jeudi 20 janvier 2022

L'Appel de la Chair / La notte che Evelyn uscì dalla tomba

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Emilio Miraglia. 1971. Italie. 1h43. Avec Anthony Steffen, Marina Malfatti, Enzo Tarascio, Giacomo Rossi Stuart, Umberto Raho, Roberto Maldera. 

Sortie salles France: 3 Mai 1973. Italie: 18 Août 1971

FILMOGRAPHIE: Emilio Miraglia (né le 1er janvier 1924 à Casarano, dans les Pouilles, décédé en 1982) est un réalisateur et scénariste italien. 1967 : La Peur aux tripes. 1968 : Casse au Vatican. 1969 : Ce salaud d'inspecteur Sterling. 1971 : L'Appel de la chair. 1972 : Joe Dakota (Spara Joe... e così sia!). 1972 : La dame rouge tua sept fois. 


"Tu as commis un grand crime. Tu n'es plus une lady mais un assassin. Un meurtre abominable ensanglante tes mains. Te voilà couverte du sang de ton sujet"
Considéré comme mineur et plutôt méconnu, l'Appel de la Chair demeure un bon giallo dans la tradition du genre qu'Artus Films eut la bonne idée d'éditer en format HD. Et ce en y injectant une pincée d'épouvante gothique (revenant à l'appui), renforcée qui plus est de deux séquences chocs plutôt couillues et redoutablement cruelles (la répétition de coups de poignard sur une victime démunie perpétrée sur fond blanc, le cadavre d'une femme fraîchement exécuté, dévoré par des renards mastiquant à un moment ses intestins en gros plans, façon d'Amato Ketchup !). Et si le pitch simpliste (à peine sorti d'asile psychiatrique, l'aristocrate Alan, toujours hanté par la mort de sa défunte épouse, se venge sur des prostituées aux cheveux roux en les hébergeant dans son château poussiéreux) avait gagné à être plus dense et surprenant, ses rebondissements à répétition s'avèrent toutefois agréablement imprévisibles à défaut d'emporter notre totale adhésion. 


La faute incombant à son intrigue quelque peu tirée par les cheveux à force de revirements outranciers, entre faux complices et vrais coupables motivés par la cupidité du traditionnel héritage. En tout état de cause, L'Appel de la Chair n'ennuie jamais si bien qu'il retient constamment l'attention de par sa conduite narrative bien rodée misant sur le suspense latent, l'esthétisme baroque et les ambiances lugubres (le prologue SM demeure d'ailleurs envoûtant au sein de sa scénographie gothique émaillée d'instruments de torture dont un gigantesque fouet). Qui plus est, la beauté lascive de ses actrices dénudées n'échappe pas à notre voyeurisme lubrique, notamment lorsque celles-ci se délectent d'y endosser les prostituées à la fois décomplexées et effarouchées, alors qu'une épouse servile reste à la merci de son époux machiste n'hésitant pas à abuser d'elle à renfort d'étranglement hystérisé. Son cast masculin demeurant tout aussi convaincant à travers une galerie de personnages véreux, violents, erratiques, perfides et délétères si bien que tous les coups bas leur seront tolérés pour l'enjeu d'un héritage.  


Avant tout agréablement distrayant grâce à son rythme soutenu et au mystère expectatif de son énigme torturée, l'Appel de la Chair est suffisamment plaisant, séduisant et parfois horrifiant pour contenter l'afficionado du Giallo en bonne et due forme. A découvrir donc puisque tout à fait fréquentable. 

*Eric Binford

mercredi 19 janvier 2022

Perversion Story / Una Sull'Altra / One on Top of the Other. "Version Intégrale".

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Lucio Fulci. 1969. Italie. 1h48. Avec Jean Sorel, Marisa Mell, Elsa Martinelli, Alberto de Mendoza, John Ireland, Riccardo Cucciolla, Bill Vanders, Franco Balducci, Giuseppe Addobbati...

Sortie en France le 21 Août 1970. U.S.A: Avril 1973.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969: Perversion Story, 1969 : Liens d'amour et de sang, 1971: Le Venin de la peur, 1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1973: Croc Blanc, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1980: La Guerre des Gangs, 1980: Frayeurs, 1981: Le Chat noir 1981: L'Au-delà, 1981: La Maison près du cimetière, 1982: L'Éventreur de New York , 1983: Conquest, 1984: 2072, les mercenaires du futur, 1984: Murder Rock, 1986 : L'Enchainé 1986 : Le Miel du diable, 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantômes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : Porte du silence (la), 1997 : M.D.C. - Maschera di cera.


"A l'orée de sa carrière, Fulci s'improvise Hitchcock dans un thriller érotique au suspense en crescendo après avoir habilement jonglé avec le faux-semblant."
Sorti la même année que l'infortunée Béatrice Cenci (son oeuvre la plus personnelle qu'il chérit ouvertement), Lucio Fulci s'éloigne du genre historique pour entreprendre un thriller érotique avec Perversion Story. Une seconde oeuvre également passée inaperçu et resté inédite dans nos contrées jusqu'à ce que l'éditeur Le Chat qui Fume décide de l'exhumer en format Blu-Ray. Le PitchGeorges Dumurier est un médecin infidèle depuis qu'il courtise une jeune photographe de mode, Jane. Un jour, sa femme gravement malade et asthmatique meurt dans des conditions mystérieuses. Rapidement, les soupçons se portent sur lui si bien qu'une assurance vie d'un million de dollars doit lui être légué. Un soir, il se retrouve dans un cabaret en compagnie de Jane et fait la connaissance fortuite d'une étrange strip-teaseuse ressemblant comme deux gouttes d'eau à sa défunte épouse. A l'instar de Mario bavaLucio Fulci n'aura jamais pu bénéficier de son vivant les honneurs d'une notoriété méritante. Car lorsque l'on revoit ou découvre des films comme Le Venin de la peurBéatrice CenciLe Temps du Massacrele Miel du DiableLa Longue nuit de l'Exorcisme ou encore ce Perversion Story, on se rend bien compte que le maître du macabre n'était pas uniquement surdoué pour historiser sur pellicule le zombie putréfié afin de concourir sur les traces d'un Romero en consécration. Ainsi, en empruntant la voie du thriller à suspense mâtiné d'érotisme polisson, il nous narre scrupuleusement une diabolique machination auquel un médecin infidèle plongera irrésistiblement dans un traquenard qu'il n'eut pu prévoir. 


