nous asséner de plein fouet l'irruption brutale de trois individus cagoulés, implacablement déterminés à s'approprier du magot tant convoité. L'intensité de l'intrigue, c'est de nous immerger frontalement dans sa plus terrifiante et pénible quotidienneté. En effet, l'horreur perpétrée n'est ici nullement surnaturelle ou gentiment frissonnante mais bien ancrée dans la paisible rationalité d'un cocon familial en interne de leur foyer. Et donc, quoi de plus terrifiant et de déstabilisant qu'un groupe d'assaillants venu s'introduire dans leur maison au péril de la vie des propriétaires ! L'identification du spectateur auprès de la famille lambda demeurant idoine quand bien même l'interprétation spontanée des comédiens insuffle une émotion viscérale auprès de leur affliction psychologique. Qui plus est, la nationalité de ces derniers méconnus dans l'hexagone nous permet de nous familiariser auprès de leur trogne triviale.


Ainsi, sans vouloir épater la galerie, le metteur en scène applique de manière récurrente les critères du plan-séquence et du split screen (écran scindé en deux pour suivre en temps direct deux actions simultanées) afin de mieux nous imprégner de l'ambiance incisive découlant du viol de cet environnement familial. Le sentiment de terreur oppressante proprement insupportable assénée aux victimes serviles est exacerbé d'un réalisme rugueux proche du documentaire. La famille sévèrement prise à parti, perpétuellement menacée et molestée, se confinant dans un climat intolérable de désespoir. Tant et si bien que le spectateur témoin de cet engrenage infernal de violence gratuite ne peut que subir, endurer ce que les victimes sont acculées d'admettre et de supporter. De prime abord et intelligemment, sa violence à la fois acerbe et brutale prime avant tout sur la psychologie tourmentée, humiliée des personnages plutôt que l'outrance démonstrative des sévices endurés. A l'exclusion d'un final eschatologique d'une barbarie insoutenable. De surcroît, les évènements drastiques et situations de danger encourus par nos protagonistes sont plutôt lestement pensés, crédibles, sans fioriture alors que d'autres nouveaux intervenants de l'histoire iront s'interposer afin d'accentuer un suspense davantage éprouvant pour la survie des innocents. Avec une maîtrise probante, Miguel Angel Vivas offusque donc le spectateur jusqu'au malaise tangible lors d'une descente aux enfers proprement jusqu'au-boutiste. En nous posant notamment la fatale question de savoir ce que nous ferions en pareille situation d'effraction ! Il démontre également les risques irréversibles encourus du point de vue des malfrats véreux lorsqu'une situation échappe à leur contrôle. Néanmoins, leur caractérisation n'évite pas le stéréotype envers un des antagonistes, un peu plus compatissant, réfléchi, subitement conscient pour éluder un nouveau débordement meurtrier. Mais le réalisme sordide suintant de chaque situation intempestive et l'intensité imputée au climat de malaise transcendent finalement ce menu cliché.


Les Enragés. 
Terrifiant au sens le plus viscéral, oppressant et tendu à l'extrême jusqu'à l'intolérable car y affichant un réalisme d'une brutalité escarpée, Kidnapped culmine dautant plus sa besogne vers un traumatisant bain de sang. Point d'orgue peut-être discutable pour son outrance en chaine mais relativement couillu et rejoignant pourtant le pessimisme de faits-divers tragiques qui inondent nos journaux TV. Sa tonalité alerte nous plongeant dans un tel sentiment de paranoïa, d'inconfort, de désarroi et de peur qu'on en sort exténué, mutique, désarmé surtout. Concentré d'adrénaline forcenée 1h20 durant, Kidnapped est un bad-trip discourtois à réserver évidemment à un public averti. 

*Bruno
01.10.24. 2èx. Vostfr
04.11.11


jeudi 3 novembre 2011

Le Sang du Vampire / Blood of the Vampire


de Henry Cass. 1958. Angleterre. 1h24. Avec Donald Wolfit, Vincent Ball, Barbara Shelley, Victor Maddern, William Devlin.

Sortie salles France: 27 Avril 1960. U.S: Octobre 1958.

FILMOGRAPHIE: Henry Cass est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur britannique né le 24 Juin 1902 à Londres, décédé en 1989. 1949: La Montagne de Verre. 1950: Jennifer. Vacances sur Ordonnance. 1951: Histoires de jeunes femmes. 1955: Windfall. No Smoking. 1956: Bond of Fear. 1957: Professor Tim. Booby Trap. 1958: Le Sang du Vampire. 1960: The Hand. 1965: Give a Dog of Bone. 1968: Happy Deathday.


