samedi 15 février 2020

Au Nom de la terre

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Édouard Bergeon. 2019. France. 1h43. Avec Guillaume Canet, Veerle Baetens, Anthony Bajon, Rufus, Samir Guesmi.

Sortie salles France: 25 Septembre 2019

FILMOGRAPHIEÉdouard Bergeon est un journaliste et réalisateur français, né le 29 septembre 1982. 2019: Au nom de la Terre.


Uppercut émotionnel que l'on perçoit de plein fouet sous l'oeil consciencieux d'Edouard Bergeon décrivant avec souci de réalisme documenté le calvaire insurmontable de son (propre) père suicidé à la suite d'une moisson de dettes, Au nom de la terre laisse en état de choc traumatique. Car autopsiant à l'aide d'un humanisme névralgique ce profil d'un métayer contraint de céder au modernisme technologique afin de sustenter sa ferme animalière et entretenir sa famille, Au nom de la Terre sonne tel un cri d'alarme contre ces agriculteurs minés par un désespoir impitoyablement plombant. Et ce au péril de leur vie précaire si bien qu'en France 1 agriculteur se suicide chaque jour apprendra t'on en guise de conclusion escarpée. Foudroyant d'intensité dramatique au fil du cheminement déliquescent de Christian en proie à une dépression galopante, Au nom de la Terre demeure un terrible fardeau pour le spectateur assistant à la lente agonie morale de cet agriculteur allant jusqu'à discréditer sa profession face au témoignage positif de son fils, témoin malgré d'un échec professionnel lié à la déveine, l'injustice (mais aussi à la dissension paternelle quant à l'intolérance du père anachronique de Christian). Outre la sobriété de la mise en scène réfutant tout cliché et misérabilisme en dépit d'une sinistrose extrêmement éprouvante pour nous, le jeu viscéral des acteurs nous magnétise l'esprit avec une trouble persuasion.


Eu égard des forces d'expressions à la fois démunies et pugnaces de Christian et des membres de sa famille tentant mutuellement de se relever avec une détermination "bipolaire". C'est le cas de le souligner si bien que sa maladie morale semble effleurer les esprits torturés de ces derniers tentant malgré tout de redresser la tête afin de ne pas sombrer à leur tour dans la tourmente d'un pessimisme ingérable ! Guillaume Canet, dont il s'agit probablement de son meilleur rôle; endossant ce paysan des temps modernes avec une déchéance morale difficilement supportable quant à l'ultra réalisme de ses expressions faciales, qu'elles soient irascibles ou défaitistes. Quand bien même Rufus (bien trop rare à l'écran ses dernières décennies !) se fond dans le corps du patriarche "donneur de leçon" avec une verve orgueilleuse terriblement condescendante. Le choc des générations émanant de leur différente perception du travail professionnel au sein d'une époque trop évoluée où la rentabilité prime au mépris du facteur humain. Quant à l'actrice et chanteuse belge Veerle Baetens (révélée par l'inoubliable Alabama Monroe), elle se taille une carrure d'épouse protectrice avec un humanisme fébrile timorée de crainte de voir son époux sombrer dans une forme de démence. Enfin, récompensé du Valois du Meilleur Acteur, Anthony Bajon y incarne le fils aîné avec pudeur et loyauté très impressionnantes, quand bien même ces éclairs de rage, d'impuissance et de colère face à l'agonie de son père nous laisse KO d'émotions brutes de décoffrage.


Première oeuvre salutaire d'Edouard Bergeon tirant la sonnette d'alarme sur la crise agricole par le biais du fait-divers sinistré, Au nom de la Terre nous plonge (tête baissée) dans un cauchemar rural avec souci de réalisme vertigineux. Tant auprès du tact de sa réalisation étonnamment maîtrisée (notamment d'un aspect formel) que du jeu des acteurs sidérants de naturel cafardeux. Inévitablement bouleversant car d'une cruauté inouïe, d'autant plus que son manifeste agricole s'avère dénué de lueur d'espoir...

Dédicace à Thierry Savastano
*Bruno

Récompense: Festival du film francophone d'Angoulême 2019 : Valois du meilleur acteur pour Anthony Bajon

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