dimanche 11 décembre 2016

WESTWORLD

Titre original : WestworldNote: 5/5
Origine : États-Unis
Créateurs : Lisa Joy, Jonathan Nolan
Réalisateurs : Jonathan Nolan, Richard J. Lewis, Neil Marshall, Vincenzo Natali, Jonny Campbell, Fred Toye, Stephen Williams, Michelle MacLaren.
Distribution : Evan Rachel Wood, Anthony Hopkins, Thandie Newton, Ed Harris, Jeffrey Wright, James Marsden, Ben Barnes, Clifton Collins Jr., Rodrigo Santoro, Angela Sarafyan…
Genre : Science-Fiction/Western/Aventure/Drame/Adaptation
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
Dans un futur proche, Westworld, un parc d’attractions unique au monde, propose à ses visiteurs une immersion totale dans l’univers de l’Ouest Américain, avec ses bandits, ses héros, ses jolies filles et ses promesses d’aventure. Un endroit peuplé d’androïdes plus vrais que nature, qui si ils sont capables d’agir comme de véritables humains, ne peuvent en aucun cas blesser ou tuer. Pourtant, un jour, une série d’incidents dus à ce qui pourrait n’être que de simples dysfonctionnements informatiques, se produit dans le parc. Les hôtes, comme ils sont appelés, agissent étrangement, s’écartant parfois des limites imposées par leur programme. Et ce n’est que le début…


LA CRITIQUE DE WESTWORLD – SAISON 1 :
C’est en 1973 que sort au cinéma Mondwest (Westworld en version originale). Un film écrit et réalisé par un certain Michael Crichton, qui se fera notamment remarquer 17 ans plus tard avec son roman Jurassic Park, dont l’adaptation par Steven Spielberg ne manquera d’inscrire son nom au panthéon de la littérature et du septième-art. Mondwest donc, qui raconte l’histoire d’un parc d’attractions recréant trois univers : le Western, la Rome antique et le Moyen-Age. Des mondes séparés les uns des autres, peuplés de robots capables d’imiter à la perfection les humains, au service de visiteurs encouragés à s’amuser en laissant libre court à tous leurs désirs. Des machines qui ne vont pas tarder à se soulever contre ceux qui jusqu’alors, les avaient toujours soumis à leur volonté parfois perfide et violente. Avec Westworld, HBO a donc souhaité revenir sur l’idée centrale de Mondwest. Un film qui a d’ailleurs initié une mouvance, notamment marquée par des œuvres phares comme Terminator et qui aujourd’hui, se voit totalement remanié. De l’œuvre originale, la série n’a retenu qu’un seul univers, à savoir le Western. Univers que le show a considérablement élargi. Géographiquement, mais pas seulement…
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST 2.0
Le pilote de Westword est un authentique bijou. Jonathan Nolan (le frère de Christopher), showrunner de la série avec Lisa Joy, a d’ailleurs tenu à le réaliser. Histoire de donner le ton à ceux qui allaient prendre la suite. Nolan qui nous emmène dans le monde qu’il a façonné de toutes pièces. Visuellement, Westworld impose une excellence rarement vue sur un petit écran. On savait HBO désireux de faire de Westworld son nouveau blockbuster, afin de prendre le relais de Game Of Thrones, dont la conclusion s’annonce, mais force est de reconnaître que les moyens sont là. La photographie est splendide, les décors grandioses et les costumes itou. « Ce n’est pas de la TV, c’est HBO » affirme le slogan du network. Encore une fois, après Game Of Thrones ou encore Rome, c'est vrai. Facile de se laisser happer par l’ambiance, qui évoque tout un pan de l’histoire du cinéma américain. Les codes sont déjà là. Au premier et au second plan.
Puis voilà qu’on nous montre les coulisses. Les longs couloirs, les intérieurs et les architectures aseptisées. Bienvenue dans le futur. La technologie est poussée jusque dans ses derniers retranchements, là où les hôtes, ces robots plus vrais que vrais, sont fabriqués pour ensuite aller rejoindre leurs congénères au Far West où les attendent des humains assoiffés d’aventure, de violence et de sexe. La rupture entre les coulisses et la scène est franche. Régulièrement, dans le seul premier épisode, le récit fait des allers-retours et nous expose les principaux tenants d’un postulat redoutablement prometteur.
Ceux qui ont vu le film peuvent alors déceler de petits détails qui montrent qu’un brutal changement ne va pas tarder alors que ceux qui n’en ont jamais entendu parler, se doutent aussi que ce Disney World pour adultes, sans souris et canards géants, ne pourra pas éternellement capitaliser sur les bas instincts de ses visiteurs sans qu’un jour, tout explose ou du moins soit remis en compte. Et puis HBO oblige, les images sont parfois crues. Le sang des androïdes, identique au notre, jaillit sur les notes familières d’un piano qui joue à sa sauce des standards du rock. Dans un respect total du genre qu’il entend s’approprier, le show opère en sous-main une déconstruction impressionnante d’un cahier des charges qu’on prend pour acquis tout en sachant qu’au fond il n’en est rien. Après une telle introduction, une seul question se pose : les neuf autres épisodes vont-il soutenir ce rythme et faire honneur à ce chef-d’œuvre ? La réponse est oui.

LES ANDROÏDES COW-BOY RÊVENT-ILS DE CHEVAUX ÉLECTRIQUES ?
Dans sa globalité, la première saison de Westworld parvient à se poser les bonnes questions. Celles qui découlent d’un vrai désir d’aller au plus profond de thématiques chères au cinéma d’anticipation, qu’on retrouve aussi bien dans la littérature, et ce dès Mary Shelley, que dans des films comme Robocop ou comme Terminator 2. Ce que certains ont fait avec talent, à savoir extrapoler le discours de Mondwest au fil de longs-métrages ambitieux, Westworld le prolonge. La série s’inscrit dans une tradition noble, qui utilise le fantastique pour aborder des sujets métaphysiques universels. Le tout en prenant soin de ne pas non plus se regarder le nombril trop longtemps et de proposer une suite de péripéties dignes des plus grands westerns, afin de nourrir un suspense qui ne tourne pas le dos au côté très premier degré du genre. En cela, beaucoup des figures mythiques du western sont là. Le héros valeureux, la jeune fille, le bad guy… Le truc, c’est qu’ici, tout est destiné à voler en éclats et à retourner l’esprit des spectateurs qui accepteront de suivre les personnages dans leurs quêtes lourdes de sens pour au final, lors du dernier épisode, apprendre des vérités en forme de philosophies percutantes. Inutile de trop en dire ici. Le mieux est encore de vivre l’expérience par soi-même. Un peu comme pour LostLeftovers et toutes ces œuvres télévisuelles qui n’ont pas peur de ne pas prendre leur public à revers et de faire appel à sa capacité d’analyse. La différence étant que pour Westworld, les réponses arrivent plutôt vite. L’épisode 10, le dernier de ce premier acte répond à la majorité des interrogations posées, tout en ouvrant la voie à de nouvelles péripéties. Il change la donne. Redistribue les cartes. Avec une maestria qui, encore une fois, force le respect.
Truffé de références, le scénario fait autant appel à la culture populaire qu’à des éléments plus pointus. Il oppose l’humain à la machine la plus perfectionnée, pour souligner les déviances et les contradictions qui nous caractérisent. Le grand manitou incarné par Anthony Hopkins est celui qui tire les ficelles, et dont la démarche permet d’offrir un autre éclairage au mythe de Prométhée et à la notion au centre de toutes les religions. Un Dieu auto-proclamé, cousin éloigné du Docteur Frankenstein et du Docteur Jekyll.
Jonathan Nolan et Lisa Joy y vont franchement. Chaque chapitre offre son lot de questions et de rebondissements. D’un côté Westworld prend son temps, mais de l’autre, il avance, jonglant entre les protagonistes sans en laisser un seul sur le bas côté. Que la concurrence zombifiée en prenne de la graine. Bien sûr, on peut souligner ici ou là ce qui ressemble à des incohérences. Il est légitime de relever des choses étranges qui ne collent pas. Jusqu’au dernier épisode, qui assemble toutes les pièces du puzzle. Même celles qui ne semblaient pas appartenir à ce tableau. Sans forcer le passage. Avec poésie et naturel.

