jeudi 14 mai 2015

Mad-Max: Fury Road

                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site absolutebadasses.com

de George Miller. 2014. Australie/U.S.A. 2h00. Avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne, Rosie Huntington-Whiteley, Riley Keough, Zoë Kravitz.

Sortie salles France: 14 Mai 2015. U.S: 15 Mai 2015. Australie: 14 Mai 2015

FILMOGRAPHIE: George Miller est un réalisateur, scénariste et producteur australien, né le 3 Mars 1945 à Chinchilla (Queensland). 1979: Mad-Max. 1981: Mad-Max 2. 1983: La 4è Dimension (dernier segment). 1985: Mad-Max : Au-delà du dôme du Tonnerre. 1987: Les Sorcières d'Eastwick. 1992: Lorenzo. 1997: 40 000 ans de rêve (documentaire). 1998: Babe 2. 2006: Happy Feet. 2011: Happy Feet 2. 2014: Mad Max: Fury Road.


                          "90% de ce que vous verrez à l'écran a vraiment eu lieu". Tom Hardy.
                          "J'ai fait Mad-Max pour retrouver l'essence du cinéma". George Miller. 

Trente ans à se ronger les ongles dans l’espoir d’une résurgence du Road Warrior sur nos écrans insalubres, bien avant que ne surgisse la moindre bande-annonce extatique.
Mad Max: Fury Road a enfin déferlé sur nos rétines en ce jour de gloire du 14 mai 2015.
Oui, jour de gloire. Car cette date restera gravée dans le cœur des cinéphiles, surtout pour celles et ceux qui eurent l’aubaine de découvrir le monstre sur la grande toile.

Réalisateur de génie et père d’une trilogie proverbiale, George Miller se surpasse une fois de plus dans son rôle d’alchimiste visionnaire. Un enchanteur moderne n’ayant rien à envier à Méliès, réinventant ici le langage cinématographique sous l’écrin incandescent de l’action pure.
Oubliez les puddings à l’aspartame de la saga Fast and Furious et consorts : ici se joue la plus longue et affolante course-poursuite du 7ᵉ art, filmée en plein désert de Namibie, là où le sable se mêle à la fureur.

Synopsis :
Alors qu’il tente de reprendre la route à bord de son Interceptor, Max est capturé par une horde de warboys fanatiques. Enchaîné, muselé, il assiste impuissant à la cavale de Furiosa, impératrice rebelle, qui fuit Immortan Joe avec un convoi d’épouses en rupture, dont l’une porte l’enfant du tyran. Ivre de rage, Joe lance sa horde à leur poursuite. Et c’est ainsi que s’enclenche cette course infernale dans l’âpreté brûlante du désert.

Un spectacle homérique, ahurissant d’inventivité formelle – entre tempêtes nocturnes et lumière solaire aveuglante – et de prouesses techniques d’une précision chirurgicale.
Une tornade mécanique, alimentée par des riffs de guitare en feu, propulsée par une frénésie de cascades où bolides et camions se percutent sur des plaines enragées.
Mad Max: Fury Road pulvérise tout ce qui avait été vu jusque-là, électrisant un public médusé, happé dans un cyclone de bruit et de fureur.

Nanti de décors et d’accessoires à couper le souffle, ciselés dans le moindre détail – la citadelle d’Immortan Joe, les bolides déglingués, les défroques barbares, les armes hybrides –, le film ressuscite une mythologie barbare, nourrie à l’esthétique freak de Métal Hurlant, fusion tribale et cyberpunk.
Une barbarie stylisée, suintante de rouille et de sueur.

Véritable hymne à l’action dans sa forme la plus noble et viscérale, à mi-chemin entre un concert de hard-rock et un ballet opératique, Fury Road multiplie par dix les poursuites belliqueuses transfigurées jadis dans Mad Max 2.
Miller ne se contente pas de ressasser : il renouvelle.
Par une dramaturgie d’attaques et de contre-attaques, de trajets et de retours vers la Terre Verte, entre embuscades et retrouvailles pacifistes, il orchestre un chaos symétrique, où chaque affrontement motorisé devient chorégraphie vertigineuse.

Au cœur de la tempête : la rédemption.
Survie, espoir, entraide, confiance : les mêmes motifs que Mad Max 3, où Max, figure christique, reprenait contact avec son humanité au contact d’une colonie d’enfants.
Ici, les enfants sont remplacés par des femmes. Fragiles en apparence, exploitées comme matrices, mais résolues à défier leur oppresseur.
Face à elles, Max, toujours hanté par son passé, mutique et écorché, devra s’ouvrir, prêter main forte, réapprendre la fraternité au fil d’une fuite apocalyptique où l’humanité renaît dans la douleur.

Charlize Theron incarne Furiosa avec une intensité rare – à la fois charnelle, virile, pugnace, mais aussi bouleversante d’humanité, guidée par une foi désespérée en un avenir meilleur pour les siens.
Tom Hardy, convaincant bien que relégué au second plan, campe un Max taiseux, spectre en quête de sens, lesté par ses fantômes filiaux. Un guerrier fatigué, mais encore capable de croire, malgré lui, en une tribu.


This is a Lovely Day ! 
Possédé par le rugissement d’une poursuite jamais à court de carburant, Fury Road réinvente le cinéma d’action avec une telle virtuosité, une telle richesse de trouvailles visuelles, qu’une seule vision ne suffit pas à tout saisir.
À l’image du cinéma précurseur d’un Buster Keaton ou d’un John Woo, Miller fusionne mouvement, sens et beauté dans un maelström ininterrompu.
Et pourtant, sous ce roller coaster infernal se dessine l’humilité d’une cause : celle des femmes, de leur courage, de leur union, de leur désir de liberté.
Face à elles, Max – héros brisé – retrouve, peut-être, la possibilité d’une communauté. D’un futur. D’un espoir.

