jeudi 21 août 2014

Dreamscape. Corbeau d'Or au Festival de Bruxelles, 1985

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Joseph Ruben. 1984. U.S.A. 1h39. Avec Dennis Quaid, Max Von Sydow, Christopher Plummer, Eddie Albert, Kate Capshaw, David Patrick Kelly, George Wendt.

Sortie salles France: 14 Juin 1985. U.S: 15 Août 1984

FILMOGRAPHIE: Joseph Ruben est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né en 1951 à Briarcliff, Manor, New-York. 1974: The Sister-in-Law. 1976: Lâche-moi les baskets. 1977: Joyride. 1978: Our Winning Season. 1980: Gorp. 1984: Dreamscape. 1987: Le Beau-Père. 1989: Coupable Ressemblance. 1991: Les Nuits avec mon Ennemi. 1993: Le Bon Fils. 1995: Money Train. 1998: Loin du Paradis. 2004: Mémoire Effacée. 2013: Penthouse North.


Sortie en salles à quelques mois d'intervalle des Griffes de la Nuit, Dreamscape empreinte la même thématique du rêve par le biais d'un télékinésiste prêtant main forte aux personnes souffrants de cauchemars pathologiques. Si bien qu'à l'aide d'un procédé scientifique révolutionnaire, Alex Gardner réussit à s'infiltrer dans le cerveau du patient pour le guérir de sa terreur nocturne. Recruté par le docteur Paul Novotny, il doit également se confronter à la rivalité d'un autre expert apte à pénétrer dans les rêves, Tommy Ray. Ce dernier étant complice d'une conspiration afin de nuire au président des Etats-Unis. Avec modestie, Joseph Ruben réalise ici une série B réjouissante de par son concept original d'interférence humaine au coeur du songe. Si la première demi-heure s'avère un peu trop sage en terme d'expérimentation (épauler un patient à retrouver sa libido sexuelle par ex !), la suite s'avère toujours plus stimulante lorsque Alex doit par exemple essayer de faire disparaître les cauchemars horrifiants d'un garçon perturbé. Ou pire encore, lorsqu'il doit tenter de protéger le président des Etats-Unis d'un assassinat prémédité quand bien même des tueurs sont lancés à ses trousses.


Déployant non sans ironie nombres d'idées fantasques, comme celle de l'intrusion frauduleuse d'Alex au sein du sommeil de sa collègue pour exaucer un fantasme sexuel, Dreamscape profite également de son imagerie horrifico-fantastique par le biais de l'activité psychique. A l'instar d'une aventure trépidante, notre héros se retrouve donc plongé dans l'imaginaire du patient où n'importe quelle phobie surnaturelle puisse se matérialiser par auto-suggestion ! Si certains FX cheaps peuvent aujourd'hui prêter à sourire (les apparitions en stop motion du serpent géant !), le soin imparti aux décors de désolation permettent de nous immerger dans un univers post-apo plutôt photogénique. Alors qu'à d'autres moments, on se croirait plongé dans l'abysse d'une quatrième dimension (l'escalade d'un immense escalier dégingandé qu'Alex et l'enfant arpentent autour d'un néant opaque sans repère spatial !). Et pour corser l'intrigue et intensifier les situations de mise en péril, un antagoniste sans vergogne s'avère redoutablement insidieux pour parfaire ses ambitions meurtrières et provoquer son ennemi juré, Alex ! Qui plus est, l'idée géniale de pouvoir s'introduire dans le rêve d'un autre et assassiner le sujet durant son sommeil reste l'argument le plus jouissif, quand bien même un complot politique décuple l'enjeu d'une course contre la montre pour la sauvegarde du président.


Entouré des solides prestances du sympathique Dennis Quaid et du génial gouailleur Janes DeVries que l'on adore détester, mais aussi d'éminents seconds-rôles au charisme burriné (Christopher Plummer, Max Von Sydow), sans compter la voluptueuse Kate Capshaw, Dreamscape est une sympathique série B à travers son alliage de fantastique, d'humour, de romance, d'action et d'espionnage politique. Il y émane un spectacle davantage captivant auprès de ces enjeux stratégiques, d'autant plus sobre et jamais ostentatoire qu'il exploite intelligemment un scénario retors ! 

