"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
jeudi 13 septembre 2018
BODY DOUBLE
de Brian De Palma. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry, Deborah Shelton, Guy Boyd, Dennis Franz.
Sortie salles France: 20 Février 1985. U.S: 26 Octobre 1984
FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.
Le pitch: Après avoir surpris sa compagne avec un amant, Jake Scully, acteur au rabais pour des séries Z horrifiques, se lie d'amitié avec le comédien de théâtre Sam. Celui-ci lui propose de l'héberger quelques jours dans la vaste demeure (une chemosphère) d'un de ses amis partis en villégiature. En prime, avec l'aide d'une longue vue, il l'incite à observer sa voisine d'en face pratiquant chaque soir un striptease. Or, un beau soir, Jake est témoin du meurtre de celle-ci par un mystérieux indien.
Hommage aussi bien effronté que couillu à Vertigo et à Fenêtre sur Cour, Body Double fut un échec public et critique lors de sa sortie; faute d'une intrigue truffée de dérision et de vulgarité au sein du milieu underground de la pornographie. Et donc, probablement qu'à l'époque les journalistes et le public n'ont pas perçu le côté décalé, limite parodique des situations outrancières (la séquence du meurtre à la perceuse avec le cordon électrique trop court pour atteindre la victime, le clip Relax filmé dans les coulisses du X auprès d'une figuration SM, l'épilogue risible avec ce vampire punk massant langoureusement sa victime sous la douche), et ce par le truchement d'un hommage vitriolé à Hitchcock. Depuis largement réévalué au point de l'estampiller comme l'un de ses ultimes chefs-d'oeuvre, Body Double demeure un modèle de suspense et d'écriture à travers une enquête jubilatoire bâtie sur les tabous du voyeurisme et de la pornographie ainsi que du faux semblant et du désir sexuel. Sur ce dernier point, rien que la longue séquence de filature entre Jack et sa voisine au sein des galeries marchandes est un morceau d'anthologie à enseigner dans les écoles (à l'instar de celle de la galerie des beaux-arts transfigurée dans Pulsions).
De Palma illustrant consciencieusement une filature inlassable, non seulement autour des va et vient de la voisine mais également autour des agissements patibulaires de l'indien que Jack tente malgré tout de suivre à la trace avec une interrogation davantage dérangée. Génialement incarné par Craig Wasson en acteur de série Z à la fois empoté, naïf et terriblement complexé auprès de sa claustrophobie l'empêchant d'exercer son métier, Body Double redouble d'intensité et de suspense émoulu parmi son témoignage obsessionnel à épier dans un désir pervers et amoureux sa voisine en rut. Et ce avant son incursion décalée dans le milieu du X afin d'approcher une éventuelle complice de meurtre ! Sublimé par le score hyper sensuel de Pino Donnagio, De Palma émoustille nos sens à travers ses chorégraphies hyper sensuelles de striptease torride filmée avec une élégance teintée de vulgarité. Comme de coutume épaulé d'une intrigue irrésistiblement machiavélique fondée sur le simulacre et la mise en abyme, Body Double est un plaisir infini de cinéma ludique. Tant auprès de la forme esthétisante et stylisée que du fond à travers l'initiation d'un acteur timoré en voie d'affirmation et de surpassement de soi. Enfin, à travers une direction d'acteurs hors-pair, on peut notamment saluer le jeu si avenant (au 1er abord) de Gregg Henry Spoil en conspirateur meurtrier fin du Spoil ainsi que la présence très sexy de Melanie Griffith en actrice X à la fois paumée et fragile dans sa naïveté de s'être laissée corrompre par la finance du X.
Modèle de mise en scène formant une sorte de pied de nez au cinéma d'Hitchcock dans sa modernité explicite et sa dérision semi-parodique, Body Double joue la carte de la sensualité et de la pornographie auprès d'une intrigue machiavélique ne manquant pas de tendresse pour dépeindre en sous-texte la condition souvent précaire des acteurs de seconde zone (Jake et Holly sont comme deux enfants égarés dans un monde d'artifices qui ne leur ressemble pas). Jubilatoire et audacieux dans l'intensité de son érotisme sensoriel à travers un vertige amoureux aussi bien cruel que salvateur.
Bruno
5èx
mercredi 12 septembre 2018
VENGEANCE A 4 MAINS
de Oliver Kienle. 2017. Allemagne. 1h34. Avec Frida-Lovisa Hamann, Friederike Becht, Christoph Letkowski
Sortie Vod France: 4 Septembre 2018. Allemagne: 30 Novembre 2017.
FILMOGRAPHIE: Oliver Kienle est un réalisateur, scénariste et acteur allemand né en 1982. 2017: Vengeance à Quatre Mains. 2013 Tatort (TV Series) (1 episode). Happy Birthday, Sarah! (2013). 2010 Bis aufs Blut - Brüder auf Bewährung.