Séduit par une strip-teaseuse ressemblant à s'y méprendre à son épouse décédée, Georges Dumurier et son amante Jane vont tenter de démêler le vrai du faux, le couple étant persuadé que Susan n'est pas morte asphyxiée par son asthme mais qu'elle aurait été volontairement tué. Par qui et pour quelle raison ? Dès lors, leur suspicion se porte sur cette jeune danseuse, Monica Weston, aguicheuse chevronnée dans l'art et la manière de séduire les beaux mâles nantis. Ce qui nous vaudra d'ailleurs de superbes séquences de coucherie stylisées d'une sensualité inhabituelle de la part de l'esthète de la tripaille. Il faut dire qu'en terme de mise en scène, le réalisateur déploie ici une virtuosité inspirante et consciencieuse. Tant auprès de la beauté épurée des décors de cabaret, de ces cadrages alambiqués (avec entre autre l'emploi du split screen) ou d'une direction d'acteurs mieux dirigée que d'habitude chez le maestro ! Ainsi, avec une mécanique de suspense parfaitement rodé, l'intrigue pernicieuse de Perversion Story ne nous laisse peu de répit à travers son cheminement investigateur titillant lestement les nerfs du spectateur lors d'une ultime course contre la montre pour la survie. A savoir qui est le véritable coupable au sein de cet enjeu d'héritage compromis par l'adultère d'amants véreux, chafouins ou instables. Bref, une galerie de personnages peu recommandables à travers leur commune hypocrisie de feindre et de séduire par souci d'ego, d'autorité, de cupidité. 


Niveau cast, la ravissante Marisa Mell insuffle avec provocation une sensualité torride de par sa posture sexy et ses déhanchements charnels afin d'interpréter un double rôle de femme équivoque au charme reptilien. Un jeu en demi-teinte de vamp blonde dévergondée et de brune aigrie dénigrant davantage un époux à la fois absent et trompeur. Le français Jean Sorel lui dispute sobrement la vedette, et de manière antipathique, un mari infidèle affublé d'un regard renfrogné, alors qu'un piège est sur le point de se refermer sur ses frêles épaules. Et ce sans pouvoir bénéficier de l'aide potentielle de son frère cadet (excellemment campé par Alberto De Mendoza) exerçant jalousement ses activités médicales au sein du même cabinet.


Servie d'une musique jazzy de Riz Ortolani stylisant une ambiance policière mêlée de séduction et d'étrangeté, Perversion Story est à nouveau une réussite méconnue de la part de Lucio Fulci fignolant son énigme Hitchcockienne à l'aide d'une science du suspense en crescendo (l'ultime demi-heure jouant remarquablement avec nos nerfs avant son revirement final ébouriffant). Réalisé à l'aube d'une riche carrière, Perversion Story démontrait donc déjà le talent prometteur de Lucio Fulci exploitant ici intelligemment le thriller érotique avec une pointe de dérive macabre (le cadavre putrescent de Susan que l'on observe à 2 reprises sur le brancard, tout du moins dans sa version intégrale).

*Eric Binford
19.01.22. vf
17.03.11. 595 v

vendredi 14 janvier 2022

Les Granges Brûlées

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jean Chapot et Alain Delon. 1973. France/Italie. 1h38. Avec Simone Signoret, Alain Delon, Paul Crauchet, Bernard Le Coq, Pierre Rousseau, Catherine Allégret, Miou-Miou, Béatrice Costantini, Renato Salvatori, Jean Bouise, Christian Barbier. 

Sortie salles France: 30 Mai 1973

FILMOGRAPHIEJean Chapot est un acteur, dialoguiste, compositeur, producteur, réalisateur, metteur en scène et scénariste français né le 15 novembre 1930 à Bois-Guillaume, en Seine-Maritime, et mort le 10 avril 1998 à Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine. 1965 : Le Dernier Matin de Percy Shelley (CM). 1966 : La Voleuse. 1972 : Le Fusil à lunette (CM). 1973 : Les Granges Brûlées. 1982: Ce fut un bel été (TV Movie). 1982 Un fait d'hiver (TV Movie). 1981 Livingstone (TV Movie). 1994: Honorin et l'enfant prodigue (TV Movie). 1993 Polly West est de retour (TV Movie). 1992 Honorin et la Loreleï (TV Movie). 1991 Les mouettes (TV Movie). 1988 Le crépuscule des loups (TV Movie)


"Les monstres Delon / Signoret dans un drame criminel enneigé au sein d'une ruralité archaïque."
Qu'on se le dise, Les Granges Brûlées n'est pas le grand film tant attendu auprès de la réunion du duo proverbial Delon / Signoret. La faute incombant à une réalisation classique peinant à susciter une certaine intensité dramatique au fil d'une trame criminelle plutôt prétexte à dépeindre la quotidienneté rurale de paysans coexistant en autarcie, entre chamailleries familiales et conjugales. Si bien que leur progéniture tue d'ailleurs leur ennui en s'enfuyant à la ville, soit pour s'y saouler soit pour courtiser. Pour autant, les Granges Brûlées mérite que l'on s'y attarde de par l'excellence de son casting irréprochable (jusqu'aux seconds-rôles communément attachants) et de l'affrontement (gentiment) psychologique que se dispute Simone Signoret (en matriarche prévenante mais sur le qui vive) / Alain Delon (en juge autoritaire mais accessible). 

Leur confrontation étant bâtie sur une commune posture à la fois chafouine et suspicieuse depuis que le juge concentre son enquête sur cette famille Cateux à la suite du témoignage d'un des fils rentré aviné le soir du crime. Et bien que le récit linéaire, sciemment redondant, ne passionne guère, il demeure toutefois inopinément captivant (avec modestie cela dit) sous l'impulsion de ses acteurs issus de l'ancienne génération et de son réalisme réfrigérant au sein d'une nature enneigée superbement photogénique. L'époque vintage des Seventies auquel l'action se déroule demeurant également un atout de séduction à dépeindre scrupuleusement les us et coutumes de ces métayers artisanaux en proie à la contrainte et à la contrariété, aux doutes et aux complexes depuis que la police est aux aguets de leurs faits et gestes.  