Yannick Dahan et Fury Road: http://www.cineplus.fr/pid5876-cine-frisson.html?vid=1280416

mercredi 13 mai 2015

CALVAIRE. Prix de la Critique, Prix du Jury, Prix Première, Gérardmer 2005.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Fabrice Du Welz. 2004. France/Belgique/Luxembourg. 1h33. Avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon, Jean-Luc Couchard, Brigitte Lahaie, Gigi Coursigny.

Sortie salles France: 16 Mars 2005. Belgique: 9 Mars 2005

FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


Récompensé au Festival de Gérardmer, de Cannes et d'Amsterdam, Calvaire surpris les cinéphiles pour ce premier essai réalisé par un cinéaste belge, Fabrice Du Welz. Véritable coup de maître dans la maîtrise de sa mise en scène autonome cédant parfois à l'expérimentation et dans sa faculté de distiller un malaise aussi prégnant que répulsif, Calvaire emprunte le genre horrifique sous couvert de survival hérité de ses ancêtres Délivrance et Massacre à la Tronçonneuse (dont un fameux "clin d'oeil" pour la scène du souper !). Après son dernier concert, un chanteur de maison de retraite tombe en panne de voiture sur le chemin forestier du retour. Par le biais d'un étrange inconnu, Marc est ensuite aimablement dirigé vers l'hospitalité de Bartel, un veuf vivant reclus dans sa ferme. Au fil de leur relation amicale, Marc éprouve un malaise face à la désinvolture de ce dernier hanté par sa solitude depuis le décès de sa femme. Alors qu'il s'était disposé à réparer son véhicule, Bartel s'en débarrasse finalement afin de séquestrer son hôte. Le calvaire peut commencer... 


Plongée horrifique dans le tréfonds de l'aliénation mentale, Calvaire aborde la thématique du refoulement sexuel du point de vue de paysans vivant en autarcie dans leur nature sauvage. Privés de toute présence féminine, ils s'adonnent en guise de sexualité et d'ennui à la zoophilie sur leur propre bétail. Ce qui nous vaut déjà une étreinte sulfureuse proprement dérangeante dans sa manière de diluer une perversité immorale par la suggestion de l'acte innommable. Farce macabre sur le besoin irrépressible d'être aimé et le poids de la déréliction entraînant chez ces métayers rétrogrades une schizophrénie influente, Calvaire multiplie les séquences inconfortables sous la main-mise du ravisseur Bartel. L'incroyable Jackie Berroyer endossant son rôle avec une ironie sournoise dans ses expressions d'impudence et de pulsions désaxées. Toutes les séquences d'humiliations et de tortures infligées sur Marc s'avérant aussi cruelles que sardoniques dans sa condition de victime estropiée. Réduit à l'état de travelo tuméfié d'ecchymoses, ce dernier est contraint de se fondre dans la peau de l'épouse soumise sous l'impériosité possessive de Bartel. Quand aux seconds-rôles tout aussi demeurés qui empiètent le récit, Fabrice Du Welz persévère dans le malsain et le crapoteux lorsque les voisins de Bartel décident de s'accaparer de son fameux trophée en guise d'esclavage sexuel. Influencé notamment par la Traque de Serge Leroy, il nous transcende une dernière partie aussi anxiogène que chimérique lorsque Marc est contraint de s'incliner dans les brumes d'une forêt spectrale où plane un silence de mort (des plages oniriques d'un esthétisme ténébreux à couper le souffle !). 


A travers les thèmes de l'obsession sexuelle et amoureuse, du refoulement, de la psychose et de l'isolement, Fabrice Du Welz transfigure avec Calvaire un sommet d'horreur psychologique où l'humour noir et le scabreux se télescopent avec un réalisme déroutant (à l'instar de la "danse obsédante des fous" composée au piano dans une auberge chargée d'atmosphère sulfurique !). Fascinant et perturbant à la fois, l'expérience de Calvaire, survival référentiel, possède finalement une identité quant à la personnalité hétérodoxe de son auteur provocateur.  

Bruno Matéï

Récompenses: Grand Prix du meilleur film fantastique européen, lors du Festival du film fantastique d'Amsterdam en 2005
Prix de la critique internationale, Prix du jury et Prix Première, au festival de Gérardmer, 2005
Nomination au prix de la meilleure photographie, lors des Joseph Plateau Awards en 2006
Prix Très Spécial, Cannes 2004

mardi 12 mai 2015

MAGGIE

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site journaldugeek.com

de Henry Hobson. 2015. U.S.A. 1h35. Avec Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, Aiden Flowers, Carsen Flowers, J.D. Evermore.

Sortie salles France: 27 Mai 2015. U.S: 8 Mai 2015

FILMOGRAPHIE: Henry Hobson est un réalisateur américain.
2015: Maggie.


A cause d'une pandémie en roue libre et avec le soutien du médecin, un père envisage de se reclure dans sa demeure familiale afin d'éviter le placement en quarantaine de sa fille infectée. Progressivement, la transformation morale et physique de cette dernière gagne du terrain... Prenant pour thème l'infection du point de vue du zombie, Maggie tente de dépoussiérer le genre horrifique dans une forme intimiste afin de se démarquer de la surenchère que nombre de réalisateurs ont le plus souvent trivialisé dans les séries B d'exploitation.



Baignant dans une mélancolie existentielle où la nature désaturée se défraîchie devant le témoignage sentencieux de métayers, la première oeuvre de Henry Hobson fait inévitablement preuve d'intentions louables par sa sincérité à privilégier l'étude de caractère et le climat dépressif en décrépitude. Confinant l'essentiel de son action sur les rapports familiaux en huis-clos d'un père et de sa fille prochainement destinés à se séparer face à la maladie, le film est contrebalancé d'un score élégiaque aussi sensible qu'infructueux. Métaphore sur le cancer et le crédit du temps présent, Maggie tente de provoquer une émotion candide quant à la situation désespérée de cette adolescente en phase terminale, quand bien même le père ("joué" par un Schwarzzie aussi apathique que stérile, alors que tout le monde s'attendait enfin à LA révélation de sa carrière !) observe sa dégénérescence avec une empathie bouleversée. Chargé de sinistrose pour la condition démunie de cette victime en quête d'amour de dernier ressort et de rédemption, Henry Hobson n'insuffle jamais une quelconque émotion, faute d'une direction d'acteurs jamais investis dans leur fonction altruiste et surtout d'une réalisation austère survolant un cheminement narratif en perte de vitesse. Il en émane un sentiment de frustration permanent quant aux intentions sincères de mettre en valeur les ressorts dramatiques de l'amour filial et la crainte de la mort auquel le script, futile, ne réserve jamais d'éventuels surprises pour la fatalité de Maggie.


Poussif, jamais empathique ou poignant (ou alors avec parcimonie en de brèves occasions) et ennuyeux à force de ressasser la relation précaire d'un père et de sa progéniture en mutation, Maggie rate le coche de ses intentions intègres, faute d'un scénario défaillant, d'une interprétation anémique et d'une réalisation inexpressive. Reste quelques belles images de poésie bucolique et un soupçon d'esthétisme envoûtant au sein de sa nature décharnée. 

Bruno Matéï

lundi 11 mai 2015

ALLELUILA

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Fabrice Du Welz. 2014. Belgique/France. 1h35. Avec Stéphane Bissot, Lola Duenas, Edith Le Merdy, Anne-Marie Loop, Laurent Lucas, David Murgia, Helena Noguerra.

Sortie salles France: 26 Novembre 2014

FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


Raymond Fernandez et sa compagne Martha Beck devinrent célèbres sous le nom des « Lonely Hearts Killers » (les « Tueurs aux petites annonces ») à la suite de leur procès pour une série de meurtres commis en 1949. On estime qu’ils ont tué jusqu’à 20 femmes entre 1947 et 1949.

S'inspirant de l'affaire des "Tueurs aux petites annonces" que Leonard Kastle avait magnifiquement porté à l'écran dans Les Tueurs de la Lune de Miel, Fabrice Du Welz la réadapte à sa sauce singulière, Alleluila surfant entre le cinéma de genre et celui d'auteur. Employée dans une morgue et divorcée, Gloria fait la rencontre de Michel par le biais d'une annonce. Follement amoureuse de lui, elle s'aperçoit rapidement que derrière l'apparence de son gentleman se cache un prédateur escroquant les femmes célibataires. Après lui avoir pardonné sa première infidélité, elle s'engage de s'associer avec lui afin d'être à ses côtés et de pouvoir préserver son amour. Mais la jalousie ardente de Gloria finit par la mener vers la folie meurtrière. 


Révélé par le cauchemardesque Calvaire, Fabrice Du Welz renoue avec l'ambiance éthérée d'une étrangeté indicible où la mise en scène, inventive et ciselée, est conçue pour bousculer les sens du spectateur en perte de repères. Prenant pour thèmes l'amour fou et le crime passionnel, Alleluia nous relate entre réalisme cru et poésie baroque le parcours en chute libre d'un couple d'amoureux compromis par l'adultère. De par le point de vue influençable d'un gigolo redoutablement pervers dans ces intentions perfides à manipuler la gente féminine tout en profitant sexuellement de leurs corps. Par son comportement aussi cruel que cynique, comment peut-il alors éprouver de véritables sentiments pour sa muse au moment où cette dernière observe par le trou de la serrure ses ébats avec une impuissance toujours plus inconsolable ? Baignant dans une atmosphère aussi diaphane qu'irrésistiblement vénéneuse, Alleluia parvient à créer un malaise diffus au fil de son cheminement dramatique quant à la posture toujours plus irascible de Gloria. Illuminée par la présence de Lola Duenas, l'actrice ibérique parvient à dégager une intense émotion par son charme pétillant d'embrasser l'amour à bras ouvert avant d'engendrer une jalousie maladive face au témoignage dégradant de Michel. Cette rage d'aimer, ce désir possessif de s'accaparer de lui étant retranscrit avec une vérité fulgurante et un jeu viscéral habité par la psychose. Déjà remarqué dans Calvaire, Stéphane Bissot lui partage dignement la vedette dans une présence longiligne d'escroc à la petite semaine englué dans sa médiocrité du chantage, du subterfuge et d'une déviance sexuelle insatiable. Dans un rôle secondaire de dernier ressort, Helena Noguerra (soeur de la chanteuse Lio) s'en sort honorablement pour incarner la beauté d'une jeune mère célibataire, plus lucide et affirmée que les autres victimes, mais néanmoins dépourvue de perspicacité à déflorer la véritable identité de Michel. Dernier point que j'aimerai relever pour témoigner de la qualité essentielle de la distribution, la présence infantile de la petite Pili Groyne ! Cette dernière parvenant à afficher avec un incroyable tempérament naturel une fillette dégourdie nantie de réparties cuisantes (voir l'incroyable séquence de la discorde maternelle !), juste avant de rehausser l'intensité d'un enjeu de survie pour sa condition de victime tantôt choyée, tantôt molestée !


Malsain, dérangeant et plutôt cru dans sa violence gore ou son érotisme ostensible, insolite, étrange et pastel à la fois, Alleluia fait office de conte de fée frelaté dans son constat imparti à l'amour fou et à sa trahison. Par le biais de sa mise en scène alambiquée (notamment ce parti-pris de filmer au plus près les corps et les regards pour en capter l'essence des sentiments) et le jeu machiavélique des acteurs, l'oeuvre choc renouvelle son fait divers avec un pouvoir de séduction nécrosé. 

Bruno Matéï

La Chronique des Tueurs de la Lune de Miel : http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/les-tueurs-de-la-lune-de-miel-honeymoon.htm
La Chronique de Calvairehttp://brunomatei.blogspot.fr/…/calvaire-prix-de-la-critiqu…

Les autres adaptations: Un homme fatal (Lonely Hearts de Andrew Lane, 1991), Carmin profond (1996), Cœurs perdus (2006) ainsi qu’un épisode de la télé-série Cold Case : Affaires classées.

samedi 9 mai 2015

KINGSMAN: SERVICES SECRETS

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com 

"Kingsman: The Secret Service" de Matthew Vaughn. 2014. Angleterre/U.S.A. 2h08. Avec Taron Egerton, Colin Firth, Samuel L. Jackson, Mark Strong, Michael Caine, Sophie Cookson.