Thriller captivant brillamment réalisé et incarné par 2 comédiennes se confondant en émoi paranoïde, Vengeance à 4 mains relate la schizophrénie de Sophie profondément traumatisée par la mort de ses parents 20 ans plus tôt par des cambrioleurs. Quand bien même suite à un accident ayant causé la mort de sa soeur Jessica renversée par une voiture lors d'une dispute, Sophie semble persécutée par l'esprit de la défunte. Sombre récit de vengeance mortuaire du point de vue d'un dédoublement de personnalité, Vengeance à 4 mains s'avère redoutablement réaliste afin de nous faire douter de la santé mentale de Sophie littéralement asservie par le fantôme teigneux de Jessica (Friederike Becht, très impressionnante lors de ses règlements de compte tranchés). D'une violence rigoureuse auprès des exactions criminelles entrevues lors du perturbant prologue et auprès du comportement véloce de Jessica en justicière stoïque, Vengeance à 4 mains nous laisse dériver dans un vertigineux thriller eu égard du cheminement narratif truffé d'incidents inexpliqués (au 1er abord !) et de rebondissements équivoques (notamment au niveau de son éventuel twist final qui déconcertera sans doute une frange du public).
Outre la force psychologique de son récit sinueux habilement structuré par le biais d'ellipses (et donc peu à peu limpide au fil des flash-back et de la transformation identitaire de Sophie), Vengeance à 4 mains diffuse un suspense amer auprès de l'investigation intime de celle-ci en proie à une paranoïa toujours plus ingérable. Véritable dédale mentale d'une héroïne bicéphale hantée par la vengeance, le film traite inévitablement de la difficulté d'assumer la perte de l'être cher, de la culpabilité et de l'amour possessif sous l'impulsion du duo orageux Frida-Lovisa Hamann / Friederike Becht habitée par leur dissension morale. Poignant et cruel, Vengeance à 4 mains gagne donc en intensité et crédibilité quant aux sorts précaires des deux héroïnes sévèrement traumatisées par un passé crapuleux. Superbement photographié à travers des nuances sombres pour rendre compte de l'état psychologique des héroïnes fébriles, Oliver Kienle maîtrise d'autant mieux sa réalisation par le biais de plans tarabiscotés incroyablement percutants. Et ce en émaillant son puzzle narratif de séquences-chocs brutales parfois difficilement supportables (principalement l'agression finale d'une tension claustro à couper le souffle !).
Production germanique auprès d'un réalisateur novice (il s'agit de son second métrage), Vengeance à 4 mains est un excellent thriller psychologique à double niveau de lecture si on privilégie le reflet de miroir de son intrigue potentiellement surnaturelle d'une poignante intensité dramatique.
* Bruno
mardi 11 septembre 2018
Carnage / The Burning
Sortie salles France: 28 Avril 1982 (Int - 18 ans). U.S: 8 Mai 1981
FILMOGRAPHIE: Tony Maylam est un réalisateur britannique né à Londres en 1943.
1981: Carnage. 1988: Across the lake (télé-film). 1992: Killer Instinct
Oui il est toujours vivant ! Et tous les ans il réapparaît dans un camp d'été comme celui la et il cherche toujours à se venger des terribles choses que ses gosses lui ont faites.
Tous les ans il tue, même cette nuit il est là à nous épier ! A attendre !
Ne regardez pas, il vous verrait !!! Ne respirez pas, il vous entendrait !!!
Ne bougez pas, vous êtes morts !!!!!!!!!!!!!!!!"
Un an plus tard, le Britannique Tony Maylam réexplore le filon, rappelle à l’ordre l’artisan Savini, et livre sa version du « camp maudit où de jeunes vacanciers sont pris pour cible par un tueur masqué ». Et là, le miracle opère. Car Carnage transcende son ancêtre, suivant un canevas canonique emprunté aux Dix Petits Nègres, avec une réalisation avisée, un réalisme cru, une dramaturgie radicale, un gore malsain et un climat forestier inhospitalier, oppressant.
Le pitch : un surveillant de camp est accidentellement brûlé vif suite à une mauvaise blague. Cinq ans plus tard, défiguré, il revient se venger, bien décidé à martyriser une nouvelle bande d’adolescents insouciants. À la lecture, le scénario semble éculé, presque interchangeable avec celui de Vendredi 13. Mais l’ambiance, ici, se fait plus tangible, le suspense plus insidieux, savamment distillé dans les batifolages adolescents — jusqu’à une dernière demi-heure haletante, terrifiante, véritable plongée en mode survival évitant toute redite stérile.
Après un prologue cruel, où l’ironie potache laisse place à l’horreur d’un grand brûlé alité, l’entrée en scène du tueur frappe fort. Le film lorgne vers le giallo, avec cette silhouette en manteau noir et chapeau, qui assassine une jeune prostituée à coups de longs ciseaux. Meurtre brutal, sale, sec, dont la perversion explicite est accentuée par l’arme pénétrant la chair en gros plan. Par la suite, si le récit suit une ligne classique et quelques situations rebattues, Maylam prend soin d’installer une atmosphère ombrageuse, appuyée par un souffle malsain et une bande-son palpitante.
Mais Carnage, c’est surtout une présence indicible, tapie dans les frondaisons, un battement de cœur perpétuel, un tueur fantomatique que l’on aperçoit à peine — une ombre, une paire de cisailles. Le réalisateur joue avec nos peurs enfantines, celles des contes au coin du feu. La séquence du feu de camp, aussi brève soit-elle, instille un vrai frisson d’appréhension. Peur ludique, ogre forestier, surgissant sans prévenir pour fondre sur sa proie ! Certaines scènes, latentes, sont filmées avec une précision chirurgicale. Et lorsque le tueur frappe, les meurtres cinglants nous glacent, portés par l’efficacité du jump scare et une cruauté tolérée. Mention spéciale à la séquence du radeau : corps lacérés, cisaille en furie, dans une chorégraphie sanglante d’une rare inventivité.