La même année que la sortie du chef-d'oeuvre le Cauchemar de Dracula, le réalisateur anglais Henry Cass entreprend un film d'épouvante traitant du même thème mais abordé cette fois-ci d'un point de vue scientifique. Si bien que dans le Sang du Vampire, notre savant fou, accompagné de son traditionnel adjoint difforme, est contraint de réapprovisionner son corps de sang humain en usant de transfusions sanguines. D'après un scénario de Jimmy Sangster (habituellement crédité à l'écurie Hammer) et produit par l'illustre duo Monty Berman / Robert S. Baker (l'Impasse aux Violences, Jack l'Eventreur), le Sang du Vampire détonne par son ambiance malsaine démonstrative et son originalité à renouveler le mythe du suceur de sang.

Synopsis: En Transylvanie, en 1874, un homme est exécuté après avoir été accusé de vampirisme. Son fidèle assistant réussit cependant à exhumer son corps avec l'aide d'un scientifique pour lui rendre la vie grâce à une transplantation cardiaque. Malgré sa résurrection, l'homme qui avait ingéré un sérum pour pouvoir rester en vie a subi une infection sanguine. Six ans plus tard, directeur d'un asile psychiatrique, il poursuit ses sinistres travaux avec la collaboration d'un médecin. 
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D'après un scénario de prime abord orthodoxe, Henry Cass réussit avec une certaine audace à détourner le thème du vampire en quête de sang vierge pour le profil imparti au mythe du savant fou. Un scientifique contraint de pratiquer de multiples transfusions sanguines sur des cobayes humains au point de vidanger leur corps famélique. Le lieu baroque et sordide d'un asile psychiatrique surveillé par des gardes et accompagnés de dobermans affamés, réussit à créer une ambiance inquiétante particulièrement tangible. La photographie criarde aux teintes jaunes sépia et au rouge pourpre accentue ce sentiment d'hostilité palpable jusque dans le laboratoire de Callistratus, environnement barbare suintant la mort putride des cadavres moribonds. L'efficacité du récit s'établit notamment auprès des rapports conflictuels d'un jeune médecin (leur relation houleuse ne manque pas de mordant dans leur divergence) contraint de subvenir à un directeur utopiste en quête d'immortalité.  
Tandis que la présence enjôleuse de la charmante Barbara Hershey apporte un appui affectueux auprès de son amant voué au chantage. Il y a aussi l'assistant difforme Karl, endossé par l'acteur Victor Maddern (comme sorti d'un "bossu de la morgue" ibérique). Sa présence iconique exacerbe à volonté l'ambiance gothique hybride dans un raffinement putassier.
Mais si le Sang du Vampire se révèle aussi captivant et particulièrement intense entre les enjeux des protagonistes, il le doit beaucoup à la géniale interprétation de Donald Wolfit incarnant avec plaisir masochiste le rôle du savant fou immoral. Un être abject obsédé à l'idée de survivre en soutirant le sang de victimes innocentes. Sa mégalomanie arrogante, son faciès ténébreux mis en valeur par de larges sourcils et surtout son regard sournois irradient l'écran de ses cyniques exactions.
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Baignant dans un climat glauque et malsain agencé autour d'un univers gothique digne des productions Hammer, Le Sang des Vampires est un trésor d'épouvante rehaussé de la conviction des comédiens et d'un récit habilement structuré (à une incohérence près comme ce final vite expédié pour la sauvegarde du héros). On est d'autant plus surpris pour l'époque du caractère brutal de certaines dérives sanglantes, à l'instar de ces chiens insatiables dévorant ardemment deux protagonistes désoeuvrés. 

*Bruno
03.11.11.  
Décembre 2020. 4èx. 

mercredi 2 novembre 2011

POUPOUPIDOU


de Gérald Hustache Mathieu. 2010. France. 1h42. Avec Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix, Olivier Rabourdin, Clara Ponsof, Arsinee Khanjian, Eric Ruf, Lyes Salem, Joséphine de Meaux, Ken Samuels.