Sortie salles France: 18 Février 2015. U.S: 13 Février 2015

FILMOGRAPHIE: Matthew Vaughn est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 7 Mars 1971 à Londres.
2004: Layer Cake. 2007: Stardust, le mystère de l'étoile. 2010: Kick-Ass. 2011: X Men, le commencement. 2014: Kingsman: services secrets. 


Réalisateur anglais célébré par Kick-Ass, c'est durant ce tournage que Matthew Vaughn eut à nouveau l'idée de transposer à l'écran un autre Comic Book, The Secret Service. Sous l'impulsion d'un jeune acteur novice en tête d'affiche (Taron Egerton s'en sort aisément dans sa stature pugnace de jeune loup en apprentissage !) et d'une poignée d'acteurs renommés (Samuel L. Kackson, Michael Caine, Colin Firth), Kingsman: services secrets nous cuisine un savoureux cocktail d'action, d'aventures et de cocasserie dans un esprit décomplexé où pointe le politiquement incorrect. Clairement pensé comme une parodie de James Bond et un hommage aux "vieux" classiques du cinéma noble, l'intrigue allie espionnage industriel outre-mesure (que Samuel L. Jackson se prend malin plaisir à comploter dans une posture de grand benêt !), et action homérique cultivant le goût du gore cartoonesque (même si certains effets numériques ratés viennent désamorcer leur impact spectaculaire).


Scindé en deux parties, Kingsman privilégie de prime abord l'entraînement intensif de jeunes recrues se disputant le poste du prochain "Lancelot" au sein de la prestigieuse agence, Kingsman. Ce dernier, parti en mission, ayant été lâchement exécuté par l'acolyte d'un magnat utopiste prêt à parfaire un complot meurtrier contre l'humanité. Par le biais de cette conjuration ciblant Internet et les Smartphones, Matthew Vaughn en profite pour se railler de la société de consommation (Mac-Donald notamment dont Richmond Valentine s'en porte garant !), de ces appareils modernes toujours plus performants afin de nous inciter à repasser au tiroir-caisse. Qui plus est, la religion est également mise au pilori lors d'un stratagème expérimental, un carnage festif au sein d'une église intégriste. La seconde partie mise ensuite l'accent sur les stratégies d'attaque et de défense que nos héros vont tenter de transcender sous la houlette de l'agent Merlin. Quand bien même Valentine est sur le point de lobotomiser la population mondiale en meurtriers désaxés sous l'impulsion d'une carte Sim ! Si le film parvient habilement à amuser et à solliciter notre attention, il le doit également aux ressorts dramatiques qui interfèrent durant le cheminement incertain du héros en quête paternelle et identitaire (une manière de relancer l'intensité des enjeux d'un point de vue vindicatif et de le tester à l'épreuve de la riposte !), et à son intrigue en chute libre traversée de frénésie incontrôlée ! A l'instar du final orgasmique, délire assumé de gags sardoniques, subterfuges à répétition, gun-fights stylisés et corps à corps chorégraphiés. Qui plus est, la galerie de personnages extravagants s'en donnent à coeur joie d'afficher leurs bravoures fantaisistes par le biais de gadgets insolents conçus pour épicer les confrontations belliqueuses !


Avec son esthétisme vintage combiné dans une facture high-tech d'anticipation, à l'instar de la défroque excentrique de ces espions au tailleur impeccable, Kingsman parvient à renouveler le genre d'espionnage grâce à l'esprit décomplexé de l'action bourrine et de la cocasserie cartoonesque. Un divertissement survitaminé tirant donc parti de sa fougue par son refus infaillible de prétention. James Bond n'a qu'à bien s'tenir et continuer à faire grise mine ! 

Bruno Matéï

vendredi 8 mai 2015

The King of New-York

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Silverferox

d'Abel Ferrara. 1990. Italie/Angleterre/U.S.A. 1h43. Avec Christopher Walken, David Caruso, Laurence Fishburne, Victor Argo, Wesley Snipes, Janet Julian, Joey Chin, Steve Buscemi.

Sortie salles France: 18 Juillet 1990. U.S: 28 Septembre 1990

FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine.
1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth. 2014: Welcome to New-York. 2014: Pasolini.


Deux ans avant son chef-d'oeuvre Bad Lieutenant, Abel Ferrara nous estomaqua avec le fulgurant King of New-York. Hormis son échec commercial à sa sortie et des critiques parfois mitigées, le film finit par se tailler une réputation culte au fil des années auprès d'une frange de cinéphiles jamais remis d'une expérience aussi opaque et frénétique. Une fresque mafieuse imprimée dans le nihilisme, notamment pour son portrait imparti à la déliquescence morale d'antagonistes convergeant inévitablement vers l'impasse. Transcendé de la présence ensorcelante de Christopher Walken dans l'un de ses meilleurs rôles, The King of New-York hypnotise les sens de par sa faculté immersive à nous plonger dans l'univers du gangstérisme parmi l'obédience d'un caïd à peine libéré de prison. 

Le pitchDélibéré à reprendre le contrôle de sa ville et peut-être postuler pour la place de Maire, Frank White est contraint de livrer une bataille sans merci contre le cartel pour se disputer l'enjeu de la drogue. Soutenu par quelques avocats véreux, sa manoeuvre triviale a également pour but de financer la reconstruction d'un hôpital afin de venir en aide aux plus démunis et pour se racheter une bonne conscience. Mais une poignée de flics réactionnaires ont décidé de transgresser leur règle pour mieux épingler celui que l'on surnomme: le Roi de New-York. 