La partition électro stridente de Rick Wakeman amplifie l'effroi, pousse la tension jusqu'à l'effondrement, accompagne la panique croissante d’ados traqués par la folie.
Anecdotes : Il s’agit de la première production d’Harvey Weinstein pour Miramax. Son frère Bob a participé au scénario, et Jack Sholder (futur réalisateur de The Hidden) officia au montage. Les Weinstein affirmeront d’ailleurs que leur script fut écrit avant celui de Vendredi 13...
* Bruno11.09.18. 6èx
lundi 10 septembre 2018
LES GUERRIERS DU BRONX 2
"Fuga dal Bronx" de Enzo G. Castellari. 1983. Italie. 1h32. Avec Mark Gregory, Henry Silva, Valeria D'Obici, Giancarlo Prete, Paolo Malco, Ennio Girolami, Antonio Sabato.
Sortie salles France: 1er Août 1984. Italie: 15 Août 1983.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.
Un an après les exploits de Trash et sa bande du Bronx, on prend les mêmes et on recommence avec Les Guerriers du Bronx 2 toujours réalisé par Enzo G. castellari. Une séquelle explosive si bien que l'action est ici décuplée par 10 avec une redondance tout juste tolérable. De par son humour involontaire, son attachant climat de désolation urbaine et le surjeu irrésistible des acteurs s'en donnant à coeur joie dans les expressions bellicistes. Alors qu'un promoteur véreux s'empresse de nettoyer les quartiers du Bronx de la délinquance, Trash et une poignée d'irréductibles leur tiennent tête flingues à la main. Mais les victimes s'accumulent au point qu'une journaliste frondeuse y déclare un génocide face aux médias. Dès lors, pour Trash et ses survivants, ne reste plus comme stratégie de dernier ressort de kidnapper le président afin de faire front à la flambée de violence.
Aussi bonnard que son prédécesseur, les Guerriers du Bronx 2 ne compte que sur la surenchère épique pour emporter notre adhésion avec plus ou moins de bonheur eu égard de l'ambiance apocalyptique d'un Bronx réduit à feu et à sang. Les mercenaires aguerris et l'armée fasciste accourant tous azimuts au sein d'un climat de folie urbaine rendue erratique. Castellari multipliant cascades et explosions en règle avec une certaine efficacité et ce même s'il abuse de ralentis et chorégraphies itératives à travers les corps éjectés en l'air. Toujours aussi inexpressif dans sa posture ignare et laconique, Mark Gregory continue de jouer les gros bras redresseurs de tort avec une foi inébranlable ! Et nous de s'amuser de ses exploits outre-mesure sous l'impulsion de dialogues impayables oscillant sobriété et vulgarité.
La grande java.
Décomplexé auprès de sa violence parfois complaisante (les victimes lâchement brûlées vives avec un réalisme risible), un chouilla gore lors de quelques plans concis, dégénéré et con comme la lune de par son pitch minimaliste, Les Guerriers du Bronx 2 ravira les amateurs de Z rital grâce à son action belliqueuse hyperbolique et ses têtes familières de seconde zone (Henry Silva en tête).
* Bruno
2èx
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com
"1990: I guerrieri del Bronx" de Enzo G. Castellari. 1982. Italie. 1h30. Avec Stefania Girolami, Marco Di Gregorio, Vic Morrow, Christopher Connelly, Fred Williamson, "Betty" Elisabetta Dessy
Sortie salles France: 17 Novembre 1982
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie).
1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.
Sorti en pleine mouvance du Post-Nuke initié par Mad-max 1 et 2, Les Guerriers de la Nuit et New-York 1997, les Guerriers du Bronx constitue l'un des célèbres ersatz transalpins des années 80 que les vidéophiles se sont empressés de louer au video du coin. Série Z bricolée avec les moyens du bord dans ses carrières désaffectées d'un New-York dystopique, les Guerriers du Bronx s'inspire largement du chef-d'oeuvre de John Carpenter. Sauf qu'ici, et pour varier la donne, les rôles et situations sont inversés au profit d'un ennemi sanguinaire implanté dans le territoire interdit, le royaume des Riders ! Dans le sens où un exterminateur sans vergogne est chargé de retrouver en vie Anne, la jeune héritière d'une corporation d'armement réfugiée dans le quartier interdit depuis l'influence de magnats véreux. Seulement, ce dernier n'hésite pas à assassiner de sang froid les quidams marginaux empiétant son chemin. C'est dans cette zone réputée mortelle qu'Anne établit la rencontre de Trash et de son équipe motorisée. Des loubards livrés à eux mêmes bien que subordonnés à l'autorité de l'Ogre, un leader afro à l'enseigne du quartier du Bronx. Afin de sauver la vie de cette fugitive, Trash et ses compagnons décident d'invoquer l'aide de l'Ogre depuis les exactions criminelles de Hammer, l'exterminateur.
