jeudi 26 juin 2014

Under the Skin

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jonathan Glazer. 2013. Angleterre. 1h47. Avec Scarlett Johansson, Paul Brannigan, Krystof Hadek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland, Scott Dymond, Jeremy McWilliams.

Sortie salles France: 25 Juin 2014. U.S: 4 Avril 2014

FILMOGRAPHIE: Jonathan Glazer est un réalisateur anglais, né en 1966.
2000: Sexy Beast. 2004: Birth. 2013: Under the Skin.


"Je ne vois pas pourquoi les gens attendent d'une oeuvre d'art qu'elle veuille dire quelque chose alors qu'ils acceptent que leur vie à eux ne rime à rien." David Lynch.

Dans le secteur privé des E.T prenant notre apparence humaine afin de se fondre dans la population pour mieux apprivoiser notre planète, nous avions eu droit à quelques ovnis parmi lesquels Borrower, le voleur de tête ou encore The Brother from another Planet. En l'occurrence, le réalisateur du méconnu mais (oh combien !) remarquable Birth nous invite à une expérience ineffable. Une épreuve contemplative si obsédante qu'après le générique de fin nous ressentions l'étrange sensation d'avoir vécu quelque chose d'intime avec "l'autre". Dans la mesure où notre psyché s'est littéralement laissée aller à l'abandon d'une épreuve ésotérique parmi l'errance d'une humanoïde. 

PitchUne jeune femme qu'on imagine débarquée d'une autre planète aguiche des citadins écossais pour s'en débarrasser l'instant d'après. Parmi elle, un geôlier en moto kidnappe également certaines victimes pour les lui offrir. 

Ce récit linéaire, Jonathan Glazer l'étale sur une durée d'1h47 au fil de rencontres impromptues que la jeune femme s'accorde. Si les raisons pour lesquelles elle séduit les hommes pour s'en débarrasser ensuite nous ait jamais divulgué, l'intérêt d'Under the Skin est ailleurs.


Un peu à la manière hermétique d'Eraserhead, il ne faut pas chercher une quelconque explication à ce que nous voyons et subissions, mais plutôt se laisser happer par une expérimentation cinégénique que le réalisateur maîtrise dans l'art visuel et sensitif. Tant du point de vue formel avec ces visions opaques ou psychédéliques jamais vues autrement (en cela, Jonathan Glazer se porte en créateur d'images !) que du point de vue sensoriel de cet environnement climatique réfrigérant où la nature suinte de ses pores. Si bien que durant le cheminement hasardeux de la visiteuse, le film ne cesse d'y distiller un malaise trouble lorsqu'elle s'adonne à la drague pour aborder un quidam malformé, lorsqu'elle laisse à l'abandon une famille submergée par les vagues ou lorsqu'elle entraîne ces victimes au sein d'un tanière faisant office d'abîme minérale. Attisés par sa sexualité charnelle, la manière transie dont les hommes dénudés se laissent envahir par l'eau sans pouvoir contester leur insuffle une impuissance irrésistible. Exacerbés de l'incroyable score dissonant de Mica Levi et de la posture lascive de Scarlett Johansson, ces séquences onirico-cauchemardesques sont parmi les plus ensorcelantes que l'on ait vues depuis longtemps, quand bien même le châtiment agrée à certaines victimes nous laisse dans l'inconfort ! (sans trop en dévoiler, il y est question de liquéfaction). Outre la maîtrise de la mise en scène oscillant la facture du reportage (toutes les séquences urbaines où la population semble filmée contre leur gré et les entretiens qui s'ensuit avec les amants d'un soir) et l'irrationnel opaque (les expérimentations visuelles, la quête indécise de l'E.T face aux rapports humains), Under the Skin tire notamment parti de son pouvoir ensorcelant en la présence de Scarlett Johansson. Symbolisant la séduction d'une femme voluptueuse mais taciturne et sans compassion car n'éprouvant pas le sentiment au prime abord, elle traverse le film à l'instar du nouveau-né découvrant peu à peu un nouveau monde où sa peur finira par éclore.


Phantasm
Si vous souhaitez éprouver l'expérience sensorielle du "bad trip", Under the Skin est conçu pour vous provoquer cette sensation éperdue d'ailleurs et d'incompréhension. Ou plus viscéralement vous faire participer à une expérience cinématographique comparable à l'avènement existentiel d'une seconde naissance. Attention toutefois à l'hermétisme du projet ! Ca passe ou ça casse. 

*Bruno
04.12.24.
2èx. Vost.

mercredi 25 juin 2014

Au-delà du Réel / Altered States

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site deathbymovies.com

de Ken Russell. 1980. U.S.A. 1h45. Avec William Hurt, Blair Brown, Bob Balaban, Charles Haid, John Larroquette, George Gaynes, Olivia Michelle.

Sortie salles France: 30 Septembre 1981. U.S: 25 Décembre 1980

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".

 
"L’Homme qui Toucha l’Absolu".
Réalisé par le visionnaire (et fou) Ken Russell, Au-delà du réel n’a pas volé son statut de film culte à l’orée des années 80, bien qu’il soit aujourd’hui relégué à une discrétion curieuse parmi les initiés. C’est une véritable épreuve métaphysique que nous inflige ici le cinéaste, dans sa tentative vertigineuse de démystifier les secrets de l’existence à travers les yeux d’un anthropologue en transe.

Le pitch : enfermé dans un caisson d’isolation sensorielle, Edward Jessup libère ses fantasmes les plus enfouis sous l’effet d’une puissante drogue hallucinogène ramenée du Mexique. Hanté de visions mystiques, de figures divines et de ténèbres archaïques — avec en point d’orgue une imagerie infernale dantesque — il se lance dans une quête dévorante : atteindre l’origine de la vie par les tréfonds de sa propre conscience. Mais un jour, alors qu’il renouvelle l’expérience, son corps se met à régresser génétiquement, amorçant une transformation simiesque irréversible.

Trip sensoriel et expérimental, Au-delà du réel interroge avec furie l’essence même de notre existence — jusqu’à faire émerger l’amour comme unique lumière au bout du tunnel. Oscillant entre science-fiction, fantastique et romance, le film convoque un vertige digne d’un épisode fiévreux de La Quatrième Dimension.