LA HORDE SAUVAGE
Histoire de faire les choses correctement, les showrunners ont réuni un casting de premier ordre. Du jamais vu pour une série. D’habitude, les acteurs se dévoilent à nous et deviennent ensuite des stars. Comme avec Game Of Thrones. Pas dans Westworld. Ici, c’est à un authentique défilé que nous convie la série. Anthony Hopkins n’avait pas tourné pour la TV depuis longtemps. Ce n’est pas une surprise, il est à nouveau magistral. Il joue sur des nuances que nous lui connaissons bien mais arrive à nous surprendre et à nous captiver. Entre malice et ce petit quelque chose qui annonce l’indicible. James Marsden lui aussi livre une performance assez incroyable. Cliché sur pattes destiné à souffrir pour le plaisir des visiteurs, le Teddy qu’il campe dénote presque à lui tout seul de la volonté du show de déconstruire des repères tout en jouant avec. Ed Harris est d’une intensité parfaite en homme en noir impénétrable. Son charisme fait des merveilles, tout comme celui de Jeffrey Wright, comédien de premier ordre si il en est. Il faut aussi saluer l’incroyable Thandie Newton, qui trouve l'un de ses meilleurs rôles. Un rôle qui ne cesse d’évoluer. Sous nos yeux, l’actrice se métamorphose, doute, séduit, rentre dans le lard… Impressionnant.
Enfin, Evan Rachel Wood, sorte d’Ève du nouveau Nouveau monde dont la souffrance cristallise les pulsions meurtrières d’une humanité en quête d’évasion, s’avère tout bonnement incroyable. D’une beauté à couper le souffle, elle prend de plus en plus d’importance, profitant de cette évolution pour nous gratifier d’un jeu complexe, tout en retenue. En découle un mélange de puissance et de fragilité, prouvant que non seulement l’actrice a tout compris à la partition qu’elle doit sublimer (ce qu’elle fait) mais aussi que les producteurs ne pouvaient pas trouver mieux que cette comédienne pour y placer les enjeux et la moelle substantielle de leur créature polymorphe.

INTELLIGENCE (PAS SI) ARTIFICIELLE
Inutile de préciser (mais on le fait quand même) que Westword brille avant tout par son ambition. Par sa maîtrise aussi et tant pis si quelques redondances viennent parfois ralentir la rythmique car au fond, elles confèrent au récit une véritable clarté. C’est ainsi qu’on entrevoit aussi le souhait des showrunners de ne pas laisser les spectateurs sur leur faim. Un public qui pourra continuer à élaborer des théories mais qui, à la fin, aura toutes les réponses aux questions posées. La prise de risque est réelle. Dans les thématiques abordées et dans cette série de choix constituant l’ADN d’un spectacle grandiose mais pas tapageur. Lyrique mais pas prétentieux. Épique mais intime. Tragique et viscéral.
En Bref…
Avec Westworld, HBO a frappé un grand coup. D’un film de science-fiction culte, Jonathan Nolan et Lisa Joy ont tiré une fresque complexe car tentaculaire, à la portée spectaculaire et au discours universel et philosophique. Visuellement somptueuse, cette première saison ne déçoit jamais et fascine en permanence. C’est beau, passionnant et le pire (ou le meilleur) c’est que si on en croit l’ultime scène, c’est loin d’être fini… Westworld n’a pas dévoilé tous ses secrets.

@ Gilles Rolland
En savoir plus sur http://www.onrembobine.fr/series-tv/critique-serie-westworld-saison-1/#AbI0hGazw0EoQuPi.99


                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site www.cinemovies.fr

de Michael Chrichton. 1973. U.S.A. 1h29. Avec Yul Brynner, Richard Benjamin, James Brolin, Norman Bartold, Alan Oppenheimer, Victoria Shaw, Dick Van Patten, Linda Gaye Scott, Steve Franken.

Sortie salles France: 27 Février 1974. U.S: 21 Novembre 1973

FILMOGRAPHIE (source Wikipedia)Michael Chrichton est un écrivain, scénariste, producteur et réalisateur américain, né le 23 Octobre 1942, décédé le 4 Novembre 2008 à Los Angeles.
1972: Pursuit (télé-film inédit en France). 1973: Mondwest. 1978: Morts Suspectes. 1979: La Grande Attaque du Train d'or. 1981: Looker. 1984: Runaway, l'évadé du futur. 1989: Preuve à l'appui (Physical Evidence).
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Premier long-métrage du célèbre écrivain Michael CrichtonMondwest est le précurseur de bon nombre de blockbusters ricains dont Génération ProteusTerminator, Hardware, Robocop et Blade Runner en seront les dignes représentants. Récit d'anticipation dénonçant les dérives du progrès technologique, ce western d'anticipation décuple son caractère inquiétant en la présence hiératique de l'illustre Yul BrynnerEn villégiaturedeux notables découvrent l'incroyable attraction de Delos, un univers fantasmatique scindé en trois époques. Le monde médiéval, le Far-West et l'empire Romain sont reconstitués sous l'effigie d'une scénographie criante de vérité avec l'appui d'experts scientifiques pour façonner des humanoïdes plus vrais que nature. Alors que tout semblait réuni pour combler le dépaysement de nos touristes rupins, les robots figurants adoptent subitement un comportement vindicatif échappant au contrôle de leurs créateurs !
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Qui n'a pas fantasmé séjourner dans une époque vétuste de notre patrimoine historique pour explorer la quotidienneté d'un univers aussi exotique qu'obsolète ! Mondwest constitue l'utopie cinégénique de nos désirs ludiques les plus saugrenus. Ainsi, pour divertir l'homme avide de sensations nouvelles et d'expériences exaltantes, Michael Chrichton conçoit un parc d'attraction révolutionnaire lorsque des vacanciers fortunés vont pouvoir côtoyer et cohabiter parmi la présence singulière de robots d'apparence humaine. Dans des décors criant de vérité pour parfaire son univers antique et travestir nombre de péripéties homériques afin de contenter le touriste avide d'action et rebondissements (bagarres de saloon, évasion de prison, duels au pistolet et luxure avec tapineuses), Mondwest se savoure comme une friandise acidulée au fil d'un cheminement cauchemardesque. Par conséquent, nos deux protagonistes machistes ont pu concrétiser leur rêve de gosse en endossant les rôles de cowboys insolents sombrant dans la marginalité criminelle depuis la provocation d'un antagoniste toujours plus arrogant. C'est dans la peau de cet androïde opiniâtre que Yul Brynner crève l'écran dans sa posture aussi monolithique que frigide, car déterminé à persécuter ses adversaires et annihiler toute présence humaine planquée dans les recoins de Delos.
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Au préalable, le réalisateur met en avant le caractère ludique d'une telle situation lorsque nos touristes peuvent à loisir concrétiser leurs fantasmes les plus récréatifs. Sous la provocation hostile d'humanoïdes conçus pour émoustiller nos héros capricieux, Crichton dépeint la peur instinctive de l'homme lorsqu'il est opposé à une situation de danger létal. Ces robots plus vrais que nature engendrant la confusion chez nos protagonistes désorientés par ce semblant de vie au sein d'une topographie historique bluffante de vérité ! Sous l'impulsion de leur orgueil, nos deux héros convaincus de leur prépondérance vont finalement se laisser influencer par leurs instincts les plus primaires en se fondant dans la peau de criminels mégalos d'autant plus avides de liberté. C'est à ce moment propice que les robots préalablement asservis par notre autorité décident de perpétrer leurs exactions depuis la défaillance inexpliquée de leur technologie. Alors que tout semblait édénique afin de combler les attentes extravagantes de nos estivants, nos androïdes détraqués se lancent alors dans une impitoyable chasse à l'homme. Et ce, jusqu'à ce qu'un Terminator azimuté redouble de subterfuge et d'autonomie afin d'éradiquer le dernier survivant.