A découvrir donc ou à revoir, ne serait ce que pour les performances du duo susnommé aussi magnétique qu'équivoque à travers leurs jeux de regards hésitants Spoil ! percés finalement d'une certaine déférence eu égard de l'issue salvatrice du dénouement Fin du Spoil. Delon et Signoret hypnotisant comme de coutume l'écran à chacune de leur apparition inscrite dans la réserve en dépit de leur désir de s'apprécier timidement parlant. On peut enfin relever la partition musicale étonnamment dissonante signée Jean Michel Jarre pour sa première collaboration au cinéma alors que durant le tournage le réalisateur Jean Chapot et Alain Delon s'effritèrent à moult reprises si bien que ce dernier acheva les dernières séquences en s'imposant derrière la caméra.

*Eric Binford

Box-Office France: 991 624 entrées

jeudi 13 janvier 2022

The Lost Daughter. Prix du meilleur scénario: Mostra de Venise, 2021

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Maggie Gyllenhaal. 2021. U.S.A/Grèce. 2h02. Avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Dakota Johnson, Ed Harris, Peter Sarsgaard, Dagmara Domińczyk

Sortie salles France: 10 octobre 2021

FILMOGRAPHIEMargalit Ruth Gyllenhaal, généralement dite Maggie Gyllenhaal née le 16 novembre 1977 à New York, est une actrice et réalisatrice américaine. 2021: The Lost Daughter. 


"Les enfants sont une terrible responsabilité"
Superbe portrait de femme dépressive hantée de remords et de culpabilité de n'avoir pu chérir ses enfants en bonne et due forme lors de sa maternité, The Lost Daughter est illuminé du tact de sa mise en scène personnelle, pour ne pas dire auteurisante de la débutante Margalit Ruth Gyllenhaal. Une réalisation dépouillée, sans fioriture qui ne plaira pas à tous dans son refus d'une émotion trop facile ou programmée, qui plus est émaillée de quelques petites sautes de rythme (selon mon jugement de valeur)) principalement si je me réfère à la relation d'adultère que l'héroïne se remémore avec regret lors de langoureux flash-backs. L'intrigue ne cessant d'osciller passé et présent afin de mieux saisir les tenants et aboutissants de cette mère aujourd'hui quadra mais incapable de tirer un trait sur son passé galvaudé faute d'y observer de simples touristes en liesse familiale. Qui plus est, son climat austère et nonchalant, renforcé du jeu contrarié de la divine actrice britannique Olivia Colman nous suscite un sentiment aigre de désarroi au fil de son évolution morale quelque peu bipolaire. Celle-ci se fondant dans le corps de Leda Caruso avec une émotion souvent contenue, fragile et introvertie eu égard de sa pudeur à se confronter à son entourage étranger (une famille de touristes probablement marginaux, voirs carrément mafieux), particulièrement auprès d'une jeune donzelle versatile à travers ses sautes d'humeur d'y supporter les caprices de sa fille tout en se réconfortant dans les bras d'un inconnu. 


Leda s'identifiant inévitablement à cette jeune maman indécise de plus en plus gagnée par le doute et l'interrogation au gré de confidences intimes bâties sur sa solitude maternelle du fait de l'absence prolongée de sa fille. Ainsi, de par le jeu sans fard d'Olivia Colman en proie à ses démons internes d'une maternité teintée d'irresponsabilité, de questionnement et d'immaturité, The Lost Daughter nous plonge dans son introspection intime avec une dimension dramatique poignante au lieu de nous bouleverser de façon plus conventionnelle ou facile dans ce type de sujet pathétique. On peut également souligner l'atmosphère subtilement pesante qui se profile autour de l'héroïne en quête d'amour et d'amicalité, notamment par la faute de cette famille de touristes aussi équivoques qu'interlopes, car la reluquant avec une suspicion gênante, si bien que le climat s'assombrit peu à peu autour d'elle en nous remémorant finalement son préambulaire crépusculaire où pointait détresse et désillusion lors d'une scénographie à la fois mutique et feutrée. 


Drame psychologique intelligemment traité à travers le thème (si actuel !) de la responsabilité parentale, The Lost Daughter existe par lui même de par sa mise en scène autonome captant les émotions contradictoires des personnages complexes avec une pudeur anti voyeuriste. Olivia Colman illuminant l'écran avec une sobre expression mature mêlée de douceur, de fragilité et de névralgie. 


*Eric Binford

Ci-joint la chronique de mon amie Nine Rouffet :

Assurément, c'est un très beau film. Maggie Gyllenhaal a réussi à faire un film à la fois intimiste et universel en nous immergeant au sein des tourments intérieurs névrotiques d'une femme en quête de sens, en recherche de stabilité et surtout d'amour, dont elle ne se sent pas vraiment digne. La dernière demi-heure nous en donnera la raison. Le métrage est ponctué de multiples flasbacks permettant de mieux comprendre quels enjeux se jouent en elle lorsqu'elle est confrontée à des figures maternelles un peu paumées et à une fille "perdue". Face à la femme enceinte sur la plage, elle repense à sa propre grossesse puis à ses relations complexes avec ses filles. En effet, être mère alors qu'on est encore étudiante à la fac est loin d'être facile, et c'est bien ce que montre le métrage. Entre scènes familiales touchantes (moments de partage joyeux avec les filles et le père) et pics de stress virant au burn out, Leda était une âme un peu perdue, et la disparition de la poupée d'une petite fille sur la plage ravive des souvenirs encore + douloureux et enfouis. Certaines scènes sont très chargées dramatiquement parlant, mais le ton ne vire jamais au pathos car le spectateur sait à chaque fois ce qui sous-tend la crise morale de la protagoniste. Le métrage explore les symboliques, notamment cette poupée comme objet de "transfert" affectif cristallisant ses crises morales ( la poupée est à la fois un jeu et un objet de partage avec les filles), ainsi que la symbolique de la pelure d'orange, représentant un lien affectif indéfectible créé avec ses filles via ce fruit. La fin est très touchante, Olivia Colman est époustouflante de spontanéité et de fragilité. Et les seconds rôles sont loin d'être en reste. C'est le cas notamment de la discrète prestation d'Ed Harris, ayant notamment joué dans Apollo 13 ou The Truman show. Un petit bijou qui pousse à l'introspection et qui ramène à l'essentiel: les petits instants de bonheur et l'amour partagé, quelle que soit sa forme.  ♡♡♡☆

mercredi 12 janvier 2022

Ballade Meurtrière / Coming Home in the Dark

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de James Ashcroft. 2021. Nouvelle-Zélande. 1h32. Avec Daniel Gillies, Erik Thomson, Miriama McDowell, Matthias Luafutu 

Sortie salles France: ?. 1er Octobre 2021 (internet). 