Sortie en salles en France le 12 Janvier 2011

FILMOGRAPHIE: Gérald Hustache Mathieu est un réalisateur français né en 1968 dans la ville d'Echirolles, en Isère dans la banlieue sud de Grenoble.
1996: J'ai horreur de l'amour (assistant réalisation). 2001: Peau de Vache (court). 2003: La Chatte Andalouse (moyen métrage). 2006: Avril. 2011: Poupoupidou


Après un premier film remarqué pour sa poésie libertaire, Gérald Hustache Mathieu entreprend avec Poupoupidou (titre énigmatique un peu peu réducteur), un polar insolite et décalé façonné dans le moule de la comédie atypique. Illuminée par la fonction pétillante de Sophie Quinton, cette ovni gracieux enchante subtilement le spectateur par son aura fantasmagorique. Un écrivain en panne d'inspiration découvre sur une route enneigée le cadavre d'une blonde surnommée Candice Lecoeur. Intrigué par ce potentiel suicide, il va tenter de remonter le passé pour découvrir la vérité sur cette égérie de Franche Comté grâce à son journal personnel. Peu à peu, il se rend compte que d'étranges similitudes avec la vie notoire de Marilyn est agréée avec celle de Candice. Pour renouer avec l'ambition de sa profession, il profite également de cette étrange enquête pour entamer la rédaction de son nouveau roman. 



Avec la structure désincarnée et impondérable d'un scénario aussi insolite, difficile de rester inflexible face à un film aussi étrange, lyrique et enivrant. A partir d'un argument policier orthodoxe, l'intrigue foisonnante va rapidement s'acheminer vers un itinéraire excentrique remplie de situations cocasses, attendrissantes ou graves, compromises avec des personnages sournois, indécis, distraits et rêveurs, en quête de gloire ou de reconnaissance. Formellement, Poupoupidou flirte incessamment avec l'onirisme enchanteur dans un parti pris baroque (variante de nuances polychromes picturales) et avec la pétulance d'une jeune blonde avide de rencontrer l'amour mais persuadée d'être la réincarnation de Marilyn Monroe. Gérald Hustache Mathieu oscille les genres avec une aisance fulgurante et nous narre avec fantaisir une idylle impossible entre deux êtres que tout sépare malencontreusement. En résulte une perpétuelle puissance émotionnelle sous-jacente dans les investigations utopistes d'un écrivain passionné par les états d'âme fébriles d'une star trop vite élevée au rang d'égérie jusqu'au fameux climax révélateur d'une rédemption déchirante.


Pour l'interprétation, Jean Paul Rouve surprend avec sobriété dans un rôle à contre-emploi de romancier contrarié mais subitement inspiré par un fait divers macabre simulé en suicide. Modérément touchant et discrètement amoureux d'une femme subitement balayée par la mort, il reconstruit peu à peu le puzzle écorné de sa nouvelle Marilyn pour finalement découvrir un semblant de relation interposée. Sans fioriture, Sophie Quinton irradie l'écran de sa physionomie lascive pour émailler les campagnes publicitaires auquel elle doit user de sa suavité pour convaincre la société de consommation. Et en particulier la gente masculine fascinée par ses formes charnelles et son pouvoir érotique sensiblement aguichant. Sa présence féminine d'une beauté épurée hors norme insuffle au fil du récit une aura irrationnelle délicatement souple et envoûtante. Le spectateur rendu transi n'étant pas prêt d'oublier le talent de cette actrice néophyte au potentiel naturel !


Lestement mis en scène dans une chimère romanesque inimitable, Poupoupidou est un poème en demi-teinte. Aussi frais, éthéré, drôle, angélique et passionné que lugubre, nonchalant, touchant et tragique dans le rêve insoluble que se partagent David et Candice. Par l'hypocrisie, la cupidité des hommes et la providence d'un hasard inéquitable, leur frêle destin s'édifie en conte désenchanté inscrit dans l'élégie. La désillusion fatale de deux êtres candides séparés par la mort mais dont leur liaison sous-jacente va finalement se convertir au travers d'une lettre de compassion. Poupoupidou étant finalement l'histoire fragile d'une princesse incomprise par qui la célébrité orgueilleuse aura tout détruit. On s'extrait de l'esprit de Candice bouleversé et hanté par sa stature de nouvelle Marilyn destinée à répéter sa légende brocardée.

Dédicace à Damval Dulac.
02.11.11
Bruno Matéï



mardi 1 novembre 2011

Bad Boy Bubby. Prix Spécial du Jury à Venise 1993.


de Rolf De Heer. 1993. Australie/italie. 1h52. Avec Nicholas Hope, Claire Benito, Ralph Cotterill, Carmel Johnson, Syd Brisbane, Nikki Price, Norman Kaye, Paul Philpot, Peter Monaghan, Natalie Carr.

Sortie en salles en France le 1 novembre 1995. U.S: 26 Avril 2005

FILMOGRAPHIE: Rolf De Heer est un réalisateur, producteur, scénariste et compositeur australien d'origine néerlandaise, né le 4 Mai 1951 à Heemskerk (Pays-Bas). 1984: Sur les ailes du tigre. 1988: Encounter at Raven's Gate. 1991: Dingo. 1993: Bad Boy Bubby. 1996: La Chambre Tranquille. 1997: Epsilon. 1999: Dance me to My Song. 2001: Le Vieux qui lisait des romans d'amour. 2002: The Tracker. 2003: Le Projet d'Alexandra. 2006: 10 canoës, 150 lances et 3 épouses.