Ce scénario aussi inepte qu'improbable sorti d'une bande dessinée fauchée parvient modestement à nous divertir dans son lot de stratégies guerrières, trahison et confrontations physiques que nos anti-héros perpétuent vaillamment pour un enjeu humain. En pompant notamment sur l'autre modèle susdit (les Guerriers de la Nuit), pour la panoplie exubérante des clans barbares (principalement les "Zombies" affublés d'une combinaison de Hockey), les Guerriers du Bronx illustre de manière triviale les pérégrinations belliqueuses de ces anti-héros dont Trash s'avère le porte parole le plus loyal. C'est également au niveau des engins motorisés (le crane encastré au creux du guidon de chaque bécane) et des acteurs cabotins, aussi attachants qu'impayables dans leur posture inexpressive (la présence atone de Trash et de ses mercenaires ressemblent à s'y méprendre au groupe Village People !), que le film parvient à amuser, réparties machistes à l'appui ! Sa narration redondante culminant enfin avec générosité vers un affrontement épique entre forces de l'ordre et mercenaires lors d'une guérilla urbaine étonnamment pessimiste !
Série Z d'action futuriste soutenue par l'excentricité des personnages grotesques et par le surréalisme de situations ineptes, Les Guerriers du Bronx traduit avec une sobre efficacité une fantaisie débridée sous l'impulsion de pugilats infantiles hérités d'un épisode de San Ku Kai ! Grâce à la sincérité de son auteur et le jeu outrancier des acteurs de seconde zone, ce nanar d'exploitation laisse en mémoire un divertissement assez plaisant dans sa facture bisseuse typiquement transalpine.
vendredi 7 septembre 2018
Les Griffes de la Nuit / A nightmare on Elm Street
Sortie salles France: 6 mars 1985. U.S: 16 Novembre 1984
FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.
Une plongée vertigineuse dans l'univers du rêve en compagnie d'un grand brûlé revanchard !
Auréolé du Prix de la critique et du Prix d'interprétation féminine (Heather Langenkamp) à Avoriaz en 1985 puis plébiscité par le public et la critique internationale, les Griffes de la Nuit révolutionna le cinéma d'horreur moderne sous la houlette d'une nouvelle figure monstrueuse, Freddy Krueger.
Ainsi, grâce à son refus de la dérision et à la création d'une atmosphère délicieusement irréelle (voire parfois même teintée de poésie morbide), Les Griffes de la Nuit gagne en crédibilité à daigner authentifier une intrigue surnaturelle faisant intervenir un croquemitaine revanchard dans l'univers complexe du rêve. Dans la mesure notamment où la science ignore toujours son origine métaphysique sans doute afin de préserver l'arcane de la mort. Constamment captivant à suivre les vicissitudes d'une héroïne constamment malmenée par un monstre provocateur, alors que ses acolytes feront les frais de ses exactions sournoises, Wes Craven détourne intelligemment les clichés grâce à la présence mature de Nancy Thompson en initiation héroïque. A contre-emploi donc de l'ado décervelée, Heather Langenkamp porte le film sur ses épaules avec une force d'expression téméraire de par son désir de ne pas se laisser dériver par sa paranoïa face à une provocation meurtrière ayant la faculté d'altérer à sa guise la réalité quotidienne au sein du rêve. Bénéficiant d'effets-spéciaux novateurs pour l'époque, on reste encore aujourd'hui aussi impressionné par le réalisme des situations horrifiques d'une violence gore décomplexée et d'une inventivité en roue libre. A l'instar du sort "vertigineux" de Tina ou du destin de Glen littéralement happé par son lit ! En outre, afin d'accentuer la dimension onirique de son contexte cauchemardesque où rêve et réalité fusionnent grâce à la dextérité du montage, le score mélodique Charles Bernstein retransmet à merveille ce doux sentiment d'insécurité et d'appréhension lorsque les ados se laissent happer durant leur sommeil par un tortionnaire passé maître dans l'art de manipuler une réalité illusoire.
Classique du genre nanti d'un vénéneux pouvoir de fascination de par son concept atypique (tiré d'un fait réel, voir entretien de Wes Craven dans les Bonus du Blu-ray) et à la présence stoïque de Heather Langenkamp, les Griffes de la Nuit aborde le thème du rêve avec cette volonté subsidiaire de nous questionner sur l'intensité de cette dimension parallèle apte à nous confondre dans une seconde réalité le temps d'un sommeil. Troublant et angoissant sur un rythme échevelé que Craven conduit sans gratuité, les Griffes de la Nuit est enfin transcendé de la présence démoniale de Freddy Krueger résolument dérangeant, lâche et fétide, notamment si on y gratte le vernis de son passé sulfureux.
* Bruno
07.01.25. 7è x. 4K Vost
16.10.10
Anecdotes: Le film fut interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salle au Québec.
C'est Claude Chabrol qui est à l'origine du titre français: Les Griffes de la Nuit ! Parallèlement à son poste de réalisateur, il travaillait à long terme pour trouver des titres français à des productions américaines.
mercredi 5 septembre 2018
La Nuit des Diables / La Notte Dei Diavoli
de Giorgio Ferroni. 1972. Italie/Espagne. 1h31. Avec Gianni Garko, Agostina Belli, Cinzia De Carolis, Mark Roberts, Bill Vanders, Teresa Gimpera, Luis Suarez, De Carolis Cinzia, Umberto Raho.
Sortie en salles en Italie le 29 Avril 1972
FILMOGRAPHIE: Giorgio Ferroni est un réalisateur, acteur, monteur, producteur et scénariste italien né le 12 Avril 1908, décédé le 17 Août 1981. 1936: Pompei. 1939: Terre de feu. 1942: Macario au Far-west. 1946: Sans Famille. 1947: Tombolo, paradis noir. 1960: Le Moulin des Supplices. 1961: La Guerre de Troie. 1963: Hercule contre Moloch. 1964: Le Colosse de Rome. 1964: Hélène, Reine de Troie. 1966: Trois cavaliers pour Fort Yuma. 1966: Le Dollar Troué. 1971: La Grande Chevauchée de Robin des Bois. 1972: La Nuit des Diables. 1975: Le dur... le mou... et le pigeon.