FILMOGRAPHIEJames Ashcroft est un acteur, scénariste et réalisateur néo-zélandais né le 12 Juin 1978 à Paraparaumu. 2021: Balade Meurtrière. 2018: The Watercooler (TV Series) (1 episode)
- The House (2018). 


Production néo-zélandaise réalisée par le néophyte James Ashcroft, Ballade Meurtrière est une claque vitriolée comme on en voit très peu dans le paysage horrifique trop souvent tributaire de divertissement douillet à travers son schéma routinier du "ouh fais moi peur". Et pourtant, alors qu'en l'occurrence  James Ashcroft s'embarrasse d'une trame éculée (un duo de meurtrier s'en prend à une famille de touristes 1h30 durant en les séquestrant dans leur voiture), il parvient intelligemment à renouveler les codes en tirant parti d'un réalisme cru qui ne lâchera pas d'une semelle l'appréhension du spectateur. Et ce au sein des paysages inquiétants d'une contrée néo-zélandaise magnifiquement contrastée. 


D'une extrême violence à la limite du soutenable alors qu'aucune complaisance n'y est à déplorer (le cinéaste privilégiant notamment parfois le hors-champs afin de ne pas sombrer dans la trivialité), Ballade Meurtrière est autant une épreuve de force pour nous que pour les protagonistes constamment soumis à la tare du sentiment d'impuissance sous un ciel crépusculaire magnifiquement éclairé afin de nous exacerber un sentiment malaisant que l'on réprouve. Pour ce faire, on peut autant compter sur le charisme patibulaire des 2 tueurs sanguinaires adoptant une posture à la fois impassible et monolithique à travers leur état d'âme dénué de vergogne. Spoil ! Et ce à travers leur préméditation d'une vengeance froide que le spectateur comprendra du point de vue d'une des victimes au passé pusillanime Fin du Spoil. Le duo éminemment antipathique faisant preuve d'un flegme imperturbable à travers leur tranquilles exactions putassières renforcées de l'animosité de leurs regards viciés. Quant aux victimes fréquemment molestées, brimées et humiliées, les comédiens méconnus du public français demeurent irréprochables dans leur posture démunie où l'on ne cessera de nous suggérer: que ferions nous en pareille occasion ?


Maltraitance.
 
Angoissant et éprouvant, tendu comme un arc et d'une dramaturgie escarpée dès son insupportable prologue expéditif (assurément le moment le plus cruel du film), Ballade Meurtrière oscille climat suicidaire et dépressif derrière une métaphore sur une marginalisation meurtrie, traumatisée par un passé galvaudé. Anti ludique au possible, même si 1 ou 2 moments avaient gagné à être moins prévisibles lors de son final mortifère pour autant déprimant, Ballade Meurtrière distille un malaise rudement inconfortable sous l'impulsion d'une violence aride gratuite même si le mobile vindicatif s'y instaure pour justifier ce déchainement primal. Comme quoi aucun mobile ne justifie de s'adonner à l'auto-justice au risque d'y procréer un monstre asocial. 
Pour public averti 

mardi 11 janvier 2022

6 Minutes pour mourir / Fear Is the Key

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Michael Tuchner. 1972. U.S.A. 1h43. Avec John Vernon, Barry Newman, Suzy Kendall

Sortie salles France: 13 Février 1975. Angleterre: 26 Décembre 1972

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Michael Tuchner est un réalkisateur, scénariste et producteur né le 24 Juin 1932 à Berlin, Allemagne, décédé le 17 Février 2017 en Angleterre. 1972: Six minutes pour mourir. 1971: Salaud. 1976 The Likely Lads. 1975 The Old Curiosity Shop. 1983: Meurtre à Malte. Des rêves de lendemain (TV Movie). 2000 Back to the Secret Garden.  1998Séjour en enfer (TV Movie).  1997Remember WENN (TV Series) (1 episode). - The Importance of Being Betty (1997).  1995Hart to Hart: Two Harts in 3/4 Time (TV Movie).  1995Awake to Danger (TV Movie).  . 1994Good King Wenceslas (TV Movie).  1993La condamnation de Catherine Dodds (TV Movie).  1993The Rainbow Warrior (TV Movie).  199372 heures en enfer (TV Movie).  1992Sauvage . Préméditation (TV Movie). 


Que voici une excellente série B ricaine dont j'ignorais l'existence alors qu'il s'agit d'un film culte sans doute trop méconnu, même auprès des afficionados du genre, et ce en dépit de la présence iconique de Barry Newman (l'inoubliable anti-héros de Point Limite Zero). D'ailleurs sur ce dernier point il est dommage que cet acteur aussi charismatique n'ai pu percer dans le milieu du ciné d'action eu égard de sa filmo plutôt discrète et timorée alors qu'il crève ici à nouveau l'écran dans sa posture virile déterminée. Et si le pitch prometteur, démarre sur les chapeaux de roue avec une prise d'otage et la course poursuite qui s'ensuit entre flic et (potentiel) voyou, son ossature narrative opte d'une certaine manière pour un virage à 180° passées 30 minutes d'action effrénées remarquablement exécutées. Or, la qualité majeure de ce divertissement sans temps morts émane de cette charpente narrative aussi imprévisible qu'originale (même si on peut déplorer 1 ou 2 invraisemblances en faisant la fine bouche).


Et ce tout en tentant de nous surprendre jusqu'au dénouement maritime que les claustrophobes auront peine à encaisser pour son enjeu de survie à faible lueur d'espoir. Ainsi donc, fort d'une mise en scène solide et d'une pléiade d'acteurs burinés irréprochables (dont la superbe actrice glamour Suzy Kendall), 6 minutes pour mourir (quel titre idoine prenant tout son sens lors des 6 ultimes minutes du récit !) demeure une excellente surprise derrière sa facture vintage de film d'exploitation eu égard de sa première partie menée à 100 à l'heure. Qui plus est, et pour parfaire ce bijou des Seventies truffé de rebondissements, revirements, inversement des rôles et faux semblants, la partition musicale de Roy Budd ajoute une aura Jamesbondienne non négligeable puisque aussi séduisante qu'envoûtante. 