Polar ultra violent à travers ses éclairs de brutalité acérés déployant règlements de compte entre bandes rivales ainsi qu'une poursuite automobile effrénée au coeur de l'enfer new-yorkais, The King of New-York est l'un des films les plus envoûtants (score funeste lancinant à l'appui) que l'on ait inscrit sur pellicule. Un polar d'une noirceur abyssale, une virée cauchemardesque dans les tréfonds d'une métropole moribonde où gangsters et flics se provoquent mutuellement avec un entêtement suicidaire. Nanti d'un esthétisme crépusculaire et d'une mise en scène stylisée où le luxe est également mis en contraste afin de mettre en exergue l'addiction que peut insuffler une existence aussi faste que celle de Frank et ses sbires, The King of New-York reproduit le même effet de fascination que pouvait l'être le personnage de Tony Montana dans Scarface. Ce même attrait pour le goût de l'argent et des résidences luxueuses auquel la compagnie de jeunes filles en lingerie fine se récurent le nez avant de passer à l'étreinte ou à l'affront (elles font également usage des flingues pour protéger leur baron). Peinture nihiliste d'une société dégingandée engluée dans la corruption de l'argent et l'affluence de la drogue face à la pression d'une criminalité incontrôlable, Abel Ferrara cristallise l'idée du chaos avec un réalisme proprement crépusculaire (j'insiste). Si bien que sous le pilier du personnage iconique Frank White, il provoque une empathie ambivalente pour sa posture héroïque de gangster intouchable et son absolution d'y financer un Hôpital tout en persévérant ses exactions sanglantes auprès de parrains impliqués dans les trafics d'humains et l'exploitation sexuelle de mineurs. S'efforçant d'incarner une sorte de Robin des Bois des temps modernes en quête de rédemption, Frank White n'en reste pas moins un ange exterminateur tributaire de son idéologie mégalo à travers ses pulsions irréfragables de haine et de violence.  


Cocaïne
Chef-d'oeuvre du polar noir d'une intensité viscérale électrisante, The King of New-York reste l'un des plus fascinants portraits de gangster jamais réalisés. En ange de la mort, Frank White faisant office de légende criminelle pour ses ambitions disproportionnées d'y dompter une ville en chute libre. Il en émane une fresque de décadence d'un pessimisme absolu auquel son pouvoir vénéneux s'avère aussi étrangement stimulant que profondément malsain quant à sa peinture baroque du vice, du stupre et du luxe. 

*Bruno (6èx)
Dédicace à Daniel Aprin

Récompense: 1991: MysFest -"Best Direction" (Abel Ferrara) Prix du meilleur réalisateur


jeudi 7 mai 2015

New-York, 2 heures du Matin

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

"Fear City" de Abel Ferrara. 1984. U.S.A. 1h36. Avec Tom Berenger, Melanie Griffith, Billy Dee Williams, Jack Scalia, Rossano Brazzi, Rae Dawn Chong, John Foster.

Sortie salles France: 18 Juillet 1984. U.S: 16 Février 1985.

FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine. 1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth. 2014: Welcome to New-York. 2014: Pasolini.


Trois ans après l'Ange de la Vengeance, Abel Ferrara renoue avec les ambiances nocturnes de la métropole new-yorkaise soumise ici aux exactions d'un serial-killer expert en arts-martiaux. 
Le pitch: Matty, ancien boxeur aujourd'hui associé à un club de strip-tease assiste impuissant au déclin de son buziness depuis les agressions sanglantes commises sur ses effeuilleuses. Rongé par le remord d'avoir tué un de ses adversaires en plein match de boxe, il se retrouve dans une impasse à tenter d'appréhender le mystérieux tueur. Jusqu'au jour où son comparse et sa petite amie deviennent les nouvelles cibles de l'assassin. Entièrement filmé de nuit au sein des quartiers miteux de Manhattan,  New-York, 2 heures du matin s'édifie en fascinante plongée dans le cadre d'une boite de strip-tease prise à parti avec un maniaque dont nous ne connaîtrons jamais le mobile. L'intérêt résidant plutôt dans le portrait de cet ancien boxeur hanté par sa culpabilité depuis un homicide involontaire. En quête de rédemption, et c'est là où l'intrigue distille un parfum de souffre particulièrement vénéneux, ce dernier s'efforce de s'opposer à la violence jusqu'au jour où il est contraint de s'y adonner depuis un concours de circonstances toujours plus préjudiciables. 


Car au risque de sombrer dans la faillite professionnelle et s'attirant la colère de ces rivaux pour leur entreprise en chute libre, Matt finit par sombrer dans l'obsession d'appréhender coûte que coûte le responsable de ses ennuis et de ses névroses. Ce qui culminera vers un final redoutablement âpre lorsqu'il usera à nouveau de ses poings pour éradiquer un adversaire adepte en arts-martiaux. Outre l'efficacité de l'intrigue oscillant les rebondissements horrifiques et les rapports de force entre associés véreux (notamment la filature infructueuse d'une police réactionnaire) et membres mafieux (que notre anti-héros côtoie depuis un contexte sanglant de son enfance), New-York, deux heures du matin tire-parti de son pouvoir de fascination par son climat d'authenticité régi au sein d'une jungle urbaine à laquelle une faune marginale se complaît au voyeurisme. En dépit des rôles secondaires criants de vérité dans leur stature machiste ou burinée (à l'instar de l'intervention mafieuse d'un parrain), le film est transcendé de la carrure inflexible de Tom Berenger portant le film à bout de bras de sa stature proscrite. Ce dernier endossant dans une attitude à la fois flegme et renfrognée un macro au coeur tendre assailli par la culpabilité de son instinct meurtrier. Il y émane un saisissant portrait sans concession car à double-tranchant, ce dernier étant contraint de réveiller sa tendance destructrice pour la survie de sa compagne et afin d'inhumer son passé galvaudé. 


D'une violence percutante et d'une morale ambiguë, New-York, deux heures du matin n'a rien perdu de sa puissance d'évocation de par l'illustration sordide de sa jungle urbaine subordonnée à la perversion et au crime gratuit. Taillé sur-mesure dans une intrigue solide terriblement magnétique, ce redoutable psycho-killer exploite notamment avec beaucoup d'efficacité le caractère oppressant du contexte horrifique parmi la facture psychologique d'un anti-héros condamné à l'impasse après avoir ranimer ses pulsions meurtrières. A ne pas rater. 