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Un monde où rien ne peut aller de tarvers
Terriblement dépaysant et jouissif mais aussi malsain, Mondwest constitue une bande-dessinée vitriolée truffée de péripéties haletantes si bien que le spectateur complice peut laisser libre court à son imaginaire baroudeur. Par l'entremise du cinéma d'anticipation, ce western baroque présage en sous-texte les dangers de nos technologies innovantes sous influence d'une société de consommation privilégiant la classe bourgeoise. Transcendé par la prestance magnétique de Yul Brynner, Mondwest provoque un enthousiasme caustique quant au portrait pessimiste d'un futur discrédité par la révolution d'une technologique faillible. Autrement dit, la perfection n'est pas pour demain...

10.04.12
Bruno Matéï

vendredi 9 décembre 2016

Ginger Snaps: Resurrection / Ginger Snaps 2: Unleashed

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site dpstream.net

de Brett Sullivan. 2004. Canada. 1h34. Avec Emily Perkins, Tatiana Maslany, Eric Johnson, Janet Kidder, Brendan Fletcher, Katharine Isabelle,

Sortie salles Canada: 30 Janvier 2004

FILMOGRAPHIE: Brett Sullivan est un réalisateur et scénariste canadien.
2004: Ginger Snaps: resurrection. 2007: The Chair. 2015: A Christmas Horror Story.

Si John Fawcett, réalisateur du 1er opus, céda sa place au néophyte Brett Sullivan, ce dernier n'a rien à lui envier si bien que Ginger Snaps: resurrection s'avère à mon sens encore plus réussi que son modèle (j'en suis au 4è visionnage pour m'en convaincre) derrière ses paraboles sur la toxicomanie et la crainte de devenir femme. Une gageure inespérée qui mérite d'être surlignée tant cette séquelle façonnée sans prétention nous immerge de plein fouet dans un authentique cauchemar à la fois irrespirable, dark en diable, dépressif, glauque, fascinatoire au possible, profondément dérangeant par son climat malsain olfactif. Le Pitch: Brigitte, soeur de Ginger, est internée dans un centre psychiatrique après ses allégations improbables autour de l'agression d'un ami par un loup-garou. Accro à l'Aconit, un poison mortel qui devrait l'empêcher de devenir à son tour loup-garou, elle s'efforce de retarder sa métamorphose avec l'aide d'une jeune ado, Ghost. Ensemble, elles décident de s'enfuir de l'hôpital pour se confiner dans la maison de la grand-mère de cette dernière. Un pitch classique mais très efficace que Brett Sullivan  parvient à rendre passionnant de par la caractérisation fragile des deux ados marginales dont le corps médical n'a que peu d'intérêt à leur condition névrosée. Le foyer potentiellement sécurisant étant en prime corrompu par un trafic de drogue qu'un des jeunes infirmiers érotomanes organise sous le mode du racket. Saturé d'une magnifique photo monochrome aux teintes infiniment ébènes et érubescentes pour ces séquences de violence particulièrement sauvages, et de la contribution musicale d'une bande-son dissonante aux accents stridents, Ginger Snaps 2 extériorise un climat crépusculaire ensorcelant au fil des pérégrinations de nos rebelles pourchassées par un loup criant de férocité !


Très impressionnantes, ces apparitions cinglantes, qui plus est, souvent intelligemment suggérés (afin de mieux faire travailler notre imaginaire) fascinent et terrifient par le biais d'FX mécaniques particulièrement réalistes bien que lestement discrets. Le réalisateur ne lésinant pas sur la brutalité escarpée de ses exactions meurtrières aussi cruelles que sanglantes. Mais la force du film réside également dans la cohésion amicale que se partagent Brigitte et Ghost puisque livrées à elles mêmes au sein d'un contexte occulte hérité des contes de fée. Ces dernières étant contraintes de se planquer dans les endroits les plus blafards (conduits et sous-sols hospitaliers, cave, chambre, grenier d'une demeure mortifère) en guise de survie, quand bien même l'infirmier sans vergogne pourrait être à nouveau sollicité à leur livrer de l'Aconit afin de déjouer la malédiction de Brigitte. Dominé par la prestance photogénique d'Emily Perkins, l'actrice porte le film sur ses épaules dans sa posture de toxico renfrognée en proie à la peur (métaphorique) de l'éveil sexuel dans son corps chrysalide. Quand bien même la petite Tatiana Maslany (révélée dans la série TV Orphan Black) lui partage la vedette avec l'ambiguïté d'un tempérament schizo en demi-teinte. Outre ses nombreuses courses-poursuites à la fois haletantes et angoissantes au sein d'un hôpital puis d'un huis-clos littéralement opaque (la demeure vétuste auquel un tragique incendie causa la mort de la grand-mère de Ghost), Ginger Snaps 2 gagne en intensité durant l'évolution morale de Brigitte en affrontant courageusement son pire rival. Dans la mesure où le réalisateur illustre scrupuleusement sa lente progression vers la lycanthropie avec une densité humaine dépressive, notamment du fait de ses crises de manque à l'Aconit (plante herbacée conçue à la base pour empoisonner les loups) et de sa volonté d'affronter le danger en guise de dignité, de bravoure, de baroud d'honneur.


Darkness.
Atmosphérique au possible, malaisant et capiteux de par sa vénéneuse ambiance mortifère soucieuse du détail formel, cafardeux et poisseux sous éclairage d'un esthétisme nocturne étonnamment onirique, Ginger Snaps 2 tire-parti de son réalisme et de sa vigueur émotionnelle grâce au portrait instable imparti aux deux ados en perdition morale. Le réalisateur s'efforçant en prime de nous ébranler en fin de parcours quant à la véritable identité d'un témoin capital et d'achever sa conclusion vers un nihilisme à l'ironie glaçante. A découvrir d'urgence.

B-M. 
15.07.23. 4èx
 
                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de John Fawcett. 2000. U.S.A. 1h48. Avec Emily Perkins, Katharine Isabelle, Kris Lemche, Mimi Rogers, Jesse Moss, Danielle Hampton

Sortie salles Canada: 11 Mai 2001. Inédit en salles en France.

FILMOGRAPHIEJohn Fawcett est un réalisateur américain, né le 5 Mars 1968 à Edmonton, Alberta, Canada. 1997: The Boys Club. 2000: Ginger Snaps. 2001: Lucky Girl (télé-film). 2005: The Dark. 2008: The quality of life. 2006: Issue Fatale.


Inédit en salles en France et directement sorti en Dvd en catiminie, Ginger Snaps aborde le thème de la lycanthropie avec une rare intelligence pour son traitement des personnages. Celui de deux soeurs inséparables partagées entre un goût pour le morbide (elles se mettent en scène pour exprimer diverses tentatives de suicide) et un désir de séduction au prémices de leur puberté. Sauvagement agressée en pleine nuit par un loup-garou à proximité d'un parc, Ginger change peu à peu de comportement face à l'impuissance de sa soeur cadette. Communément soudées par les liens de la fratrie, Brigitte tente de trouver une solution pour enrayer le mal qui ronge Ginger. Si sur le papier, le scénario sans surprises laisse craindre une resucée convenue du film de loup-garou, John Fawcett en décortique une métaphore sur la crise adolescente et le passage à l'âge adulte d'un point de vue féminin. Un parti-pris rarement abordé chez la thématique lycanthrope permettant au récit de renouveler les clichés même si on peut prêter une certaine allusion au personnage infortuné de Carrie de De Palma (notamment lorsque Ginger observe pour la première fois ses menstruations depuis sa transformation corporelle).


Avec tact et une sobre tendresse pour dresser les portraits fragiles de deux ados rebelles, Ginger Snaps adopte une tournure documentée afin de mettre en exergue une tragédie horrifique bâtie sur l'étude de caractère. En portant un regard scrupuleux sur le malaise adolescent et l'angoisse de la mort du point de vue de deux soeurs marginales, cette série B aux allures de télé-film témoigne d'une surprenante vigueur psychologique pour la descente aux enfers d'ados en crise identitaire. Tant pour la victime en proie à des pulsions sanguinaires et sexuelles incontrôlées que du témoignage de sa soeur complice, bouleversée à l'idée d'endurer sa lente mutation et s'efforçant de trouver un antidote. Formidablement incarné par deux actrices juvéniles épatantes de tempérament dans leur complicité affectée et véreuse (notamment leur collaboration meurtrière), Emily Perkins et Katharine Isabelle portent le film à bout de bras avec un naturel expansif. Outre le réalisme du contexte horrifique aussi improbable, on est également surpris de la véracité des crimes perpétrés avec brutalité par une créature indomptable ! Les effets spéciaux artisanaux s'avérant par ailleurs convaincants pour donner chair au loup-garou quand bien même les effets gores insistent à décrire l'agonie haletante des victimes sans un chouia de complaisance.


Délibéré à transcender l'objet de série B sous couvert d'une passionnante étude de caractères, John Fawcett en extrait un documentaire sur l'émoi adolescent sous l'impulsion de deux comédiennes en roue libre. On peut donc aujourd'hui considérer sans réserve Ginger Snaps comme un classique moderne à conserver auprès de La Nuit du Loup-garouHurlements et le Loup-garou de Londres

B-M. 3èx

RécompensesPrix spécial du jury, lors du Festival international du film de Toronto en 2000.
Prix du meilleur film, meilleure actrice pour Emily Perkins et meilleurs effets spéciaux, lors de la Semaine du cinéma fantastique de Málaga en 2001.
Prix du meilleur film sorti en DVD, par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 2002.

Prix du meilleur film, lors des International Horror Guild Awards en 2002.

jeudi 8 décembre 2016

Appel d'Urgence / Miracle Mile


"Miracle Mile" de Steve De Jarnatt. 1987. U.S.A. 1h27. Avec Anthony Edwards, Mare Winningham, John Agar, Lou Hancock, Mykelti Williamson, Kelly Jo Minter, Kurt Fuller, Denise Crosby.

Sortie salles France: 31 Janvier 1990.  U.S: 19 Mai 1989.

FILMOGRAPHIE: Steve De Jarnatt est un réalisateur et scénariste américain.
1983: Strange Brow. 1987: Cherry 2000. 1988: Appel d'Urgence


Perle rare honteusement oubliée, toujours inédite en support numérique — du moins dans l’Hexagone — Miracle Mile constitue un morceau de suspense vertigineux. L’originalité de son concept, filmé en temps réel, capte d’emblée : dans une cabine téléphonique, un homme reçoit l’appel paniqué d’un inconnu lui annonçant une guerre nucléaire dans un délai d’1h10 ! Dès lors, la tension monte, sensorielle, sourde, contaminante. Le héros nous la transmet à mesure qu’il traverse une ville au bord du chaos, dans l’espoir insensé de retrouver son nouvel amour et passer avec elle les derniers instants... puis fuir Los Angeles en hélicoptère parmi quelques rescapés. Encore faut-il, dans ce maelström, trouver le pilote pour les mener à l’aéroport.

Véritable périple de tous les dangers, semé de rencontres impromptues avec des quidams apeurés, individualistes, parfois hostiles, Appel d’Urgence hypnotise, comme une expérience crépusculaire saisie sur le vif — la lueur de l’aube s’incrustant progressivement, au rythme implacable d’une temporalité resserrée. Les événements se précipitent, entre incidents fortuits et romance désespérée, tandis qu’un climat anxiogène s’installe, gangrené par la folie. À l’intensité de cette situation inédite s’ajoute le doute : peut-on croire cette voix, ce soldat affolé à l’autre bout du fil, qu’on ne reverra jamais et dont on ignore la santé mentale ?

Porté par une mise en scène rigoureusement tendue et quelques séquences chocs, parfois d’une cruauté foudroyante, Appel d’Urgence nous immerge dans une paranoïa grandissante, où chaque personnage semble contaminé par la rumeur. Jusqu’au final, terrifiant, qui s’acharne à traduire sans fard les derniers spasmes d’une société en chute libre, montrant une foule aliénée se heurter aux portes de l’apocalypse. Le méconnu Steve De Jarnatt — réalisateur de séries et du film Cherry 2000 — signe ici un point d’orgue anthologique, retranscrivant avec une rigueur quasi documentaire un effondrement moral à la portée universelle.


Expérience sensorielle profondément pessimiste quant à son issue (non exempte pourtant d’un romantisme onirique dans son ultime image), Appel d’Urgence cultive un suspense à trancher au rasoir, dans l’écrin d’une série B à l’efficacité redoutable. Sur le thème de l’apocalypse nucléaire et de ses conséquences irréversibles, c’est à mon sens l’un des films les plus viscéralement terrifiants — et haletants — que j’aie pu voir, aux côtés du Jour d’Après de Nicholas Meyer. Le score envoûtant de Tangerine Dream, pulsation sourde dans l’urgence, n’est d’ailleurs pas étranger à l’impact émotionnel de cette course (vaine) contre la montre.


