mardi 31 août 2021

L'Oeil du Tueur

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"White of the Eye" de Donald Cammell. 1987. Angleterre. 1h52. Avec David Keith, Cathy Moriarty, Alan Rosenberg, Art Evans, Michael Greene, Danielle Smith

Sortie salles France: 9 Mai 1987 (marché du film de Cannes). Angleterre: 19 Juin 1987

FILMOGRAPHIE: Donald Cammell est un réalisateur, scénariste et acteur anglais né le 17 Janvier 1934 in Edinburgh, Scotland, UK, décédé 24 Avril 1996 à Hollywood, California, USA. 1999: The Argument (Short). 1999 U2: The Best of 1980-1990 (Video documentary) (video "Pride"). 1995 Wild Side (as Franklin Brauner). 1993 U2: Love Is Blindness (Video short). 1987 L'oeil du tueur. 1985 The Hooters: All You Zombies (Video short). 1984 U2: Unforgettable Fire (Documentary short) (video "Pride"). 1984 U2: Pride (In the Name of Love), Version 1 (Video short). 1977 Génération Proteus. 1970 Performance. 


"L'amour est un séducteur qui vous caresse, vous charme, vous aveugle en faisant briller à vos yeux une promesse de bonheur, et qui tout à coup vous perce le cœur et laisse le poignard dans la blessure, pour que la rouille du souvenir l'envenime et vous fasse périr d'une mort lente."
Exploité chez nous en Vhs sous la bannière de Warner Home Video, l'Oeil du Tueur est l'archétype idoine du prototype maudit de par son invisibilité et sa faible reconnaissance. Et ce bien qu'il me semble qu'à l'époque Mad Movies l'eut défendu dans sa rubrique video (à moins de vérifier dans les pages de son confrère l'Ecran Fantastique). Ayant eu l'opportunité de le louer à l'époque de mon adolescence, il me resta en mémoire surtout pour son ambiance hors-pair et ses séquences chocs (dont celle hallucinée où la victime est contrainte de se regarder agoniser face à un miroir !!!) en dépit de mes vagues réminiscences. Je me souviens également que l'animatrice Sangria en fit chaudement la promotion à travers son émission culte "Les Accords du Diables" en reprenant louablement son préambule meurtrier clippesque. Ainsi, à la revoyure ce soir, quelle ne fut pas ma stupeur de me confronter à un véritable "coup de coeur" si bien que ce psycho-killer omis de tous ne ressemble à rien de connu. On peut même d'ailleurs évoquer le terme "culte" tant le réalisateur british (créateur entre autre du fameux Generation Proteus !); s'efforce de rendre hétérodoxe son thriller horrifique à travers une réalisation à la fois alambiquée, autonome et stylisée. Car expérimental, bizzaroïde, envoûtant, créatif, équivoque et inquiétant, l'Oeil du Tueur s'extirpe de la convenance de son intrigue linéaire en privilégiant une atmosphère indicible littéralement magnétique. Et ce sous l'impulsion d'un score musical parfois planant esquissant une poignée de personnages contrariés confrontés à l'adultère. Ce qui m'a d'ailleurs évoqué à plusieurs reprises le 6è Sens de Michael Mann, tant pour son ambiance onirico-morbide, son thème sur la famille et l'amour du couple que pour sa photo esthétisante extrêmement chiadée si bien que selon une certaine source du net que j'ai pu entrevoir, la réalisateur aurait été autrefois peintre. 


Le récit somme toute simpliste décrivant avec force visuelle et détails ésotériques les exactions d'un mystérieux assassin s'en prenant à de jeunes femmes esseulées au sein de leur foyer en Arizona. La cadre naturel montagneux étant parfaitement exploité autour de villas huppées à l'architecture contemporaine. Donald Cammell usant et abusant de zooms agressifs, plans tarabiscotés et longs travellings afin d'enrichir sa mise en forme constamment inventive, de manière à rester sur le qui-vive de la future séquence impromptue à venir. On peut d'ailleurs penser au cinéma d'Argento bien que l'Oeil du Tueur parvient aisément à se dégager de l'ombre de l'épigone à travers sa personnalité de proposer au spectateur une sorte de voyage au bout de l'enfer mystique que l'on ne voit pas arriver. C'est d'ailleurs ce que nous confirme l'intrusion soudaine de sa seconde partie lorsque l'identité de l'assassin est subitement révélée (en me suscitant un profond malaise même si inévitablement on peut anticiper son véritable profil). Tant et si bien que l'aspect autrement jouissif du film marginal émane de son imprévisibilité à émailler le récit de séquences incongrues aussi stupéfiantes que déconcertantes. Comme le prouve à nouveau son final explosif confiné au coeur d'une carrière auquel les personnages lunaires révéleront un peu plus leur fêlure morale à travers leur frustration amoureuse et sexuelle. Et si l'Oeil du Tueur s'avère aussi captivant qu'étonnamment cosmique il le doit aussi largement à la qualité indiscutable de sa distribution (David Keith / Cathy Moriarty - sosie blonde de Karole Rocher - en tête !) communément impliquée dans leur fonction victimisée et/ou revancharde. Sur ce point essentiel les comédiens font le job sans jamais déborder si bien que l'on s'attache pleinement à eux, même auprès des plus névrosés, pour ne pas dire des plus psychotiques. Le cinéaste suscitant une réelle empathie auprès du thème du dépit sentimental tributaire d'un amour aveugle.


Bref, à travers son format de série B étonnamment maîtrisée (alors que le réal très discret est surtout connu d'avoir enfanté Generation Proteus !), l'Oeil du Tueur bouleverse les codes du psycho-killer avec autant d'intelligence que d'audaces en nous confrontant à une étrange confrontation cérébrale entre victime(s) et tueur (je ne peux pas en dire plus au risque d'ébruiter trop d'indices). Le tout baignant dans un esthétisme onirique franchement singulier de par la diversité harmonieuse des couleurs où rien n'est laissé au hasard du cadre (naturel ou domestique). A découvrir d'urgence alors qu'une multitude d'images iconiques et de visage marqués vous resteront imprimés dans l'encéphale.  

*Eric Binford
2èx 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire