mardi 7 mai 2013

Evil-Dead 3, l'Armée des Ténèbres / Evil-dead 3, Army of Darkness

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site holypapershit.wordpress.com

de Sam Raimi. 1992. U.S.A. 1h36 (Director's cut). Avec Bruce Campbell, Embeth Davidtz, Marcus Gilbert, Ian Abercrombie, Richard Grove.

Sortie salles France: 5 Janvier 1994. U.S: 19 Février 1993

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.

 
"Ash et l’ombre des démons : la bataille funeste".
Troisième volet de la saga Evil Dead, L’Armée des Ténèbres replonge dans un délire horrifique qui, cette fois, privilégie l’action homérique et l’aventure mythologique, saupoudrées d’un comique cartoonesque. Hommage vibrant au maître du stop motion Ray Harryhausen — l’armée de squelettes livrant une bataille insensée —, clin d’œil au gothisme transalpin dans ses séquences crépusculaires du moulin et du cimetière, Evil Dead 3 déborde d’énergie et d’idées retorses, soutenu par des FX calibrés, pour nous propulser au cœur d’une épopée chevaleresque aussi folingue que jubilatoire, techniquement emballée avec un brio ébouriffant et vertigineux.

Le pitch : Ash, catapulté en l’an 1300 par une force démoniaque, est fait prisonnier par les chevaliers du roi Arthur. Pour retrouver sa liberté et regagner son époque, il doit récupérer le nécronomicon, sous la tutelle d’un illustre sorcier. Mais en récitant la mauvaise formule, Ash libère une armée de démons, déclenchant une bataille médiévale dantesque.

Si Evil Dead 2 avait déjà embrassé un délire cartoonesque en abandonnant la facture effrayante du modèle, Sam Raimi pousse ici le bouchon encore plus loin, oscillant dans un grotesque jubilatoire. Ce nouveau chapitre fait du genre aventure médiévale fantastique son terrain de jeu, où le roi Arthur et ses chevaliers sont asservis aux forces démoniaques du nécronomicon. Avec l’aide de notre héros versatile venu du futur, ils devront livrer bataille contre l’armée infernale.

Mais avant ce choc tant attendu, Raimi s’amuse à martyriser son héros dans une multitude de déconvenues burlesques confinées à des lieux clos : un puits, un moulin, une colline de cimetière. Armé d’une tronçonneuse puis d’une main d’acier, Bruce Campbell s’érige en héros des temps modernes, guerrier futuriste à la fois couard et téméraire, empoté et vaillant. Dans un jeu de mimétisme démentiel, il se livre à un festival de pitreries outrées, incarnant un héros égoïste, parfois masochiste, pris à la gorge par des démons railleurs — les incubes du puits, les lilliputiens enfantés par Ash, les squelettes commandés par un zombie putréfié. Bref, un bonheur en roue libre, ultra fun et décomplexé.


Si l’horreur, ici, se fait plus discrète, L’Armée des Ténèbres s’impose en spectacle trépidant, transcendé par la mise en scène foisonnante et rusée de Raimi. La présence iconique de Bruce Campbell, flamboyant dans sa posture conquérante, doit beaucoup au caractère fantaisiste de cette odyssée médiévale, propulsée par un délire épique. Un troisième opus à marquer d’une pierre blanche.

A Ray Harryhausen (qui vient de nous quitter à l'âge de 92 ans).

*Bruno
07.05.13
13.08.24. 6èx. Vostfr

Récompenses: Corbeau d'Or au Festival du film fantastique de Bruxelles, 1993
Prix de la Critique au Festival Fantasporto, 1993
Saturn Award du meilleur film d'horreur, 1994

lundi 6 mai 2013

DICK TRACY

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site movies.film-cine.com

de Warren Beatty. 1990. U.S.A. 1h45. Avec Warren Beatty, Al Pacino, Charlie Korsmo, Glenne Headly, Madonna, Dustin Hoffman, William Forsythe, Ed O'Ross, Charles Durning, Seymour Cassel, Mandy Patinkin, R.G. Armstrong, James Tolkan, Henry Silva, James Caan, Paul Sorvino, Estelle Parsons.

Récompenses: Oscar du meilleur maquillage pour John Caglione Jr et Doug Drexler
Oscar de la meilleure direction artistique pour Richard Sylbert et Rick Simpson pour les décors
Oscar de la meilleure chanson originale pour Soony or Later de Stephen Sondheim.

Sortie Salles: 15 Juin 1990

FILMOGRAPHIE: Warren Beatty est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 30 Mars 1937 à Richmond, Virginie.
1978: Le Ciel peut attendre. 1981: Reds. 1990: Dick Tracy. 1998: Bulworth


Pour sa troisième réalisation, l'acteur Warren Beatty décide de rendre hommage à une célèbre bande dessinée crée par Chester Gould en 1931. Avec une distribution prestigieuse réunissant Al Pacino, Dustin Hoffman, Warren Beatty himself (très à l'aise dans ces 2 postes !), la chanteuse Madonna et un florilège de seconds-rôles rendus méconnaissables sous leur maquillage, Dick Tracy est une aventure clinquante transcendée par leur extravagance. Situé à l'époque des années 30, le film illustre les aventures du détective Dick Tracy contraint de déjouer les ambitions cupides d'un mafioso mégalo, Big Boy. Un soir, il découvre par hasard l'existence miséreuse d'un enfant maltraité et décide de lui porter secours. Ensemble, ils vont finalement s'unifier et user de stratagème pour mettre un terme aux agissements mafieux de la pègre. Mais alors que Dick est secrètement amoureux de sa fidèle amie Tess, ses sentiments vont bientôt être contrariés par le désespoir d'une chanteuse de bar, Breathless Mahoney. Asservie par l'autorité du gangster Big Boy, elle aspire à trouver une vie plus épanouie sous l'égide de notre illustre détective.