En 1995 sort dans une quasi-indifférence un long métrage australien signé d’un réalisateur néerlandais. Inondé de récompenses dans divers festivals internationaux, Bad Boy Bubby gagne, au fil du bouche-à-oreille, un statut d’ovni hybride : dérangeant, beau et sordide, où l’humanisme candide de son protagoniste ébranle un public friand d’anticonformisme.

Le pitch : Bubby, 35 ans, vit reclus comme un animal dans sa maison familiale, sous la férule d’une mégère incestueuse. Enfermé, maltraité, réduit en esclave, il partage son isolement avec un chat de gouttière. Jusqu’au jour où, jalousé par les retrouvailles inespérées avec son père alcoolique, il décide de se rebeller et de franchir les frontières industrielles de sa prison.

Éprouvante, profondément malsaine et dérangeante, la première demi-heure rivalise de déviance dans ce foyer insalubre, où quelques cafards jonchent le sol et un chat est séquestré dans une cage. Sa mère, ventripotente et perverse, impose à son rejeton inculte de rester assis sur une chaise toute la journée durant ses absences prolongées. Parfois, elle l’étouffe tranquillement en lui bouchant bouche et nez. Pour sortir de la maison, elle se déplace en ville avec un masque à gaz, feignant auprès de son fils que l’air urbain est empoisonné, proche des bâtiments industriels. Abruti par une existence sans compassion, sans amour, sans notion du bien ni du mal, Bubby endure son ennui, son seul loisir étant d’asphyxier un chat domestique, par curiosité morbide. Ces scènes, d’une cruauté extrême et d’un réalisme glaçant, poussent à s’interroger : le chat a-t-il vraiment souffert, sacrifié pour mieux nous ébranler ? Avec l’arrivée inopinée de son père alcoolique, Bubby s’extériorise, adoptant une attitude de débauche sexuelle envers sa mère. 

Par la suite, après nous avoir fait vivre dans un souci documentaire — un peu comparable au climat ombrageux et dépressif d’Eraserhead de Lynch — le sordide quotidien d’un homme réduit à l’état primitif, le réalisateur amorce lentement une quête initiatique. Il s’agit d’illustrer le profil d’un quidam arriéré — comparable au monstre de Frankenstein par son ignorance et sa pudeur déficiente — rencontrant au hasard des rues la jungle des marginaux, intégristes, artistes bénévoles et handicapés dystrophiés. Durant ce parcours d’un homme autrefois refoulé et molesté, Rolf De Heer filme de façon corrosive le portrait poignant d’un être esseulé, perdu au cœur d’une cité où les citadins cherchent un sens métaphysique à leur existence. À la manière d’un poème décalé sur l’absurdité humaine, Bad Boy Bubby se déploie en magnifique récit initiatique, vers la raison et la rédemption. En fustigeant la religion responsable du fondamentalisme, le film devient aussi un hymne à la liberté la plus autonome, ainsi qu’à l’épanouissement de l’amour. Dans le rôle du clochard fasciné par les merveilles du monde, Nicholas Hope époustoufle par son jeu naturel et son regard empli d’innocence. Son chemin fantasque cristallise un message de tolérance, une fraternité envers les exclus, et une quête identitaire vers l’accomplissement.


"
Bad Boy Bubby : L’odyssée crue d’une âme captive".
Choquant, déstabilisant, glauque, parfois malsain lors de sa première partie effrontée, le film de Rolf De Heer adopte une mise en scène singulière, inscrite dans la crudité, pour dépeindre avec sensibilité un univers aliénant et débridé. Caustique, désincarné, débridé, poétique, drôle et profondément bouleversant, porté par l’interprétation fébrile d’un acteur au jeu infantile, Bad Boy Bubby est un ovni anticonformiste. Il transcende le portrait d’un homme chrysalide, découvrant peu à peu les nouveaux repères de son existence. Chef-d’œuvre dédié aux laissés-pour-compte, aux marginaux et aux athées, il s’impose comme une déclaration d’amour à la banalité de notre existence, ancrée dans l’instant présent.

Dédicace à Isabelle et Eugène Rocton, et Philippe Blanc.
*Bruno 
01.11.11.