B-M. 2èx

Récompense: Prix des meilleurs effets-spéciaux au festival international du film de Catalogne.

08.12.16
04.03.11 (266 v)


                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site encyclocine.com

de Nicholas Meyer. 1983. U.S.A. 2h06. Avec Jason Robards, JoBeth Williams, Steve Guttenberg, John Cullum, John Lithgow, Bibi Besch, Lori Lethin, Amy Madigan.

Diffusion TV U.S: 20 Novembre 1983. Sortie salles France: 25 Janvier 1984

FILMOGRAPHIENicholas Meyer est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 24 Décembre 1945 à New-York.
1979: C'était demain. 1982: Star Trek 2. 1983: Le Jour d'Après. 1985: Volunteers. 1988: Les Imposteurs. 1991: Company Business. Star Trek 6. 1999: Vendetta.


Phénomène télévisuel lors de sa diffusion américaine à tel point qu'il créa un vent de panique chez plusieurs spectateurs (un standard téléphonique était à disposition le jour même de sa projection !), Le Jour d'Après a engendré un tel impact émotionnel que notre pays hexagonal s'est empressé de l'exploiter en salles de cinéma. Oeuvre de fiction post-apo illustrant les conséquences catastrophistes d'une troisième guerre mondiale assujettie au péril nucléaire, le Jour d'Après décrit avec un réalisme abrupt la survie d'une centaine de survivants touchés par la radioactivité. Établi en trois parties, la narration s'attache de prime abord à nous décrire la quotidienneté de diverses familles peu à peu enclins à l'inquiétude lorsque les infos télévisées annoncent un conflit politique de grande envergure entre l'URSS, l'Allemagne de l'Est et les Etats-Unis. La caractérisation des personnages nous est illustrée de manière traditionnelle dans leur principes de valeurs morales liés à l'harmonie familiale. Au fil des informations alarmistes retransmises à la télé et à la radio, l'anxiété et l'appréhension des citadins commencent à prendre une ampleur incontrôlée quand certains d'entre eux décident d'investir les centres commerciaux afin de remplir leur cadis. Alors que toute une famille se réfugie au fond d'une cave pour se prémunir d'une potentielle attaque, certains pèlerins situés à des kilomètres de leur foyer tentent de rejoindre leurs proches le plus furtivement qu'ils peuvent.


C'est au moment où les missiles américains sont envoyés vers l'URSS qu'une riposte fatale va plonger les Etats-unis dans un holocauste nucléaire d'une envergure apocalyptique. Les effets spéciaux perfectibles alternant le cheap et le réalisme (épaulé de stock-shots issus des films Un Tueur dans la foule et Meteor) réussissent néanmoins à provoquer une terreur insondable. C'est d'abord l'explosion de missiles atomiques ébauchant l'icône du fameux champignon qui nous est asséné de plein fouet devant le témoignage d'une population horrifiée. Brasiers industriels, destructions massives de cités urbaines décharnées nous sont ensuite représentées avec une vigueur visuelle proprement cauchemardesque. Pour une production télévisuelle, Nicholas Meyer frappe fort dans sa détermination à secouer le public sans esbroufe mais avec un effort de persuasion dont l'impact se révèle inévitablement éprouvant. Cette seconde partie, aussi concise qu'elle soit, réussit avec une efficience implacable à provoquer une stupeur et une terreur proprement viscérales !


La dernière partie, la plus prolixe, poignante et jusqu'au boutiste nous illustre les conséquences du désastre atomique à travers le destin d'une poignée de survivants et de ces quelques familles désunies que le réalisateur avait pris soin de nous familiariser. Avec des moyens considérables et l'entremise de centaines de figurants, le réalisateur décrit "l'après apocalypse" par l'entremise d'images saisissante de désolation. Amas de cendres sur les champs calcinés, forêt clairsemée dénuée de végétation, arbres dépouillés de feuillage, cadavres d'animaux, charniers de cadavres en décomposition ou momifiées. L'odeur du choléras et de la mort distillent dans l'air une atmosphère feutrée tandis que des pillards et terroristes sans abri tentent d'imposer la loi du plus fort. Cette dernière partie très impressionnante dans sa vision dantesque de fin d'un monde nous immerge au sein d'une Amérique agonisante où chaque survivant erre sans lueur d'espoir à la manière de zombies condamnés.


Cri d'alarme contre la menace du péril atomique si une troisième guerre mondiale devait un jour aboutir, le Jour d'Après est une impitoyable charge contre la politique de nos gouvernements en divergence insoluble. La verdeur de ces images morbides compromises à l'impact foudroyant du cataclysme nucléaire laissent en mémoire l'achèvement d'un génocide en décrépitude. Terrifiant jusqu'au malaise nauséeux, en espérant ne jamais connaître pareille infortune !

Note subsidiaire: On estime à plus de 100 millions le nombre d'Américains à avoir regardé ce téléfilm depuis sa première diffusion.

29.11.12. 4èx

B-M


                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site t411.me

de Lynne Littman. 1983. U.S.A. 1h34. Avec Jane Alexander, William Devane, Rossie Harris, Roxana Zal, Lukas Haas, Philip Anglim, Lilia Skala.

FILMOGRAPHIELynne Littman est une réalisatrice, scénariste et productrice, née le 26 Juin 1941 à New-York, USA.
1973: In the Matter of kenneth. 1980: Once a Daughter. 1983: Le Dernier Testament. 1999: Freak City (télé-film). 1999: Having our say: the delanys sister's 100 years (télé-film).


Sorti la même année que Le Jour d'Après, Le dernier Testament prend le contre-pied du trauma post-apo de Nicholas Meyer pour décrire les effets collatéraux d'une bombe nucléaire sur la population civile. Car ici, point de catastrophe spectaculaire et de visions morbides de victimes décharnées sous les effets radioactifs, Lynne Littman optant la sobriété afin de mettre en valeur le caractère humain de sa tragédie. Dans une petite banlieue de San Francisco, les habitants sont soudainement avertis d'un message télévisuel leur indiquant que des engins nucléaires viennent d'exploser sur leur territoire. Une mère de famille, dont l'époux vient de s'absenter, tente de préserver ses enfants quand bien même le nombre de victimes commence à progresser.


Inédit en Dvd, Le Dernier Testament est une modeste production aussi méconnue que l'identité de sa réalisatrice mais qui s'avère pourtant digne d'intérêt dans sa puissance dramatique. En privilégiant à tous prix la force de suggestion réfutant l'esbroufe, Lynne Littman dénonce les effets dévastateurs de la bombe nucléaire avec une pudeur émotive qui force le respect. Car ici point de pathos pour nous bouleverser d'une situation aussi catastrophiste (bien que cette bourgade de San Francisco n'ait jamais été directement touchée par une explosion !) mais une retenue à imposer un sentiment de désespoir inscrit dans la constance et la décence. Ce qui intéresse surtout l'auteur, c'est le cheminement courageux d'une mère de famille pour préserver la vie de ses trois enfants avec son refus de s'y morfondre quand ses proches sont voués à l'inévitable. A travers son destin galvaudé, la réalisatrice brosse un superbe portrait maternel où accablement et lutte pour l'espoir ne cessent de s'entrechoquer. Car rendue garante depuis l'absence professionnelle de son mari, Carol va tenter de relever tous les défis moraux pour survivre après les effets secondaires de la radiation. En jouant la carte de l'intimisme, Lynne Littman nous fait également pénétrer dans la loyauté de cette famille parmi la responsabilité infantile car y accordant une belle place pour leur solidarité. Qui plus est, ce qu'il y a d'inévitablement bouleversant et implacable dans cette tragédie, c'est d'observer de manière impuissante le calvaire psychologique d'une mère toujours plus accablée par la mort de sa progéniture Et de compter sur le souvenir, la foi (après l'avoir dénigré !), la filiation, le soutien, et surtout la fermeté afin de tolérer pareil fardeau.