Si le scénario orthodoxe n'apporte finalement que peu de surprises (en dehors du suspense entretenu pour démasquer l'énigmatique justicier sans visage), ce divertissement rondement mené se distingue notamment par l'humanité de ses personnages. En priorité pour le trio attendrissant formé par Dick, Tess et le bambin, le Kid ! (dans son rôle infantile, Charlie Korsmo s'avère épatant de naturel !).
Sous couvert d'un film d'action visuellement cartoonesque et la présence interlope d'antagonistes au physique buriné (Al Pacino est quasi méconnaissable dans la peau de Big Boy !) ou difforme (le marmoneux, tête plâte), Dick Tracy préconise la romance candide. Le réalisateur accordant une belle importance à dépeindre avec pudeur la relation timorée du détective pour sa jeune amie solitaire. En prime, son rapport indécis avec la chanteuse Breathless et l'attitude paternelle qu'il va peu à peu engendrer avec le Kid nous illustrent bien sa quête intrinsèque du bonheur conjugal.
En dehors de séquences d'action parfois spectaculaires et fertiles en subterfuges, l'aventure s'alloue par ailleurs d'un humour espiègle dans ses situations débridées (l'interrogatoire avec le marmoneux) et dans la verve de dialogues ciselés. Le soin apporté au design des décors (naturels ou en matte painting), à la photographie flamboyante, à la musique orchestrale de Danny Elfman mais aussi aux chansons élégiaques d'une Madonna aigrie exacerbent l'élégance formelle d'une réalisation inspirée.


Sous une photographie rutilante saturée de teintes polychromes, de manière à mettre en exergue son esprit BD, Dick Tracy insuffle un charme irrésistible dans ces aventures attrayantes et fait la part belle aux sentiments nobles dans son alliage d'action, d'aventures, d'humour et de romance. Pétillant et plein de fraîcheur !

05.05.13
Bruno Matéï

vendredi 3 mai 2013

Evil-Dead 2013

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site aiguisemoica.blogspot.com

de Fede Alvarez. 2013. U.S.A. 1h36 (uncut version). Avec Jane Levy, Shiloh Fernandez, Jessica Lucas, Lou Taylor Pucci, Elizabeth Blackmore.

Sortie salles France: 1er Mai 2013. U.S: 5 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Fede Alvarez est un réalisateur uruguayen, né le 9 Février 1978 à Montevideo.
2009: Ataque de Panico (court-métrage). 2013: Evil-Dead. 


"Cabane rouge, âme noire".
Attendu comme le messie autant que redouté par les fans irréductibles de son modèle, Evil Dead, le remake, attisa notre curiosité dès ses trailers hargneux, violemment percutants. Mais n’y allons pas par quatre chemins : ce remake est un cadeau inespéré.

Dès l’abord, on peut saluer l’intégrité du réalisateur d’avoir conçu un film d’horreur premier degré, pétri d’une véritable ambiance à l’ancienne. Sans esbroufe gratuite, sans humour potache. Juste l’inquiétude rampante, l’appréhension sourde, ce sentiment d’insécurité qui ne fait que croître jusqu’à la folie furieuse. Et surtout, un respect humble et intelligent de l’essence du film originel.

Certains lui reprochent une certaine vacuité des personnages, alors que son ancêtre souffrait déjà d’une interprétation superficielle — même l’icône Bruce Campbell y était largement perfectible. Ici, au contraire, la prestance tranchante de Jane Levy suscite autant l’empathie que l’effroi, dans son rôle de toxicomane chétive, dévorée par la paranoïa et la démence. Une jeune fille en perte de repères, contrainte de se sevrer au fond d’une cabane, aidée de ses proches — alors que le Mal, déjà, rôde tout près, prêt à s’immiscer en elle.

L’idée est brillante : l’addiction sert de prétexte au repli, au huis clos, et la fraternité familiale, bien que discrètement esquissée, donne de l’étoffe aux rapports dysfonctionnels entre frère et sœur, à peine survivants. Les crises de délire de Mia ? Des symptômes de manque, se disent d’abord ses amis. Ils la forcent à rester enfermée dans la cabane. Mais ils ignorent que Mia, à l’instant même, vient d’être violée dans les bois par une entité démoniaque. Le Mal est déjà à l’intérieur.

Le sérieux avec lequel Fede Alvarez raconte son histoire nous implique immédiatement dans le désarroi de Mia. Et la tension, palpable dès le départ, grimpe inexorablement durant sa lente dégénérescence.

Contre toute attente (et toute crainte), le film ne verse pas dans le vulgaire copié-collé, refusant de repomper les séquences cultes du Raimi furibond. L’usage du grimoire en est la preuve : chaque événement meurtrier découle directement de ses consignes infernales, invoquées par un héros bien mal inspiré.

Evil Dead, version 2013, surprend, tétanise, impose une panique brute face à ses séquences chocs d’une efficacité viscérale, presque insoutenable dans leur réalisme hardcore. Jalonné de clins d’œil respectueux à l’œuvre-mère (les bruitages, la musique ombrageuse), le film regorge aussi d’idées retorses — ces mutilations que s’infligent les possédés sont autant de cris de chair qu’on ne peut oublier.

Fede Alvarez ose, cogne, déchaîne un orage gore où l’intensité monte en flèche, jusqu’à la saturation. Et nous, spectateurs, ballotés dans ce cauchemar qui se déploie comme une spirale, assistons impuissants à la boucherie de ces victimes auxquelles, malgré tout, on s’était attachés.

Ici, l’humour noir se fait plus rare, moins railleur. Mais la verve obscène des démons évoque parfois les infamies dégorgeantes de la petite Regan de L’Exorciste.

 
"Une aiguille dans l’enfer".
Mené sur un rythme effréné, formellement rugueux, inventif dans ses détails, viscéralement cruel et d’une violence sèche, Evil Dead nous cloue au siège comme une montagne russe en flammes. Hargneux, anxiogène, parfois terrifiant, le film rend hommage à son modèle avec une dignité et une maîtrise (presque) inattendues chez un jeune réalisateur.

Et si, en 2012, le paysage horrifique semblait décliner, Evil Dead en a redoré le blason. La nouvelle génération, à son tour, pourrait bien lui vouer un culte. Car il est rare, si rare, d’être confronté à un “vrai” film d’horreur à l’ancienne, obsédé par cette acuité du malaise qu’il cultive avec un sérieux presque sacré.

