Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
de Jennifer Kent. 2018. Australie. 2h12. Avec Sam Claflin, Damon Herriman, Aisling Franciosi,
Charlie Shotwell, Ewen Leslie, Sam Smith.
Sortie salles Australie: 13 Octobre 2018. Italie (Mostra de Venise): 8 Septembre 2018
FILMOGRAPHIE: Jennifer Kent est une actrice, scénariste et réalisatrice australienne née à Brisbane en Australie. 2005 : Monstre (court métrage). 2014 : Mister Babadook. 2018 : The Nightingale.
"La meilleure façon de se venger d'un ennemi est de ne pas lui ressembler"
Pour son second long métrage, Jennifer Kent nous prouve que Mister Badadook n'était pas un accident, tant et si bien qu'avec The Nightingale elle s'avère autrement ambitieuse à transcender le sous-genre du Rape and Revenge avec une maturité insoupçonnée. Car les quelques séquences chocs qui émaillent l'intrigue ont beau flirter avec l'insoutenable (viols en réunion, bébé et enfant assassinés face caméra, exaction sordide auprès d'un violeur, ad nauseam), Jennifer Kent s'extirpe de la complaisance de par son parti-pris d'y exprimer un réalisme cru afin de mieux dénoncer les conséquences du châtiment punitif. Notamment eu égard de la victime éplorée s'efforçant de traquer ses tortionnaires avec une appréhension et un désarroi davantage prégnants. Aisling Franciosi portant le film à bout de bras avec une force d'expression à la fois fébrile et chétive au fil de son périple sévèrement hostile (la guerre éclatant tous azimuts lors de ses pérégrinations). Dénuée de fard et impeccablement dirigée, celle-ci parvient à susciter une bouleversante empathie lors de son périple meurtrier beaucoup plus imprévisible que prévu si je me réfère à sa remise en question sentencieuse. Et c'est bien là la grande force de The Nightingale lorsque la victime blasée de ses actes crapuleux décide à mi-parcours de rebrousser chemin pour s'obscurcir dans la nuit.
Outre l'impact émotionnel que l'actrice suscite à travers son tempérament bipolaire, Baykali Ganambarr lui partage la vedette avec une émotion souvent contenue de par sa virilité primitive et les cruelles épreuves de son passé comparables au vécu de sa partenaire Clare. A eux deux, ils forment un tandem névralgique inusité de par leur différence de culture et leur fragilité humaine teintée d'amour, de rédemption mais aussi d'amertume. De par leur appui commun à unir leurs forces pour l'enjeu d'une auto-justice, c'est également l'occasion pour la réalisatrice de nous transfigurer une magnifique histoire d'amitié et de tolérance que le couple infortuné uniformise dans leur condition d'exclusion. Quant au rôle du "méchant", ou plus précisément de l'engeance, c'est bien connu: "Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film !". Cette tagline empruntée à Hitchock ne déroge donc pas à la règle si bien que l'acteur Sam Claflin immortalise de son empreinte délétère le rôle d'un officier sans vergogne se vautrant dans le viol et le meurtre avec une impassibilité exécrable. Et ce en dépit de son physique bellâtre imprimé d'orgueil impérieux et de condescendance. On peut d'ailleurs noter qu'à travers la haine qu'il nous attise nous attendions impatiemment sa déroute promise, et ce avant de nous remettre sur le droit chemin de la morale, faute des exactions putassières de Clare subitement consciente de s'être adonnée à une ultra-violence préjudiciable.
Récit initiatique à la sagesse et à la rédemption sous couvert d'une intelligente réflexion sur la perte de l'innocence, manifeste anti-raciste quant à la condition soumise des aborigènes victimes de la purge coloniale des britanniques en 1825, The Nightingale constitue une éprouvante descente aux enfers que Jennifer Kent inscrit sur pellicule de sa personnalité frondeuse. Dénué de partition musicale et tourné en 1.37 à travers une fastueuse flore naturelle, celle-ci honore le drame naturaliste sous couvert d'un Rape and Revenge âpre et tendu mais onirique (tant crépusculaire que limpide) et profondément humaniste quant à la valeur de son intensité dramatique.
Dédicace à Cid Orlandu
*Bruno
Récompenses:
Mostra de Venise 2018 :
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir pour Baykali Ganambarr
Prix spécial du jury pour Jennifer Kent
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