*Bruno Matéï
14.05.22. 5èx

mercredi 6 mai 2015

L'AME DES GUERRIERS. Meilleur Premier Film, Mostra de Venise, 1994

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site soundtrackcollector.com

"Once Were Warriors" de Lee Thamahori. 1994. Nouvelle-Zélande. 1h42. Avec Rena Owen, Temuera Morrison, Mamaengaroa Kerr-Bell, Julian Arahanga, Taungaroa Emile, Rachael Morris Jr, Joseph Kairau.

Récompense: Meilleur premier film, Mostra de Venise, 1994

Sortie salles France: 10 Janvier 1994

FILMOGRAPHIE: Lee Tamahori est un réalisateur néo-zélandais, né le 17 Juin 1950 à Wellington. 
1994: L'âme des Guerriers. 1996: Les Hommes de l'Ombre. 1997: A couteaux tirés. 2001: Le Masque de l'Araignée. 2002: Meurs un autre jour. 2004: XXX 2. 2007: Next. 2011: The Devil's Double. 2015: Emperor.


Uppercut émotionnel comme on en voit rarement à l'écran, l'Ame des Guerriers dépeint avec réalisme à couper au rasoir la descente aux enfers d'une famille de Maoris, faute de l'autorité castratrice d'un père de couleur noir rongé par l'alcool et blasé par l'esclavage de ces ancêtres. Epaulé d'une photo ocre afin d'accentuer le climat irrespirable d'un environnement insalubre, ce premier film laisse une cicatrice indélébile dans l'esprit du spectateur peu habitué à s'incliner devant une expérience aussi brutale ! 


Prenant pour cadre la banlieue déshéritée d'Auckland en Nouvelle-Zélande, Lee Tamahori aborde les thèmes du chômage, de la délinquance, de la violence conjugale et de la démission parentale, la cellule familiale volant ici en éclat, du point de vue d'une misère sociale sans repères. Les enfants livrés à eux-même, car témoins de la déliquescence parentale, trinquant inévitablement pour se réfugier vers la drogue et la marginalité. Notamment parmi le repère influent d'une bande de guerriers juvéniles grimés de tatouages tribaux à l'instar de leurs ancêtres Maoris. Par le biais de la figure paternelle en déchéance morale, faute de son alcoolisme et de son refus d'assumer son rôle paternel, Lee Tamahori nous assène de plein fouet des discordes conjugales d'une brutalité à la limite du soutenable. Si l'épreuve de force de l'âme des Guerriers s'avère si oppressante par son intensité névralgique, c'est qu'il parvient à distiller un malaise proche du marasme pour la condition déplorable impartie à la femme battue. Humiliée, menacée de mort et molestée sous les coups d'un phallocrate dépendant de sa musculature, de sa lâcheté et de sa médiocrité, cette dernière persévère néanmoins à lui tenir tête avec une dignité féminine. Observant leur condition miséreuse où les orgies d'alcool sont monnaie courante lors de soirées entre amis peu fréquentables, l'âme des guerriers transcende le portrait de cette mère de famille gagnée par la rage de vaincre la tyrannie machiste après avoir assumé son inadvertance maternelle, passée une tragédie inconsolable.   


D'une rigueur émotionnelle parfois insupportable mais d'une dignité bouleversante pour la stature vaillante allouée à la femme battue, l'âme des Guerriers transcende ses clichés de sinistrose grâce à son réalisme tranché et à la dimension fragile de ses laissés-pour-compte reconvertis en guerriers conquérants. Un très grand film aussi furieusement épique que bouleversant dans sa dramaturgie opiniâtre, et un vibrant hommage à la communauté spirituelle des Maoris !
Pour public averti

Dédicace à Peter Hooper
Bruno Matéï
3èx

    mardi 5 mai 2015

    DEAD ZONE. Prix de la Critique, Prix du Suspense, Antenne d'Or, Avoriaz 1984.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site imagesetmots.fr

    "The Dead Zone" de David Cronenberg. 1983. U.S.A. 1h44. Avec Christopher Walken, Brooke Adams, Tom Skerritt, Herbert Lom, Anthony Zerbe, Colleen Dewhurst, Martin Sheen, Sean Sullivan.

    Sortie salles France: 7 Mars 1984. U.S: 21 Octobre 1983

    FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969: Stereo. 1970: Crimes of the Future. 1975: Frissons. 1977: Rage,1979: Fast Company. 1979: Chromosome 3. 1981: Scanners. 1982: Videodrome. 1983: Dead Zone. 1986: La Mouche. 1988: Faux-semblants. 1991: Le Festin nu. 1993: M. Butterfly. 1996: Crash. 1999: eXistenz. 2002: Spider. 2005 : A History of Violence. 2007: Les Promesses de l'ombre. 2011: A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014: Maps to the Stars.


    Un an après son chef-d'oeuvre visionnaire, Videodrome, David Cronenberg s'est entrepris en 1983 d'adapter à l'écran, et pour la première fois de sa carrière, un roman de Stephen King. Couronné du Prix de la Critique, du Prix du Suspense et de l'Antenne d'Or à Avoriaz, Dead Zone a notamment bénéficié des faveurs du public et de la critique après un succès commercial dignement mérité. Pourvu d'un scénario original déployant des intrigues annexes toujours plus captivantes et alarmistes quant à l'issue précaire du destin de l'humanité, ce drame psychologique d'une grande intensité est transcendé par la présence de Christopher Walken. L'acteur se fondant dans la peau du professeur infirme avec une vérité humaine proprement bouleversante par son statut fragile de medium tributaire de son don, et donc rapidement étiqueté par la population comme un charlatan, voir une bête de foire.


