vendredi 23 août 2013

The Conjuring

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site comingsoon.net

de James Wan. 2013. U.S.A. 1h52. Avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Lili Taylor, Ron Livingston, Mackenzie Foy, Shannon Kook-Chun, Joey King, Hayley McFarland.

Sortie salles France: 21 Août 2013. U.S: 19 Juillet 2013

FILMOGRAPHIEJames Wan est un producteur, réalisateur et scénariste australien né le 27 Février 1977 à Kuching (Malaisie), avant de déménager à Perth (Australie).
2004: Saw, 2007: Dead Silence, Death Sentence, 2010: Insidious. 2013: The Conjuring. 2013: Insidious 2.


"Possession à l’ancienne, peur à vif".
Trois ans après l’épatant Insidious, déclinaison à peine voilée de Poltergeist, James Wan renoue avec l’épouvante académique des esprits frappeurs et de la possession, en rendant hommage cette fois-ci à Amityville et L’Exorciste — foi catholique à l’appui, en bonne et due forme. Précédé d’une réputation flatteuse avant même sa sortie, The Conjuring s’érige sur un fait divers supposé, rapporté par les célèbres enquêteurs du surnaturel, Ed et Lorraine Warren. Ce couple de chasseurs de fantômes est cette fois appelé à la rescousse d’une famille en détresse : les Perron, emménagés dans une demeure poussiéreuse rongée par une entité diabolique.

Ce pitch archétypal, déclinaison directe du thème de la hantise, emprunte aux classiques du genre comme aux DTV les plus rances. Et pourtant. James Wan, passionné jusqu’au bout des ongles par les films de possession et de maisons maudites, s’évertue, avec intégrité et ferveur, à ressusciter la trouille sur grand écran. À l’instar du trépidant train fantôme qu’était Insidious, il ne recule pas devant l’usage de ficelles usées, mais les affine, les tend, les affûte, jusqu’à en faire des pièges redoutables.

Concoctée à partir d’une vieille formule — même l’époque se cale sur les seventies ! — cette nouvelle mouture fonctionne à tel point que l’on croit dur comme fer que la maison des Perron est infestée par le Diable lui-même. La peur du noir, une porte qui grince ou claque, un saut dans le vide, trois claps de mains, un placard mesquin, des volatiles suicidaires, une poupée sardonique, une cave mortuaire… et surtout, surtout, une entité maléfique dont on redoute la moindre résurgence. Et ça marche. À la perfection.

Pour asseoir son récit surnaturel, James Wan prend d’abord le temps d’humaniser ses protagonistes : il peaufine la vie conjugale des Perron, mais aussi celle des Warren. Il cultive une empathie viscérale pour cette famille harcelée par l’invisible, et creuse en parallèle les liens affectifs qui unissent le couple d’exorcistes. La sobriété des comédiens, empreints d’une fragilité contenue, confère à l’ensemble une humanité touchante — les enfants, notamment, sont admirables de justesse dans leur peur nue. À tel point qu’on en vient, au fil du récit, à éprouver une émotion poignante à l’idée de leur destin vacillant.

La crédibilité des personnages se double d’un volet quasi documentaire autour du couple Warren : James Wan crédibilise leur fonction avec force détails, mêlant images d’archives et foi catholique fervente. Leur manière de dissocier le vrai du faux, leur solidarité mutuelle face aux forces du Mal, leur connaissance des domaines occultes… tout cela renforce l’épaisseur de leur rôle. Jusqu’à cette pièce secrète, où s’entassent les objets maudits récoltés au fil des exorcismes — reliques du cauchemar ordinaire.

Si la première heure, parfois terrifiante, distille avec brio la suggestion d’une angoisse tapie dans l’ombre, la seconde bascule dans une intensité sensorielle presque insoutenable. La peur prend chair, se densifie, s’épanche dans un crescendo de visions d’effroi culminant lors d’un exorcisme fiévreux et désespéré.


"Panique sacrée".
Grâce à cette densité dramatique, James Wan signe avec The Conjuring un film d’épouvante d’une redoutable efficacité. Rigoureux, affolant, et d’une maîtrise technique éclatante (plan-séquence d’ouverture, travellings aériens, cadrages alambiqués), il exploite à merveille les recoins ténébreux d’une bâtisse gothique, tout en convoquant de véritables poussées d’angoisse — brutales, irrationnelles, jamais racoleuses. Car ici, on ne sait jamais d’où viendra l’attaque. Ni qui sera la prochaine proie.

Pensé comme un train fantôme en guise de déclaration d'amour au film de possession et de demeures hantées, The Conjuring ne se repose jamais sur une vacuité mercantile. Il tient ses promesses. Et provoque une peur panique comme le cinéma horrifique nous en offre trop rarement. Un électrochoc spectral, orchestré avec foi et frisson.

*Bruno

La Chronique de The Conjuring 2: http://brunomatei.blogspot.fr/…/conjuring-2-le-cas-endfield…

02.06.25. 3èx. 4K Vost
24.08.13 (232)
20.06.16



                                       

Dead Silence

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site screen-play.fr

de James Wan. 2007. U.S.A. 1h31. Avec Ryan Kwanten, Amber Valleta, Donnie Wahlberg, Michael Fairman, Joan Heney, Bob Gunton, Laura Regan.

Sortie salles France: 21 Novembre 2007. U.S: 16 Mars 2007

FILMOGRAPHIE: James Wan est un producteur, réalisateur et scénariste australien né le 27 Février 1977 à Kuching (Malaisie), avant de déménager à Perth (Australie).
2004: Saw, 2007: Dead Silence, Death Sentence, 2010: Insidious. 2013: The Conjuring. 2013: Insidious 2.


Au 6è siècle avant J.-C., on croyait que les esprits des morts parlaient du ventre des vivants. 
Des mots latins VENTER: "ventre" et LOQUI: "parler" vient le mot VENTRILOQUE (ventriloquist)

"Dead Silence : la langue des morts".
Trois ans après le cultissime Saw, James Wan poursuit son sillon horrifique et rend hommage, cette fois, au conte d’épouvante avec Dead Silence. Un titre on ne peut plus juste : ici, pour survivre, il ne faut surtout pas crier… mais garder le silence.

Synopsis: Un couple reçoit un colis anonyme contenant une poupée ventriloque. Peu après, la femme est retrouvée morte, la langue arrachée. Jamie Nash, son époux, entame alors sa propre enquête, laquelle le ramène dans sa ville natale, là où plane encore l’ombre de Mary Shaw, spectre vengeur qui terrorise les vivants.

Le premier éloge à faire au nouveau prodige de l’horreur, c’est l’éclat esthétique de sa scénographie gothique, d’un raffinement classieux. Porté par une photo désaturée tranchant avec un rouge rutilant, Dead Silence éblouit : James Wan cisèle ses cadres avec une ambition picturale rare. Qu’il s’agisse d’un amphithéâtre flambant neuf ou tombé en ruines, d’un cimetière diaphane, d’une bâtisse aux lignes mortuaires ou d’un village fantôme, tout suinte la beauté glaciale d’un cauchemar ancien.
Cette atmosphère séculaire d’une épouvante gothico-onirique captive d’autant plus que le pitch recycle habilement de vieilles ficelles — peur du noir, angoisse du mutisme — pour mieux les réinventer sous les traits d’une mégère flétrie flanquée d’une poupée sardonique.

À l’image d’un prologue terrifiant, James Wan orchestre un montage fin, distillant l’appréhension d’un danger diffus et sculptant le silence avec une précision sonore acérée. En jouant sur la peur enfantine de la poupée figée, il déclare son amour aux automates hagards, ici possédés par l’esprit vengeur de Mary Shaw. Dans un élan d’originalité, il revisite la figure du spectre maudit sous les traits d’une sexagénaire hargneuse, décidée à faire taire à jamais les enfants insolents en leur tranchant la langue.

Si Dead Silence parvient efficacement à ressusciter une épouvante archaïque, on peut peut-être se désolidariser de son épilogue, totalement dérisoire. Un rebondissement faisant écho à l’effet de stupeur déjà invoqué dans Saw, pour à nouveau décoiffer le spectateur. Or, cet épilogue poursuit sa ligne de conduite narrative à manipuler à sa guise l'ultime victime telle un pantin désarticulé. 


"Le cri dans la gorge, le silence en héritage".
Efficacement troussé dans une intrigue captivante et parsemé de moments véritablement effrayants — son prologue meurtrier, les apparitions de Mary Shaw, la première représentation de Billy devant un public suffoqué, ou encore le final confiné sous une tribune poussiéreuse — Dead Silence joue avec une macabre dérision et un soin formel redoutable. Il orchestre avec brio le ballet sinistre entre silence oppressant et cri interdit.

*Bruno
09.06.25. 4èx. Vost
23.08.13. 

"Le bois grince, les ventres se taisent" — Dead Silence, James Wan (2007).
Il y a dans ce film quelque chose d’inhumainement froid. Un vide creusé dans la bouche des morts. Un hurlement qu’on n’a pas entendu, mais dont l’écho racle encore les murs de nos nerfs.

James Wan, jeune architecte de cauchemars, délaisse ici les chaînes et les pièges de Saw pour bâtir un mausolée gothique, un théâtre du silence où les morts parlent par l’intermédiaire du bois poli et des yeux de verre. Dead Silence n’est pas un film qui crie. C’est un murmure humide. Une comptine que chuchotent les cercueils fermés.

Au cœur du récit, Mary Shaw, spectre aux lèvres figées, fait de ses poupées les prolongements d’un traumatisme irrésolu. Elle ne tue pas. Elle recompose, découpe les corps pour mieux en faire des accessoires de théâtre. Elle sculpte les âmes avec la précision d’un artisan maudit. Ses marionnettes sont des cercueils miniatures, des orphelins sans fils visibles.

Et Jamie, lui, traverse ce récit comme un mort-vivant égaré. Son visage de veuf prématuré se décompose à mesure que les secrets remontent, que le passé familial remonte par la trachée, comme une bile noire. La vérité, au fond, c’est que tout le monde est déjà mort. Les vivants ne sont que des pantins avec un peu d’illusion dans les yeux.

Le théâtre abandonné, l’éclairage au néon malade, les chambres vides, tout semble exsangue. La mise en scène respire par spasmes. Chaque plan est une crypte. Chaque coupe, un cercueil qui claque.

Et puis vient la fin. Le dernier retournement. Celui qui serre la gorge et laisse une brûlure dans les amygdales. Le père mort depuis longtemps, manipulé comme un pantin humain… Mary Shaw qui vit encore, parasite silencieux logé dans une nouvelle hôte. Alors Jamie crie. Et c’est ce cri — enfin — qui le condamne.

Dans ce monde-là, ce n’est pas la mort qui tue, c’est le son.

Dead Silence, derrière sa trame de série B assumée, évoque la transmission du mal comme un virus généalogique, un poison logé dans la langue. C’est un film hanté, pas seulement par des fantômes, mais par les mots qu’on n’a pas su taire, les cris qu’on a laissés sortir. Un conte cruel pour adultes endormis.

Ne criez pas.

Elle écoute.


jeudi 22 août 2013

TONNERRE DE FEU (Blue Thunder)

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

de John Badham. 1983. U.S.A. 1h49. Avec Roy Scheider, Warren Oates, Candy Clark, Daniel Stern, Paul Roebling, David Sheiner, Joe Santos, Malcolm McDowell.

Sortie salles France: 17 Août 1983. U.S: 13 Mai 1983

FILMOGRAPHIE: John Badham est un réalisateur et producteur britannique, né le 25 Août 1939 à Luton.
1976: Bingo. 1977: La Fièvre du samedi soir. 1979: Dracula. 1981: C'est ma vie après tout. 1983: Tonnerre de feu. 1983: Wargames. 1985: Le Prix de l'exploit. 1986: Short Circuit. 1987: Etroite Surveillance. 1990: Comme un oiseau sur la branche. 1991: La Manière Forte. 1992: Nom de code: Nina. 1993: Indiscrétion Assurée. 1994: Drop Zone. 1995: Meurtre en suspens. 1997: Incognito. 1998: Road Movie.

"IL" EST LA...
Pilotant l'arme la plus redoutable jamais conçue...
Le "TONNERRE DE FEU" !
En son pouvoir, une caméra infra rouge voit au travers des murs de votre chambre.
Un micro enregistre toutes vos conversations intimes.
Et un canon électronique, magnum de 20 mm à six barillets, peut transformer votre quartier en un véritable enfer d'apocalypse.
Il vole, LA, juste au dessus de vous !
Et SEUL, un homme peut l'empêcher d'être utilisé contre vous.



Réalisé John Badham, briscard du cinéma de genre, Tonnerre de Feu fit grand bruit lors de sa sortie en salles en 1983 pour la facture ultra spectaculaire de son action explosive et l'idée singulière d'un appareil de filature façonné pour l'espionnage. D'après un scénario de Dan O'Bannon, le film s'approprie d'un argument d'anticipation afin de mettre en garde les dérives des technologies modernes et les nouveaux procédés de surveillance à distance. En l'occurrence, John Badham imagine la conception révolutionnaire du Blue Thunder (en français: tonnerre bleue !). Un hélicoptère ultra perfectionné apte à espionner par caméra infrarouge à travers les murs, écouter et enregistrer les conversations indiscrètes à l'aide d'un micro, et tirer à canon électronique sur n'importe quelle cible. Cette arme ultra moderne étant principalement conçue pour mieux déjouer la violence urbaine et le terrorisme de grande ampleur à l'approche des jeux olympiques. Suite à l'agression meurtrière d'une militante contre la délinquance, Spoil ! l'officier Frank Murphy va découvrir que cet assassinat avait été prémédité par des dirigeants policiers et magistrats afin de vanter l'efficacité novatrice du Blue Thunder. Conscient de son utilisation illicite, Frank décide de dérober l'appareil et tente de dévoiler aux médias une conspiration politique. Fin du Spoil.


Avec sa mise en scène virtuose déployant des séquences homériques au souffle épique, Tonnerre de Feu coiffe au poteau la plupart des films d'action entrepris durant la décennie 80. Et il faudra attendre le maître étalon du genre, Die Hard de John Mc Tiernan pour retrouver une telle efficacité narrative et surtout une ampleur visuelle décoiffante imputée à sa pyrotechnie. Avec la présence attachante de trois gueules burinées invétérées (Roy Scheider magnétise l'écran avec son traditionnel charme viril, Warren Oates lui donne la réplique avec retenue et Malcolm McDowell excelle à les provoquer dans celui d'un traître sarcastique !), John Badham possède un don inné pour élaborer un spectacle attractif à partir d'une réflexion alarmiste sur la vidéosurveillance. Car il faut bien le dire, l'aspect fascinant de son argument en revient tout autant à la star charismatique du "Blue Thunder", engin aérien pourvu de gadgets indécents afin de prôner l'institution du "big brother". Il faut le voir se faufiler entre les buildings des cités urbaines pour contrecarrer moult poursuites endiablées parmi des avions de chasse ! A cet égard, durant ces 45 ultimes minutes, John Badham nous peaufine assidûment un spectacle ahurissant de haute voltige à la technicité fluide (looping à l'appui !). C'est simple, nous sommes véritablement immergés dans la peau d'un pilote d'aéronef survolant en plein ciel sa trajectoire avec la souplesse d'une action virevoltante (chassés croisés avec rivaux qualifiés pourchassant Murphy à l'aide de missiles orientés vers des tours d'immeubles !).


D'une efficacité optimale par sa densité narrative et sa puissance formelle, Tonnerre de Feu transcende le cinéma d'action sous l'impulsion d'un appareil de sécurité anti-terroriste apte à violer notre vie privée par le truchement de dissidents. Jouissif en diable, il demeure un grand spectacle de virtuosité technique d'un réalisme rigoureux et à la thématique visionnaire. 

22.08.13. 3èx
BM

mercredi 21 août 2013

THIRTEEN. Prix de la mise en scène à Sundance. Prix du Jury à Deauville.

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

de Catherine Hardwicke. 2003. U.S.A. 1h35. Avec Holly Hunter, Evan Rachel Wood, Nikki Reed, Jeremy Sisto, Brady Corbet, Kip Pardue, deborah Kara Unger.

Sortie salles France: 10 Décembre 2003. U.S: 21 Août 2003

FILMOGRAPHIE:  Catherine Hardwicke est une réalisatrice, scénariste et chef décoratrice américaine, né en 1955 à Cameron (Texas, Etats-Unis).
2003: Thirteen. 2005: Les Seigneurs de Dogtown. 2006: La Nativité. 2008: Twilight, chapitre 1. 2011: Le Chaperon Rouge. 2012: Plush.


Pour son premier long-métrage, la future réalisatrice du 1er tome de Twilight a entrepris avec Thirteen un véritable coup de maître en autopsiant l'adolescence en perdition face à une éducation parentale atone. A cause d'une mauvaise influence, une jeune collégienne de 13 ans sombre dans la marginalité et la drogue devant l'impuissance de sa mère. Filmé à l'arraché dans un souci documentaire, Thirteen est une oeuvre forte d'une fragilité acerbe pour souligner le malaise existentiel d'une jeune adolescente prise au piège de la mauvaise influence d'une camarade de lycée. Ensemble, elles décident de former un tandem d'allumeuses impertinentes pour draguer les beaux mâles du quartier tout en se livrant à une vie délinquante en commettant divers larcins dans les boutiques friquées. Tatouages et piercings imprimés sur leur corps dans des défroques aguichantes, ces dernières s'entreprennent de brûler leur vie sous l'influence du sexe, de la drogue et de l'alcool !


Face au laxisme d'une mère aimante et attendrissante, sa fille Tracy en profite pour dicter sa loi et sa rébellion mais ne peut refréner ses scarifications commises sur son poignet, faute d'un malaise existentiel toujours plus ingérable et du manque affectif d'un paternel inexistant. Dépassée par les évènements, la mère démunie éprouve une impuissance grandissante à tenter de renouer les liens familiaux. Sans misérabilisme ni pathos, Catherine Hardwicke suit la pénible dérive de cette mère et la descente aux enfers de ces deux adolescentes avec un souci de réalisme ardu pour mettre en exergue la responsabilité parentale bannie de sa notion enseignante. Si Thirteen s'avère aussi froid et bouleversant, il le doit notamment au talent de ces comédiennes d'une justesse confondante. Pour incarner une mère instable desservie par un récent divorce, Holly Hunter apporte une gracile dimension humaine pour tenter de raisonner sa fille plongée dans la spirale de l'insouciance. Pétillante d'énergie mais aussi démunie par sa fragilité morale, Evan Rachel Wood insuffle une contrariété latente vibrante de vérité pour retranscrire son désarroi existentiel d'une crise adolescente face à l'influence peu recommandable de son acolyte. Nikki Reed lui partage donc la vedette avec sournoiserie et désinvolture afin de souligner son caractère inconscient d'allumeuse dévergondée.


Moi, Tracy F... 13 ans, droguée et scarifiée
Ovationné et récompensé dans divers festivals, Thirteen marche sur les traces d'un Larry Clark pour mettre en relief le difficile cap de l'adolescence (en l'occurrence, du point de vue féminin !), compromis entre la fascination de l'interdit, le désir d'émancipation et l'influence des mauvaises fréquentations. Il en ressort une oeuvre bouleversante faisant office de véritable documentaire pour souligner l'introspection douloureuse d'une adolescente en crise existentielle, tout en s'attardant sur la remise en question parentale. 

21.08.13.
2èx

Récompenses: Prix de la mise en scène au Festival de Sundance.
Léopard d’argent au Festival de Locarno, 2003.
Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville.
Prix spécial décerné à Evan Rachel Wood pour sa prestation dans le film en 2003 au Bratislava International Film Festival

lundi 19 août 2013

The Woods

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site chuckpalahniuk.net

de Lucky McKee. 2006. U.S.A. 1h30. Avec Agnes Bruckner, Patricia Clarkson, Rachel Nichols, Lauren Birkell, Bruce Campbell, Emma Campbell, Marcia Bennett.

Sortie salles Amsterdam: 24 Avril 2006. Canada: 3 octobre 2006

FILMOGRAPHIELucky Mc Kee est un réalisateur américain né le 1er Novembre 1975 à Jenny Lind (Californie). 2002: All Cheerleaders Die (court). May. 2006: Master of Horror (un épisode). The Woods
2008: Red. Blue Like You. 2011: The Woman.


Tout le monde attendait au tournant le second film de Luckee McKee, réalisateur néophyte responsable d'un coup de maître avec son poème noir, May. Inédit en salles dans nos contrées, The Woods renoue avec la tradition d'un fantastique vintage. C'est à dire en privilégiant une atmosphère d'étrangeté tangible et l'étude caractérielle d'antagonistes particulièrement hostiles. Le PitchEn 1965, sous l'allégeance de ses parents autoritaires, une jeune fille est envoyée dans un pensionnat. Au sein de l'institut, d'étranges disparitions surviennent auprès de certaines pensionnaires, et la forêt située à proximité semble habitée par une présence maléfique. Joliment photographié et superbement éclairé en clair-obscur, Lucky McKee nous illustre un conte horrifique légèrement influencé par Suspiria (la hiérarchie castratrice des 3 sorcières, la scénographie inquiétante d'un établissement scolaire exclusivement féminin, le cheminement tortueux de l'héroïne impliquée dans des disparitions meurtrières) mais pourvu d'une ambition personnelle dans sa thématique du sortilège. 


Joliment photographié et superbement éclairé en clair-obscur, Lucky McKee nous illustre un conte horrifique légèrement influencé par Suspiria (la hiérarchie castratrice des 3 sorcières, la scénographie inquiétante d'un établissement scolaire exclusivement féminin, le cheminement tortueux de l'héroïne impliquée dans des disparitions meurtrières) mais pourvu d'une ambition personnelle dans sa thématique du sortilège. L'aspect fascinant et onirique émanant de l'esthétisme ténébreux de sa forêt hostile et de son internat régi par l'autorité d'institutrices perfides. Sur ce dernier point, le réalisateur a scrupuleusement choisi de recruter trois comédiennes au charisme terriblement expressif. Des sexagénaires longilignes tout en élégance hautaine vouées à sacrifier de jeunes internes au nom d'une divinité végétale.
Porté à bout de bras par la prestance renfrognée de la jeune Agnes Bruckner, The Woods nous décrit son cheminement indécis parmi l'amitié d'une souffre-douleur, la tyrannie d'une élève égotiste et la soumission de ses enseignantes impétueuses. Sujette à un don extralucide à travers ses songes nocturnes et d'un pouvoir inexpliqué (comme cette capacité surnaturelle de la lévitation des objets), notre jeune pensionnaire semble peu à peu se compromettre aux rites diaboliques d'une étrange communauté !
Et si le film s'avère tour à tour inquiétant, palpable et sait faire preuve d'intensité dans les incidents décrits, il est cependant loin de renouer avec les ambitions émotionnelles de May. Faute à un montage désordonné un peu maladroit et surtout à un final bâclé beaucoup trop vite expédié.


Si The Woods aurait dû être plus persuasif auprès de son point d'orgue concis, il reste captivant par son intrigue à suspense bâtie sur la photogénie d'une forêt belliqueuse et de sorcières invocatrices. L'attrait visuel de cet environnement crépusculaire, le caractère attachant de la très convaincante Agnes Bruckner et l'utilisation judicieuse de sa partition chorale les hissant bien au dessus de l'habituel DTV de consommation. Perfectible mais pour autant séduisant. 

19.08.13. 2èx
Bruno Matéï

mercredi 14 août 2013

La Promise / The Bride

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site flickfacts.com

de Franc Roddam. 1985. Angleterre. 1h58. Avec Sting, Jennifer Beals, Anthony Higgins, Clancy Brown, David Rappaport, Geraldine Page, Cary Elwes.

Sortie salles France: 4 Septembre 1985. U.S: 16 Août 1985

FILMOGRAPHIE: Franc Roddam est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 29 Avril 1946.1977: Dummy (télé-film). 1979: Quadrophenia. 1983: La Loi des Seigneurs. 1985: La Promise. 1988: War Party. 1991: K2, l'ultime défi.


"Un attachant conte romantique injustement oublié, pour ne pas dire parfois méprisé. Et c'est bien dommage tant la déclinaison demeure rigoureusement sincère et sensuelle."
Déclinaison de la Fiancée de Frankenstein, la Promise est un joli conte romantique hélas resté dans l'oubli depuis sa sortie au milieu des années 80. Avec, en têtes d'affiche, le chanteur Sting et la débutante Jennifer Beals (révélée 2 ans au préalable dans Flashdance), il y avait de quoi rester dubitatif à l'annonce de cette réactualisation d'un des plus célèbres mythes de l'épouvante. Et pourtant, avec une certaine ambition esthétique et une volonté narrative de se démarquer du roman de Mary Shelley, le britannique  Franc Roddam réalise un divertissement particulièrement attachant autour de ces protagonistes molestés, véritables moteurs du récit. Le PitchAlors que le baron Frankenstein vient de créer une compagne pour sa créature, une violente altercation s'ensuit entre les deux hommes suite à une trahison. Durant cette confrontation, un incendie se propage au sein du laboratoire permettant à la créature de s'échapper dans la nature. Sur son chemin bucolique, il sympathise avec un nain avec qui il décide de collaborer pour pouvoir travailler dans un cirque. Pendant ce temps, la promise découvre les joies de l'existence en s'éduquant auprès des enseignements du docteur. Mais un jeune dom Juan commence à s'intéresser à cette jolie inconnue venue de nulle part. Photo éclatante, costumes élégants, décors d'architecture grandioses régis autour d'une magnifique nature verdoyante du Sud de la France, La Promise s'alloue d'un soin formel pour nous séduire avec cette nouvelle confrontation entre un Baron condescendant et ses deux créatures modèles. Dans un premier temps, le réalisateur s'attache à nous décrire le cheminement indécis du monstre rapidement épaulé d'un nain affable avec qui il amorcera une complicité amicale. Toutes les séquences où nos deux compagnons sont solidaires de leur commune confiance sont soigneusement illustrées avec un sens pittoresque et chaleureux (le feu de camp autour du poulet grillé, la beuverie dans l'auberge, les représentations du numéro de trapèze) mais aussi dramatique pour leurs mésaventures à venir (leur séparation prévisible s'avérant poignante) avec un patron de cirque sans scrupule. 


Bien qu'en parallèle, d'une séquence à l'autre, nous suivons également l'apprentissage d'Eve, la nouvelle créature entretenue par un Frankenstein enseignant, adepte d'une éducation inscrite dans l'indépendance féministe. Une idéologie contradictoire si bien que le réalisateur nous caractérise ensuite un baron autoritaire particulièrement jaloux et terriblement possessif depuis qu'un don Juan eut décidé de courtiser sa jeune promise. A travers ce rôle antagoniste, Sting s'emploie avec cynisme à exprimer le plus naturellement ses sentiments orgueilleux dans une silhouette angélique hautaine (visage pastel et chevelure dorée). Peut-être le plus grand rôle de sa carrière. En créature soumise mais toujours plus frondeuse, Jennifer Beals s'approprie son rôle avec sobriété d'une sensualité immaculée en abordant un jeu contestataire pour  y défendre son autonomie existentielle impartie au féminisme. Enfin, le robuste Clancy Brown se camoufle sous l'apparence du monstre avec un maquillage modéré afin d'y représenter sa physionomie discrètement difforme. La encore, on se laisse facilement convaincre par ses expressions dociles mises en valeur par un jeu de mime jamais ridicule. Il faut le souligner. Par conséquent, autour de ce trio infortuné, Franc Roddam parvient à nous brode un conte fantastique où la romance occupe une place de choix (la quête amoureuse et désespérée de la créature pour la promise) mais auquel l'autorité d'hommes égoïstes, machistes, perfides (le baron dictateur et le séducteur usurpateur) vont venir compromettre sa nature virginale. A la résolution finale, on s'étonne du happy-end prodigué par le réalisateur tout en  approuvant l'audace de son souffle romantique (jamais sirupeux) impartie à deux créatures candides auquel l'apparence ne dispose plus d'intérêt.


Soigneusement mis en scène (l'anthologie spectaculaire accordée au prélude), formellement poétique (la festivité du bal de confettis confine au sublime, aussi concise soit-elle) et largement privilégié de la présence notable de comédiens dirigeant la narration dans une psychologie torturée, La Promise  demeure indiscutablement sincère et attachant à s'approprier le mythe en affichant les nobles valeurs de l'amour, de l'éducation et de la tolérance sur fond d'émancipation féminine. A redécouvrir sans préjugé. 

*Bruno
16.02.23. 4èx
14.08.13. 

mardi 13 août 2013

The last will and Testament of Rosalind Leigh

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site solarvip.info

de Rodrigo Gudino. 2012. Canada. 1h24. Avec Aaron Poole, Vanessa Redgrave, Julian Richings, Stephen Eric McIntyre, Mitch Markowitz.

FILMOGRAPHIE: Rodrigo Gudino est un réalisateur, scénariste et producteur canadien. 
The last will and Testament of Rosalind Leigh est son premier long-métrage.


Première oeuvre de Rodrigo Gudino directement passée par la case "DTV", The last will and Testament of Rosalind Leigh risque sévèrement de diviser le cinéphile averti et d'ennuyer le public lambda par sa lenteur imposée auprès d'une ambiance latente dénuée d'artifices. 

Suite à l'héritage de sa mère récemment disparue, Léon se retrouve isolé dans sa vaste demeure remplie de sculptures divines. Rapidement, d'étranges évènements vont ébranler la tranquillité du nouvel hôte réfutant toute croyance religieuse. 


Sous le concept éculé d'un cas de hantise, ce petit essai indépendant n'a pas pour ambition de renouer aux traditionnelles apparitions fantomatiques à base d'effets-spéciaux spectaculaires et/ou de gore explicite. Le réalisateur préférant se focaliser sur l'aura spirituelle d'une demeure opaque et de nous y balader parmi la présence d'un non-croyant. Avec son rythme languissant quasi fastidieux, nombre de spectateurs risquent fort de décrocher l'expérience par son absence de surprises émanant d'un scénario linéaire uniquement inscrit dans la foi religieuse. Sous l'entremise d'un athée ayant préalablement abdiqué sa propre mère, le récit nous plonge dans une promenade existentielle auquel des esprits ont décidé de le narguer afin de tester sa rationalité. Esthétiquement soigné dans ses décors d'architecture et ses éclairages pastels et assidûment réalisé, The last will and Testament of Rosalind Leigh dégage un charme d'étrangeté où le poids du silence et de la solitude ont une place primordiale. Par intermittence, il faut aussi relever le côté horrifique de quelques rares apparitions monstrueuses provoquant une certaine appréhension dans leur physionomie indiscernable. Je parle bien sûr de la créature animale qui hante la forêt où celles qui ont réussi à s'engouffrer dans certaines pièces de la demeure.  
Néanmoins, pour apprécier à sa juste valeur cette oeuvre originale difficilement accessible mais pleine de bonnes intentions, il faut indubitablement s'y préparer et accepter sa monotonie perpétuelle pleinement assumée par un réalisateur en pleine réflexion mystique. Y'a t'il une vie après la mort ? l'âme y survit-elle ? Dieu est-il responsable de l'univers et notre entité corporelle ? 
Avec simplicité et sensibilité, The last will and Testament of Rosalind Leigh adopte une démarche personnelle pour tendre à prouver qu'il suffit de croire à son destin et aimer son prochain pour pouvoir perdurer après le trépas. 
Après cette expérience ésotérique avec les voix d'outre-tombe et notre questionnement sur la foi, le film se clôt sur un rebondissement inopiné chargé d'une mélancolie incurable. Véritable moment d'émotion d'une intensité toute fragile, le poème prend subitement une ampleur tragique pour mettre en exergue la douleur insurmontable de la solitude ATTENTION SPOILER !!! en relation avec une démission parentale FIN DU SPOILER. Avec le poids de ce twist soudainement révélé, le spectateur semble perdre pied avec la réalité (c'est à dire tout ce qu'il venait d'endurer avec Leon !) et tente de se remémorer son cheminement pour mieux comprendre les tenants et aboutissants du point de vue d'un autre témoin éloquent. 


Dieu e(s)t la solitude
Languissant et laborieux mais inévitablement étrange et fantasmatique, The last will and Testament of Rosalind Leigh ne pourra sans doute séduire que l'amateur de curiosité singulière pour peu qu'il ait été averti de son rythme ardu et de son absence de terreur escomptée. Sa réflexion spirituelle sur notre foi en l'au-delà et l'importance divine impartie à la reconnaissance de l'amour ne nous laissent pas indifférents et nous bouleversent avec l'accablement d'une conclusion funèbre !    

Dédicace au geek canadien indétrônable, Steven Lefrançois !
13.08.13
Bruno Matéï


lundi 12 août 2013

NO PAIN NO GAIN

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site nopainnogain.fr

de Michael Bay. 2013. U.S.A. 2h09. Avec Mark Wahlberg, Dwayne Johnson, Anthony Mackie, Ed Harris, Tony Shalhoub, Ken Jeong, Rob Corddry.

Sortie salles France: 11 Septembre 2013. U.S: 26 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Michael Bay est un réalisateur et producteur américain, né le 17 Février 1965
1995: Bad Boys. 1996: Rock. 1998: Armageddon. 2001: Pearl Harbor. 2003: Bad Boys 2. 2005: The Island. 2007: Transformers. 2009: Transformers 2. 2011: Transformers 3. 2013: No Pain No Gain.


Ce sont les choses simples qui comptent dans la vie. Daniel voulait seulement être comme tout le monde. Tous ces gens qui veulent leur part du rêve américain.

"Tout ce que je voulais c'était avoir la même chose que tous les autres. Pas plus, mais pas les miettes que j'avais l'habitude d'avoir. Bon j'ai vraiment tenté le tout pour le tout vous savez ! Mais pendant un moment j'ai vécu comme j'ai toujours voulu vivre. J'étais l'un de vous et ça faisait du bien. Les gens me voyaient enfin comme je m'voyais et on ne peut rien demander de plus. Mais j'ai demandé plus ! A un moment donné ça ne m'a plus suffit d'être l'égal des autres. Je voulais être mieux que les autres. Et c'est le meilleur moyen de se faire mal. Ca ne veut pas dire qu'on baisse les bras. On se repose, on panse ses plaies et on reprend les altères. Je sais que la vie va me donner une autre série et je vais y aller à fond parce que je m'appelle Daniel Lugo et je vis pour la culture physique !"

Spécialiste de l'actionner bourrin décérébré, Michael Bay s'accorde une pause avec No Pain No Gain, comédie caustique tirée d'un fait-divers improbable survenu à Miami entre 1994 et 1995. Le film relatant les vicissitudes incongrues d'un groupe de bodybuilders délibérés à escroquer des gens fortunés par simple esprit de cupidité. Leur leader, un manager culturiste utopiste, finira par mener ses deux comparses vers une dérive meurtrière particulièrement crapuleuse.


Prétendre à dire que No Pain No Gain s'avère le meilleur film de son auteur n'est pas pléthorique tant cette comédie débridée surprend par son judicieux rapport entre humour noir et dramaturgie. Sans rire aux éclats (à quelques gags près !), l'aspect pittoresque des multiples péripéties engagées par nos pieds nickelés nous amuse par leurs inépuisables maladresses émanant d'une totale inconscience. Avec sa mise en scène alerte et inventive, on sent un Michael Bay particulièrement inspiré à retranscrire l'incroyable odyssée de ces bodybuilders compromis au kidnapping et l'assassinat par simple motivation du gain. Outre son rythme parfaitement équilibré n'accordant pour le coup aucune outrance spectaculaire (l'action s'avère discrète et clairsemée !), le film joue intelligemment sur notre empathie accordé aux protagonistes rétrogrades avec une antinomie contraignante. Puisque cet alliage de délire caustique et d'authenticité dramatique nous distille une certaine forme de malaise toujours plus palpable au fil de leurs exactions dénuées de morale (si ce n'est une éthique opportuniste inscrite dans la mégalomanie individuelle).
Mais outre la qualité de son scénario fortuit fondé sur l'arrivisme et l'apparence du luxe, la réussite de ce divertissement peu commun est notamment impartie à la complicité amicale de comédiens à la verve impayable ! Dans celui du dirigeant inébranlable, Mark Whalberg fulmine avec spontanéité pour dicter ses ambitions cupides érigés sous le symbole du "rêve américain". Dans celui de l'ancien détenu dévot à la bonhomie nigaude, Dawyne Johnson lui partage la vedette avec une dérision irrésistible tant le comédien s'amuse à se parodier de son personnage viril à la posture herculéenne. Enfin, le troisième allié est incarné par Anthony Mackie, jeune black reconverti dans la musculation pour l'handicap de son impuissance sexuelle, mais en pleine ascension amoureuse avec une secrétaire ventripotente.


L'Ivresse de l'Argent
Satire acerbe du rêve américain et des paillettes de silicone pour la cristallisation d'un empire en carton, No Pain No Gain détonne et bouscule le spectateur dans son cocktail explosif de situations scabreuses et de délires saugrenues. Et il faut remonter à The Island pour retrouver l'éloquence d'un Michael Bay aussi leste, parodiant ici l'odyssée grossière d'un impensable fait-divers ! 

12.08.13
Bruno Matéï

vendredi 9 août 2013

Drugstore Cowboy

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site tvclassik.com

de Gus Van Sant. 1989. U.S.A. 1h40. Avec Matt Dillon, Kelly Lynch, James LeGros, Heather Graham, William S. Burroughs.

FILMOGRAPHIE: Gus Van Sant est un réalisateur, directeur de photo, scénariste et musicien américain, né le 24 Juillet 1952 à Louisville dans le Kentucky. 1985: Mala Noche. 1989: Drugstore Cowboy. 1991: My Own Private Idaho. 1993: Even Cowgirls get the blues. 1995: Prête à tout. 1997: Will Hunting. 1998: Psycho. 2000: A la rencontre de Forrester. 2002: Gerry. 2003: Elephant. 2005: Last Days. 2007: Paranoid Park. 2008: Harvey Milk. 2011: Restless. 2012: Promised Land.


Adapté du livre éponyme de James Fogle, Drugstore Cowboy retrace l'équipée échevelée de deux couples de junkies adeptes des cambriolages auprès de pharmacies et hôpitaux du coin afin de se ravitailler en drogue. Mais la mort par overdose d'une de leur camarade contraint leur leader de décrocher pour s'éloigner vers un centre de désintoxication. En réfutant les habituelles conventions du genre, Gus van Sant réalise ici un drame social peu commun à travers son traitement infligé à l'addiction des psychotropes, et ce en privilégiant un climat hermétique émaillé de plages de poésie (les délires éthérés de Bob sous l'emprise des pilules bleues) et d'une certaine dérision (la cohérence de ses superstitions et ses duperies amorcées contre les flics). En l'occurrence, pas de toxico famélique en état de manque ni de deal entre acheteurs et encore moins de sniff de cocaïne ou d'héroïne. Mais une équipe soudée de jeunes marginaux particulièrement véloces dans leur habileté à forcer les portes de pharmacies ou d'hôpitaux afin de se procurer médocs et pilules antalgiques. Ainsi, avec une rare intensité et un semblant de véracité fascinant, nous suivons dans un premier temps l'escapade délinquante de ce groupe de junkies mené par un leader imperturbable. Le réalisateur nous relatant leurs tribulations frénétiques avec souci de réalisme introspectif pour mettre en exergue leur angoisse paranoïaque émanant d'une routine insécuritaire. Dans la mesure où nous sommes véritablement immergés dans leur contrainte de s'adonner aux fraudes de stupéfiants et diverses magouilles pour déjouer les perquisitions policières. 


Porté à bout de bras par la prestance exceptionnelle de Matt Dillon, Drugstore Cowboy est érigé sous sa hiérarchie avec une stoïcité implacable afin de mieux régir son groupe d'associés. En junkie superstitieux (il craint la malédiction des chapeaux, des chiens et des miroirs !) redoublant de risques insensés, l'acteur est notamment habité d'une lassitude sous-jacente dans sa quête d'abdiquer son existence illusoire bâtie sur le mensonge et le vol. Spoil ! Enfin, la dernière partie, plus abstraite et moins accessible, nous illustre la repentance de Bob afin de fuir sa sombre destinée à la suite du décès par overdose de sa collègue nadine. De retour vers sa contrée, il renoue avec une vieille connaissance, un philosophe décrépit toujours avide de shoot à l'hydromorphone (dérivé semi-synthétique de la morphine établi sous l'enseigne de Dilaudid), et tente de retrouver une existence docile dénuée d'oppression. Avec une ambition personnelle, Gus Van Sant nous illustre son sevrage d'une manière hétérodoxe en évitant une fois encore le traitement académique. Délibéré à changer de vie, Bob renoue avec l'existence banale du prolétaire dans l'étroitesse de son appartement en espérant peut-être un jour revoir débarquer sa dulcinée. Fin du Spoil. Sur le papier, cela peut paraître aseptique mais Gus Van Sant l'arbore avec l'art de sa mise en scène.  Avec lucidité abstraite, il met en avant la délicate réinsertion du malade dans une société fluctuante (nous sommes en 1971 et la politique commence à exploiter le sujet de la drogue pour leur campagne électorale) et cette (fausse) liberté de renouer avec une existence morose. En résulte une ambiance diaphane difficilement discernable et un sentiment de nonchalance suggéré par l'ancien drogué pour ses années de galère dépendantes d'emprise de drogues. La quête d'un semblant d'épanouissement mais l'essentialité de pouvoir vivre libre avant que le passé des mauvaises fréquentations ne revienne faire surface...


J'étais toujours en vie. J'espère qu'ils m'empêcheront de mourir...
Superbement mis en scène par un auteur inspiré d'expérimentation onirique et de souci d'authenticité pour l'encadrement familier géré autour des quatre junkies en perdition, Drugstore cowboy confine au chef-d'oeuvre désabusé. Le plus singulier des drames existentiels abordant sans effet de fioriture le tabou de la drogue avec un pouvoir d'immersion prédominant. 

*Bruno
09.08.13. 3èx


jeudi 8 août 2013

L'ANGE DE LA VENGEANCE (MS. 45)

                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site blackcatboneseditions.blogspot.com

d'Abel Ferrara. 1981. U.S.A. 1h20. Avec Zoë Lund, Albert Sinkys, Darlene Stuto, Helene McGara, Nike Zachmanoglou, Abel Ferrara.

Sortie salles France: 18 Août 1982. Sortie salles U.S: 24 Avril 1981

FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine.
1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth.


Inspiré des illustres Un Justicier dans la Ville et Crime à FroidAbel Ferrara nous propose en 1981 un rape and revenge singulier dans son alliage de violence crue (viol sordide exécuté au coin d'une décharge, citadins froidement canardés par balles), d'horreur et même de fantastique tacite (son point d'orgue onirique au sein du bal costumé est entaché de la folie meurtrière d'une nonne vengeresse). 
Autour de la présence de la néophyte Zoë Lund (née Zoë Tamerlis), l'Ange de la vengeance révèle une actrice d'une beauté charnelle voluptueuse auquel son magnétisme trouble s'exacerbe d'un regard glacial inscrit dans le mutisme. Profondément traumatisée à la suite de son double viol, cette jeune couturière  sombre dans une folie meurtrière irréversible après avoir découpé en morceau sa première victime. En ange exterminatrice, Thana décide de s'arborer en vamp lascive dans un New-York décrépit afin d'attirer les mâles lubriques issus des bas-quartiers. 


Avec réalisme glauque et souci documentaire pour mieux retranscrire l'urbanisation d'un New-York insalubre plus vrai que nature, Abel ferrara redouble de provocation en iconisant une féministe atteinte d'aphasie. Une justicière des temps modernes délibérée à reprendre sa revanche sur les machistes impénitents en compagnie de son calibre 45. Auparavant objet de pureté dans sa virginité introvertie, Thana se substitue aujourd'hui en nonne véreuse. L'aura de souffre qui émane de ses exactions mesquines, l'accoutrement aguicheur de sa posture sensuelle et la figure symbolique allouée à une religieuse maléfique marquent durablement les esprits dans un pouvoir de fascination diaphane. La puissance d'évocation de ces images blasphématoires (Thana embrassant d'un rouge à lèvre scintillant chaque balle de son revolver) est d'autant plus irréelle qu'Abel Ferrara utilise une dissonance musicale particulièrement dérangeante lors de ces échos à répétition. Parfois, il s'emploie également à provoquer un malaise tangible quand un déséquilibré dépressif décide d'emprunter l'arme de son interlocutrice pour se suicider d'une balle dans la tête devant son témoignage médusé ! Sans concession, Ferrara perdure dans l'oppression avec un final anthologique au paroxysme de l'horreur. Au sein d'un bal costumé arborant la fête d'Halloween, il improvise la technique du slow motion afin de chorégraphier une tuerie sanglante perpétrée par notre nonne endiablée ! 


Sous l'impulsion archétypale de l'inoubliable Zoë Tamerlis absolument électrisante en tueuse dégénérée et autour du thème religieux violemment singé, Abel Ferrara transcende l'adaptation d'un rape and revenge littéralement féministe. Emaillé de fulgurances visuelles par le biais d'une maîtrise technique déjà solide et inventive, l'Ange de la vengeance symbolise le culte d'une chasteté sous l'égide d'une vendetta criminelle impossible à purifier. Le mutisme singulier de la tueuse renforçant la crédibilité de son évolution meurtrière aliénante depuis son incapacité à hurler son sentiment d'injustice, sa souffrance morale et corporelle. 

*Bruno
26.05.24. 5èx. Vost
08.08.13. 4èx

mercredi 7 août 2013

LA BETE DE GUERRE (The Beast of War). Meilleur film du Festival international du film de Cleveland, 1988

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Kevin Reynolds. 1988. U.S.A. 1h51. Avec George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Don Harvey, Kabir Bedi, Erick Avari.

Sortie salles: 7 Septembre 1988

Récompense: Meilleur film du Festival international du film de Cleveland, 1988.

FILMOGRAPHIE: Kevin Reynolds est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 17 Janvier 1952 à San Antonion, Texas.
1985: Une Bringue d'enfer. Histoires Fantastiques (Epis, vous avez intérêt à me croire). 1988: La Bête de Guerre. 1991: Robin des Bois, prince des voleurs. 1993: Rapa Nui. 1995: Waterworld. 1998: 187 Code Meurtre. 2002: La Vengeance de Monte Cristo. 2006: Tristan et Yseult.


Quand, blessé et gisant dans la plaine Afghane, tu vois bondir la femme coupeuse d'entrailles. Saisis ton fusil, fais-toi sauter la cervelle. Et rends-toi à Dieu en soldat.
Rudyard Kipling

Bien avant sa réactualisation de Robin des Bois et le mésestimé Waterworld, Kevin Reynolds s'était tenté au film de guerre avec La Bête de Guerre. D'après une pièce de théâtre de William Mastrosimone, le pitch nous relate l'expédition meurtrière d'un groupe de soldats russes équipés d'un char d'assaut pour massacrer un village afghan durant la guerre en 1981. Egarés en plein désert aride, ils vont devoir faire face à la résistance des Moudjahiddins, délibérés à se venger avec une rancoeur inébranlable. Mais durant cette traque sans relâche, un conflit d'autorité éclate entre le soldat Koverchenko et son commandant tyrannique, Daskal. 


Avec la densité d'un scénario charpenté multipliant les revirements fortuits, la Bête de Guerre joue la carte du film d'action en privilégiant l'humanité conflictuelle entre ethnie distincte. Tant du côté des russes auquel un commandant opiniâtre va risquer d'entraîner son équipe vers une déroute que du côté des Moudjahiddins, afghans motivés par la vengeance mais dont leurs femmes rebelles sont encore plus engagées d'un fiel expéditif. Au prémices de son prologue ultra violent, une inévitable empathie se créé avec le spectateur, témoin malgré lui d'un carnage commis par les soviets sur des civils afghans. La faute en incombe principalement à l'autorité impitoyable du leader particulièrement égotiste et sanguinaire. Alors qu'une course poursuite est entamée à travers le désert entre afghans et russes pour regagner leur frontière, le soldat Koverchenko finit par discerner la hiérarchie dictatoriale de son commandant. Leur discorde va d'ailleurs éclater à la suite de la mort de l'un d'eux volontairement exécuté par ce dernier ! Abandonné des siens et prisonnier des rebelles, Koverchenko va devoir négocier sa survie auprès des Moudjahiddins et élaborer parmi leur soutien sa propre vendetta. Cet enchaînement de situations improvisées où un jeune soldat russe est contraint de se solidariser avec le camp ennemi donne lieu à une réflexion sur la vengeance et l'absurdité des conflits guerriers où la moralité n'a plus lieu d'être. Car comme l'évoquera Koverchenko, il n'y a pas de bons soldats dans une sale guerre ! Seulement des anti-héros combattant l'ennemi avec une haine contagieuse pour le prix du déshonneur ! Avec maîtrise technique et emploi leste de sa scénographie, Kevin Reynolds sait distiller le danger sous-jacent et dose habilement l'action avec une efficacité compromise aux motivations mesquines de nos militaires. Parfois atmosphérique, l'ambiance solaire et crépusculaire renforce l'aspect photogénique du désert au son feutré d'un score envoûté. Enfin, la présence dantesque, quasi indestructible du fameux tank auquel nos soldats russes ont l'aubaine de se protéger renforce le côté homérique d'une situation de crise où l'enjeu n'est qu'une question de survie. 


Spectaculaire, intense et épique, La bête de Guerre fait la part belle à l'aventure belliqueuse et l'humanité de ces résistants pugnaces confrontés entre le devoir de justice par leur rancoeur meurtrie mais aussi l'amnistie chez la repentance du rival. 

07.08.13
B-M