Fascinant et fulgurant par ses thématiques abyssales, ce cheminement intérieur nous happe dans l’une des expériences ésotériques les plus insensées du cinéma. William Hurt, transi d’émotion en anthropologue possédé, devient le vecteur d’un récit inquiétant qui épouse peu à peu la forme d’un cauchemar éveillé. À mesure que son esprit chavire, son corps se plie aux hallucinations, jusqu’à muter. Réduit à l’état de primate velu, le voilà errant dans les rues nocturnes, traquant une biche dans l’instinctuel chaos. Mais cette drogue n’ouvre pas seulement la porte du divin : elle fait déborder l’au-delà sur notre monde, libérant un autre plan d’existence, régi par une énergie brute et sans nom. Vision du néant, lumière aveuglante, implosion du moi — Au-delà du réel devient une plongée dans l’abîme hermétique du tout début, là où naît l’effroi primitif de l’être.

À travers l’obsession d’un homme prêt à se perdre pour atteindre l’absolu, Ken Russell sonde aussi l’idée d’une révolution scientifique aux frontières de la folie, susceptible de réconcilier l’homme avec sa foi… ou de l’anéantir. Seuls l’amour, la tendresse et l’instant présent permettent, peut-être, de ne pas sombrer tout entier.

Car l’ultime vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité ultime.


L'ultime vérité, c'est qu'il n'y a pas de vérité ultime.
Au-delà du réel, au-delà de sa réflexion sur l’orgueil scientifique et son vertige métaphysique, s’érige aussi en poème d’amour. Celui d’Edward et Emily, deux âmes entremêlées dans la tempête. Débridé, ensorcelant, le film nous confronte à nous-mêmes — et grave dans notre « moi conscient » le souvenir d’une expérience inclassable.

*Bruno
4èx


mardi 24 juin 2014

Sisters

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site classic-horror.com

de Douglas Buck. 2006. U.S.A. 1h32. Avec Lou Doillon, Stephen Rea, Chloe Sevigny, William B. Davis, Gabrielle Rose, Whittni Wright, Talia Williams, Rachel Williams, Erica Van Briel.

Sortie Dvd: 2 Octobre 2008

FILMOGRAPHIE: Douglas Buck est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 Septembre 1966. 2003: Prologue. 2003: Family portraits. 2006: Sisters. 2011: The Theatre Bizarre (The Accident).


En 2006 sort dans l'indifférence générale, et en catimini chez nous puisque directement passé par la case Dvd, Sisters, remake du classique éponyme de Brian De Palma. Outre le refus du copié-collé, l'intérêt de cette déclinaison "moderne" émane de son ambiance aussi terriblement malsaine qu'oppressante et de ces thématiques beaucoup mieux développées chez Douglas Buck. Réalisateur iconoclaste déjà responsable du dérangeant Family Portrait (une anthologie de 3 courts illustrant la frustration existentielle de familles ricaines) et du segment, The Accident (poème bouleversant sur l'injustice de la mort) entraperçu dans le film à sketch, The Théâtre Bizarre, Douglas Buck cherche à provoquer le spectateur avec un réalisme acéré. Dérive cauchemardesque au confins de la folie schizophrène, Sisters relate l'épreuve psychologique de deux soeurs siamoises qu'elles endurent à propos d'un traitement médicamenteux illégal prescrit par l'inquiétant docteur Lacan. Le pitchEprise d'affection pour un jeune médecin lors de sa visite en clinique, Angélique l'entraîne quelques heures plus tard dans l'intimité de sa demeure. Le lendemain, après avoir couché ensemble et commandé un gâteau d'anniversaire, l'amant se fait sauvagement assassiné par la probable soeur jumelle d'Angélique. Témoin du meurtre, une journaliste scrupuleuse entame une investigation de longue haleine avec l'entraide d'un de ses proches collègues.  Film d'horreur clinique entièrement dédié à son ambiance austère, Sisters provoque déjà une aura trouble dès le prologue illustrant un spectacle pour enfants sous une autorité adulte, et ce dans le jardin d'un établissement psychiatrique. En filmant avec attention les jeux de regards équivoques échangés entre Angélique, le jeune médecin et le docteur Lacan, Douglas Buck y distille une atmosphère anxiogène qui ne fera qu'amplifier au fil du cheminement psychologique des soeurs siamoises. 


La première partie insufflant avec habile maîtrise un climat éthéré de tension autour de la relation amoureuse amorcée entre Angélique et le jeune médecin, ce dernier ne cessant de suspecter son comportement versatile. La caméra s'attarde ensuite sur les corps charnels avec sensualité mais aussi avec fascination viscérale mêlée de répulsion lorsque celui-ci caresse de ses doigts l'étrange cicatrice d'Angélique (on se croirait chez Cronenberg). Qui plus est, afin d'accentuer le côté voyeuriste, des caméras de video-surveillance sont installées dans chaque pièce de l'appartement afin que le docteur Lacan puisse espionner les faits et gestes d'Angélique et d'Annabelle. Pour la séquence du meurtre qui s'ensuit, Douglas Buck coordonne un suspense haletant autour du personnage de la journaliste, Grace Collier, imbriquée dans trois situations alertes. Celle de sa fouille illégale opérée chez le docteur Lacan, celle d'assister impuissante à l'agonie du médecin située à la fenêtre de l'appartement d'en face, et enfin celle de tenter de convaincre deux policiers qu'un homicide vient d'être commis. L'interrogatoire qu'elle tentera de pratiquer auprès d'Angélique pour lui soutirer une info s'avère notamment équivoque lorsque cette potentielle coupable hésite à dénoncer la vérité. La suite des évènements tire parti des profils psychologiques établis entre les soeurs siamoises, dissociées entre le Bien (Angélique) et le Mal (Annabelle), quand bien même Grace Collier entamera une investigation approfondie au sein de l'établissement psychiatrique. Ainsi, à l'aide d'un climat de malaise péniblement malsain et exponentiel, Douglas Buck nous entraîne dès lors dans un cauchemar schizophrène où illusion et réalité s'entrecroisent. Spoiler ! Celles de visions hallucinogènes manifestées par l'esprit intoxiqué de l'enquêteuse. Un sentiment prégnant de démence va alors lentement se distiller à travers son esprit afin de se confondre avec l'identité d'Annabelle et ainsi venger sa mort Fin du Spoiler. En déflorant un secret de famille, le réalisateur nous assène l'horrible vérité d'une liaison amoureuse compromettante où les thématiques du double, de la hantise, de la pédophilie, du traumatisme, de la toxicomanie et de la schizophrénie nous questionnent sur la responsabilité morale d'Angélique ainsi que son rapport intime avec la chair (Cronenberg n'est encore pas loin).


La Chair et le Sang
De par la densité d'une intrigue dérangeante entièrement dédiée aux profils torturés d'une relation siamoise, Douglas Buck entretient le mystère et laisse ensuite éclater la vérité autour d'une idylle pervertie par la chair et le sang. Superbement campé par un trio d'acteurs au charisme contrarié (Lou Doillon, Stephen Rea et Chloe Sevigny forment un trio indéfectible !), Sisters distille un malaise éprouvant proche de l'asphyxie de par leurs liaisons imposées. Ainsi donc, autour de leur dérive meurtrière et l'amertume d'une conclusion quasi surnaturelle y découlent une réflexion sur l'influence des sentiments, le pouvoir de persuasion, l'exploitation médicale et notre part indissociable du bien et du mal combiné dans un même corps. Un cauchemar baroque faisant office d'objet maudit (bien que la revue Mad Movies le défendit bec et ongle lors de son exploitation Dvd), à réserver à un public adulte, notamment auprès de son imagerie sanglante de dernier ressort franchement malaisante. 

*Bruno
23/12/23. Vostfr
24/06/14
22/12/11

 


lundi 23 juin 2014

THE RAID 2: BERANDAL

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Gareth Evans. 2014. Indonésie. 2h28. Avec Iko Uwais, Tio Pakusodewo, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra.

Sortie salles France: 23 Juillet 2014. Indonésie: 28 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: Gareth Evans est un producteur, scénariste et réalisateur américain.
2006: Footsteps. 2009: Merantau. 2011: The Raid. 2013: V/H/S 2 (segment "Safe Haven"). 2014: The Raid 2. 2015: The Raid 3.


Après la révélation The Raid, découverte en 2011, Gareth Evans remet le couvert avec une suite encore plus ambitieuse dans son lot de bastons et cascades ébouriffantes où l'intrigue gagne légèrement en profondeur et où l'esthétisme se fait plus stylisé. Après les évènements du précédent volet, le jeune flic Rama est à nouveau recruté pour une dangereuse mission, celle d'infiltrer un clan mafieux de Jakarta. Pour cela, il doit purger une peine de prison afin d'approcher Uco, le fils d'un leader indonésien. Etalé sur une durée excessive de 2h30, Gareth Evans prend son temps à bâtir une intrigue éculée en mettant en place une galerie d'antagonistes issues de la pègre locale et de la corruption policière. Celle des mafias et des yakuzas érigés sous l'allégeance de magnats du crime organisé.


Pour la conduite du récit, si elle s'avère sans surprise et se focalise sur la lutte de clans mafieux que notre héros tente de piéger, la caractérisation des personnages d'Uco et de son père est le centre d'intérêt dans leur rapport de divergence qui entraînera une déroute. S'il y avait au préalable un code de conduite à respecter au sein de leur tradition criminelle, Uco va oser transgresser cette loi avec une audace inédite dénuée de vergogne. Ce jeune tueur d'apparence distinguée est l'attraction principale du film puisqu'il s'avère inévitablement détestable dans son comportement sournois et mégalo, quand bien même ses exactions criminelles (trancher la gorge à 5 otages en toute décontraction !) nous provoquent dégoût et injustice. Si la direction d'acteur aurait mérité à être perfectible, notamment le héros trop discret dans son attitude mutique, les comédiens endossant les rôles de méchants réussissent néanmoins à imposer une stature fielleuse dans leur costard tacheté de sang ! Si le réalisateur n'improvise pas une grosse tension autour du sort réservé à Rama s'il était amené à se faire épingler par ses alliés, le coup de théâtre improvisé à mi-parcours déploie une vigueur vertigineuse lors d'une réaction en chaîne d'incidents meurtriers. Avec l'efficacité de l'action encourue et l'agilité d'une réalisation aussi virtuose qu'inventive, le réalisateur se déchaîne à étaler quotidiennement des séquences de bastons furieusement dantesques. D'une barbarie inouïe dans son ultra violence générée, les confrontations physiques perpétrées à main nue ou à l'arme blanche nous donnent le vertige par la rapidité des coups assénés, quand bien même l'audace visuelle déploie souvent un gore décomplexé. Toutes ses séquences clefs chorégraphiées avec une fluidité inédite dans des décors parfois restreints (ceux d'une allée de couloir, de l'intérieur d'une voiture, d'un compartiment ou d'une cellule de prison !) n'ont aucune peine à figurer dans les anthologies de bastonnades les plus sauvagement exécutées sur un écran !


En dépit d'une intrigue et d'une psychologie sommaires ainsi qu'une direction d'acteurs amendable, The Raid 2 est suffisamment bien troussé par sa réalisation alerte déployant avec efficacité moult séquences d'action au paroxysme de l'ultra violence. Rien que pour cette démesure d'affrontements sanglants souvent régis en masse, The Raid 2 fait office de spectacle frénétique !

Bruno Matéï


vendredi 20 juin 2014

Happy Birthday / Happy Birthday to me

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Jack Lee Thompson. 1981. Canada. 1h52. Avec Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland.

Sortie France: 06 Janvier 1982, sortie U.S: 15 Mai 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: J. Lee Thompson, de son vrai nom John Lee Thompson, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 1er août 1914 à Bristol (Royaume-Uni), décédé le 30 août 2002 à Sooke (Canada).
1961 : Les Canons de Navarone, 1962 : Les Nerfs à vif , Tarass Boulba, 1972 : La Conquête de la planète des singes, 1973 : La Bataille de la planète des singes, 1974 : Huckleberry Finn, 1978 :L'Empire du Grec,1979 : Passeur d'hommes,1980 : Caboblanco , 1981 : Happy Birthday to Me, 1983 :Le Justicier de minuit , 1984 : L'Enfer de la violence, 1984 : Chantage en Israël , 1985 : Allan Quatermain et les Mines du roi Salomon, 1986 : La Loi de Murphy ,1986 : Firewalker. 1987 : Le justicier braque les dealers,1988 : Le Messager de la mort , 1989 : Kinjite, sujets tabous.

 
"Souffler les bougies, raviver les cauchemars".
En plein essor du psycho-killer inauguré par Halloween et Vendredi 13, Happy Birthday exploite le filon avec l’efficacité d’une intrigue un brin plus consistante que la traditionnelle. Imperméable au genre, on s’étonne pourtant de retrouver derrière la caméra l’aimable vétéran J. Lee Thompson, maître d’œuvre des Canons de Navarone et d’une flopée de films d’auto-défense portés par son acteur fétiche, Charles Bronson. Mais ce n’est pas tout : aussi improbable que cela paraisse, Glenn Ford et Melissa Sue Anderson s’invitent eux aussi à la fête, investissant le territoire horrifique avec une certaine décontraction. D’ailleurs, le charme suave de l’interprète de La Petite Maison dans la Prairie contribue largement à l’empreinte psychologique du film, malgré quelques clichés et maladresses narratives.

Pitch: Alors qu’un mystérieux tueur élimine un à un les amis de Virginia, celle-ci consulte son médecin, hantée par une fragilité mentale tenace. Depuis un terrible événement, elle souffre d’un traumatisme l’ayant privée de mémoire. Sujet de visions et cauchemars morbides, elle en vient peu à peu à douter d’elle-même… Et si l’assassin, c’était elle ?

Avec son pitch classique, ses situations éculées et ses personnages stéréotypés, Happy Birthday ne peut éviter la redite dans sa première partie : Thompson empile les faux suspects sans jamais susciter un vrai suspense — le spectateur ayant toujours une longueur d’avance, conscient que les évidences sont des leurres. Pourtant, sans jamais sombrer dans l’ennui, le film parvient à capter l’attention grâce à la fragilité névrosée de son héroïne. On suit le fil, intrigué, cherchant à dénouer les ramifications de son traumatisme et les possibles implications de ses proches. Si la psychologie des personnages secondaires flirte avec la caricature, ils conservent une forme de sympathie naïve, s’amusant de farces macabres dans une camaraderie bon enfant.

Passés les premiers meurtres inventifs — notamment celui, savoureux, des haltères et l’anthologique brochette plantée dans la gorge — l’intrigue recentre ses tensions sur Virginia, épaulée par son médecin fidèle. L’empathie devient inévitable : piégée dans la tourmente de sa paranoïa, elle vacille, instable, malgré l’aide médicale et paternelle. Le film adopte alors un rythme plus soutenu, le suspense monte crescendo jusqu’à la révélation finale — celle de son passé refoulé et de l’identité du véritable coupable. Dans l’ironie macabre d’une fête d’anniversaire, J. Lee Thompson orchestre un bal mortuaire au parfum de Grand-Guignol, parachevé par un ultime coup de théâtre. Inattendu, peut-être dispensable, mais justifié par un procédé que je me garderai bien de dévoiler ici.

 
"Candélabres sanglants sur le gâteau du trauma".
En dépit des clichés du genre, Happy Birthday trouve sa voie, son rythme, et sa chair — là où l’emporte la psyché plus que le choc. Avec même un zeste de nostalgie, il demeure l’un des plus singuliers représentants du psycho-killer des années 80.

Dédicace à Gérald Giacomini
*Bruno
4èx

jeudi 19 juin 2014

Phase IV. Prix spécial du jury à Avoriaz, 1974.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site the-drone.com

de Saul Bass. 1974. U.S.A. 1h24. Avec Michael Murphy, Nigel Davenport, Lynne Frederick, Alan Gifford, Robert Henderson.

Sortie salles France: 1 Septembre 1975. Box Office France: 745 779 entrées

Récompense: Prix Spécial du Jury au Festival d'Avoriaz, 1974.

FILMOGRAPHIE: Saul Bass est un graphiste et réalisateur américain, né le 8 Mai 1920 à New-York, décédé le 25 Avril 1996 à Los Angeles.
1974: Phase 4.


Grand classique de la science-fiction des années 70, Phase IV reste l'unique réalisation de Saul Bass, graphiste attitré d'Otto Preminger et d'Hitchcock (c'est à lui que l'on doit le générique de Psychose ainsi que la conception de la fameuse séquence de la douche). Dans la mouvance des invasions d'insectes mutants parfois atteints de gigantisme (les Insectes de feu, Ants, The Savages Beesl'Empire des fourmis géantes), Phase IV joue la carte de sobriété à valeur pédagogique avec refus d'esbroufe grand-guignolesque. Car ici prime l'aspect scientifique d'un duo de savants observant à l'aide d'ordinateurs les différentes colonies de fourmis prochainement aptes à envahir notre civilisation. Réfugiés dans leur laboratoire au milieu d'un désert, ils tentent d'entrer en contact avec elles afin d'établir en amont une communication pacifiste. Mais par le biais d'une entité extra-terrestre, les fourmis éprises d'égotisme n'ont comme seul dessein de vouloir nous dominer afin de régir un nouveau monde. C'est donc une lutte sans merci que doivent se livrer l'homme et l'insecte avant que la catastrophe annoncée n'entre en phase IV ! 


Dépourvu du moindre effet-spécial afin de caractériser la morphologie des fourmis (elles se révèlent authentiques dans leur apparence minuscule mais amplifiées par une vision microscopique afin de mieux cerner leur évolution et diverses stratégies), Saul Bass nous décrit avec souci documentaire un scénario catastrophe aussi fascinant qu'inquiétant. Durant 1h20, nous sommes reclus en interne d'un labo scientifique où deux savants paranos ainsi qu'une jeune rescapée vont pratiquer toutes sortes d'expériences afin d'étudier la nouvelle déontologie des fourmis et avant d'essayer de les anéantir. Toujours plus nombreuses, coriaces et combatives, car dirigées par une reine redoutablement perfide, ces insectes n'auront de cesse de surmonter les obstacles et défier la volonté de l'homme grâce à leur redoutable intelligence. Avec peu de moyens mais des idées retorses et formelles ainsi que l'atout de rendre réaliste un scénario catastrophe à la limite du plausible, Phase IV déroute notre inconscient et trouble notre imaginaire à observer cette guerre d'un nouveau genre où l'insecte semble beaucoup plus érudit que l'homme afin de le remplacer. SPOIL!!! Ou tout du moins fonder la nouvelle race d'une symbiose homme/insecte (sans en connaître le véritable but !) comme le laisse sous-entendre son étonnante chute finale ! Fin du SPOIL.


Fascinant et passionnant par son caractère scientifique où l'aspect documentaire prend le pas sur la fiction, baroque et insolite dans ses plages de poésie métaphysique, Phase IV préconise le pouvoir de suggestion avec l'entremise d'un microcosme où l'infiniment petit est apte à nous conquérir. Avec son atmosphère solaire presque surnaturelle d'où plane la sensation d'une fin d'un monde, Saul Bass nous interpelle sur la hiérarchie des fourmis, leur nombre surélevé (il y aurait plus de 12000 espèces dans le monde), leur sens de communication et leur capacité à déchiffrer les énigmes.   

Bruno Matéï
3èx


mercredi 18 juin 2014

JOE. Prix Marcello-Mastroianni pour Tye Sheridan, Mostra de Venise 2013

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de David Gordon Green. 2013. U.S.A. 1h57. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Ronnie Gene Blevins, Gary Poulter, Adrienne Mishler, Sue Rock, Heather Kafka.

Sortie salles France: 30 Avril 2014. U.S: 11 Avril 2014

Récompenses: Prix Marcello-Mastroianni pour Tye Sheridan lors de la Mostra de Venise, 2013.

FILMOGRAPHIE: David Gordon Green est un réalisateur américain, né le 9 Avril 1975 à Little Rock (Arkansas). 2000: George Washington. 2003: All the real girls. 2004: L'Autre rive. 2007: Snow Angels. 2008: Délire Express. 2009: Kenny Powers. 2011: Votre Majesté. 2011: Black Jack (télé-film). 2012: Baby-sitter malgré lui. 2013: Prince of Texas. 2013: Joe. 2014: Manglehorn.


"Tant que je me maîtrise, je reste en vie...Ca m'empêche de finir en taule."
Après avoir accumulé nombre de nanars impayables depuis une bonne dizaine d'années, Nicolas Cage nous revient enfin en grande forme dans son rôle sur mesure d'ancien taulard en perdition. Film coup de poing habité par la colère et la rage de survivre au sein d'une Amérique profonde peuplée de clodos et de marginaux véreux, Joe rend hommage à la condition ouvrière avant de relater la dérive justicière d'un loup solitaire épris d'amitié pour un ado maltraité. Le pitchAlors que son paternel alcoolo passe son temps à évacuer l'ennui dans la bouteille, le jeune Gary tente de trouver un job d'intérim afin de subvenir aux besoins de sa famille. C'est auprès de Joe Ransom qu'il réussit à se faire embaucher pour abattre les arbres d'une forêt sinistrée. Peu à peu, une solide amitié se noue entre eux quand bien même Gary continue de subir les humiliations quotidiennes de son père


Superbes portraits d'écorchés vifs impartis à un quadra impulsif rongé par l'injustice d'un passé judiciaire, et à celui d'un adolescent en recherche paternelle, Joe juxtapose leurs blessures morales dans une intrigue tortueuse où le danger omniprésent ne cesse de rattraper leur destin. La qualité première de ce drame psychologique particulièrement tendu et pessimiste émane de la sobriété des comédiens incarnant avec naturel des protagonistes marginaux en quête de réinsertion dans une Amérique gangrenée de misère. Celle de la campagne texane où se côtoient prolétaires, crapules à la petite semaine, prostituées de bordel miteux et laissés pour compte. Ainsi, en alternant les séquences intimistes de personnages hantés par l'amertume, le regret et l'échec, David Gordon Green insuffle une poésie lyrique à travers leur démarche hagarde au sein d'un environnement solaire terni par la désillusion sociale. Accentué d'une musique mélancolique et d'effets de ralenti extatiques, le film distille un climat d'envoûtement éthéré avant de nous précipiter dans le gouffre d'une intrigue nébuleuse constamment sur le qui-vive. Et si à mi-chemin, on imagine le drame prévisible qui se dessine après avoir été témoin d'un évènement crapuleux particulièrement innommable, le réalisateur adopte un virage pour repousser l'attente d'un inévitable concours de circonstances où le déchaînement de violence ne laissera aucune place à l'absolution. Autour de ces instants de tension exponentielle où la rage d'un ex taulard commence à prendre du galon pour laisser s'exprimer révolte suicidaire et désir de vengeance, Joe met en exergue l'ultime ambition d'un père épris de sacrifice pour prémunir la vie d'un fils qu'il n'a jamais pu engendrer. Cette histoire d'amitié paternelle entretenue entre lui et Gary laissant exprimer une émotion intense à travers leur rapport de tendresse et de confiance, leur permettant ainsi de converger à une initiation responsable malgré l'improvisation d'une issue tragique. 


Valse du tueur
De par son climat poisseux imbibé de sinistrose et du portrait en décrépitude asséné aux rednecks burinés, Joe ne cesse de confronter déchéance humaine, désillusion et désir de rédemption autour d'un justicier incontrôlable et d'un ado persévérant. Nicolas Cage et le jeune Tye Sheridan formant de manière prude un duo complémentaire dans leur rage de survivre, quitte à s'y brûler les ailes. Grand moment d'émotion, du cinéma viril âpre et hargneux !

Bruno Matéï

mardi 17 juin 2014

Chaque soir à 9 Heures / Our mother's house

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com

de Jack Clayton. 1967. Grande Bretagne. 1h47. Avec Dirk Bogarde, Margaret Brooks, Pamela Franklin, Mark Lester, John Gugolka, Sheldon Williams, Sarah Nicholls, Gustav Henry, Parnum Wallace.

Sortie salles France: 6 Septembre 1973

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


Six ans après son chef-d'œuvre Les Innocents, Jack Clayton renoue avec le thème de l’enfance meurtrie, adaptant un roman de Julian Gloag. Honteusement méconnu pour une raison qui m’échappe encore, Chaque soir à 9 heures est sans doute l’un des plus beaux films jamais consacrés à l’innocence infantile. Une épreuve de force morale, souvent éprouvante, où des enfants d’une même fratrie se retrouvent livrés à eux-mêmes depuis la disparition de leur mère. Le prologue, à cet égard, est d’une douleur inouïe : l’une des aînées assiste à la mort de sa mère, avant que les autres ne la rejoignent en silence pour se recueillir à ses côtés. La mélodie fragile de Georges Delerue, pudique, souligne cette émotion candide qui transparaît sur chacun de leurs visages — vision cruelle de la mort, lorsque l’innocence en est le témoin direct.

Nourris d’un catholicisme profondément ancré, les enfants se réfugient chaque soir à 21 heures dans le jardin, sanctuaire devenu rituel, pour communiquer avec leur mère à travers l’aînée, Diana. Enterrée là, en secret, les soupçons ne tardent pas à naître — d’abord dans l’esprit de la maîtresse de maison, puis chez l’institutrice. Par un étrange hasard, leur père, absent depuis des années, réapparaît et dissipe provisoirement les doutes. D’abord perçu comme bienveillant, il gagne leur confiance — sauf celle d’Elsa, la plus lucide, qui devine rapidement la supercherie : cet homme n’est qu’un imposteur sans vergogne, indifférent à leur sort.


Dans le décor d’une demeure gothique rongée par le silence (reflet du rigorisme moral de la mère), la première partie nous familiarise avec cette petite communauté d’enfants sous l’autorité vacillante de Diana. Fragile, endeuillée, obsédée par l’idée d’un au-delà, elle parvient à se persuader — et à convaincre les autres — qu’elle peut dialoguer avec l’absente. Une illusion pieuse, transformée en code moral, censée maintenir un semblant d’ordre. Mais son fanatisme névrosé empoisonne lentement la dynamique du groupe, jusqu’à produire une scène d’humiliation insoutenable infligée à la petite Gerty.

La seconde moitié laisse place à l’irruption du père dans toute son hypocrisie — un loser imbibé, plus irresponsable encore que les enfants qu’il prétend guider. Loin du stéréotype anecdotique, Clayton choisit de se concentrer sur le combat intérieur d’Elsa, qui tente par tous les moyens de faire entendre la vérité à ses frères et sœurs. Ses affrontements avec Diana, volcanique et tyrannique, deviennent le cœur battant du récit : un duel où se croisent immaturité, pouvoir et désespoir.

À travers les thèmes de la démission parentale, du fanatisme religieux, de l’apprentissage et de la perte, Clayton signe un drame familial d’une intensité bouleversante, inscrit dans la chair même de l’enfance. Le jeu cru et viscéral des enfants, la tension constante de leurs échanges, nous installent dans un inconfort croissant, jusqu’à ce qu’un terrible secret familial vienne déchirer le voile de leur foi.


Une initiation à la maturité, aussi fragile que brutale, dont nul ne sort indemne.
Dérangeant, malsain, mais d’une sensibilité bouleversante, Chaque soir à 9 heures porte en lui la marque des plus grands : par sa mise en scène précise, son intensité dramatique, et le jeu d’une justesse foudroyante, Clayton nous plonge dans un drame familial aussi obscur qu’inoubliable. Ces enfants abandonnés, si profondément attachants, nous laissent hébétés, le souffle court, face à une conclusion sans retour — sans illusion sur leur avenir.

*Bruno
2èx

lundi 16 juin 2014

SUPERARGO CONTRE DIABOLIKUS (Superargo, el hombre enmascarado / Supersonic Man)

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemiscreant.blogspot.com

de Nick Nostro. 1966. Italie/Espagne. 1h28. Avec Giovanni Cianfriglia, Gérard Tichy, Monika Randall, Loredana Nusciak, Jose Castillo Escalona.

FILMOGRAPHIENick Nostro est un réalisateur et scénariste Italien, né le 21 Avril 1931, décédé le 15 Juin 2014.
1962: Il sangue e la sfida. 1962: Blood and Defiance. 1962: 2 Samurai per 100 geishe. 1963: Grazie Zio, c. 1963: Revenge of the Black Knight. 1964: Spartacus and the ten gladiators. 1964: 1964: Il trionfo dei dieci gladiatori. 1965: Operation Counterspy. 1966: Un dólar de fuego. 1966: Tre notti violente. 1966: Superargo contro Diabolikus. 1968: Uno dopo l'altro. 1971: i provo anch'io. 1971: La cieca di Sorrento. 1971: Grazie zio, ci provo anch'io. 


Clairement inspiré par la série d'espionnage des James Bond et les bandes-dessinées du FumetiSuperargo contro Diabolikus est une production transalpine exploitant le mythe du super-héros avec des moyens dérisoires. Autant dire que nous avons affaire ici à une authentique série Z fleurant bon le charme vintage comme seuls les italiens ont le secret. Après avoir accidentellement tué son adversaire lors d'un match, et afin de se racheter, le catcheur Superargo accepte une mission périlleuse de la part du colonel Kinski. Celle de retrouver la trace de Diabolikus, un trafiquant d'uranium exilé sur une base secrète des mers des caraïbes parmi ses hommes de main. Avec sa tenue de catcheur au masque noir et collant rouge, l'apparence moulante de Superargo fait indubitablement parti des supers-héros les plus craignos de l'histoire du cinéma ! Pourvu d'une résistance surhumaine à l'eau (il a une capacité thoracique de 11 litres en plongée, peut descendre jusqu'à une centaine de mètres de profondeur et peut rester sans respirer 5 à 7 mns sans avoir à reprendre son souffle !), à la chaleur du feu, au froid (endurance au vent glacial de 13 noeuds à l'heure !) et à l'électricité, Superargo est également prémuni contre l'épreuve des balles grâce à sa nouvelle combinaison. 


Mais ce n'est pas tout, la matière particulière de son sang l'empêche également de saigner à la moindre blessure puisqu'il coagule à l'air ! Au niveau des gadgets, il est notamment équipé d'une voiture blindée avec installation radio et télévision, détient des pilules de "mort apparente" pour duper l'ennemi, ainsi qu'un bijou faisant office de micro émetteur récepteur de radio et de télévision afin de communiquer avec les services secrets. Au fil de sa dangereuse mission, il va non seulement devoir combattre les sbires armés de Diabolikus SPOIL !!! mais aussi débusquer un traître de son propre camp et enfin tenter de sauver sa dulcinée prise en otage. Fin du Spoil.
Mené avec intégrité dans son sérieux inébranlable, Superargo contre Diabolikus nous invoque un sourire impayable avec son florilège de situations toutes plus grotesques les unes que les autres. Le lot ininterrompu de dialogues impayables et la mine renfrognée des protagonistes laissant transparaître un humour involontaire souvent hilarant. A l'instar de la posture combative de notre super-héros, son attitude inexpressive étant uniquement dominée par un jeu de regard des plus inflexibles ! En ce qui concerne l'action encourue, le minimum syndical nous est adressé avec toutefois quelques séquences nerveuses de gunfights pétaradants (mitraillettes à l'appui) et d'explosion de bâtiments ! Mais outre les expériences de résistance physique et de torture commises sur notre héros, l'attrait le plus enthousiasmant provient surtout de la rivalité du duo Superargo/Diabolikus, car ne cessant de se disputer la victoire de la manière la plus imbue et narquoise ! 


Inédit en dvd mais enfin exhumé de l'oubli grâce à Artus FilmsSuperargo contre Diabolikus est une pépite Z aussi hilarante que puérile dans son lot de péripéties lourdingues et de personnages mécontents. Une sympathique curiosité au look rétro qu'auraient tort de se priver les amateurs indéfectibles de nanars !

A la mémoire de Nick Nostro Merci à Artus Films !
Bruno Matéï

vendredi 13 juin 2014

Une journée bien remplie

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemapassion.com

de Jean Louis Trintignant. 1973. France. 1h30. Avec Jacques Dufilho, Luce Marquand, Franco Pesce, Albin Guichard, Andrée Bernard, Louis Malignon, T. Requenae, Jacques Doniol-Valcr.

Sortie salles France: 8 Mars 1973

FILMOGRAPHIEJean Louis Trintignant est un acteur et réalisateur français, né le 11 Décembre 1930 à Piolenc. 1972: Une Journée bien remplie. 1978: Le Maître-nageur.


Illustre acteur de théâtre et de cinéma, héritier d'une filmo proéminente, Jean Louis Trintignant s'était notamment attelé à la réalisation à deux uniques reprises, quand bien même sa première oeuvre fit office de véritable coup de maître. Estampillé film-culte et ovni surréaliste au sein de notre patrimoine français, Une Journée bien remplie relate la virée meurtrière d'un père de famille accompagné de sa mère, communément installés dans un side-car afin de venger la mort de son fils. Durant leur itinéraire, ils sillonnent les contrées provinciales pour exterminer un à un le membres des jurés qui firent condamner un jeune matelot de 22 ans. Satire du dysfonctionnement judiciaire, farce macabre exploitant la loi du talion avec une dérision proprement irrésistible, Une Journée bien remplie peut servir de modèle dans les écoles de ciné pour son sens alloué à l'efficacité optimale. Or, sur une intrigue éculée où deux complices perpétuent le rituel meurtrier d'une implacable vengeance, comment ne pas lasser son public à force de répéter sans modération les traditionnelles exactions criminelles ?! 


En tablant sur l'effet du subterfuge (suggérer la présence du criminel alors qu'il s'agit d'un modeste quidam), sur la duperie du coupable mis en cause, sur la cocasserie des situations d'anxiété et sur l'inventivité du crime qui s'ensuit, quand bien même la posture studieuse du vengeur ironique s'y symbolise ange de la mort ! Mais ce n'est pas tout, car tout aussi inspiré et imaginatif qu'il soit, Jean Louis Trintignant peaufine sa réalisation en maîtrisant le montage (utilisation habile du fondu enchaîné pour amener la séquence suivante), en expérimentant des procédés visuels dissemblables (pause sur image afin d'alerter l'expression du danger, fouiner la cavité buccale d'une gorge asphyxiée, ou chorégraphier une harmonie musicale avant-coureuse du clip !) et en versant dans l'hommage emphatique (la représentation de Macbeth), burlesque (les influences de Chaplin et Tati sont de la partie !). Qui plus est, avec sa musique pittoresque variant parfois le ton d'une symphonie orchestrale, l'oeuvre marginale renforce son côté décalé pour y adopter une allure de conte désincarné baignant génialement dans l'extravagance. 


Hymne à l'imaginaire, une fête de cinéma de chaque instant.
Avec ses courses-poursuites rocambolesques (en voiture et à vélo svp), ses situations de danger incessantes et ses revirements aléatoires (après s'être trompés de victime et accomplis leurs méfaits à visage découvert, Jean Rousseau et sa mère doivent également affronter les forces de l'ordre déployées en masse !), Une Journée bien remplie impose le rythme alerte d'une réalisation littéralement prodigieuse. Enfin, les présences iconiques de Jacques Duffilo et Luce Marquand laissent en mémoire un duo de meurtriers désopilants dans leur posture flegmatique, à marque d'une pierre blanche. Tout bien considére, on peut prétendre que nous avons affaire à un chef-d'oeuvre d'humour noir incomparable dans le paysage français. 


*Bruno
2èx

jeudi 12 juin 2014

La Planète des Vampires / Terrore nello spazio

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site thebloodypitofhorror.blogspot.com

de Mario Bava. 1965. Italie/Espagne. 1h28. Avec Barry Sullivan, Norma Bengell, Angel Aranda, Evi Marandi, Franco Andrei, Federico Boido.

Inédit en salles en France !

FILMOGRAPHIE:  Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte1947 : Legenda sinfonica1947 : Anfiteatro Flavio1949 : Variazioni sinfoniche1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire  , 1972 : Quante volte... quella notte1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Invisible en salles chez nous, mais exhumé en VHS, puis en DVD et sur chaînes câblées quelques décennies plus tard, La Planète des Vampires a tout du film culte bricolé avec des bouts de ficelle mais porté par une inventivité prolifique. Échoués sur une planète inconnue, un équipage doit affronter d’étranges incidents meurtriers orchestrés par une menace invisible. Avec cette intrigue ténue et son budget famélique, Mario Bava transcende ses limites par l’ambition formelle de façonner un univers hors norme. Quoi de plus audacieux que de réinventer son arsenal gothique en l’exilant aux confins d’une galaxie !

En modulant la variété de ses décors à coups d’éclairages polychromes et de volutes baroques, Bava nous convie à une expédition opaque et toxique. Sa manière de distiller l’inquiétude à travers l’errance incertaine de ces astronautes nous plonge dans un cauchemar hypnotique, où la menace, impalpable et persistante, se rit d’eux avec une ironie cruelle. Car ici, à mesure que s’égrène l’exploration, chaque membre de l’équipage s’éteint dans d’insondables circonstances. Mais quelle est donc cette vibration extraterrestre, et pourquoi s’acharne-t-elle à les faucher un à un ? Bava nourrit ce suspense feutré avant de souffler la vérité dans une dernière partie foisonnante de rebondissements — jusqu’à un épilogue au twist farouchement pessimiste.

Nappes de brouillard flottant, cadavres d’outre-tombe, carcasses de squelettes cyclopéens et vaisseaux aux géométries angoissantes : La Planète des Vampires réinvente le décor spatial avec un stylisme vénéneux, sculptant un écrin insolite. Héritier des classiques alarmistes (L’Invasion des Profanateurs), précurseur de The Thing (la paranoïa de la possession) et ancêtre revendiqué d’Alien (le canevas est le même !), Bava étreint la thématique extraterrestre sous sa forme la plus pernicieuse. 


"Fantômes cosmiques et cauchemars chromatiques".
En mariant l’horreur et la science-fiction, Mario Bava réenchante les genres dans une forme artistique fiévreuse : il cristallise un futurisme tangible et fascinant, tour à tour onirique et suffocant. La Planète des Vampires prouve qu’avec trois fois rien, l’imaginaire peut exploser en visions retorses et trouvailles plastiques. Une pépite SF trop ignorée, à exhumer d’urgence, encore et encore.

Merci à Artus Films
Bruno
2èx 

mercredi 11 juin 2014

L'Obsédé / The Collector

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de William Wyler. 1965. U.S.A/Angleterre. 1h58. Avec Terence Stamp, Samantha Eggar, Mona Washbourne, Maurice Dallimore.

Sortie salles U.S: 17 Juin 1965

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: William Wyler (Wilhelm Weiller) est un réalisateur et producteur américain d'origine suisse, né le 1er Juillet 1902 à Mulhouse, décédé le 27 Juillet 1981 à Los Angeles (Californie). 1926: Lazy Lightning. 1930: La Tourmente. 1935: La Bonne Fée. 1939: Les Hauts de Hurlevent. 1940: Le Cavalier du Désert. 1941: La Vipère. 1946: Les Plus belles années de notre vie. 1952: Un Amour Désespéré. 1953: Vacances Romaines. 1955: La Maison des Otages. 1956: La Loi du Seigneur. 1958: Les Grands Espaces. 1959: Ben Hur. 1961: La Rumeur. 1965: L'Obsédé. 1966: Comment voler un million de dollars. 1968: Funny Girl. 1970: On n'achète pas le silence.


Grand classique méconnu, enfin disponible en DVD sous la bannière Wild Side Video, L’Obsédé explore de manière originale les rapports conflictuels entre un kidnappeur et sa victime. Magnifiquement incarnés par Terence Stamp et Samantha Eggar — tous deux salués à Cannes pour leur présence saisissante de vérité — le film repose entièrement sur leurs épaules. Pendant près de deux heures, nous partageons leur intimité dans un huis clos aussi anxiogène que cruel. Après avoir enlevé Miranda, une jeune artiste dont il est follement épris, Freddie Clegg l’enferme dans sa cave pour la convaincre qu’une idylle est possible. D’abord effrayée, pleine de craintes pour sa survie, Miranda apprend peu à peu à connaître son ravisseur — solitaire introverti, totalement voué à la protéger, malgré ses consignes drastiques. Dans une mise en scène studieuse à l’esthétisme gothique, sublimée par une photo sépia, drame et suspense s’entrechoquent dans une intensité psychologique poignante, au cœur d’une bâtisse bucolique confinée autour d’une cave peu éclairée, mais aménagée pour l’accueillir.


Par la puissance humaine des deux protagonistes, L’Obsédé devient un superbe affrontement psychologique, où un collectionneur et sa proie doivent coexister, dans l’espoir que cette dernière succombe au pouvoir de l’amour. Au-delà de la quête désespérée de liberté pour Miranda, et celle d’amour pour Freddie, le film explore un jeu cruel de domination et de soumission, de différences sociales et culturelles, et d’opposition des caractères. Tandis que Freddie s’est réfugié depuis toujours dans la solitude de sa maison, absorbé par sa collection de papillons, Miranda goûtait la vie avec la fougue d’une artiste passionnée. Par des stratagèmes mêlant séduction et amitié, elle tente d’amadouer son ravisseur pour s’en sortir avant que son simulacre ne se brise. Cette liaison impossible, précaire et cruelle, s’impose avec une empathie qui nous entraîne dans le désarroi de leur déroute. Poignant, bouleversant, tragique et sans illusions, L’Obsédé finit par nous tirer les larmes, dans ce lien troublant tissé de possessivité, de désillusion, de désir de manipulation, et d’une sincérité fragile.


Grâce à l’alchimie incroyable entre Terence Stamp et Samantha Eggar, L’Obsédé nous plonge dans la tension oppressante du huis clos, où les rapports intimes se consument au nom d’un amour impossible. Par cette étude minutieuse des caractères, William Wyler nous convie à un grand moment de cinéma, où l’intensité psychologique rivalise avec le pouvoir fascinant qui s’en dégage.

*Bruno 
24.07.24. 4èx. Vostfr