*Bruno

La critique de Gilles Rollandhttp://www.onrembobine.fr/critiques/critique-evil-dead-2013

La critique d'Evil-dead, version 1981: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/05/evil-dead-evil-dead.html

04.05.13
16.01.17
24.04.23

Dark Skies

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de Scott Charles Stewart. 2013. U.S.A. 1h37. Avec Keri Russell, Dakota Goyo, Josh Hamilton, Annie Thurman, Alyvia Alyn Lind, Trevor St. John.

Sortie salles France: 26 Juin 2013. U.S: 22 Février 2013

FILMOGRAPHIE: Scott Charles Stewart est un réalisateur, producteur, acteur et scénariste américain.
2009: Legion. 2011: Priest. 2013: Dark Skies



Réalisateur de produits aseptiques parmi lesquels Legion et PriestScott Charles Stewart avait de quoi laisser dubitatif le cinéphile averti à la vue de son 3è long. Or, avec une surprenante inspiration, Dark Skies est une excellente série B du samedi soir qu'on aurait tort d'occulter. Oubliez donc l'affiche et son titre formaté et tentez l'expérience ludique d'une efficacité perpétuelle dans son art consommé de l'angoisse, du suspense et même de la terreur (à 2/3 occasions franchement percutantes). Car en empruntant le schéma classique du film de hantise exploité sous un contexte d'anticipation, Scott Stewart nous emballe un film d'angoisse passionnant et plutôt retors dans sa topographie. De prime abord, les protagonistes s'avèrent crédibles pour la caractérisation d'une famille unie rapidement témoin d'évènements aussi troubles qu'inquiétants au sein de leur foyer. Des objets et divers ustensiles sont empilés les uns sur les autres en rangée verticale sur la table de cuisine. Les enfants sont perturbés durant leur sommeil par une étrange présence alors que leurs parents sont confrontés à diverses hallucinations sous l'emprise du somnambulisme. Ainsi, sur un rythme métronome, le réalisateur continue d'exploiter nombre d'incidents inexpliqués afin d'entretenir l'anxiété (tels ses stigmates retrouvés sur le corps des bambins) mais aussi insuffler une notion de suspense latent tout à fait captivant. 


Car trouble et inquiétant, Dark Skies nous évoque essentiellement une conspiration extra-terrestre régie sous le mode de l'abduction. Mais la manière dont le réalisateur nous amène cette idée éculée s'avère à la fois efficiente et convaincante de par sa persuasion d'y provoquer la peur d'une hostilité venue d'ailleurs. Qui plus est, la sobriété des protagonistes provoque l'empathie à travers leur désarroi esseulé (ils sont suspectés de mauvais traitements sur leurs enfants), contraints par ailleurs d'ignorer l'aide infructueuse de la police. Néanmoins, ses parents démunis trouveront le soutien auprès d'un expert en affaires d'enlèvements extra-terrestres. Le récit en crescendo parvient donc par l'appui de sa compétence à nous convaincre de leur existence tout en nous interrogeant au 1er degré sur la thèse des ovnis. En l'occurrence, des aliens pernicieux installés sur notre globe depuis des décennies pour une raison bien spécifique. Sur ce point, le dernier quart d'heure particulièrement cinglant cultive une tension horrifiante pour leur apparition escomptée ainsi que la destinée précaire de cette famille. D'autant plus que le réalisateur s'est intelligemment appliqué à réfuter le "happy-end" au risque de décevoir le grand public.


Mené sur un rythme sans faille, étonnamment convaincant dans sa démarche risquée de nous questionner sur l'existence des E.T, Dark Skies est une habile surprise où l'inquiétude et la peur sont à l'unisson. Efficacement angoissant (notamment la 1ère apparition du "gris", les postures erratiques des parents et le point d'orgue assez couillu pour sa radicalité dramatique), cette série B impeccablement menée possède enfin l'atout d'être servie par des comédiens attachants (et ce jusqu'aux seconds rôles infantiles, une fois n'est pas coutume) afin de renforcer l'aspect quelque peu documenté de ce cas d'ovni redoutablement perfide et pernicieux. 

*Eric Binford
15.04.25. Vost
29.11.21
03.05.13

jeudi 2 mai 2013

The Lords of Salem

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Popmovies.fr

de Rob Zombie. 2012. U.S.A. 1h41. Avec Sheri Moon Zombie, Richard Lynch, Bruce Davison, Meg Foster, Lew Temple, Ernest Lee Thomas, Ken Foree.

Sortie salles U.S: 19 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Rob Zombie est un chanteur, musicien et réalisateur américain, né le 12 Janvier 1965 à Haverhill, dans le Massachusetts. 2003: House of 1000 Corpses. 2005: The Devil's Rejects. 2007: Werewolf Women of the S.S. (trailer). 2007: Halloween. 2009: Halloween 2. 2012: The Lords of Salem.


Bad trip expérimental, messe noire invoquée au culte de Satan, délire horrifique chargé de symboles lucifériens, le nouveau Rob Zombie est un ovni anti religieux qui risque sévèrement de vous ébranler les neurones ! Difficile en l'état actuel d'évoquer ses impressions à chaud tant le film déroute méchamment. Néanmoins, et de manière prégnante, il nous préserve en mémoire des séquences cauchemardesques jamais vues au préalable ! Que l'on aime ou que l'on rejette en bloc ce pamphlet anticlérical, on ne peut nier la stylisation novatrice du réalisateur ainsi que son esthétisme formel déployant de saisissantes plages d'onirisme macabre. Qui plus est, la photographie élégamment teintée de filtres verts, sépia et rouges renforce l'aspiration du réalisateur ici régi en véritable créateur d'images picturales ! Que ce soit l'architecture religieuse d'un oratoire ou du design baroque de l'appartement de Heidi, de la nature automnale d'un parc public ou de la procession mystique du concert des Lords ! L'ambiance chaude et envoûtante, l'atmosphère urbaine palpable fonctionne si bien que l'on jurerait que ce soit une prod native des années 70.