Récompense: Corbeau d'Or au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles, 1985

*Bruno
26.01.23. 4èx

mardi 19 août 2014

Birdy. Grand Prix du Jury, Cannes 85.

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

d'Alan Parker. 1984. U.S.A. 2h00. Avec Nicolas Cage, Matthew Modine, John Harkins, Sandy Baron, Karen Young, Bruno Kirby.

Sortie salles France: 22 Mai 1985. U.S: 21 Décembre 1984

FILMOGRAPHIE: Alan Parker, né Alan William Parker le 14 Février 1944 à Islington, Londres, est un réalisateur, compositeur, scénariste et producteur anglais. 1975: The Evacuees (télé-film). 1976: Bugsy Malone. 1978: Midnight Express. 1980: Fame. 1982: l'Usure du Temps. 1982: Pink Floyd the Wall. 1984: Birdy. 1987: Angel Heart. 1988: Mississippi Burning. 1990: Bienvenue au Paradis. 1991: The Commitments. 1994: Aux bons soins du Dr Kellogg. 1996: Evita. 1999: Les Cendres d'Angela. 2003: La Vie de David Gale.


Tiré du roman de William Wharton, ancien vétéran américain de la Seconde Guerre mondiale, Birdy déplace son contexte historique vers les années 60, décennie lourdement entachée par le conflit vietnamien. 
 
Synopsis : après avoir été gravement blessé au visage par un bombardement, Al Columbato revient au pays et rejoint son ami d’enfance, Birdy. Interné dans un hôpital militaire, ce dernier, profondément marqué par la guerre, s’est enfermé dans un mutisme absolu, comme une fuite hors de la réalité. Avant qu’il ne soit transféré dans un institut psychiatrique, Al tente une dernière fois de le ramener à lui.  
 
Si Alan Parker nous avait déjà bouleversés avec le drame carcéral Midnight Express et le trip sensoriel Pink Floyd: The Wall, Birdy marque à nouveau les esprits, happés par la force brute de son intensité émotionnelle.

Hymne à la liberté, réquisitoire contre les ravages de la guerre, plaidoyer vibrant pour le droit à la différence, Birdy est un poème universel sur la quête éperdue d’un monde idéalisé. À travers la passion obsessionnelle d’un adolescent fasciné par les oiseaux — lui-même destiné à voler de ses propres ailes —, le film révèle combien le monde peut se montrer lâche et cruel envers les âmes les plus pures. Alan Parker illustre, avec une humanité désarmante, le lien indéfectible entre deux amis, bientôt désunis par l’appel du front et la perte de leur innocence. Alternant flash-backs de leurs 400 coups et présent dévasté par le traumatisme post-Vietnam (tandis qu’Al tente désespérément d’arracher Birdy à la démence), le film bouscule nos émotions par la peinture sensible d’une passion dévorante — celle des oiseaux, jusqu’à la confusion de soi, jusqu’au vertige du vol véritable.

À travers la séparation de Birdy et Al, enrôlés de force, le Vietnam devient le miroir d’une génération sacrifiée, privée de ses rêves et de sa liberté. Mais Birdy, au-delà de sa réflexion sur les dérives identitaires que peut engendrer une passion extrême, transcende surtout une sublime histoire d’amitié enracinée dans la fidélité. Leur lien, bâti sur la confiance, la tolérance et le respect, devient le dernier espoir pour ramener Birdy à la surface, hors des abysses de sa propre psychose.


Porté par la partition sensitive de Peter Gabriel — qui exalte une charge émotionnelle presque insoutenable —, et incarné par deux comédiens d’une vérité bouleversante, Birdy est un grand moment de cinéma lyrique. Un chef-d’œuvre de fragilité, touché par la grâce d’un onirisme pudique, celui qui rêve d’une liberté affranchie de toute souffrance, en harmonie avec la nature et le règne animal. Inoubliable est un mot trop faible : Birdy est un crève-cœur, une rédemption amicale déchirante, même si l’ironie finale du saut de l’ange nous ramène, brutalement, à notre réalité terrestre.

A mon ami de coeur Pascal Clabaut.

Dédicace à Daniel Aprin

Bruno 
3èx
 
Récompenses: Grand Prix du Jury, Cannes 1985
Prix du Public au Festival International du film de Varsovie, 1987
Top Ten Films: National Board of Review Awards, 1984

lundi 18 août 2014

Course contre l'Enfer (Race with the Devil)

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviecovers.com

de Jack Starrett. 1975. U.S.A. 1h29. Avec Peter Fonda, Warren Oates, Loretta Swit, Lara Parker, R.G. Armstrong.

Sortie salles France: 5 Mai 1976. U.S: Juin 1975

FILMOGRAPHIE: Jack Starrett est un acteur et réalisateur américain, né le 2 Novembre 1936 à Refugio (Texas), décédé le 27 Mars 1989 à Sherman Oaks (Californie). 1969: La Cavale Infernale. 1969: House of Zodiac. 1970: Les Machines du Diable. 1970: Fuite dans la nuit (télé-film). 1970: Le Dernier des Apaches. 1972: The Strange Vegeance of Rosalie. 1972: Slaughter. 1973: Dynamite Jones. 1974: The Gravy Train. 1975: Course contre l'Enfer. 1976: La Vengeance aux Tripes. 1976: Hollywood Man. 1977: Haute Sécurité (télé-film). 1977: Final Chapter: walking Tall. 1978: Thaddeus Rose and Eddie (télé-film). 1978: Big Bob Johnson and his fantastic speed circus (télé-film). 1979: Mister Horn (télé-film). 1979: Survival of Dana (télé-film). 1981: Treachery and greed on the Planet of the Apes (télé-film). 1982: Kiss my Grits.


"Sabbat sur l’asphalte : la route est un piège"
Film d'exploitation sans prétention réunissant en têtes d’affiche les vétérans Peter Fonda et Warren Oates, Course contre l’Enfer est un road movie horrifique qui tire son efficacité d’un concept de départ plutôt original : deux couples de vacanciers, témoins malgré eux d’un rituel meurtrier perpétré par une secte, en pleine cambrousse. Réalisé deux ans avant La Colline a des yeux, on pourrait croire que Wes Craven s’en est inspiré pour camper une famille solidaire, exilée à bord d’un camping-car, bientôt piégée dans un désert hostile. Livrés à eux-mêmes, ils devaient riposter avec force, rivaliser d’ingéniosité, et survivre face à des agresseurs cannibales réduits à l’état primitif.

Dans Course contre l’Enfer, nos jeunes touristes, eux aussi embarqués en caravane, sont sévèrement malmenés par une confrérie satanique dans le désert du Colorado. Inlassablement pourchassés et persécutés, ils font preuve de bravoure et de persévérance pour déjouer les nombreux pièges jalonnant leur itinéraire.

Ce pitch inquiétant, mêlant les genres du road movie et de l’horreur, constitue une combinaison judicieuse entre suspense latent et poursuites endiablées. En toute simplicité, Jack Starrett façonne un pur divertissement, construit sur la fragilité attachante de personnages emportés dans une descente aux enfers — leur cohésion, d’abord amicale puis combative, éveillant notre considération, notre empathie, face à leur peur de trépasser — et sur l’action effrénée d’une cavale désespérée. Toujours plus acculés par des menaces pernicieuses, ils brandissent les armes, seuls contre tous, leur témoignage ayant été balayé d’un revers par la police locale.

Avant une incroyable poursuite sur bitume déployant moult cascades, le réalisateur distille une atmosphère d’insécurité grandissante, notamment lorsque l’une des héroïnes, gagnée par la paranoïa, commence à suspecter les regards patibulaires des habitants de la région. Dès lors, la menace devient d’autant plus sournoise que les satanistes, tapis dans l’ombre, redoublent d’audace morbide.


"Bitume noir, croix inversée"
Rondement mené, Course contre l’Enfer n’a pour seul objectif que de divertir avec l’efficacité d’un pitch démonial, multipliant les péripéties haletantes autour de la survie et de la riposte de couples molestés. Sous la houlette de Peter Fonda et Warren Oates, on embarque d’autant mieux dans cette virée meurtrière, guidés par leur virilité rugueuse et leur pugnacité commune. Du cinéma bis redoutablement excitant et audacieux — dont l’épilogue nihiliste en déconcertera plus d’un — et qui frôle, par moments, le modèle d’efficacité.

Bruno 
3èx


vendredi 15 août 2014

Montclare: Rendez-vous de l'horreur / Next of Kin. Licorne d'Or, Rex de Paris.

                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Facebook via Le Chat qui fume

de Tony Williams. 1982. Australie/Nouvelle-Zélande. 1h29. Avec Jackie Kerin, John Jarrat, Alex Scott, Gerda Nicolson, Charles McCallum, Bernadette Gibson.

Sortie salles France: 30 Avril 1986

FILMOGRAPHIE: Tony Williams est un réalisateur, scénariste et producteur né en 1942 en Nouvelle-Zélande. 1978: Solo. 1982: Montclare: Rendez-vous de l'horreur. 2013: A Place Called Robertson.

Next of Kin — Une hantise trouble, un mirage mental

En plein âge d’or du fantastique australien, qui vit déferler des premières œuvres aussi originales et poétiques qu’audacieuses (Harlequin, Les Voitures qui ont mangé Paris, Long Week-end, Picnic at Hanging Rock, La Dernière Vague), voire carrément révolutionnaires (Mad Max 1 et 2), Next of Kin s’impose discrètement, mais sûrement, dans le palmarès.
Tony Williams s’y révèle véritable auteur, renouvelant le mythe de la demeure hantée par une mise en scène quasi expérimentale.
Et pour ses adeptes fidèles, les multiples visionnages n’atténuent en rien son pouvoir d’envoûtement — au contraire. Chaque retour dans ses mailles sournoises donne l’impression étrange de le découvrir à nouveau, ou sous une lumière inédite, comme un rêve qui change de visage.

Le pitch : après la lecture du testament de sa mère, Linda hérite de la maison de retraite Montclare afin d’en assurer la relève. Mais dès la nuit tombée, d’étranges bruits et incidents domestiques surgissent. Puis un pensionnaire est retrouvé noyé dans sa baignoire. En lisant le journal intime de sa mère, elle découvre que ce qu’elle endure semble avoir déjà eu lieu — les pages du passé se superposent à son présent.

Dédié à l’atmosphère gothique d’une maison de retraite imprégnée de silence diffus, théâtre de visions macabres, Next of Kin érige un cinéma fantasmagorique et baroque.
À l’image des cauchemars nocturnes qui hantent Linda, surgissent des souvenirs d’enfance — la fillette au ballon rouge, figure spectrale — ou des visions morbides de vieillards décharnés, sublimés par des ralentis qui transforment l’eau en poème funèbre.
Les nuances de rouge et de sépia sculptent une stylisation baroque, magnifiée par une caméra incroyablement fluide, virtuose — ces travellings aériens vertigineux donnent le vertige de la dérive mentale.

Sous couvert d’un récit de hantise, Tony Williams construit un malaise insidieux, habilement nourri par la simple présence de ces pensionnaires au regard morne, presque menaçant.
Si l’intrigue, fondée sur une rancune meurtrière, semble somme toute classique, la manière dont le cinéaste en tisse les fils, dans une mise en scène minutieuse et sensorielle, produit un envoûtement réel.
Le suspense, admirablement maintenu, repose sur un art du non-dit, de la suggestion, jusqu’à cette bascule brutale dans une explosion de violence.

Mais là encore, Tony Williams ne cède pas à la facilité du gore outrancier — ou alors si peu — préférant poursuivre sa fulgurance visuelle, toujours en accord avec le tempo musical.
La partition métronomique et obsédante de Klaus Schulze y est pour beaucoup, mais l’interprétation de la troublante Jackie Kerin n’est pas en reste.
Avec son visage blême, son regard chargé d’angoisse contenue, elle nous entraîne dans ses doutes, sa solitude, sa douleur sourde — jusqu’à une bravoure finale d’une intensité rare.

Chef-d’œuvre discret mais incontestable du fantastique insolite, Next of Kin utilise le mythe de la maison hantée comme leurre, pour mieux nous piéger dans un récit mental, un labyrinthe sensoriel.
Angoisse éthérée, atmosphère suspendue, intensité émotionnelle rare : tout converge vers la psyché d’une héroïne perdue au cœur d’un lieu figé hors du temps.

Grâce à la maîtrise de sa réalisation léchée, à la richesse de sa photographie et aux jeux d’ombres naturelles, Next of Kin rejoint sans rougir les grandes clés de voûte de la maison oppressante :
La Maison du Diable, Les Innocents, Trauma, Ne vous retournez pas (pour sa cartographie mentale de Venise), Le Cercle infernal, L’Enfant du Diable.

*Bruno
27.06.23. 5èx

Récompenses: Licorne d'Or et Prix de la Meilleure Musique au Festival du film Fantastique du Rex à Paris, 1983.
Prix de la mise en scène, Sitges.

                                     

lundi 11 août 2014

Holocaust 2000 / Rain of Fire

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Alberto De Martino. 1977. Angleterre/Italie. 1h42. Avec Krik Douglas, Simon Ward, Agostina Belli, Anthony Quayle, Virginia McKenna, Spyros Fokas, Ivo Garrani.

Sortie salles France: 22 Mars 1978 (Int - 18 ans). Italie: 25 Novembre 1977.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Alberto De Martino est un réalisateur et scénariste italien, né le 12 Juin 1929 à Rome. 1962: Les 7 Gladiateurs. 1963: Persée l'Invincible. 1963: La Maison de la Terreur. 1964: Le Triomphe d'Hercule. 1964: Les 7 Invincibles. 1966: Django tire le premier. 1967: Opération frère Cadet. 1968: Rome contre Chicago. 1969: Perversion. 1972: Le Nouveau Bosse de la Mafia. 1974: L'Antéchrist. 1977: Holocaust 2000


Après s'être inspiré de L'exorciste pour sa copie latine de l'Antéchrist, Alberto De Martino exploite cette-fois le succès de Richard Donner, La Malédiction, pour entreprendre Holocaust 2000. A nouveau influencé par les versets apocalyptiques de la Bible, le scénario reprend à peu près le même schéma que son homologue ricain avec une efficacité presqu'aussi redoutable. C'est à dire l'auto-suggestion d'un magnat industriel davantage convaincu qu'une prophétie est sur le point de converger au moment même où une succession d'accidents meurtriers intentent à son entourage. Hormis cette impression de déjà vu que l'on peut avoir dès le départ, puisque singeant sans trop de complexe la ligne directrice de La Malédiction, Holocaust 2000 réussit pourtant à distiller un suspense en crescendo autour du projet d'une centrale thermo-nucléaire, métaphore du dragon à sept têtes natif de l'apocalypse. Grâce à cette idée de départ plutôt astucieuse, et sous couvert de divertissement horrifique, Alberto De Martino se porte en pourfendeur écolo afin de souligner l'état de notre planète (les problèmes de pollution et de famine) et ce avant de pointer du doigt la menace nucléaire. Comme dans la Malédiction, toute l'efficacité du récit réside dans la perplexité du héros à tenter d'admettre que son projet révolutionnaire (construire un complexe atomique afin de venir en aide aux pays du tiers-monde !) émane finalement d'une stratégie diabolique invoquée par l'un de ses proches.