Récompenses: Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise en 1993.
Prix du Meilleur Réalisateurmeilleur scénariomeilleur montage et meilleur acteur pour Nicholas Hope lors des Australian Film Institute Awards en 1994.
Prix du Meilleur Film, Meilleur Acteur, Meilleure Mise en scène au Festival du film de Seattle en 1994.
Prix du Public, Prix RFM, Prix des Etudiants, Prix Spécial du Jury au Festival d'action et d'Aventures de Valenciennes en 1995.
Prix Très Spécial à Paris en 1995

Rolf De Heer



lundi 31 octobre 2011

2019, Après la chute de New-York / 2019 - Dopo la caduta di New York / 2019, After the fall of New-York


de Sergio Martino. 1983. Italie. 1h36. Avec Michael Sopkiw, Valentine Monnier, Anna Kanakis, George Eastman, Roman Geer, Vincent Scalondro, Haruhiko Yamanouchi, Edmund Purdom, Louis Ecclesia.

Sortie salles France: 11 Janvier 1984. Italie: 22 Juillet 1983

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1970: l'Amérique à nu. Arizona se déchaine. 1971: l'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. l'Alliance Invisible. 1973: Mademoiselle Cuisses longues. 1973: Torso. 1975: Le Parfum du Diable. 1977: Mannaja, l'homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes poissons. Le Grand Alligator. 1982: Crimes au cimetière étrusque. 1983: 2019, Après la Chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg. 1989: Casablanca Express. 1990: Mal d'Africa. Sulle tracce del condor.


En 1981 débarquent en salle Mad Max 2 et New York 1997, deux œuvres charnières de la science-fiction post-apo. Nos voisins transalpins s’empressent alors d’exploiter le filon, surenchérissant dans une frénésie homérique nourrie de bande dessinée et de western spaghetti. Deux ans après les modèles de Miller et Carpenter, Sergio Martino (auteur de quelques classiques tels Torso, La Queue du Scorpion, Mannaja ou Le Continent des Hommes-Poissons) livre sa version belliqueuse du post-nuke. D’autres cinéastes, tout aussi cupides, dévoilent à leur tour des avatars à maigre budget aussi improbables que Le Gladiateur du futur, Les Guerriers du Bronx ou Les Nouveaux Barbares, pour ne citer que les plus fameux.

Synopsis : En 2019, le monde est ravagé par une apocalypse nucléaire, causant la stérilité des dernières femmes. Les Euraks, armée téméraire infiltrée dans les zones irradiées, traquent les rares survivants pour les étudier dans l’espoir de reproduire l’espèce humaine. Exilé en Alaska, un président américain charge le mercenaire Parsifal de retrouver la dernière femme fertile. Celui-ci s’entoure de deux briscards aussi pugnaces que déglingués pour mener à bien cette mission-suicide au cœur des vestiges new-yorkais.


Érigé sous le moule de la série Z (involontairement) pittoresque, faute de budget et d’acteurs chauvins à la trogne risible, 2019, après la chute de New York peut sans conteste se targuer d’être le plus savoureux ersatz rital des classiques susnommés. Car grâce à l’habileté d’un petit maître du bis à la carrière loin d’être négligeable, cette bisserie intrépide transcende ses flagrants défauts par la fertilité d’une action pétulante et de péripéties hautement colorées. Dans la posture gogo de héros en mal de reconnaissance, le film puise son charme dans un décor décharné de carton-pâte et via ses figures grotesques irrésistiblement attachantes : gueules irradiées, braconnier chinois adepte du fouet, homme-singe à l’épiderme boursouflé (inénarrable George Eastman en Sinbad déficient !), borgne humanoïde au lasso métallique, preux mercenaire prêt au sacrifice, valeureux nabot s’éventrant par altruisme, ou encore esclave éprise du cœur du héros mad-maxien.


Dès le préambule, une aura mélancolique plane sur l’horizon diaphane d’un New York azur, porté par un air de trompette funèbre. Martino soigne son univers aride d’apocalypse, appuyé par une voix-off monocorde exposant la situation radioactive avec gravité. Après une mémorable course-poursuite façon auto-tamponneuse, menée par des gladiateurs motorisés, la trame s’aligne sur le canevas de New York 1997 : un héros anarchiste, bellâtre et inexpressif, contraint d’accomplir une mission sous la houlette d’un chef d’État sournois.

Grâce à la bonhomie de nos mercenaires, à la fois rétrogrades et extravagants (le nain sauteur Kirke est devenu, chez certains amateurs, une icône impayable), à l’action en roue libre inspirée de la BD destroy, et au dynamisme du montage, l’aventure dystopique déborde de générosité. Chaque rencontre avec des belligérants en survie ouvre sur de nouveaux tableaux hallucinés. Quelques séquences gores, typiquement italiennes dans leur audace racoleuse, viennent animer les égouts new-yorkais d’une crasse réjouissante. Si cette épopée échevelée s’avère si jubilatoire, c’est aussi grâce à la drôlerie (involontaire) de certaines répliques prononcées avec un sérieux à toute épreuve.