    Après un terrible accident qui lui valu 5 ans de coma et la rupture sentimentale avec sa fiancée, John Smith souffre de visions prophétiques uniquement par le contact d'une poignée de mains. Grâce à son pouvoir inexpliqué, il réussit à extirper des flammes une fillette lors d'un incendie domestique. Sa notoriété grandissante, la police lui suggère son appui pour le cas d'un serial-killer sévissant depuis quelques années au sein de Castle Rock. Plongé dans sa solitude car victime de son fardeau surnaturel, il refuse leur proposition avant de se raviser. Quand bien même il s'aperçoit finalement qu'il est non seulement capable d'entrevoir le passé et le présent mais qu'il est également apte à en modifier le futur. Plaidoyer pour le droit à la différence lorsqu'un individu victime de sa clairvoyance est contraint de se reclure, faute de l'intolérance et la curiosité des citadins avides de sensationnalisme, David Cronenberg en établit le portrait fragile d'un homme entraîné dans une dérive d'évènements aussi graves que fructueux quand à l'issue de leurs résolutions. Par le biais de son destin singulier, la déveine que John protestait dans une insupportable solitude va finalement se transformer en offrande lorsque le sort de l'humanité s'apposera entre ses mains. Par la gravité d'un contexte apocalyptique laissant présager la gestation d'une 3è guerre mondiale, David Cronenberg distille un suspense tendu tout en ironisant sur la démagogie sournoise du monde politique lorsqu'un candidat à la présidence redouble de persuasion à endoctriner son électorat à renfort de serments racoleurs. Sur ce point, l'interprétation pleine d'à-propos de Martin Sheen s'avère délectable dans sa faculté machiavélique à dompter sa population mais aussi son entourage et ses concurrents, notamment par l'intimidation du chantage. Se rattachant toujours à la dimension humaine de John partagée entre la raison d'un acte d'héroïsme et la passion des sentiments, l'intrigue accorde davantage de crédit à la déchirante histoire d'amour que ce dernier endure parmi la présence récurrente de son ancienne compagne, supporter politique de Greg Stillson !


    "Si le futur était entre vos mains, le changeriez-vous ?"
    Sous couvert d'argument fantastique accordant une réflexion sur la nature plausible du don, Dead Zone juxtapose le drame psychologique et la romance impossible du point de vue d'un medium en quête de rédemption. Dans sa fonction précaire d'invalide partagé entre la malédiction du sort et le sens du devoir, David Cronenberg en extrait un chef-d'oeuvre de sensibilité que Christopher Walken transfigure avec une émotion humaine à fleur de peau (score mélodique de Michael Kamen à l'appui).  

    Bruno Matéï
    8èx

    Récompenses:
    Saturn Award du meilleur film d'horreur, 1984
    Prix de la critique, prix du suspense et Antenne d'or au Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1984.
    Meilleur film et prix du public au Fantafestival, 1984.

    lundi 4 mai 2015

    POLYTECHNIQUE

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmofilia.com

    de Denis Villeneuve. 2009. Canada. 1h17. Avec Karine Vanasse, Sébastien Huberdeau, Maxim Gaudette, Evelyne Brochu, Pierre-Yves Cardinal, Johanne-Marie Tremblay.

    Inédit en salles en France. 

    FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières.
    1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoners.


    Réalisateur aujourd'hui reconnu du public grâce à ces deux récentes oeuvres, Prisoners et Enemy, Dennis Villeneuve s'était intéressé en 2009 à relater les tragiques évènements de la tuerie de l'école polytechnique de Montréal survenue le 6 Décembre 1989 au Quebec. Tourné en noir et blanc, Polytechnique retransmet avec souci documentaire la journée sanglante qui eut lieu au sein de l'établissement sous l'impulsion d'un tueur misogyne, et les conséquences psychologiques de deux rescapés après le carnage. Réfutant toute forme de voyeurisme et de complaisance (d'où le parti-pris du noir et blanc afin de stériliser le caractère sanglant des séquences les plus dures), le film fait preuve d'une surprenante pudeur dans sa manière de nous reconstituer cette dérive meurtrière par le biais d'une mise en scène réfléchie. Notamment sa construction narrative infaillible où l'alternance du présent et du passé en exacerbe l'intensité des situations démunies (à l'instar de cet étudiant martelé par le remord de ne pas avoir cédé à l'héroïsme de dernier ressort pour sauver son amie !). 


    La caméra fluide scrutant les lieux de l'établissement comme un dédale sans repères que les élèves apeurés tentent in extremis de s'extraire dans un élan de survie, quand bien même les états d'âme de deux rescapés nous sont évoqués avec une sensibilité dépressive lorsqu'ils essaient de se raccrocher au soutien familial ou à la progéniture. Ces séquences intimistes, parfois même poétiques dans la pudeur existentielle, renforcent l'indicible tristesse qui irrigue les tourments des survivants après avoir vécu l'horreur d'une situation impondérable. Là où la tranquillité du quotidien scolaire s'interrompait brusquement pour céder place aux exactions meurtrières d'un étudiant déclarant sa haine contre le féminisme car les accusant d'avoir ruiné sa vie ! Sur ce dernier point, Dennis Veilleneuve fait également diluer une angoisse exponentielle quant aux motivations dérangées du tueur et ces préparatifs du carnage, notamment en insistant sur la mise en attente des actes crapuleux (ce dernier, déterminé, étant néanmoins gagné par l'inquiétude et le stress avant la réaction du passage à l'acte). 


    Modèle de mise en scène et de dignité où les non-dits des protagonistes, leur posture parano et leur impuissance de contredire la mort laissent transparaître une émotion aussi fragile que bouleversante, Polytechnique dresse le puissant témoignage d'une fusillade de triste mémoire, réflexion existentielle sur une jeunesse psychotique livrée à une solitude incurable, avant de mettre en appui l'épreuve humaine du traumatisme avec candide désarroi. 