Remerciement à Warning Zone pour sa superbe copie HD.
*Eric Binford

lundi 10 janvier 2022

Le Secret de Roan Inish. Prix de la critique internationale : Gerardmer 1996

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

" Le Secret de Roan Inish " de John Sayles. 1994. Irlande. 1h43. Avec Jeni Courtney, Pat Slowey, Dave Duffy, Declan Hannigan, Mairéad Ní Ghallchóir, Eugene McHugh, Tony Rubini 

Sortie salles France: 19 Mars 1997. U.S: 3 Février 1995

FILMOGRAPHIEJohn Sayles est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur américain de films indépendants, né le 28 septembre 1950 à Schenectady, New York. 1980 : Return of the Secaucus 7. 1983 : Lianna. 1983 : Baby it's you. 1984 : The Brother from Another Planet. 1987 : Matewan. 1988 : Les Coulisses de l'exploit. 1991 : City of Hope. 1992 : Passion Fish. 1994 : Le Secret de Roan Inish. 1996 : Lone Star. 1997 : Men with Guns. 1999 : Limbo. 2002 : Sunshine State. 2003 : Casa de los babys. 2004 : . Silver City. 2007 : Honeydripper. 2010 : Amigo. 2013 : Go for Sisters. 


Passé inaperçu lors de sa discrète sortie en salles, même si défendu en son temps par l'éditeur
Mad Movies
et hormis son Prix de la Critique à Gérardmer, Le Secret de Roan Inish est un magnifique conte écologique militant pour sa nature irlandaise et les phoques qui y coexistent paisiblement en harmonie. Ainsi, alors que la petite Fiona est hébergée par ses grands parents à la suite du décès de sa mère, elle fait l'improbable rencontre de son petit frère sur un berceau bateau disparu préalablement par les courants. Elle s'efforce donc de le ramener à la maison de ses grands-parents, en vain. Quand bien même ces derniers ne croient pas à ses improbables déclarations fantaisistes. D'une candeur et d'une pureté infinies auprès de son climat de quiétude auquel vivent de paisibles paysans parmi la compagnie des phoques et des volatiles, Le Secret de Roan Inish inonde son sensible récit de poésies naturalistes dans une pudeur dépouillée. 


Tant et si bien que l'on observe l'éveil existentiel de Fiona à travers son regard pétri d'innocence que la jeune actrice Jeni Courtney transcende de son aplomb naturel. Celle-ci dégageant une maturité pour son jeune âge, une sagesse d'esprit et un amour inné pour ceux la chérissant dans une valeur familiale forçant le respect. On peut également rajouter que les seconds-rôles adultes ne sont pas en reste alors que le bambin Jamie endossé par Cillian Byrne nous bluffe de ses expressivités mutiques spontanées. Le cinéaste le dirigeant très habilement pour y radiographier son regard aisé ou autrement craintif en faisant preuve de pudeur à travers sa nudité requise. C'est dire si ce récit contemplatif, à la fois lénifiant et lumineux, est comme habité par une aura divine de par son climat fantastique éthéré planant sur chaque image. Et ce à l'aide d'une beauté naturaliste réconfortante que l'on se familiarise en fantasmant pareille aubaine existentielle. Si bien que l'on peut parler d'hymne à la vie paysanne à travers le destin de ce couple du 3è âge féru d'amour pour la mer et leur toit confectionné de leur propre main. Le Secret de Roan Inish militant tant de nobles valeurs humaines en insistant notamment sur la préservation des phoques doués ici de pouvoirs indicibles en étroite communion avec les humains. 


Bercé de la fragile mélodie instrumentale de Mason Daring imprégnant ses images naturalistes d'une aura de plénitude, le Secret de Roan Inish est une invitation aux légendes écossaises (celles des Selkies) transposées toutefois dans une archipel irlandaise. D'une beauté épurée tranquillement palpable d'après le point de vue candide d'une fillette pétrie de nobles valeurs dans son instinct de pureté, le secret de Roan Inish finit par bouleverser notre sensibilité pour la profonde tendresse impartie entre un frère et sa petite soeur. Et ce tout en comptant sur l'omniprésence si rassurante des phoques (la manière de les filmer est exemplaire pour cerner leur noble humanité !), guides spirituels nantis d'une autorité salvatrice selon leur choix et leur décision car observant les humains avec une attention philanthrope. A ne pas rater. 

*Eric Binford
2èx vostf

Définition de Selkie
Les selkies sont des créatures imaginaires issues principalement du folklore des Shetland. Elles y sont décrites comme de superbes jeunes filles (ou assez exceptionnellement comme de beaux jeunes hommes) qui revêtent une peau de phoque, dans le but de se changer en cet animal marin et de plonger dans la mer.

vendredi 7 janvier 2022

L'Assassin a réservé 9 Fauteuils / L'assassino ha riservato nove poltrone

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Giuseppe Bennati. 1974. Italie. 1h43. Avec Rosanna Schiaffino, Chris Avram, Eva Czemerys, Lucretia Love, Paola Senatore, Gaetano Russo, Andrea Scotti 

Sortie salles Italie: 21Mai 1974. Inédit en salles en France. 

FILMOGRAPHIE: Giuseppe Bennati, né le 4 janvier 1921 à Pitigliano dans la province de Grosseto et mort le 26 septembre 2006 à Milan, est un réalisateur et metteur en scène italien. 1952 : Il microfono è vostro. 1953 : Marco la Bagarre. 1954 : Opération de nuit. 1955 : Non scherzare con le donne. 1958 : La mina. 1958 : L'Ami du jaguar. 1960 : Les Fausses Ingénues. 1961 : Congo vivo. 1970 : Marcovaldo (it), adaptation pour la télévision de Marcovaldo d'Italo Calvino. 1974 : L'Assassin a réservé 9 fauteuils. 