Bouleversant et remarquablement interprété (Jane Alexander force l'admiration dans son épreuve de force interminable !); Le Dernier Testament est un réquisitoire contre l'holocauste nucléaire inscrit dans la pudeur et la dignité humaine. Une oeuvre modeste mais fragile qu'il faut impérativement redécouvrir pour juger de son intensité émotionnelle et sa simplicité narrative allant droit à l'essentiel. 

B-M

3èx

mercredi 7 décembre 2016

Les Ripoux. César du Meilleur Film, 85.

                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site grace-de-capitani.com

de Claude Zidi. 1984. France. 1h47. Avec Philippe Noiret, Thierry Lhermitte, Régine, Grace de Capitani, Julien Guiomar, Albert Simono, Claude Brosset.

Sortie salles France: 19 Septembre 1984

FILMOGRAPHIE: Claude Zidi est réalisateur et scénariste français né le 25 juillet 1934 à Paris.
1971 : Les Bidasses en folie. 1972 : Les Fous du stade. 1973 : Le Grand Bazar. 1974 : La moutarde me monte au nez. 1974 : Les Bidasses s'en vont en guerre. 1975 : La Course à l'échalote. 1976 : L'Aile ou la Cuisse. 1977 : L'Animal. 1978 : La Zizanie. 1979 : Bête mais discipliné. 1980 : Les Sous-doués. 1980 : Inspecteur la Bavure. 1982 : Les Sous-doués en vacances. 1983 : Banzaï. 1984 : Les Ripoux. 1985 : Les Rois du gag. 1987 : Association de malfaiteurs. 1988 : Deux. 1989 : Ripoux contre ripoux. 1991 : La Totale ! 1993 : Profil bas. 1997 : Arlette. 1999 : Astérix et Obélix contre César. 2001 : La Boîte. 2003 : Ripoux 3. 2011: Les Ripoux anonymes, série coréalisée avec son fils Julien Zidi.


A peine remis de l'immense succès de Banzai, Claude Zidi rameute à nouveau les foules un an plus tard avec Les Ripoux. Comédie policière auréolée des Césars du Meilleur Film et du Meilleur réalisateur, les Ripoux tire parti de son charme et de sa fantaisie grâce à la complicité amiteuse du duo en roue libre Lhermitte/Noiret et grâce à l'audace d'un script s'en donnant à coeur joie dans le politiquement incorrect. Affublé d'un nouveau partenaire à l'intégrité indéfectible, l'inspecteur René Boisrond tente de l'influencer à perpétrer ses petites magouilles auprès de truands et d'honnêtes commerçants afin de maintenir son train de vie prospère. Réticent et offusqué de prime abord, François Lesbuche finit par céder à la facilité de l'illégalité depuis sa romance entamée avec une jeune courtisane. 


Alternant harmonieusement romance, tendresse et cocasserie, Les Ripoux constitue un miracle de comédie populaire que Claude Zidi nous illustre avec une sincérité incorrigible. Outre son florilège de péripéties pittoresques que notre duo de ripoux accomplissent avec une bonhomie fourbe, leur portrait plein d'humanisme nous provoque une telle empathie qu'on se laisse facilement entraîner dans leurs combines toujours plus intolérables. L'inspecteur Boisrond étant fervent passionné des courses hippiques, son adjoint pourrait bien lui exaucer son rêve le plus cher après avoir céder à la corruption ! Mené sur un rythme particulièrement trépidant, l'intrigue prône les composantes de cocasserie et de tendresse sous le cheminement amical de nos compères avides de réussite. Au centre de ce duo effronté se disputant finalement une transaction de grande ampleur, deux catins au grand coeur s'efforcent de les soutenir au péril d'une éventuelle déroute. La vénérable Régine et la sémillante Grace de Capitani endossant leurs rôles de faire-valoir avec une générosité sentimentale toujours plus convaincue.


Un classique imperturbable
D'une audace inouïe pour sa satire invoquée à la corruption policière (notamment les ruses du chiffre-d'affaire afin de préserver la réputation d'un commissariat), les Ripoux exploite avec une efficacité insolente la légèreté cocasse pour parodier la gravité du sujet. Servi par l'entêtante mélodie élégiaque de Francis Laï, il en émane un moment d'émotions décapantes que se partage tendrement notre quatuor d'anti-héros fripons. 

B-M. 4èx

Récompenses: César du meilleur film en 1985.
César du meilleur réalisateur pour Claude Zidi en 1985.

Box-Office France: 5 882 397 Entrées

mardi 6 décembre 2016

NIGHTWATCH

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdcity.dk

"Nattevagten" de Ole Bornedal. 1994. Danemark. 1h46. Avec Nikolaj Coster-Waldau, Sofie Gråbøl, Kim Bodnia, Lotte Andersen, Ulf Pilgaard.

Sortie salles Danemark: 25 Février 1994

FILMOGRAPHIE: Ole Bornedal est un réalisateur danois né le 26 mai 1959.1994 : Le Veilleur de nuit. 1997 : Le Veilleur de nuit (remake). 2003 : Dina. 2007 : The Substitute. 2009 : Deliver us from the evil. 2010 : Just Another Love Story. 2012 : Possédée.


Sorti directement en Dvd chez nous, Nightwatch est la première réalisation du danois Ole Bornedal. Sous le moule d'une modeste série B, ce thriller horrifique impressionna tant le public ricain qu'un remake (inutile) fut mis en chantier 3 ans plus tard par le cinéaste himself. D'une efficacité remarquable dans son cheminement narratif oppressant et dans l'étude caractérielle de personnages badins, Nightwatch nous fait pénétrer dans le huis-clos macabre d'une morgue supervisée par un veilleur de nuit. Au même moment, un mystérieux serial-killer adepte de la nécrophilie nargue l'étudiant Martin durant ses multiples rondes, quand bien même le comparse de ce dernier se mêle à la confusion dans le but risible de lui flanquer la frousse.


Exploitant le cadre réfrigérant d'une chambre froide, Ole Bornedal parvient avec savoir-faire à distiller une montée latente de l'angoisse lorsque Martin redoute d'y pénétrer depuis l'alarme de sa minuterie. A travers diverses séquences d'apprentissage avec sa peur et sa paranoïa, la dérision macabre est de rigueur depuis que celui-ci et son acolyte Jens se sont également lancés dans une compétition puérile dont la motivation est d'y braver l'interdit. A travers leur délire trivial (comme celui d'inviter au restaurant une prostituée afin de courtiser Martin), le réalisateur prend soin de nous familiariser avec ses deux énergumènes immatures se provoquant mutuellement pour l'enjeu d'une concurrence. Quand bien même les profils impartis à leurs petites amies ne manquent pas non plus de tempérament dans leur difficulté d'anticiper une vie conjugale. Au milieu de ces discordes de couple, un mystérieux tueur se mêle à leur crise afin de parfaire un nouveau stratagème meurtrier qui aura comme conséquence perfide de culpabiliser Martin. Grâce à ce script charpenté aussi savoureux qu'inquiétant, Nightwatch oscille suspense et horreur avec l'intensité d'une dramaturgie souvent sarcastique (notamment pour les réparties macabres exprimées chez certains seconds-rôles).


2 mariages et 1 enterrement
A travers une satire au vitriol sur l'immaturité, Ole Bornedal parvient lestement à structurer une farce macabre sous l'impulsion d'une initiation héroïque. Passionnant pour l'ossature de son suspense affûté et truffé de rebondissements comme le souligne l'identité du coupable, Nightwatch tire parti de son dynamisme dans l'évolution attachante de nos adultes instables (remarquablement campés par des comédiens épatants de fraîcheur et de naturel) et le réalisme des situations cauchemardesques qu'ils s'efforcent de déjouer individuellement avant la solidarité.     

B-M.
03/12/2016. 3èx
27/04/2001

samedi 3 décembre 2016

Massacres dans le Train Fantôme / The Funhouse

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site arte.tv

de Tobe Hooper. 1981. U.S.A. 1h39 (Uncut). Avec Elizabeth Berridge, Shawn Carson, Jeanne Austin, Jack McDermott, Cooper Huckabee.

Sortie salles France: 24 Juin 1981. U.S: 13 Mars 1981

FILMOGRAPHIETobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas)
1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantôme, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.


"La foire aux monstres intimes".
À peine remis du succès scandaleux de Massacre à la Tronçonneuse et du non moins poisseux Crocodile de la Mort, Tobe Hooper replonge dans l’horreur avec son troisième long-métrage : un slasher hybride, au décor original et au titre significatif — Massacre dans le Train Fantôme. Derrière cette appellation française racoleuse se devine, en filigrane, une manière tacite de rappeler que l’auteur du film d’horreur le plus sulfureux des années 70 est de retour derrière la caméra.

Quatre étudiants décident de passer frauduleusement la nuit dans un train fantôme, sans se douter qu’ils seront les témoins d’un meurtre sordide. Traqués, ils doivent désormais sauver leur peau. À partir d’une trame plus finaude qu’il n’y paraît, Hooper exploite les codes du slasher avec une inventivité rare, multipliant les rebondissements et insufflant une tension dramatique palpable. Le tueur masqué, loin d’être un simple boogeyman, n’est ici que l’instrument d’un maître-chanteur — son propre père ! Après avoir étranglé une foraine au terme d’un rapport sexuel trouble (séquence d’une suggestion glauque, d’autant plus dérangeante si l’on suppose qu’il s’agit de sa propre mère), le meurtrier, affublé d’un masque de Frankenstein, implore l’aide paternelle pour faire disparaître le corps. Ayant assisté à la scène, nos quatre intrus deviennent les victimes désignées — sacrifiés pour avoir eu la malchance d’être au mauvais endroit au mauvais moment. D’autant que le monstre lui-même, freak déficient en quête d’amour, s’avère aussi victime que bourreau, dominé par l’autorité écrasante d’un père sadique. Sa tendresse envers l’héroïne laisse poindre une lueur d’humanité dans ce carnaval de cruauté.


Esthétiquement flamboyant, sublimé par un format scope et une palette d’éclairages polychromes, Hooper accorde une attention méticuleuse à la scénographie foraine : manèges à sensations, spectacles de magie, shows érotiques. La première demi-heure s’érige ainsi en véritable déclaration d’amour à cet univers de foire, alors que les jeunes flânent entre les attractions dans une atmosphère de légèreté enfumée. Mais le ton sarcastique et bon enfant bascule vite vers l’angoisse, une fois nos protagonistes piégés dans l’antre du train fantôme. En jouant sur la théâtralité grotesque des automates ricanants, Hooper distille un climat en demi-teinte : aussi attractif qu’oppressant. L’irruption brutale des pièges et la multiplicité des menaces (deux tueurs s’ajoutent à la fête !) brisent les codes, jusqu’à détourner les clichés du genre : la blonde ne montre rien, la brune pudique s’expose. Le film, au fil de sa descente aux enfers, cultive un malaise diffus et adopte un rythme haletant, jusqu’à l’état de marasme mental de l’unique survivante. Impossible de ne pas songer à Massacre à la Tronçonneuse, quand l’héroïne, submergée de visions, semble vaciller aux portes de la folie.


"Les Rails de la démence".
Captivant, claustro, halluciné, Massacre dans le Train Fantôme réinvente le slasher en délocalisant l’horreur au cœur d’un parc d’attractions, réceptacle de nos peurs d’enfance. Si la psychologie des ados aurait mérité un surcroît de profondeur, ils n’en demeurent pas moins attachants dans leur lutte désespérée vers la sortie. Hooper orchestre une tension de tous les instants, flirtant avec le sordide dans une fable baroque sur la monstruosité héréditaire. Le regard ambigu du petit frère de l’héroïne — aussi moqueur que lâche, puis cruellement indifférent — ajoute une note de perversion domestique à cette fresque empoisonnée. Parsemé de clins d’œil aux classiques Universal, ce conte sardonique aux allures de film de monstres distille une atmosphère vénéneuse, où s’épanouissent les exactions d’une filiation dégénérée. Un bijou noir, encore plus scintillant qu’à l’époque de sa sortie.

Bruno 
25.01.14. 5èx (127)

vendredi 2 décembre 2016

Les Enfant de Salem

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

"A Return to Salem’s Lot" de Larry Cohen. 1987. U.S.A. 1h40. Avec Michael Moriarty, Samuel Fuller, Ricky Addison Reed, Andrew Duggan, Evelyn Keyes, Jill Gatsby.

Sortie salles France: 2 Mars 1988. U.S: 11 Septembre 1987.

FILMOGRAPHIE: Larry Cohen est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 15 Juillet 1941. Il est le créateur de la célèbre série TV, Les Envahisseurs.
1972: Bone, 1973: Black Caesar, Hell Up in Harlem, 1974: Le Monstre est vivant, 1976: Meurtres sous contrôle, 1979: Les Monstres sont toujours vivants, 1982: Epouvante sur New-York, 1985: The Stuff, 1987: La Vengeance des Monstres, Les Enfants de Salem, 1990: l'Ambulance.
- Comme Producteur: Maniac Cop 1/2/3.
- Comme Scénariste: Cellular, Phone Game, 3 épisodes de Columbo.


Faisant suite aux Vampires de Salem, un télé-film fleuve réalisé par Tobe Hooper en 1979, Les Enfants de Salem constitue une série B horrifique particulièrement étrange si bien que Larry Cohen attache beaucoup de crédit à fignoler l'ambiance (faussement) rassurante d'une bourgade rurale dirigée par une lignée de vampires. Divertissement modeste uniquement conçu pour divertir le public du samedi soir, les Enfants de Salem envoûte sensiblement sous l'impulsion fantaisiste d'un trio de héros exubérants que rien ne prédisposait à la réunion ! En villégiature à Salem, un père divorcé et son fils instable décident d'emménager dans l'ancienne demeure d'une tante. Mais rapidement, le bourgmestre leur dévoile sa véritable identité ainsi que celle des citadins particulièrement accoutumés à s'abreuver du sang frais du bétail lorsque les victimes humaines manquent à l'appel. Sollicité à leur écrire une bible pour tenir lieu de leur grandeur, Joe Weber craint que son fils soit leur prochaine victime d'un mariage arrangé au moment même où un chasseur de Nazi fait irruption dans la contrée. 