D'après une nouvelle de Tolstoï, déjà portée à l’écran par Mario Bava dans l’un des fameux sketchs des 3 Visages de la peur, La Nuit des Diables renoue avec l’épouvante gothique sous la mainmise de l’éminent Giorgio Ferroni. Douze ans après nous avoir émus avec le splendide Moulin des Supplices, il renouvelle ici, de manière autrement horrifique, la romance morbide où perce la mélancolie d’un amour disparu, brisé par une solitude insurmontable.
Le pitch : blessé, Nicolas est retrouvé dans un état de choc, à la lisière d’une forêt. Soigné en institut psychiatrique, il se montre incapable de se souvenir de son passé. En proie à une panique croissante, il redoute l’arrivée de la nuit comme une menace. Sa terreur redouble lorsqu’une jeune femme, Sdenka, vient lui rendre visite — douce, presque irréelle. Peu à peu, des fulgurances morbides fissurent l’amnésie : les souvenirs refont surface.
Réalisateur prolifique, Giorgio Ferroni signe avec La Nuit des Diables une seconde incursion dans l’épouvante gothique, traversée d’un climat d’étrangeté prégnant, à la croisée du vampirisme, du folklore zombie et d’une dérive gore aussi inattendue que saisissante. Car si les scènes-chocs, magnifiquement filmées et parfois étonnamment complaisantes, font preuve d’une poésie morbide typiquement latine, elles doivent aussi leur impact aux trucages bluffants du génial Carlo Rambaldi. Le réalisme artisanal sidère encore aujourd’hui : visages putréfiés fondus dans le cadre, textures à peine décelables, illusions mouvantes… Tout respire la maestria et le malaise.
Soignant avec brio le cadre inquiétant d’une forêt sépia, clairsemée et silencieuse, La Nuit des Diables suit l’errance d’un médecin contraint de solliciter refuge auprès d’une famille recluse, après avoir failli renverser une inconnue sur une route déserte. Le portrait de ces métayers, en retrait du monde urbain, nous est restitué avec une attention quasi ethnographique : rituels scrupuleux, regards hagards, postures imprégnées d’un mysticisme fiévreux.
Pour cause : derniers héritiers d’un village abandonné, ils se barricadent dès la tombée du jour, fuyant une entité que l’on murmure sous le nom de vourdalak. Une sorcière vampirique, errante, qui rode chaque nuit pour contaminer les vivants en leur suçant le sang. Nicolas, d’abord incrédule, doit se rendre à l’évidence : la malédiction n’est pas une superstition. La disparition soudaine du patriarche le confirme, tout comme la complicité naissante entre lui et la belle Sdenka, pétrie de douceur et de résignation.
Avec un soin esthétique subtilement baroque, Ferroni insuffle à cette fable occulte une étrangeté troublante, incarnée par des décors ruraux hantés, traversés d’animaux sauvages (sangliers, loups hurlants) qui deviennent presque des personnages secondaires. Pour affirmer sa singularité, il y ajoute des touches d’érotisme audacieuses pour l’époque, et de fulgurants éclats gores qui viennent percuter la tradition gothique. La dernière partie, haletante, fait monter la tension lorsque chaque membre de la famille Ciuevelak succombe tour à tour aux assauts des vourdalaks. Ferroni joue sur le doute : qui est encore humain ? Qui s’est déjà laissé contaminer, caché derrière les bosquets ?...
Visages blêmes, spectres noctambules en proie à la démence, sorcière profanatrice, cadavres perforés puis putréfiés, rires sardoniques d’enfants cruels… Autant d’images saillantes, troublantes, qui cristallisent la confrontation âpre entre Bien et Mal — jusqu’à un dénouement résolument amer, qui tourne le dos au happy-end avec une ironie presque sadique.
Baignant dans le clair-obscur d’une nature champêtre inquiétante, traversée d’une poésie charnelle, La Nuit des Diables illustre avec une mélancolie capiteuse le conte d’épouvante à travers la détresse de créatures solitaires, en quête d’un salut impossible. Plus sombre et oppressant à mesure que la nuit s’installe, le film culmine dans une traque désespérée, où résonne le hurlement d’une victime dévastée par sa psyché brisée.
Et le spectateur, fasciné, y croit jusqu’au bout, avec un délicieux masochisme, porté par l’élégie maladive de Giorgio Gaslini.
Magnifique, j’vous dis.
20.10.23. 3èx
14.12.11 (295 v)
mardi 4 septembre 2018
JURASSIC WORLD: FALLEN KINGDOM
de Juan Antonio Bayona. 2018. U.S.A. 2h08. Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Rafe Spall, Justice Smith, Daniella Pineda, James Cromwell.
Sortie salles France: 6 Juin 2018. U.S: 22 Juin 2018
FILMOGRAPHIE: Juan Antonio García Bayona (né le 9 mai 1975 à Barcelone, en Espagne) est un réalisateur et scénariste espagnol. 2007 : L'Orphelinat. 2012 : The Impossible. 2016 : Quelques minutes après minuit. 2018 : Jurassic World: Fallen Kingdom.
"Une routine est infernale uniquement pour ceux qui ne savent pas la rendre agréable."