Or, tout est dans l'art de la mise en scène et la manière de narrer une histoire d'impiété héritée des conspirations de Rosemary's Baby ou du Locataire. Si les séquences hallucinatoires (oh combien incongrues !) suggérée par l'héroïne s'avèrent au départ un peu trop récurrentes, son cheminement tortueux laisse place à d'autres évènements plus inquiétants, telle cette rencontre pernicieuse avec ces trois voisines de palier. D'ailleurs, parmi ce trio évoqué, quel plaisir de retrouver les talentueuses Meg Foster et Dee Wallace Stone dans des prestances littéralement malveillantes. Vibrant hommage aux sorcières de Salem, Rob Zombie semble habité par le malin à daigner nous entraîner dans une sarabande diabolique où la verdeur des dialogues n'a jamais été aussi scabreuse afin d'y répudier la divinité de Dieu ! Le clou du nihilisme funeste atteignant son paroxysme lors d'un final emphatique lardé d'images psychédéliques parfois couillues (on peut aussi évoquer l'univers métaphysique d'Alejandro Jodorowski). Au niveau des comédiens, chaque personnage possède la physionomie adéquate (sclérosée ou burinée pour certains) afin de camper leur rôle avec une conviction suprême. Quand à l'apparence chétive de Sheri Moon Zombie, transie d'émoi, elle promène sa silhouette à la manière d'une fantômette errante !


Danse avec le diable
Cérémoniel mortifère littéralement atypique de par son imagerie fétide (voir la séquence flamboyante du martyr des sorcières condamnées à rôtir sur le bûcher), The Lords of Salem déroute et déconcerte, ébranle nos habitudes ludiques en provoquant la fascination sépulcrale pour ceux qui sauront se laisser envoûter par son univers extrêmement occulte. Véritable ovni subversif multipliant les provocations visuelles et verbales à travers un esthétisme singulier, Rob Zombie délivre ici son film le plus personnel en auteur ambitieux. Un esthète prodige voué à l'anticonformisme au risque de déplaire une frange de spectateurs non initiés. Une chose est sure, The Lords of Salem s'érigera en phénomène culte auprès du cercle fermé des adorateurs de Satan. 
Pour public averti 

*Bruno
08.04.24. Vo
02.05.13

mercredi 1 mai 2013

Evil-dead (The Evil-Dead). Meilleure 1ère oeuvre au Rex de Paris, 1982.

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sam Raimi. 1981. U.S.A. 1h25. Avec Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, Richard DeManincor, Betsy Baker, Theresa Tilly.

Sortie salles U.S: 15 Octobre 1981 (première à Détroit). 15 Avril 1983 en sortie nationale.
France: Mai 1982 au Marché du film de Cannes. Novembre 1982 au Rex de Paris. 24 Août 1983 en sortie nationale.

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.

L’opéra de la terreur !
Le film d’horreur le plus férocement original, dixit un Stephen King abasourdi ! Depuis sa sortie rentable en salles et son illustre succès en VHS, Evil Dead s’est imposé au panthéon des films d’horreur les plus impressionnants de l’histoire. L’emblème moderne du « ouh, fais-moi peur ! », alors même que son récit puise dans les clichés usuels de l’épouvante traditionnelle : une forêt bucolique, ténébreuse, régie par des démons sataniques.

Réalisé avec des bouts de ficelle et une poignée de comédiens amateurs, cette première œuvre d’un jeune cinéaste surdoué est un moment de folie furieuse jamais contemplé sur toile. Car conçu comme un train fantôme erratique, Evil Dead est une sarabande infernale, une nuit démoniaque et irrationnelle, dans laquelle un groupe de vacanciers a la déveine de croiser les forces du mal. En empruntant le schéma classique du film de possession et le cadre du slasher champêtre, Sam Raimi se réapproprie les conventions avec une insolence jubilatoire.

Entre ses touches d’onirisme macabre et sa profusion de gore aux accents frénétiques, Evil Dead provoque l’euphorie par sa mise en scène virtuose. D’une efficacité redoutable, Raimi transcende son script éculé en jouant la carte de la provocation et de l’action cinglante dans un esprit de grand-guignol carnavalesque. Fort de son ingéniosité bricolée, il secoue le spectateur et joue avec ses nerfs, face à ces protagonistes soumis, un à un, à l’emprise démoniaque.

À la bande-son tonitruante, où ricanements moqueurs se disputent aux hurlements d’effroi, Evil Dead distille une panique masochiste chez son spectateur voyeur. Jamais série B n’aura rendu si palpable — et terrifiante — une scénographie forestière, où l’entité démoniaque semble s’infiltrer jusque dans la pellicule. À ce titre, et en frôlant miraculeusement l’écueil du ridicule, la scène du viol de Cheryl reste un moment d’anthologie, couillu, chargé d’une verve visuelle aux connotations sexuelles — c’est d’ailleurs pour cette transgression que l’Angleterre assigna Raimi devant les tribunaux.

La tension diffuse devient de plus en plus prégnante, la férocité cauchemardesque atteint son apogée lors d’une ultime demi-heure totalement débridée, quand le dernier survivant, esseulé, se retrouve confiné dans la cabane maudite, à lutter vaillamment contre les démons ricaneurs.

 
"Le rire du démon dans la pellicule".
Furieusement gore (les armes blanches pénètrent et sectionnent les chairs avec une verdeur viscérale !), diablement jouissif, méchamment railleur, Evil Dead déploie avec une vigueur rare un florilège de déviances horrifiques dignes d’un bad trip sarcastique. Chef-d’œuvre subversif d’horreur hardgore, il reste d’une modernité renversante, notamment par sa capacité à transgresser la peur en y injectant stupeur, choc, euphorie — on ne compte plus les estocades des jump scares ultra-efficients.

C’est ce qu’on appelle aussi : une déclaration d’amour. Celle d’un artiste entièrement habité par ses innovations d’alchimiste ricaneur.