Quelle excellente surprise que ce Giallo inédit dans nos contrées que le Chat qui fume eut l'audacieuse idée d'exhumer de sa torpeur dans une copie HD irréprochable. Tant et si bien qu'en exploitant le mode du huis-clos gothique au sein d'un jeu du chat et de la souris entre victimes et tueurs, Giuseppe Bennati atmosphérise en diable sa scénographie flamboyante au sein d'un théâtre de tous les dangers. Les victimes communément félonnes, suspicieuses et épeurées se soumettant à un redoutable tueur masqué lors de l'anniversaire de Patrick Davenant les ayant invité pour des raisons plutôt équivoques. Visuellement sublime de par l'architecture baroque du théâtre médiéval où plane l'ombre du Fantôme de l'Opéra (le tueur est affublé d'une cape et d'un masque grotesque en accourant tous azimuts), on songe également à Bloody Bird auquel Michele Soavi s'est (fort) probablement inspiré tant les similitudes sont plutôt nombreuses. Tant auprès du cadre théâtral magnifiquement stylisé, de son schéma narratif itératif (mais jamais rébarbatif), des victimes chétives en perdition, de leur mort théâtrale substituée en mort réelle que de l'accoutrement du tueur passé maître dans l'art du camouflage en y piégeant ses proies avec un sadisme transalpin symptomatique.

Et ce sans que le réalisateur, peu habitué au genre (il s'agit de son unique incursion dans le giallo et l'horreur) ne cède à l'outrance si bien que le hors-champs s'infiltre de temps à autre. D'autre part, et selon mon jugement de valeur, la meilleure séquence de meurtre totalement suggérée (un poignard planté à 3 reprises dans le vagin d'une victime en catalepsie) demeure superbement impressionnante grâce à l'habileté du montage alternant violence rigoureuse des coups et visage exorbité de la victime, accompagné de bruitages intensifiant ainsi la mise à mort par son réalisme auditif. Et si le cheminement narratif s'avère somme toute simpliste, voir redondant (comptez un meurtre toutes les 15 minutes), la mise en scène très soignée de Giuseppe Bennati retient sans peine l'attention sous l'impulsion d'un cast à la fois crédible et modestement distingué. Tant auprès de la beauté des actrices italiennes communément névrosées (de véritables déesses raffinées), de la virilité des acteurs à la fois cyniques et interlopes que de son érotisme docile (une poignée de poitrines dénudés superbement filmées en intermittence et de langoureux baisers parfois mouillés) se disputant la mise entre saphisme, inceste (gros thème de l'intrigue !) et adultère. 

Pur film d'ambiance se permettant audacieusement d'y conjuguer horreur, giallo, érotisme, épouvante et fantastique quant au surprenant dénouement multipliant les rebondissements imprévisibles, l'Assassin a réservé 9 fauteuils (quel titre suprême ! ) demeure un divertissement épuré auprès de sa facture vintage étonnamment moderne. Tant et si bien qu'un demi-siècle plus tard, ce rutilant giallo (le rouge est magnifiquement mis en valeur à travers le velours des tissus, des fibres et du sang tacheté) resplendit de 1000 feux de par sa copie HD à la fois granuleuse et immaculée. A découvrir impérativement donc pour les afficionados d'horreur fastueuse.

*Eric Binford
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mercredi 5 janvier 2022

On continue à l'appeler Trinita / ...continuavano a chiamarlo Trinità

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site ekladata.com

de Enzo Barboni. 1971. Italie. 2h02. Avec Terence Hill, Bud Spencer, Yanti Somer, Jessica Dublin, Enzo Tarascio, Pupo De Luca

Sortie salles France: 15 Mars 1972. Italie: 21 Octobre 1971. U.S: 20 Juillet 1972

FILMOGRAPHIE: Enzo Barboni (E.B. Clucher) est un directeur de la photographie et réalisateur italien né le 10 juillet 1922 à Rome et mort le 23 mars 2002. 1970 : Ciak Mull. 1970 : On l'appelle Trinita. 1971 : On continue à l'appeler Trinita. 1972 : Et maintenant, on l'appelle El Magnifico. 1973 : Les Anges mangent aussi des fayots. 1974 : Même les anges tirent à droite. 1976 : Deux super flics. 1982 : Ciao nemico. 1983 : Quand faut y aller, faut y aller. 1984 : Attention les dégâts. 1987 : Renegade. 1991 : Ange ou Démon. 1995 : Trinità & Bambino... e adesso tocca a noi.

On prend les mêmes et on recommence 1 an à peine après le succès du 1er volet signé du même réalisateur transalpin, Enzo Barboni. Et en dépit d'une intrigue quasi inexistante émaillée qui plus est de quelques longueurs (surtout la version intégrale de 2h02 alors que l'on aurait très bien pu la raccourcir de 30 bonnes minutes), On continue à l'appeler Trinita reprend à peu près les mêmes ingrédients que son prédécesseur avec plus ou moins d'efficacité. Car aussi lourdingue, bas de plafond, trivial, pour ne pas dire débile à travers ses gags adipeux à la limite du surréalisme (la 1ère heure, la plus drôle, est à ce titre inmanquable !), On continue à l'appeler Trinita parvient à distraire et faire rire de par la complémentarité impayable du duo infaillible Bud Spencer / Terence Hill (ils étaient nés pour jouer "ensemble" les gosses mal élevés) endossant les bandits au grand coeur avec une désinhibition frétillante. Et ce en culminant vers une mémorable baston finale (comptez 10 bonnes minutes de chorégraphie pittoresque digne d'un Laurel et Hardy contemporain) que nos lurons encaissent dans leur soutane monacale ! 

Box Office France: 3 038 838 Entrées (si bien que cette séquelle engrangea plus de 400 000 spectateurs supplémentaires en rapport à son prédécesseur !)

Eric Binford
3èx vf

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Lo chiamavano Trinità..." de Enzo Barboni. 1970. Italie. 1h50. Avec Terence Hill, Bud Spencer, Farley Granger, Dan Sturkie, Gisela Hahn.

Sortie salles France: 21 Juillet 1971. Italie: 22 Décembre 1970. U.S: 4 Novembre 1971

FILMOGRAPHIE: Enzo Barboni (E.B. Clucher) est un directeur de la photographie et réalisateur italien né le 10 juillet 1922 à Rome et mort le 23 mars 2002. 1970 : Ciak Mull. 1970 : On l'appelle Trinita. 1971 : On continue à l'appeler Trinita. 1972 : Et maintenant, on l'appelle El Magnifico. 1973 : Les Anges mangent aussi des fayots. 1974 : Même les anges tirent à droite. 1976 : Deux super flics. 1982 : Ciao nemico. 1983 : Quand faut y aller, faut y aller. 1984 : Attention les dégâts. 1987 : Renegade. 1991 : Ange ou Démon. 1995 : Trinità & Bambino... e adesso tocca a noi.

                                "Venez mes frères ! - Qui c'est qui lui a dit qu'on était frères ?"

Gros succès international si bien qu'une suite fut rapidement mise en chantier par Enzo Barboni himself, On l'appelle Trinita est sans doute l'une des meilleures comédies du duo impayable Bud Spencer / Terence Hill. Et si le pitch, à la fois classique et folichon, ne brille pas par son originalité, (se faisant passer pour des shérifs au sein d'une petite ville, 2 frères que tout oppose vont prêter main forte à une communauté mormone molestée par des brigands mexicains ainsi qu'un major cupide), le climat aussi bien burlesque que rocambolesque que parviennent à générer les "Laurel et Hardy" (du western parodique) pallie ces carences de par leur tranquillité sereine fraîchement irrésistible.

Car outre la complémentarité très attachante de ces derniers s'en donnant à coeur joie dans leur dissension fraternelle et postures héroïques inébranlables (Hill jouant le frère "pot de colle" féru de la gâchette, Spencer l'aîné bourru résolument indépendant), l'inventivité des bastons à la fois ludiques et très spectaculaires (Spencer, passé maître dans l'art de foutre des baffes et gros poings sur la tête de ses adversaires) et les gags bonnards qu'ils enchaînent par provocation nous irradie d'un sourire aux lèvres permanent. A l'instar d'un bambin de 5 ans fasciné par la magie de l'écran et du jeu malicieux de ses héros à peine dérivés d'une bande-dessinée (Hill et Spencer sont d'autant plus charismatiques dans leur stature flegme de cow-boy mal rasés). Bien évidemment, l'humour pittoresque qui se dégage de leur orgueil et arrogance à se gausser de leurs rivaux ne fait nullement preuve de subtilité. Mais pour autant, et par la magie de l'entreprise latine résolument artisanale (le film adopte d'ailleurs une vraie facture de western poussiéreux en format cinémascope), on s'enjaille couramment et on rit de bon coeur grâce à leur esprit de dérision aussi bon enfant qu'assumé.

Western parodique familial qui allait enflammer la carrière du duo légendaire Bud Spencer/Terence Hill (tout en décontraction inégalée !), On l'appelle Trinita constitue une cure de bonheur anti-dépressive pour le public de 7 à 77 ans. D'une sincérité et d'une générosité encore plus touchantes aujourd'hui (du moins auprès de la génération 80 !), ce pur divertissement Bis parvient à rajeunir le genre spaghetti sous l'impulsion de la chanson entêtante de Franco Micalizzi se prêtant harmonieusement à l'ambiance aussi chaleureuse. Simplement magique !

Box Office France: 2 624 948 Entrées ! 

* Bruno
3èx

samedi 1 janvier 2022

Risky Business

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Paul Brickman. 1983. U.S.A. 1h39. Avec Tom Cruise, Rebecca De Mornay, Joe Pantoliano, Curtis Armstrong, Richard Masur, Bronson Pinchot, Shera Danese.

Sortie salles France: 21 Mars 1984. U.S: 5 Août 1983.

FILMOGRAPHIE: Paul Brickman est un réalisateur américain né le 23 avril 1949 à Chicago (Illinois, États-Unis). 1983 : Risky Business. 1990 : Les Hommes de ma vie (Men Don't Leave). 

38 ans il m'aura fallu pour me jeter à l'eau afin de m'y risquer à Risky Business, faute de mes à priori pour le jeune acteur bellâtre Tom Cruise (alors à ses tous débuts) et d'une affiche clinquante le mettant en valeur probablement pour rameuter un public ado friand de rom com mainstream. Passé l'expérience cinégénique instaurée au coeur des années 80, quelle fut ma surprise que de savourer une comédie romantique acidulée aussi intelligente qu'anti nunuche. Avec en arrière plan un pied de nez au politiquement correct de la bourgeoisie parentale la plus drastique et tatillon jusqu'au ridicule. L'anti Teen movie par excellence estampillé ados acnéens, tant et si bien que cette satire du capitalisme (en mode véreux) demeure un excellent divertissement à la fois drôle, enjoué, sexy et fréquemment envoûtant. Ensorcelant à ma grande surprise de par le brio instrumental de Tangerine Dream (mon groupe attitré tous genres confondus) et de quelques tubes rocks immuables que le réalisateur exploite au service des sentiments épanouis ou fougueux des personnages. Des envolées oniriques d'une beauté lascive, notamment auprès d'un érotisme torride magnifiquement stylisé. 

La trame demeurant assez folingue lorsque le jeune étudiant cossu Joel Goodson se laisse embarquer dans la transaction d'une maison close au sein de son propre cocon familial (les parents étant en villégiature) après y avoir rencontré une call-girl. Et ce à la suite d'un concours de circonstances malchanceuses que le cinéaste méconnu Paul Brickman structure habilement afin de nous surprendre jusqu'au générique de fin. Ainsi, à travers le charme, l'exubérance et l'humour de ces acteurs n'en faisant jamais trop (exit l'esprit potache du traditionnel teen movie trivial), Risky Business séduit constamment sous l'impulsion du couple incandescent Tom Cruise (étonnamment spontané en séducteur de fortune !) / Rebecca De Morney (super sexy en prostituée décomplexée ayant le sens des affaires). Un couple hybride à la fois indécis et conquis dans leur évolution sentimentale où l'argent s'octroie toutefois un rôle primordial auprès de leur éventuelle destinée conjugale. Mais outre le talent de ce casting néophyte entouré de seconds-rôles loin de s'occulter, on peut compter sur le talent si peu reconnu du réalisateur Paul Brickman (sa filmo ne contient d'ailleurs que 2 longs métrages) traitant son récit au gré d'une mise en scène (atmosphérique) aussi bien solide qu'inventive. Tant et si bien que l'on pourrait prêter une allusion au cinéma sensible de John Hughes à travers son intégrité de rendre hommage à l'adolescence lycéenne en faisant preuve de tendresse, de fragilité, de maladresse au sein d'une initiation à la maturité. 