Bougrement attachant et inévitablement charmant, les Enfants de Salem est un film d'ambiance à l'ancienne pour sa peinture studieuse allouée aux us et coutumes d'une communauté séculaire de vampires (ils sont vieux de plus de 3 siècles et s'affublent d'un charisme gandin !) et de complices policiers co-existant dans un village reculé. Larry Cohen prenant soin de filmer sa nature solaire et ses plaines verdoyantes et de nous immerger dans leur quotidienneté face au témoignage de Joe et de son fils littéralement déboussolés d'une situation aussi improbable. Si le scénario aborde quelques idées comme l'entreprise singulière d'une bible et d'une nouvelle procréation hybride (l'enfantement de la jeune femme vampire Amanda par Joey), l'intérêt réside surtout dans les relations conflictuelles que Joe (Michael Moriarty, naturel de présence lambda en paternel malléable !) et son fils turbulent (Ricky Addison Reed, d'un charisme typiquement agaçant dans sa posture morveuse !) enchaînent sans réserve jusqu'à ce que l'arrivée d'un chasseur de nazi leur inculque sa discipline. L'inattendu Samuel Fuller se prêtant au jeu du grand-père héroïque (c'est lui qui incite le duo à l'affrontement des vampires !) avec une dérision irrésistible comme le souligne ses stratégies d'attaques et subterfuges de survie ! A ce titre, la seconde partie trépidante multiplie les péripéties horrifiques et l'humour badin à un rythme métronomique tant et si bien que l'on éprouve beaucoup de plaisir à la cohésion amicale de cette équipée improbable ! Mais aussi ludique et sympathique soit leur initiation épique, Les Enfants de Salem alterne le bon et le moins bon lorsque Larry Cohen s'entiche de maladresses (l'incohérence comportementale de certains personnages), de faux raccords et d'effets spéciaux cheap issus d'une série Z !


Entre le plaisir innocent et l'intégrité d'une série B un tantinet atmosphérique, les Enfants de Salem constitue une drôle de curiosité oubliée dans sa facture bisseuse d'horreur cartoonesque (on peut d'ailleurs prêter une allusion aux E.C Comics) et d'aventures fringantes que mènent fougueusement notre trio de comédiens décomplexés. A redécouvrir avec nostalgie sous l'impulsion de son superbe score entêtant.

*Bruno
02.12.16. 
07.06.11.
21.07.2024. 5èx

jeudi 1 décembre 2016

JIANG-HU. Grand Prix, Gerardmer 94

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site notrecinema.com

"The Bride with white hair" de Ronny Yu. 1993. Hong-Kong. 1h32. Avec Brigitte Lin. Leslie Cheung. Elaine LuiJi. Kit Ying Lam. Eddy Ko

Sorti en France en Dvd le 7 Février 2005. Corée du Sud: 25 September 1993

FILMOGRAPHIE: Ronny Yu Yan-tai (chinois: 于仁泰) est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur chinois né en 1950 à Hong Kong. 1979 : Cheung laap cheing ngoi. 1980 : La Justice d'un flic. 1981 : Xun cheng ma. 1981 : Jui gwai chat hung. 1984 : Ling qi po ren. 1985 : Si yan zi. 1986 : L'Héritier de la violence. 1988 : S.O.S. maison hantée. 1989 : Gwang tin lung foo wooi. 1991 : Qian wang 1991. 1992 : Wu Lin sheng dou shi. 1992 : Huo tou fu xing. 1993 : Bai fa mo nu zhuan II. 1993: Jiang-Hu. 1995 : Ye ban ge sheng. 1997 : Magic warriors. 1998 : La Fiancée de Chucky. 1999 : Chasing Dragon. 2001 : Le 51e État. 2003 : Freddy contre Jason. 2006 : Le maître d'armes. 2008 : Fear Itself (TV). 2013 : Saving General Yang.


Si Ronny Yu se fit surtout connaître auprès du public français avec La Fiancée de Chucky, le 51è Etat et Freddy contre Jason, il fut quelques années au préalable la révélation de Gérardmer si bien qu'ils lui attribuèrent leur fameux Grand Prix pour son splendide Jiang-Hu. Spectacle homérique plein de fureur et de magie noire, de sang et de larmes, Jiang-Hu s'inspire de la trame de Romero et Juliette pour mettre en relief l'histoire d'amour impossible entre une sorcière et un guerrier émérite. Compromis par la rivalité de leurs clans, Lien et Zhuo décident in fine de quitter leur famille pour s'exiler et vivre paisiblement leur liaison amoureuse. Mais le chef sorcier du clan de Lien aussi ivre d'amour pour elle va tout mettre en oeuvre pour détruire leur relation.


En combinant les genres du Wu xia pian (film de sabre), du fantastique, de l'horreur, de la romance et de la féerie, Jiang-Hu est une merveille formelle de chaque instant. Tant pour le soin esthétique de sa scénographie baroque (à l'instar des immenses sculptures de pierre implantées dans le palais de Zhuo) et de sa photo onirique (sa nature crépusculaire et sa rivière d'Eden !) que de ses affrontements belliqueux où les corps à corps aériens insufflent une vélocité vertigineuse ! Outre son action chorégraphique d'une vigueur étourdissante comme l'accentue notamment le dynamisme du montage, Jiang-Hu amorce surtout une magnifique histoire d'amour au fil de son odyssée guerrière auquel un combattant finit par se compromettre au choix cornélien après avoir chéri sa maîtresse farouche. En abordant les thèmes de la jalousie, de la traîtrise et surtout de la suspicion, Ronny Yu joue brillamment sur l'ambiguïté de leurs rapports amoureux après que des membres du clan de Zhuo furent retrouvés massacrés (par l'éventuelle dulcinée). Sous l'impulsion de leur discorde sentimentale en perdition vient se greffer l'impériosité machiavélique d'un autre amant adepte de magie noire. Un leader hybride redoutablement mesquin si bien qu'il se partage son corps avec sa cruelle soeur jumelle. D'un charisme diabolique dans leurs apparences exubérantes, ces derniers instaurent une aura horrifique irrésistiblement ensorcelante au fil de leurs exploits surnaturels ! Ronny Yu s'en donnant à coeur joie pour transfigurer des combats au sabre (disputés au sol et dans les airs) avec l'appui d'effets spéciaux insensés !


Fleur de sang
Poème féerique prônant les valeurs de l'amour, de la confiance et de l'espoir derrière l'absurdité d'un conflit guerrier avide d'autocratie, Jiang-Hu transcende les genres disparates évoqués plus haut sous une forme aussi baroque que débridée. Il en émane un spectacle épique d'une flamboyance lyrique quand bien même son intensité dramatique en berne nous laisse une note amère quant à l'éventuelle rédemption du couple infortuné. 

B-M. 3èx

Récompenses: Prix du Meilleur film, Fantafestival 1994
Grand Prix à Gérardmer, 1994