*Eric Binford
01.05.13. (23è visionnage)

La critique d'Evil-Dead, version 2013: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/05/evil-dead-2013.html

RécompensesPrix du Public et le Prix de la Meilleure Première Œuvre au Festival du Rex à Paris en 1982.


L'Enfance Volée / Der Verdingbub


de Markus Imboden. 2011. Suisse. 1h48. Avec Katja Riemann, Stefan Kurt, Maximilian Simonischek, Max Hubacher, Lisa Brand, Miriam Stein.

Sortie salles en 2011 en Suisse alémanique, 18 avril 2012 en Suisse romande
FILMOGRAPHIE: Markus Imboden est un réalisateur et scénariste suisse, né le 17 Octobre 1955 à Interlaken. L'Enfance Volée est son film le plus connu dans son pays natal.


Témoignage bouleversant sur la condition des orphelins suisses mais aussi des enfants destitués de leurs parents dans les années 50, l'Enfance Volée relate ici les destins de Max et Berteli embrigadés de force dans une famille d'accueil. Avec l'autorité castratrice de leurs nouveaux parents, des fermiers miséreux sans vergogne, les adolescents vont endurer diverses maltraitances physiques et sombrer dans l'esclavage avant de tenter la rébellion.


Drame social d'une intensité dramatique toujours plus éprouvante, l'Enfance Volée est un film choc imparable sur l'intolérance et la tyrannie parentale mais aussi le laxisme des pouvoirs publics.
Sans pathos et encore moins de misérabilisme, Markus Imboden réussit avec réalisme à nous décrire le calvaire de deux adolescents asservis par des paysans rétrogrades victimes de leur médiocrité. Si le film s'avère aussi poignant, immersif et passionnant dans sa peinture sordide allouée aux valeurs familiales, il le doit surtout à la caractérisation convaincante de ces personnages. Les antagonistes réussissant avec sobriété (en dehors du jeu outrancier du pasteur) à véhiculer une humanité déclinante dans leur désoeuvrement engendré par l'alcoolisme et la précarité financière. Enfin, les deux enfants incarnés par Maximilian Simonischek et Lisa Brand forment un duo inévitablement émouvant dans leur désarroi et rancoeur esseulées. Ils nous insufflent avec pudeur une empathie naturelle de par leur jeu dépouillé inscrit dans l'humilité fraternelle.


Superbement photographié au sein d'une nature bucolique verdoyante, l'Enfance Volée est un drame fort et cruel sur l'enfance galvaudée, intelligemment détourné de fioriture et de bons sentiments. La prestance habile des comédiens permettant de nous immerger dans leur existence sordide avec une vérité humaine prédominante. Au final, il demeure difficile de sortir indemne d'un tel fardeau pour ces enfants compromis à la maltraitance et l'inceste sexuelle. Un constat édifiant auquel 100 000 d'entre eux furent du jour au lendemain destitués de leurs parents pour être placés dans des familles d'accueil miséreuses après la seconde guerre. Sans compter cet hommage humble aux baladins accordéonistes ayant survécu grâce à leur inspiration musicale. Sur ce dernier point, ne vous fiez pas à l'aspect racoleur de son affiche (ainsi que son titre conventionnel). 

30.04.13
Bruno Matéï



jeudi 25 avril 2013

FLASH GORDON

                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site mariolikesmovies.com

de Mike Hodges. 1980. U.S.A/Angleterre. 1h51. Avec Sam J. Jones, Melody Anderson, Ornella Muti, Max Von Sydow, Topol, Timothy Dalton, Brian Blessed.

Sortie salles France: 28 Janvier 1981. U.S: 5 Décembre 1980

FILMOGRAPHIE: Mike Hodges est un producteur, réalisateur et scénariste britannique, né le 29 Juillet 1932 à Bristol (Royaume-Uni). 1971: La Loi du Milieu. 1972: Retraite Mortelle. 1974: l'Homme Terminal. 1978: Damien, la malédiction 2 (non crédité). 1980: Flash Gordon. 1985: Les Débiles de l'espace. 1987: L'Irlandais. 1989: Black Rainbow. 1998: Croupier. 2003: Seul la mort peut m'arrêter.


Film culte chez une frange de spectateurs, estampillé "nanar suprême", Flash Gordon est une improbable production de l'intarissable Dino de Laurentiis sous l'égide de Mike Hodges. Un cinéaste inégal à qui l'on doit tout de même un authentique chef-d'oeuvre du polar britannique, La Loi du Milieu. D'après le comic créé par Alex raymond en 1934, Flash Gordon revient sur nos écrans en ce début des années 80 avec cette super production influencée par le phénomène Star Wars. La distribution éclectique composée d'illustres comédiens parmi lesquels Max Von Sidow (hiératique, il EST l'empereur Ming, sadique et impassible !), Ornella Muti (en nympho écervelée) et Timothy Dalton (en prince versatile accoutré d'un pyjama vert !), a de quoi dérouter le spectateur au vu de leur prestance excentrique. Mais la palme de l'acteur le plus incongru en revient à l'inexpressif Sam J. Jones dans la peau du super héros féru de football américain (la partie sportive improvisée sur le temple de Ming est un moment d'anthologie couillu !). Il s'agit ici de son 2è rôle à l'écran puisqu'un an au préalable il avait partagé l'affiche avec la comédienne Bo Derek pour y faire une apparition dans Elle de Blake Edwards. En l'occurrence, il faut avouer que ce piètre acteur fait bien pâle figure pour endosser le rôle majeur de Flash Gordon. Hormis sa silhouette saillante, le jeune comédien au minois bien docile semble complètement dépassé par les évènements au fil de ces déboires avec des E.T insidieux. Par miracle, il réussit pour autant à franchement nous amuser par son jeu cabotin alliant l'esprit pugnace et la bonhomie puérile.