Ajoutons à cela une bande-son tapageuse : bruitages d’armes à feu et de coups de poing tonitruants, typiques du ciné rital, saturés par le score enlevé des frères Guido et Maurizio De Angelis, qui dynamisent jusqu’à l’épuisement les confrontations belliqueuses.


Les nains aussi ont commencé petit !
Efficacement troussé et nerveusement mis en scène sous le sceau d’une "pochette-surprise" narrative, 2019... incarne le pur divertissement décomplexé. Un miracle de ringardise qui pallie ses moyens précaires par un savoir-faire aussi inspiré qu’avisé, et par l’attachante complicité de comédiens cabotins se prêtant au jeu avec une foi inébranlable. Sans prétention (malgré ses élans de plagiat), loufoque, débridé et généreux en portraits de marginaux décadents, errant dans une scénographie rutilante (mention spéciale à ses décors urbains envoûtants), 2019, après la chute de New York demeure le meilleur succédané de Mad Max, porté par une facture Z irrésistiblement latine.

Reste une question improbable en guise de conclusion identitaire :
“Est-ce une faute grave d’être un nain ?!”

* Bruno
01.01.19. 7èx
31.10.11.

Sergio Martino

jeudi 27 octobre 2011

La Nuit des Masques / Halloween. Grand Prix de la Critique à Avoriaz 1979.

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site boxofficestory.com

"Halloween" de John Carpenter. 1978. U.S.A. 1h31. Avec Donald Pleasance, Jamie Lee Curtis, Nancy Kyes, P.J. Soles, Charles Cyphers, Kyle Richards, Brian Andrews, John Michael Graham, Nancy Stephens, Arthur Malet.

Sortie salles France le 14 Mars 1979 (Int - 18 ans). U.S: 25 Octobre 1978.

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 :The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible, 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward

 
"La Géométrie de la peur". 
Après ses premiers essais Dark Star (1974) et Assaut (1976), le jeune réalisateur John Carpenter est sollicité par les producteurs indépendants Irwin Yablans et Moustapha Akkad pour développer un scénario centré sur un psychopathe s’en prenant à des babysitters dans une petite bourgade américaine. D’abord intitulé The Babysitter Murders, le script coécrit par Carpenter et sa compagne de l’époque, Debra Hill, évolue jusqu’à fusionner avec la fête d’Halloween, période de la Toussaint où se déroule l’action.

Avec un maigre budget de 325 000 dollars et un tournage express de 21 jours sous le soleil californien, Halloween s’impose comme un succès surprise, porté par le bouche-à-oreille. Si la critique de l’époque se montre sévère avec ce modeste film d’horreur signé par un quasi inconnu, Halloween finit par générer plus de 176 millions de dollars à l’échelle mondiale (dont 47 millions aux États-Unis). Il devient le film indépendant le plus rentable de l’histoire du cinéma. En France, il n’attire que 283 934 spectateurs à sa sortie. C’est avec le temps que ce chef-d’œuvre indétrônable gagnera ses lettres de noblesse.

Haddonfield, Illinois. 1963. Une nuit d’Halloween, alors que ses parents sont absents, le jeune Michael Myers poignarde sa sœur Judith. Quand ses parents rentrent, ils découvrent leur fils figé au seuil de la maison, vêtu d’un costume, un couteau ensanglanté à la main. Quinze ans plus tard, toujours un soir d’Halloween, Michael s’échappe de l’asile psychiatrique où il était enfermé, bien décidé à revenir dans sa ville natale pour y perpétrer de nouveaux crimes. Le docteur Loomis, hanté par son patient, se rend à Haddonfield pour tenter de l’arrêter. Pendant ce temps, des babysitters se préparent pour la fête..

En 1978, à l’aube d’une carrière encore balbutiante, John Carpenter (alors âgé de 30 ans) révolutionne littéralement le cinéma d’horreur moderne, et transcende les codes naissants du slasher initié quatre ans plus tôt par Black Christmas de Bob Clark. Avec presque rien — un script minimaliste, des acteurs inconnus (à l’exception de Donald Pleasance), un budget rachitique —, Carpenter choisit de suggérer plutôt que de montrer, d’évoquer un tueur spectre, masqué, qui joue à cache-cache avec ses proies.

C’est dans cette simplicité que Halloween tire toute sa force anxiogène. Il impose une ambiance nocturne, hypnotique, où la peur sourd de chaque ombre. La musique entêtante, quasi permanente, épouse les ténèbres et fait de Michael Myers le maître invisible des lieux. Sa silhouette à peine dévoilée, sa démarche raide, son masque inexpressif deviennent l’incarnation même d’un mal silencieux. Il n’est plus un homme, mais une entité diffuse, capable de surgir dans n’importe quelle pièce de notre foyer supposé sûr.

Dans une banlieue paisible désertée de parents, Carpenter construit un huis clos étouffant autour de trois adolescentes légères et insouciantes. Seule Laurie, ravissante et solitaire, adoptée par la famille Strode, veille sur deux enfants, entre ennui et soupirs. C’est aussi à travers cette nuit d’Halloween, fête celtique dérivée des traditions britanniques, que se glisse le surnaturel : citrouilles sculptées, rituels enfantins, frissons du folklore. Michael Myers devient alors le croque-mitaine originel, ce monstre tapi dans l’ombre de nos terreurs enfantines — un fantôme sans visage, au regard mort, mécanique, impassible.

Mais l’ambition de Carpenter n’est pas de verser dans le gore, ni de multiplier les effets faciles. Halloween refuse l’esbroufe. Pas de gerbes de sang, pas de jump scares de pacotille. La peur naît ici d’un suspense diffus, lentement instillé, d’une menace qui rôde et prend son temps. L’effet meurtrier, tant redouté, est sans cesse différé. Et quand il frappe, c’est sans crier gare — sec, brutal, sans fioriture.

Le casting, subtil, renforce cette tension : les jeunes actrices, loin des stéréotypes idiots, réagissent avec un naturel crédible, ce qui rend chaque péril plus palpable. Jamie Lee Curtis, encore inconnue, incarne Laurie avec une sobriété touchante, donnant chair à ses angoisses croissantes. Donald Pleasance, quant à lui, compose un Dr Loomis paranoïaque, maladroit, errant dans le quartier comme un détective à contre-temps, possédé par sa traque.


The Babysitter Murders
Voilà ce que symbolise, au fond, l’horreur d’Halloween. Un chef-d’œuvre du slasher sans artifice, forgé pour éveiller nos peurs archaïques, celles de l’enfant terré dans le noir. Un film qui fait de la suggestion son arme absolue, et qui sublime ses limites budgétaires par l’intelligence de sa mise en scène : géométrique, tendue, millimétrée. Une leçon de tempo et d’efficacité qui grave pour toujours la silhouette spectrale de Michael Myers dans l’inconscient collectif. L’ombre du Boogeyman, éternelle, insaisissable.

*Bruno

Dédicace à Gérald Giacomini.
14.10.22
27.10.11


mercredi 26 octobre 2011

X Men, le Commencement / X Men: First class


de Matthew Vaughn. 2011. U.S.A. 2h11. Avec James McAvoy, Michael Fassbender, Rose Byrne, Nicholas Hoult, Jennifer Lawrence, January Jones, Kevin Bacon, Zoe Kravitz, Oliver Platt, Jason Flemyng.

Sortie en salles en France le 01 Juin 2011. U.S: 03 Juin 2011

FILMOGRAPHIE: Matthew Vaughn est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 7 Mars 1971 à Londres.
2004: Layer Cake.
2007: Stardust, le mystère de l'Etoile
2010: Kick-Ass
2011: X Men: First Class


Préquelle de la trilogie des X Men après deux essais concluants concoctés par Brian Singer et un raté discrédité par Brett Ratner, Matthew Vaughn s'implique à transcender les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby, juste après nous avoir prodigué un bain de jouvence désinhibé avec l'équipée subversive de Kick-AssCharles Xavier et Erik Lenshere sont des mutants doués de pouvoirs surhumains depuis leur plus jeune âge. Ils vont devoir s'allier avec d'autres individus tout aussi exceptionnels pour créer la ligue des X mens afin de s'opposer à Sebastian Shaw, un médecin également doté de pouvoirs paranormaux et leader d'un trio de mutants mais délibéré à provoquer une 3è guerre mondiale entre la Russie et les Etats-Unis à l'aide de missiles nucléaires dissimulés à Cuba. Une lutte sans merci s'engage entre les deux clans rivaux au péril du devenir de l'humanité. 