"Tout le monde parle de progrès, et personne ne sort de la routine."
"Accepter la routine, c'est accepter de mourir à petit feu."
"La routine est un film à couper le bonheur."
"On roule confortablement sur l'autoroute du 7è art, protégé par la ceinture de sécurité de nos certitudes et l'air-bag conducteur de la routine."
lundi 3 septembre 2018
PUPPET MASTER 3
"Puppet Master III: Toulon's Revenge" de David De Coteau. 1991. U.S.A. 1h26. Avec Guy Rolfe, Sarah Douglas, Richard Lynch, Ian Abercrombie, Kristopher Logan, Aron Eisenberg, Walter Gotell.
Sortie U.S uniquement en video: 17 Octobre 1991
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: David DeCoteau, né le 5 janvier 1962 à Portland, est un réalisateur et producteur de cinéma américain. 1986 : Dreamaniac. 1987 : Nightmare Sisters. 1987 : Creepozoids. 1988 : Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama. 1988 : Vengeance de femme. 1989 : Etreinte Mortelle. 1989 : American Rampage. 1989 : Dr. Alien. 1991 : Puppet Master III. 1993 : Naked Instinct. 1993 : The Girl I Want. 1993: Les Créatures de l'au-delà. 1998 : Shriek. 1998 : Le Retour du puppet master. 1999 : Witchouse. 1999 : The Killer Eye. 1999 : Totem. 1999 : Retro Puppet Master. 2000 : Voodoo Academy (vidéo). 2000 : Castle of the Dead. 2000 : Frankenstein et le loup garou. 2000 : La Légende de la momie 2. 2000 : The Brotherhood. 2001 : The Brotherhood II. 2001 : Final Scream. 2001 : The brotherhood: le pacte. 2002 : Frightening. 2002 : The Brotherhood III. 2003 : Leeches! 2004 : The Sisterhood. 2005 : Brotherhood IV: The Complex. 2005 : Les Sorcières des Caraïbes. 2010 : Puppet Master: Axis of Evil. 2011 : A Dream Whitin a Dream. 2011 : Wicked Stepbrother. 2011 : 1313 : Hauted Frat. 2011 : 1313 : Actor Slash Model. 2011 : 1313 : Boy Crazies. 2011 : Christmas Spirit. 2012 : 1313: Cougar Cult. 2012 : 1313 : Bermuda Triangle. 2014 : 3 Scream Queens.
Considéré comme le meilleur opus de la saga sous la houlette du prolifique David DeCoteau, Puppet Master 3 demeure une sympathique série B en dépit de son aspect téléfilmesque et de son budget limité (les décors de carton pâte sous l'occupation nazie épaulés d'images d'archive à proximité d'un train). Délocalisant l'action sous le régime nazi de 1941, Puppet Master 3 retrace avec une modeste efficacité la vengeance d'André Toulon auprès de la Gestapo responsable de la mort de son épouse. Le vétéran Richard Lynch endossant l'ignoble Major Kraus avec un cabotinage gentiment caustique de par sa cruelle impériosité. Et pour égayer l'intrigue somme toute classique, Toulon est entouré de deux naïfs résistants (un père et son jeune fils) communément réfugiés dans une maison en ruine afin d'échapper à l'autorité, quand bien même un médecin (transfuge) tente de négocier le secret de Toulon. Jalonné de séquences horrifiques amusantes (surtout l'ultime mise à mort auprès du méchant !) sous l'impulsion des marionnettes tueuses filmées en stop motion, le charme opère toujours en dépit de la réalisation bricolée de David DeCoteau plus inspiré à leur donner chair que de consolider une solide intrigue plutôt chiche en rebondissements. Quoiqu'il advienne, aussi démanchée soit l'entreprise et stéréotypés ces personnages, Puppet Master 3 divertit agréablement grâce à son rythme soutenu nanti de charme innocent.
Puppet Master: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/07/puppet-master.html
Puppet Master 2: http://brunomatei.blogspot.com/2018/08/puppet-master-
* Bruno
samedi 1 septembre 2018
A BEAUTIFUL DAY. Prix d'interprétation Joaquin Phoenix, Prix du Scénario, Cannes 2017.
"You Were Never Really Here" de Lynne Ramsay. 2017. Angleterre/France. 1h30. Avec Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola, Alex Manette, John Doman.
Sortie salles France: 8 Novembre 2017 (Int - 12 ans avec avertissement). U.S: 23 Février 2018
FILMOGRAPHIE: Lynne Ramsay est une réalisatrice britannique, née le 5 décembre 1969 à Glasgow (Royaume-Uni). 1999: Ratcatcher. 2002: Le Voyage de Morvern Callar. 2011: We Need to Talk about Kevin. 2017: A Beautiful Day.
Remarquée avec l'excellent thriller We Need to Talk about Kevin, Lynne Ramsay redouble d'ambition avec le difficilement apprivoisable A beautiful Day. De par sa mise en scène à la fois contemplative et expérimentale ainsi que le jeu viscéral du fantôme errant Joaquin Phoenix (il traîne sa lourde carcasse amplifiée de son visage bouffi), A beautiful Day bouscule les habitudes du spectateur si bien qu'une majorité d'entre eux risque d'y être dérouté. Car à travers un récit classique mais d'une grande intensité dramatique, la réalisatrice compte sur sa personnalité singulière pour détourner les codes du genre. Tant auprès de l'intelligence du non-dit, du silence entre les mots pour les remplir d'humanité déchue que d'un refus du racolage à travers son thème si sordide. Ainsi, en abordant la pédophilie de la manière la plus éthérée qui soit, A beautiful day nous retrace la descente aux enfers documentée d'un tueur à gage délibéré à retrouver la fille d'un sénateur kidnappée par un réseau pédophile.
Partageant son existence avec sa mère décatie, Joe ne compte que sur l'amour et la tendresse de cette dernière pour se donner encore une ultime raison existentielle. Mais sa nouvelle mission d'extirper Nina de la prostitution va l'entraîner dans une déchéance morale à la limite de la schizophrénie. Les fantômes du passé refaisant surface, notamment à travers un périple belliqueux (c'est un ancien marine), faute d'innocences sacrifiées. Traversé d'éclairs de violence barbares d'une rare brutalité, A beautiful day ne sombre aucunement dans la complaisance si bien que le hors-champs est souvent de rigueur ou que la résultante des meurtres permet au récit de rebondir malgré l'aspect routinier d'une telle décadence criminelle où chaque individu ne compte que sur son propre intérêt selon la volonté d'une autorité souveraine. Sombre, désespéré, chaotique en photographiant scrupuleusement une métropole urbaine tentaculaire comme hantée par le Mal le plus couard, Lynne ramsay dresse un tableau anxiogène sur la nature humaine partagée entre la haine, le pouvoir et la perversité. Joe arpentant machinalement à l'aide de son marteau les quartiers noctambules à l'instar d'un robot monolithique sans vergogne. Seule l'étincelle d'espoir à retrouver Nina en vie l'amènera peut-être à s'extraire du bout du tunnel en dépit de sa solitude aliénante où perce une désillusion suicidaire.
* Bruno
Récompenses: Festival de Cannes 2017
Prix d'interprétation masculine pour Joaquin Phoenix
Prix du scénario pour Lynne Ramsay
vendredi 31 août 2018
Descente aux Enfers / Vice Squad
de Gary Sherman. 1982. US.A. 1h37. Avec Gary Swanson, Wings Hauser, Season Hubley, Pepe Serna, Nina Blackwood, Beverly Todd, Lydia Lei, Joseph DiGiroloma.
Sortie salles France: 4 Août 1982. U.S: 22 Janvier 1982
FILMOGRAPHIE: Gary A. Sherman est un réalisateur, scénariste et producteur américain né en 1943 à Chicago dans l'Illinois. 1972: Le Métro de la mort, 1981: Réincarnations, 1982: Descente aux enfers, Mystérious Two (TV film), 1984: The Streets (TV film), 1987: Mort ou Vif, 1988: Poltergeist 3, 1990: Lisa, After the Shock, 1991: Murderous Vision (TV film).
Remarqué auprès de son premier long, le Métro de la mort, puis révélé avec le bijou d'humour macabre, Réincarnations, Gary Sherman exploite en 1982 le thriller à travers la série B teigneuse Descente aux Enfers. Le Pitch: Après être parvenu à s'échapper une seconde fois au moment de son arrestation, un tueur misogyne s'efforce de retrouver une jeune prostituée, l'indic ayant permis à la police de l'appréhender. L'inspecteur Tom Walsh et ses adjoints (déguisés en civils) tentent de retrouver ses traces avant qu'il n'assassine la prostituée en guise de vengeance. Baignant dans un vénéneux climat nocturne afin de mettre en exergue une faune urbaine aliénée (tant auprès d'une clientèle lubrique machiste que des trafiquants en tous genres), Descente aux Enfers joue la carte du divertissement pour adultes, de par son environnement souvent glauque et son langage cru particulièrement rustre n'ayant pas froid aux yeux.
Ainsi, si l'intrigue sommaire ne se focalise que sur l'efficacité d'une chasse à l'homme rondement menée (actions, agressions, poursuites en règle), Descente aux Enfers maintient d'autant mieux l'intérêt grâce à l'implication des comédiens habités par une frénésie collective à s'efforcer de localiser et appréhender un tueur dégénéré littéralement increvable. On peut d'ailleurs s'amuser de 1 ou 2 rebondissements improbables lorsque celui-ci parvient une énième fois à échapper à ses rivaux avec une insolence racoleuse. Or ici, l'invraisemblable demeure tout à fait crédible de par les réalisme des situations remarquablement mises en scène par le dynamisme du montage et l'impulsion dégénérée des protagonistes à bout de souffle. On y croit donc en étant rivé à notre fauteuil par son intensité impromptue. Gary Sherman y injectant d'ailleurs une certaine dérision à travers quelques situations sciemment grotesques, de par la posture erratique d'olibrius en mal de notoriété (le vieux chinois adepte du kung-fu, le vieillard en berne et sa mise en scène nécrophile). Ainsi, fort d'une solide distribution (Gary Swanson en flic irascible bafouant ses règles déontologiques, la néophyte Season Hubley en catin au grand coeur à bout de souffle crève l'écran), Descente aux enfers gagne en rigueur sous l'impulsion ébaubie de Wings Hauser littéralement habité en maniaque stoïque au regard écarquillé ! A eux trois, ils forment un trio belliqueux aussi impressionnant que névrosé à arpenter une métropole urbaine en ébullition si bien que la marginalité est reine.
Hollywood Night vitriolé.