Pour en revenir à l'ovni risible de Mike Hodges, son grand spectacle s'avère une pantalonnade disco (chargé de teintes polychromes !) alternant désarroi, rire grinçant et plaisir coupable. Le scénario impayable est à lui seul une blague de comptoir ! A la suite du crash d'une fusée sur une planète hostile, Flash Gordon et ses comparses vont rencontrer une société d'extra-terrestres régis par un tyran totalitaire. Pour tenter de survivre, ils vont devoir s'allier avec les hommes oiseaux et le prince Barin afin de déjouer les ambitions diaboliques du leader Ming ! Entre les désirs conjugaux de ce dernier pour s'accaparer d'une princesse, les caprices insidieux de sa fille nympho et les querelles jalouses du prince Barin, une guerre se prépare entre les deux clans pour l'avenir de l'humanité ! Pour compenser la vacuité de son scénario, Mike Hodges émaille son intrigue d'un concours d'épreuves mortelles que nos héros doivent entreprendre afin de mesurer leur courage. Enfin, la dernière demi-heure laisse place à un baroud d'honneur intergalactique assez réjouissant dans ses nombreux échanges de tirs au rayon laser. L'action échevelée se résumant à une bataille spatiale auquel l'armée des hommes volants s'est déployée en masse parmi l'entraide de Flash (équipé pour le coup d'un scooter aérien !) afin de réduire en poussière l'empire de Ming.


Surveillez bien les étoiles dans le ciel, un Flash aux cheveux blonds n'est jamais bien loin !
Avec ses dialogues hilarants, ses décors criards en matte painting, ses costumes en paillette au look disco et surtout la complicité amiteuse des comédiens, Flash Gordon côtoie la farce débridée avec une bonne humeur indécrottable. S'il s'agit sans doute d'un des plus ubuesques films de super-héros, la sympathie et la fougue que l'on éprouve au fil de ses aventures rocambolesques nous préserve un sourire de gosse jusqu'au mot "fin" laissé en suspens ! (la suite escomptée n'ayant jamais vu le jour !). Et pour marquer le rythme, le score tonitruant orchestré par le groupe Queen est loin d'être étranger au plaisir coupable procuré !

25.04.13. 4èx
Bruno Matéï


mercredi 24 avril 2013

Angel Heart

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site forum.nanarland.com

d'Alan Parker. 1987. U.S.A/Angleterre/Canada. 1h53. Avec Mickey Rourke, Robert De Niro, Lisa Bonet, Charlotte Rampling, Stocker Fontelieu, Brownie McGhee, Michael Higgins.

Sortie salles France: 8 Avril 1987. U.S: 6 Mars 1987

FILMOGRAPHIE: Alan Parker, né Alan William Parker le 14 Février 1944 à Islington, Londres, est un réalisateur, compositeur, scénariste et producteur anglais.
1975: The Evacuees (télé-film). 1976: Bugsy Malone. 1978: Midnight Express. 1980: Fame. 1982: l'Usure du Temps. 1982: Pink Floyd the Wall. 1984: Birdy. 1987: Angel Heart. 1988: Mississippi Burning. 1990: Bienvenue au Paradis. 1991: The Commitments. 1994: Aux bons soins du Dr Kellogg. 1996: Evita. 1999: Les Cendres d'Angela. 2003: La Vie de David Gale.


Voyage au bout de l’âme noire.

Dans les limbes du cinéma, il existe des œuvres qui, telles des entités envoûtantes, nous attirent dans leur spirale infernale et, peu à peu, nous happent sans retour. Angel Heart d'Alan Parker est l’une de ces œuvres. Thriller occulte imbibé de magie noire, le film est un voyage au bout des ténèbres où le spectateur s’égare aux côtés de Mickey Rourke, dans un rôle de détective privé en perdition, et où chaque image semble tremper dans le poison de l’âme humaine.

Synopsis : New York, 1955. Un détective privé, Harry Angel, est contacté par un mystérieux client, Louis Cyphre, pour retrouver Johnny Favorite, un ancien chanteur disparu depuis 12 ans après la guerre. Au fil de son enquête, l’enchevêtrement des indices devient un piège, et les corps s’amoncellent autour de lui, dans une danse macabre dont il ne peut plus se défaire.

Pour la première fois de sa carrière, Alan Parker plonge dans l’abîme du genre horrifique, tout en empruntant les codes du film noir. Ce détour stylistique, adapté du roman de William Hjortsberg, révèle la main habile du réalisateur, qui, en virtuose, façonne une esthétique crépusculaire d’une rare beauté. La photographie, jouant sur les nuances du clair-obscur, nous immerge dans un monde où la lumière et l’ombre ne sont que des frontières floues, où la ville de New York devient un labyrinthe tentaculaire, prête à avaler toute certitude.


À mesure que l’investigation d’Harry Angel se déploie, Angel Heart prend une tournure de plus en plus abstraite, transformant une quête de vérité en une plongée abyssale dans la psyché du détective. Chaque rencontre, chaque témoin, chaque cadavre ajoutent une couche d’angoisse, jusqu’à ce que l’horreur devienne une réalité indiscernable de la folie qui ronge l’esprit d’Angel. Le film se fait le miroir de sa propre déchéance, une lente descente aux enfers où la perte de repères devient une matière organique, aussi noire que la nuit.

Ce voyage vers l’inconnu se poursuit jusqu’en Louisiane, un autre territoire où le mystère se fait encore plus oppressant. Là, la culture du vaudou et des rituels occultes se déploie, étendant son ombre sur l’enquête. Alan Parker ne se contente pas de raconter une histoire ; il crée un environnement sensoriel où la peur et le désir se confondent. La réalisation formelle atteint une perfection si méticuleuse qu’une aura maléfique semble s’immiscer dans chaque recoin de l’écran. L’atmosphère, feutrée mais oppressante, porte le spectateur vers un climat malsain, de plus en plus poisseux, à l’image même des rituels pratiqués sur les cadavres des victimes. La présence du Mal est palpable, presque tangible, et son influence, omniprésente, s’intensifie à mesure que la quête de vérité devient une spirale autodestructrice.

La lente dérive psychologique de Harry Angel est sublimée par l’interprétation viscérale de Mickey Rourke, qui, dans le rôle du détective en proie à ses propres démons, incarne à la perfection cette fragilité intérieure, cette névrose qui se transforme progressivement en une psychose dévorante. L’intrigue devient pour lui une toile d’araignée mentale, une prise lente mais certaine qui le condamne à une révélation d’une cruauté inouïe.