    Dédicace à Jean Marc Micciche
    Bruno Matéï

    In Memoriam:
    Geneviève Bergeron (née en 1968), étudiante en génie civil.
    Hélène Colgan (née en 1966), étudiante en génie mécanique.
    Nathalie Croteau (née en 1966), étudiante en génie mécanique.
    Barbara Daigneault (née en 1967), étudiante en génie mécanique.
    Anne-Marie Edward (née en 1968), étudiante en génie chimique.
    Maud Haviernick (née en 1960), étudiante en génie des matériaux.
    Barbara Klucznik-Widajewicz (née en 1958), étudiante infirmière.
    Maryse Laganière (née en 1964), employée au département des finances.
    Maryse Leclair (née en 1966), étudiante en génie des matériaux.
    Anne-Marie Lemay (née en 1967), étudiante en génie mécanique.
    Sonia Pelletier (née en 1961), étudiante en génie mécanique.
    Michèle Richard (née en 1968), étudiante en génie des matériaux.
    Annie St-Arneault (née en 1966), étudiante en génie mécanique.
    Annie Turcotte (née en 1969), étudiante en génie des matériaux.
    Au moins quatre personnes se sont suicidées à la suite de cet événement.

    vendredi 1 mai 2015

    28 Semaines plus tard / 28 Weeks Later

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    de Juan Carlos Fresnadillo. 2007. Espagne/Angleterre. 1h41. Avec Robert Carlyle, Rose Byrne, Jeremy Renner, Harold Perrineau, Catherine McCormack, Idris Elba, Imogen Poots.

    Sortie salles France: 19 Septembre 2007. Angleterre/U.S: 11 Mai 2007

    FILMOGRAPHIE: Juan Carlos Fresnadillo est un réalisateur espagnol né le 5 décembre 1967 à Tenerife. 2001: Intacto. 2007: 28 Semaines plus tard. 2011: Intruders.


    "L'apocalypse documenté sur écran expérimental." 
    Après 28 Jours plus tard, Danny Boyle cède sa place au réalisateur espagnol Juan Carlos Fresnadillo (révélé par l’excellent Intacto) pour prolonger la terreur avec 28 Semaines plus tard. L’action prend pour cadre une Grande-Bretagne prétendument débarrassée de l’infection, mais sous haute surveillance de l’armée américaine.

    Synopsis : Lors de l’attaque de la ferme où il s’était réfugié avec son épouse, grâce à l’hospitalité de fermiers, Don est contraint de fuir face à l’intrusion fulgurante d’une horde d’infectés. Pris de panique au milieu des chairs lacérées, il abandonne lâchement sa femme aux crocs de ses assaillants. Réchappé par la rivière, il rejoint Londres et retrouve ses enfants, épargnés car restés en voyage scolaire en Espagne. Mais quelques jours plus tard, l’épouse ressurgit, contaminée mais sans hostilité : immunisée, peut-être l’espoir d’un vaccin. Le général Stone, lui, n’y voit qu’un risque et ordonne son exécution.

    Intense, formellement saisissant, redoutablement spectaculaire, Fresnadillo dresse un survival brut, bardé de péripéties frénétiques où un groupe de rescapés doit fuir à la fois la rage des infectés et l’armée, résolue à les liquider pour enrayer tout nouveau foyer de peste. Avec un sens aigu de la véracité documentaire, le réalisateur expose la propagation du virus, sa réaction en chaîne, la catastrophe qu’un seul porteur suffit à déclencher.

    La lâcheté d’un père, terrifié à l’idée de périr, catalyse à elle seule l’hécatombe. Radical et impitoyable, ce film quasi expérimental révèle sans fard l’immoralité d’une armée prête à sacrifier des innocents, enfants compris, pour contenir le fléau. À travers ce scénario haletant, Fresnadillo tend son fil dramatique et sculpte des attaques d’une violence implacable. 28 Semaines plus tard joue habilement de rebondissements récurrents, exploitant à merveille une urbanité claustrophobe, plus vaste qu’il n’y paraît, où nos héros errent, la terreur au ventre (euphémisme). La bravoure et le courage s’y frottent à la mort, tissant une cohésion précaire dans la panique.

    Ultra réaliste, filmé comme un reportage arraché au chaos (caméra agressive et immersive à souhait), Fresnadillo expose une métropole éventrée par l’apocalypse - bombardements au Napalm compris : on pense à Coppola, toutes proportions gardées. Au cœur de la débâcle, une sœur et son frère, potentiels porteurs de l’immunité, deviennent l’enjeu d’une course au salut, escortés par un sergent déserteur, un médecin-major et quelques survivants hagards.


    "L’apocalypse en héritage : Fresnadillo allume la mèche".
    Violemment sanglant et épique comme rarement, réaliste et résolument terrifiant (un prologue à graver au panthéon, sans appel), 28 Semaines plus tard égale son modèle : acteurs imprégnés de hargne et de frayeur, mise en scène nerveuse, scénario retors où lâcheté et bravoure se heurtent sans cesse pour le prix d’une respiration de plus. La densité humaine de ces figures à l’abandon et le climat de désolation, soutenus par le score lancinant de John Murphy, achèvent de faire de cette suite l’apothéose du film d’infectés. Depuis 28 Jours plus tard, personne n’a fait mieux. Indispensable.
    *Bruno
    3èx. Vostfr

    A sa sortie les récompenses pleuvent:

    Festival international du film fantastique de Neuchâtel : Meilleur long métrage,
    Prix du cinéma indépendant britannique, Meilleur espoir, Meilleure réalisation technique
    Prix Fright Meter
    (Fright Meter Awards): Meilleur film d'horreur
    Meilleur réalisateur: Juan Carlos Fresnadillo
    Prix Rondo Hatton horreur classique
    Meilleur film
    Prix Schmoes d'or
    (Golden Schmoes Awards) : Meilleur film d'horreur de l'année
    Meilleur film de science-fiction de l'année
    La plus grande surprise de l'année
    Prix Scream du Meilleur film d'horreur
    The Ultimate Scream (Meilleur film) Meilleure suite
    Scène de l'année "Jump-From-Your-Seat"
    Distinctions 2008:
    Festival du cinéma espagnol de Malaga: Prix Eloy de la Iglesia
    Prix BET Meilleur acteur
    Prix de la bande-annonce d'or, Meilleur spot TV d'horreur, Meilleure affiche de film d'horreur
    Prix du cinéma britannique du Evening Standard, Meilleure réalisation technique
    Prix Empire du Meilleur film d'horreur