Sans révolutionner le genre mais tenant louablement la dragée haute à ses homologues (New-York 2h du matin, l'Ange de la Vengeance, Cruising), Descente aux Enfers est suffisamment nerveux, alerte, violent (tant les gestes que la parole), coloré (superbe photo éclairée de néons gélatineux), immersif, forcené pour scander un modèle de série B dressant en background un tableau assez inquiétant d'une Amérique interdite en proie à une misanthropie galopante. A revoir d'urgence si bien qu'il n'a pas pris une ride grâce en priorité à la nervosité de sa mise en scène souvent inventive et à son réalisme décomplexé.
* Bruno
26.03.23. 3èx
03.03.11
jeudi 30 août 2018
La longue nuit de l'Exorcisme / Non si sevizia un paperino / Ne torturez pas le caneton
de Lucio Fulci. 1972. Italie. 1h48. Avec Barbara Bouchet, Tomas Milian, Florinda Bolkan, Marc Porel, Ugo D'Alessio, Georges Wilson, Irene Papa.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988: Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.
Dans un village sicilien écrasé de soleil, une série d’infanticides sans mobile apparent secoue la population. La police, dubitative, enquête en vain avant de désigner un simple d’esprit comme bouc émissaire. Très vite, l’agitation populaire enfle : la "sorcière" du village devient la nouvelle cible.
Avertissement aux âmes prudes : La Longue Nuit de l’Exorcisme ose aborder l’infanticide dans un climat à la fois licencieux et redoutablement pervers. Et ce, sans jamais sombrer dans la complaisance — si l’on met de côté quelques séquences jugées discutables, tel le lynchage d’une puissance tragique ou la chute d’une victime dévalant une falaise.
Le ton est donné d’emblée, avec la découverte incongrue d’une sauvageonne déterrant un petit squelette. On enchaîne avec une scène de sexe entre adultes consentants dans une grange, épiés par l’idiot du village à travers les volets. Puis survient l’inconfort : une séquence à la limite de la décence, où une femme nue aguiche un enfant d’à peine douze ans. Le malaise est là, profond, dérangeant, mais sans jamais céder au voyeurisme : tout repose sur le pouvoir de suggestion, les regards ambigus, les contradictions. Une scène qui, aujourd’hui, aurait sans doute été balayée par la censure. À l’époque, elle provoqua un tollé : l’actrice fut accusée de détournement de mineur, jusqu’à devoir prouver qu’un nain la doublait dans la scène de dos.
C’est donc à travers les paysages ruraux d’une Italie profonde que Fulci tisse son intrigue, d’une rare densité. Chacun devient un suspect potentiel. En pourfendeur, le cinéaste bouscule les tabous pour dresser le portrait noir d’une communauté intolérante, rétrograde, pétrie de superstition et de xénophobie. Il fustige une religion fanatique, abrutissante, prête à justifier le meurtre d’enfants au nom d’un ordre moral figé. La scène de lapidation — à coups de triques et de chaînes — d’une brutalité insoutenable, anticipe celle du peintre crucifié dans L’Au-delà. Fulci y mêle une mélodie élégiaque qui, loin d’atténuer l’horreur, en accentue la portée tragique. La victime agonise jusqu’à l’autoroute, sans qu’aucun automobiliste ne s’arrête. Abrupt. Nihiliste. Jusqu’au bout des ongles. Et pendant ce temps, le vrai coupable court toujours…
C’est alors qu’un journaliste, épaulé de la sulfureuse donzelle "pédophile", reprend l’enquête. Le dénouement, haletant, tendu, aussi trouble que musclé dans ses confrontations, ne déçoit en rien. L’identité du tueur, son mobile — aussi insensé que cérébralement dérangé — laissent une empreinte durable. Côté casting, Barbara Bouchet casse son image glamour pour incarner une allumeuse cynique, prisonnière de ses fantasmes et de son addiction à la drogue. Le spectateur, pris au piège, oscille entre fascination pour sa sensualité et dégoût pour son immoralité. Tomas Milian, l’homme aux mille visages, prend le relais dans la seconde moitié du film : charismatique, déterminé, il incarne un journaliste décidé à démêler ce nœud d’horreurs. Et que dire de Florinda Bolkan, figure à la beauté contrariée, dans le rôle bouleversant de la sorcière superstitieuse, ravagée par le deuil — puis lynchée dans une explosion de sauvagerie putassière ? Une scène extrême, d’une intensité dramatique inégalée, réservée aux amateurs d’horreur crapoteuse prêts à encaisser une bestialité sans filet.
Dans son atmosphère méphitique, sa galerie de personnages ignares sombrant dans la corruption et le meurtre, La Longue Nuit de l’Exorcisme transcende le thriller rural. Fulci signe une œuvre pestilentielle, mais poignante — une diatribe viscérale contre l’obscurantisme, le fanatisme et la lâcheté des croyances aveugles. On sent que le sujet le touche profondément. Porté par le rythme mélancolique de l’inoubliable chanson d’Ornella Vanoni, ce chef-d'œuvre marginal, douloureux et lacrymal, pleure l’innocence salie par l’idéologie rétrograde. Fulci, en chantre maudit de la décadence, nous tend le miroir. Et ce que l’on y voit glace.
Note (wikipedia): À cause de son pitch critiquant l'Église catholique, le film fut inscrit sur liste noire et ne connu qu'une faible exploitation à travers l'Europe. Avant l'arrivée d'un DVD en 2000, il n'était jamais sorti aux États-Unis.
* Bruno
30/08/18. 4èx
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