Dans le rôle de Louis Cyphre, Robert De Niro partage la vedette avec Rourke, apportant à son personnage une élégance glaciale et une menace sourde. Sa présence, discrète mais pénétrante, s’impose à l'écran comme une figure aristocratique, froide et calculatrice. À l’instar d’un baron du Mal, Cyphre manipule son interlocuteur avec une finesse cruelle, ses ongles acérés devenant des instruments de torture psychique dans un jeu de duperie pervers. Ce rôle de maître des ténèbres, joué avec une subtilité inquiétante, est l’un des points forts du film, parfaitement dosé pour maintenir une tension constante.


Jusqu'au bout des Ténèbres.
Angel Heart s’apparente à une œuvre de pur cauchemar. Sa beauté opaque et ensorcelante, à la fois fascinante et perturbante, semble avoir été façonnée par le diable lui-même. Le film n’est pas seulement un thriller noir ; il est une entité à part entière, une hallucination qui nous entraîne inexorablement vers une révélation schizoïde. L’intensité de son atmosphère lugubre, l’aura machiavélique qui émane de chaque scène et l’interprétation frémissante de Mickey Rourke renforcent l’aspect délétère du film, une vision du Mal si omniprésente qu’elle finit par envahir notre propre perception.

En effet, Angel Heart est un voyage dans l’inconnu, un pèlerinage vers la perte de soi, où chaque pas, chaque ombre, chaque murmure est une invitation à se perdre. L’omnipotence du Mal, incarnée avec une telle brillance visuelle et psychologique, fait de ce film un chef-d’œuvre inclassable, une expérience sensorielle aussi bouleversante que fascinante.

Ainsi, Angel Heart s’élève, dans l’univers cinématographique, comme l’un des films les plus audacieux et perturbants des années 80, une exploration labyrinthique de l’âme humaine, de ses ténèbres, et des démons qu’elle cache au plus profond d’elle-même. Une œuvre où l’horreur devient une réflexion sur la condition humaine, un miroir déformé qui ne nous laisse que l’image d’un abîme.

*Bruno
04.05.25. 4èx. Vost. 4K
24.04.13. 

mardi 23 avril 2013

LE DERNIER REMPART (The Last Stand)

                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site vivalacinema.superforum.fr

de Kim Jee-Woon. 2013. U.S.A. 1h47. Avec Arnold Schwarzenegger, Forest Whitaker, Eduardo Noriega, Peter Stormare, Rodrigo Santoro, Jaimie Alexander, Zach Gilford, Luis Guzman.

Sortie salles France: 23 Janvier 2013. U.S: 18 Janvier 2013

FILMOGRAPHIE: Kim Jee-Woon est un réalisateur, scénariste et directeur de la photo sud-coréen, né le 6 Juillet 1964 à Séoul.
1998: The Quiet Family, 2000: The Foul King. 2003: Deux Soeurs. 2005: A Bittersweet Life. 2008: Le Bon, la brute et le cinglé. 2010: I saw the devil. 2013: Le Dernier Rempart.


Après plus de 10 ans d'absence, Arnold Schwarzenegger revient sur les écrans dans un rôle majeur de dur à cuir sous la caméra de Kim Jee-Woon. Pur hommage aux séries B d'action des années 80 qui envahissaient nos écrans et nos étagères Vhs, Le Dernier Rempart est un plaisir coupable du samedi soir conçu pour divertir sans modestie.

Afin qu'un dangereux criminel preneur d'otage évite de franchir la frontière mexicaine, un shérif et ses adjoints décide de s'allier pour lui barrer le chemin au sein de leur petite bourgade. 


Actionner bourrin dénué de prétention en assumant pleinement sa fonction de divertissement, le Dernier Rempart s'affiche en western moderne sous l'égide d'un shérif sclérosé délibéré à ne pas se laisser intimider par la pègre d'un leader mafieux. Ca démarre fort avec une spectaculaire évasion high-tech élaborée par les sbires du dangereux repris de justice culminant sa fuite à bord d'un bolide blindé. Alors que la police tente par tous les moyens de le mettre hors d'état de nuire, il réussit haut la main à esquiver les barrages routiers avec l'ingérence d'hommes de mains suréquipés. Mais afin de gagner la frontière mexicaine, il doit emprunter l'itinéraire d'une petite ville du Texas. Dans cette bourgade reculée, le Shérif Owens décide de le cueillir parmi le volontariat d'adjoints débutants. C'est à ce moment propice que le clou du spectacle promu achève son apothéose dans un déluge d'échanges de tirs (sulfateuse à l'appui s'il vous plait !) et d'explosions. Avec l'efficacité d'une réalisation nerveuse décuplant sans répit ses séquences d'action continuellement cinglantes, le Dernier Rempart gagne d'autant plus notre sympathie par la dérision accordée à chaque personnage. Et en priorité vis à vis des adjoints couards du shérif, plutôt indécis à devoir se mesurer contre des malfrats belliqueux, mais davantage engagés dans un élan (suicidaire) de bravoure solidaire. La palme de l'hilarité en revenant à l'ancien trublion maso de Jackass, Johnny Knoxville, ici reconverti en benêt artilleur ! Avec une ferveur délurée, certaines de ses pitreries provoquent facilement le rire par sa démesure héroïque incontrôlée. Dans celui du shérif sexagénaire redresseur de tort, Arnold Schwarzenegger nous revient avec une forme lénifiante beaucoup moins agile pour sa posture stoïque qu'à l'époque de sa notoriété. Raison pour laquelle l'affrontement au corps à corps entamé avec Cortez relève plus du combat de catch que des traditionnelles bastons homériques. Néanmoins, sa présence avenante et sa bonhomie attachante nous émeut d'une certaine manière dans sa volonté de daigner renouer avec la symbolique du héros vaillant.