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X men, le commencement débute sa trame de manière cafardeuse dans son atmosphère belliqueuse nous rappelant la triste époque de l'Allemagne nazie. Ce superbe préambule acerbe s'emploie à nous dépeindre de manière réaliste le profil déchu du jeune garçon Erick Lenshere, contraint par son pouvoir mental de déplacer une pièce de monnaie apposée sur un bureau, mais témoin de l'assassinat de sa mère décrété par l'ignoble Dr Schmidt, faute de n'avoir pu cristalliser devant ce tortionnaire son talent surnaturel. Cette séquence dramatique déployant de manière démonstrative et en guise vindicative les fameux pouvoirs octroyés à Erick nous immerge dans son esprit offensé par le deuil familial et sa capacité physique à annihiler la matière par la force d'une pensée uniquement furieuse.
C'est ensuite quelques années plus tard, en 1962, que l'on retrouve notre héros dans la peau d'un traqueur de nazi, plus déterminé que jamais à retrouver les traces de son meurtrier orgueilleux. Au même moment, il va faire la rencontre du télépathe Charles Xavier, déjà affilié avec une jeune mutante du nom de Raven, rencontrée par effraction dans sa cuisine. Au fil de leur cheminement et de leur compromis, ils vont également s'affilier avec de jeunes recrus doués de phénomènes tout aussi improbables pour faire face à la coalition de Shaw et ses disciples arrogants. Des mutants engagés dans une éthique nihiliste pour entamer l'avènement d'une troisième guerre mondiale par l'entremise de missiles nucléaires déployés entre les Etats-Unis et l'URSS. Leur cynique ambition est alors résolue à décimer la démographie humaine pour devenir les maîtres d'un nouveau monde érigé par les Homo superior (nom scientifique des mutants dans l'univers des Marvel Comics).


Dans une mise en scène assidue d'une impressionnante virtuosité technique et formelle pour l'élaboration d'FX prodigieux et d'une architecture épurée, émaillée de décors classieux, Matthew Vaughn réussit personnellement à s'approprier de l'univers des X men pour les renouveler dans une mise en forme adulte d'une tempérante conviction. En dehors d'une intrigue rondement menée ne laissant que peu de répit au spectateur facilement immergé dans l'aventure trépidante, sa réussite prégnante et surtout privilégiée par la densité humaine de ses protagonistes, superbement dessinés et à la personnalité distincte parfois équivoque pour certains d'entre eux. Si tous les interprètes se révèlent parfaitement probants dans leur prestance héroïque dévoilant communément des pouvoirs surnaturels fascinants et singuliers (l'entrainement physique est un ludique exemple de leur persévérance tour à tour décuplée), l'importance substantielle des personnages clefs est largement exacerbée par deux acteurs remarquables au charisme dépouillé. La présence mature de James McAvoy dans celui de Xavier, leader télépathe diplomate enrôlé dans une doctrine pacifiste et de Michael Fassbender, Erick, le vengeur inflexible déprécié par ses états d'âmes rancuniers, davantage corrompu par sa devise meurtrière, participent pour beaucoup au caractère convaincant des enjeux encourus et à leurs exactions coordonnées pour se mesurer face à Sébastian Shaw. C'est Kevin Bacon qui s'alloue d'endosser un être mégalomane et opportuniste avide de pouvoir et notoriété. Il excelle dans son talent inné à composer un personnage délétère déployant ses funèbres ambitions grâce à sa faculté d'absorber sans vergogne l'énergie de ses antagonistes.


Sous ses travers de film d'action spectaculaire tributaire d'une narration remarquablement structurée en déployant intelligemment quelques inventifs moments d'anthologie tous plus cinglants les uns que les autres, X men, le Commencement tend à susciter une certaine réflexion sous le profil galvaudé d'Erick. Sur sa rancune engagée dans la vengeance froide et la quête du pouvoir sournoisement influencé vers l'alchimie du Mal. Sur la dualité universelle du choix inhérent de notre voie interne scindée entre le Bien et le Mal, à l'image métaphorique du syndrome de Jekyll et HydePar le personnage de Henry McCoy / Le Fauve reniant ses origines et sa difformité, c'est aussi un message de tolérance pour le droit à la différence et l'acceptation de soi, sur la faculté de pouvoir refréner ses doutes et ses craintes qui nous est illustré afin de mieux s'affirmer dans une société égoïste et conformiste. Scandé de façon subtilement épique d'un score musical intense fignolé par Henry Jackman, X men, le Commencement est un spectacle grandiose teinté de lyrisme dans sa densité psychologique qui rend honneur et sacralise le mythe souverain du super-héros répudié. 

Dédicace à Luke Mars (spécialiste de l'esprit Marvel Comics. Voir ci-dessous).
http://darkdeadlydreamer.blogspot.com/2011/10/x-men-first-class-de-matthew-vaughn.html

26.10.11
Bruno Matéï