Considéré comme culte depuis, Risky Business est un excellent divertissement prouvant par l'occasion qu'auprès de ses 38 ans d'âge il reste étonnamment frais, expressif, fougueux, fringant et surtout attrayant par son érotisme classieux. Une comédie romantique anti sirupeuse car possédant une réelle personnalité à donner chair à son univers érotisant à l'aide d'une émotion capiteuse insoupçonnée. Une vraie bonne surprise pour ma part et les talents confirmés du couple susnommé déjà en ascension fulgurante. Avec un gros coup de coeur pour Tangerine Dream !

*Eric Binford
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The Card Counter

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Paul Schrader. 2021. Angleterre/U.S.A. 1h52. Avec Oscar Isaac, Tye Sheridan, Willem Dafoe, Tiffany Haddish, Britton Webb, Amye Gousset, Joel Michaely.

Sortie salles France: 29 Décembre 2021

FILMOGRAPHIE: Paul Schrader est un scénariste et réalisateur américain né le 22 juillet 1946 à Grand Rapids (Michigan).1978 : Blue Collar (également scénariste). 1979 : Hardcore (également scénariste). 1980 : American Gigolo (également scénariste). 1982 : La Féline (Cat People). 1985 : Mishima (Mishima: A Life in Four Chapters) (également scénariste). 1987 : Light of Day (également scénariste). 1988 : Patty Hearst. 1990 : Étrange Séduction (The Comfort of Strangers). 1992 : Light Sleeper (également scénariste). 1995 : Chasseur de sorcières (Witch Hunt) (téléfilm). 1997 : Touch (également scénariste). 1997 : Affliction (également scénariste). 1999 : Les Amants éternels (Forever Mine) (également scénariste). 2002 : Auto Focus. 2005 : Dominion: Prequel to the Exorcist. 2007 : The Walker (également scénariste). 2008 : Adam Resurrected. 2013 : The Canyons. 2014 : La Sentinelle (Dying of the Light) (également scénariste). 2016 : Dog Eat Dog (également scénariste). 2017 : Sur le chemin de la rédemption (First Reformed) (également scénariste). 2021 : The Card Counter. 


"Tout ce qui est fait dans le présent affecte l'avenir en conséquence, et le passé par rédemption."
Sorti en catimini chez nous le 29 Décembre 2021 en dépit de ces critiques élogieuses, The Card Counter est le nouveau film évènement de l'éminent Paul Schrader, réalisateur et scénariste de génie à la filmo aussi passionnante qu'éclectique. On peut également souligner qu'en tant que producteur exécutif, Martin Scorcese s'y porte signataire, les 2 individus ayant déjà collaboré à moult reprises tout le long de leur carrière en guise d'amitié professionnelle. Véritable uppercut cinégénique à travers le génie de sa mise en scène studieuse littéralement hypnotique, The Card Counter demeure une moment de cinéma comme on n'en voit que trop rarement aux confins de nos salles obscures (trop souvent tributaires de divertissements décérébrés sans âme). Tant et si bien que certains n'hésiteront pas à le qualifier de "chef-d'oeuvre" de par l'odyssée mortifiée qui s'esquisse sous nos yeux avec une puissance émotionnelle somme toute assez réservée. Celle d'un joueur de poker solitaire partagé entre l'expiation et la rédemption à la suite de ses anciennes exactions perpétrées sur des prisonniers de guerre au camp de Guantánamo (centre de détention militaire situé à Cuba avec son lot de présumés terroristes islamistes). Dans la mesure où fraîchement sorti de prison, William Tell, ancien militaire donc, rencontre Cirk lors d'une conférence. Un jeune marginal lui sollicitant de kidnapper l'orateur de la tribune, le colonel John Gordo, commanditaire responsable du suicide de son père. 

Ainsi, à travers cette sombre trame savamment planifiée au sein d'un cheminement interrogatif aussi imprévisible que sinueux, Paul Scharder, résolument amoureux de tout ce qu'il filme, entre pudeur et sobriété, nous transfigure deux profils psychologiques meurtris par l'injustice, la solitude, l'échec et la mort. La vigueur émotionnelle du vénéneux récit qui se trame sous nos yeux émanant principalement de l'ambivalence de l'anti-héros William Tell qu'Oscar Isaac immortalise de sa présence quasi fantomatique en vindicateur de dernier ressort aussi angélique de démonial. Paul Schrader se chargeant de dresser son (fragile) portrait plein de discrétion et de non-dit sous l'impulsion du jeune apprenti Cirk avide d'auto-justice (superbement campé par Tye Sheridan à travers ses expressions sciemment moins affirmées par son immaturité). Quand bien même La Linda, financière afro ricaine, accepte d'entrainer quotidiennement William dans les compétitions de poker après l'avoir influencé. Et si le récit latent, tout à la fois simple, millimétré et complexe, ne cesse de nous interroger sur les véritables motivations des protagonistes, c'est pour mieux nous happer dans les méandres Spoil ! d'une inopinée vengeance funèbre lors d'une ultime demi-heure à la fois sinistrée et désespérée dans sa tension infernale Fin du Spoil. Et ce sans céder à une violence graphique largement suggérée par l'intelligence d'une mise en scène hyper scrupuleuse habitée par une forme de grâce. Si bien que l'on peut également prétendre que l'ombre de Taxi Driver plane sur les épaules de cet ex militaire traumatisé par ses propres exactions criminelles après avoir essuyé l'autorité d'un colonel sans vergogne. Son évolution morale étant orchestrée par une partition musicale lancinante insufflant au climat anxiogène du récit une puissance formelle ensorcelante. On peut donc évoquer le pur film d'ambiance au sein d'une photo limpide soumise à l'étrangeté des silences pesants et des regards impassibles.


American Nightmare.
Grand moment de cinéma révolu sublimant dans l'épure une fragile réflexion sur l'indécision d'une vengeance à travers les thèmes de la perte de l'innocence, de l'expiation, du pardon, de la peur de la souffrance et de l'amour, The Card Counter est autant habité par sa mise en scène au cordeau que par ces comédiens occultes communément rattachés à une valeur humaine en perdition. Du grand art.  

*Eric Binford
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