Nanar survitaminé assumant pleinement son rôle ludique d'actionner décérébré, le Dernier Rempart est une jouissive offrande pour tous les fans du genre. Et en particulier à ceux de la génération 80 qui auront été bercés par les buddy movies et films de guerre post-vietnamiens où leurs héros préférés (Stallone / Schwarzenegger, même combat !) se partageaient l'affiche avec une foi imperturbable. 

23.04.13
Bruno Matéï

lundi 22 avril 2013

LA PART DES TENEBRES (The Dark Half)

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmaffinity.com

de George A. Romero. 1992. U.S.A. 2h02. Avec Timothy Hutton, Amy Madigan, Michael Rooker, Julie Harris, Robert Joy.

Sortie salles France: 18 Août 1993

FILMOGRAPHIE: George Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York.
1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead. 2011: Deep Red.


Oeuvre mésestimée aujourd'hui sombrée dans l'oubli, La Part des Ténèbres est l'un des films les moins appréciés du maître Romero. S'il s'agit de l'un de ces projets les moins personnels, on ne peut pas occulter l'originalité de son scénario (tiré d'un roman de Stephen King) ainsi que la conviction de ces interprètes. A la suite d'un chantage avec l'un de ses fans, l'écrivain Thad Beaumont décide de se débarrasser de son pseudonyme en divulguant sa véritable identité aux médias. Depuis ses déclarations, une série de meurtres sanglants ébranlent son entourage. Thad est rapidement suspecté par la police puisque ses empreintes digitales sont relevées sur les lieux de chaque crime.


En habile conteur, George A. Romero empreinte ici la voie du thriller fantastique en préconisant un suspense haletant parfaitement planifié. Le film se focalisant essentiellement sur une série  d'évènements meurtriers perpétrés au sein d'une petite bourgade et l'investigation autonome qui s'ensuit vis à vis de l'écrivain. En traitant du thème du double et de notre "part des ténèbres" enfouie en chacun de nous, George Romero dirige avec savoir faire un thriller diabolique reposant sur les épaules de Timothy Hutton. Dans un double rôle en demi-teinte, l'acteur véhicule une belle spontanéité à incarner deux personnages antinomiques confrontés à l'éthique du bien et du mal. A l'instar de Jekyll et Hyde, Thad Beaumont et Georges Starck forment la dualité d'une gémellité schizophrène. Leurs enjeux impartis à la soif de survivre, d'exister et de perdurer sont traités avec une certaine intensité dans leur esprit de rancoeur et intelligence pour sa réflexion identitaire sur l'influence du mal. Cette dense confrontation opposant un personnage de fiction avec son propre créateur (l'écrivain, prisonnier du genre qui a taillé sa réputation), suscite trouble et fascination, notamment par la caractérisation délétère de Georges Starck. Figure renfrognée du Mal matérialisée par la tumeur cérébrale de Thad Beaumont, insatiablement délibérée à cultiver sa nouvelle existence. Pour ajouter un aspect insolite à l'intrigue, George Romero fignole l'esthétisme d'une séquence cauchemardesque (le rêve prophétique de Thad), ainsi que l'onirisme d'une métaphore divine sous l'entremise de volatiles destinés à emporter l'âme des damnés. Sur ce point, la dernière séquence finale se révèle assez spectaculaire et singulière dans son imagerie poético-morbide déployant l'offensive d'une nuée de passereaux carnivores.


Avec modestie, George A. Romero s'impose en l'occurrence en habile conteur, dans l'art et la manière de transfigurer une intrigue originale. La densité de son interprétation et surtout la maîtrise acerbe de son suspense renforçant le caractère attachant de cet inquiétant thriller injustement méprisé. 

22.04.13. 3èx
Bruno Matéï

samedi 20 avril 2013

HIERRO

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site identi.li

de Gabe Ibanez. 2009. Espagne. 1h29. Avec Elena Anaya, Bea Segura, Mar Sodupe, Andrés Herrera, Miriam Correa, Kaiet Rodriguez.

Sortie Dvd France: 24 Novembre 2010. Sortie salles Espagne: 15 Janvier 2010

FILMOGRAPHIE: Gabe Ibanez est un réalisateur espagnol, né le 7 Juin 1971 à Madrid.
2009: Hierro


A la suite de la disparition inexpliquée de son fils sur un ferry, une mère décide de partir à sa recherche mais se retrouve plongée dans un désarroi paranoïaque.

Pour un premier film, le réalisateur Gabe Ibanez opte pour un fantastique éthéré sous couvert d'un drame psychologique intimiste. Au suspense lattent avare en péripéties, Hierro privilégie surtout un climat d'étrangeté prégnant sous l'égide d'une mère démunie, persuadée que son fils est resté en vie à la suite de sa disparition. S'agit-il d'un enlèvement ou d'un accident mortel ? Le rythme lancinant découlant des va-et-vient successifs d'une héroïne perdue au milieu d'un archipel et le manque d'aplomb de la réalisation risquent toutefois de rebuter certains spectateurs. Qui plus est, sa structure narrative indécise manque de conviction pour nous convaincre pleinement de son dénouement prévisible. Les quidams suspicieux étant mal exploités dans leur autorité hostile et leur potentielle culpabilité. Toute en fragilité humaine, l'actrice Elena Aneya véhicule une inévitable empathie dans le combat d'une mère désespérée à daigner retrouver son fils. Elle réussit avec sobriété à provoquer une émotion candide dans son instinct maternel subordonné à l'amour d'un enfant.


La mer des larmes
Si Hierro ne convainc pas pleinement, faute d'un scénario mal ficelé et d'un rythme un peu trop languissant, il réussit tout de même à provoquer une certaine émotion et un intérêt périodique au fil de séquences oniriques imprégnées d'une ambiance feutrée. En outre, son épilogue salvateur renoue avec une poésie diaphane lors d'une séquence fantasmagorique absolument bouleversante. En résulte un drame intimiste bancal qui manque de persuasion mais insuffle tout de même quelques bonnes idées et une certaine émotion au fil du cheminement hasardeux d'une héroïne déchue.

Dédicace à Cid Orlandu
20.04.13
Bruno Matéï