C'est ce qu'un habile rebondissement nous divulguera (pour relancer ainsi le suspense !) au cours de son investigation, quand bien même il fut sur le point de sacrifier une innocente victime. Emaillé de quelques séquences-chocs réussies (le premier ministre scalpé par la pale d'un hélicoptère, les deux altercations sanglantes intentées à Robert Caine dans la chambre de l'asile, l'empoisonnement des bébés au sein de l'hôpital), Holocaust 2000 réussit d'autant mieux à convaincre parmi la complicité bougrement attachante des comédiens (si on épargne quelques ellipses narratives, quelques incohérences dans l'asile déserté de surveillants et praticiens et un montage tantôt maladroit). Outre la beauté vertueuse d'Agostina Belli et le charme sournois de l'inquiétant Simon Ward crevant l'écran comme de coutume par sa prestance féline, c'est la présence du monstre sacré Kirk Douglas qui permet d'accorder autant de crédit à ce démarquage transalpin (effusions sanglantes en sus !) extrêmement captivant sous l'impulsion d'un climat d'étrangeté amplifié du superbe score choral d'Ennio Morricone. Incarnant la démarche autoritaire d'un entrepreneur fréquemment compromis par la remise en question, le doute et la perplexité, il y déploie dans ses moments d'accalmie une rassurante carrure paternelle de par sa bonhomie spontanée à daigner préserver la vie de sa nouvelle famille que représente la jeune maman Sara sur le point d'accoucher. 


Soutenu de la partition tantôt mélancolique, tantôt religieuse (choeurs maléfiques indissociables !) d'Ennio Morricone et renforcé du jeu cordial des interprètes, Holocaust 2000 réussit constamment à inquiéter et séduire de par l'efficacité d'un scénario fustigeant le péril atomique. Hormis quelques facilités et incohérences (notamment l'altercation finale perpétrée dans l'institut psychiatrique éludé de personnel médical !), il s'avère le meilleur épigone bisseux de La Malédiction parmi La 7 Prophétie.

*Bruno
09.12.22. 4èx

7

vendredi 8 août 2014

SIXIEME SENS (The Sixth Sense)

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

de M. Night Shyamalan. 1999. U.S.A. 1h47. Avec Bruce Willis, Haley Joel Osment, Olivia Williams, Toni Collette, Donnie Wahlberg, Bruce Norris, Glenn Fitzgerald.

Sortie salles France: 5 Janvier 2000. U.S: 2 Août 1999

FILMOGRAPHIE: M. Night Shyamalan est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, d'origine indienne, né le 6 Août 1970 à Pondichéry.
1992: Praying with Angers. 1998: Eveil à la vie. 1999: Sixième Sens. 2000: Incassable. 2002: Signs. 2004: Le Village. 2006: La Jeune fille de l'eau. 2008: Phenomènes. 2010: Le Dernier maître de l'air. 2013: After Earth.


Enorme succès commercial et critique lors de sa sortie, Sixième Sens a réussi à imposer la notoriété de son jeune réalisateur (il avait 30 ans à l'époque !) alors qu'il s'agissait de son 3è long-métrage. Souvent célébré pour l'originalité de son twist final (même si avant lui d'autres réalisateurs avaient déjà emprunté la même pirouette !), Sixième Sens s'avère autrement plus captivant par l'entremise d'une psychanalyse exercée sur un garçon perturbé. Car Cole Sear possède le don d'apercevoir et de communiquer avec les morts, particulièrement ceux décédés d'une manière aussi violente qu'inopinée. Avant sa première rencontre avec le psychologue Malcolm Crowe, on nous rapporte que ce dernier eut été victime d'une grave agression à son domicile parmi la présence de sa femme. Entré par effraction en pleine nuit avec une arme à feu, l'un de ces anciens patients lui avait asséné une balle dans l'abdomen ! C'est un an plus tard que nous retrouvons Malcolm Crowe prêtant main forte au jeune enfant tout en essayant de se réconcilier avec son épouse traumatisée de l'agression.


Si à la première vision de Sixième Sens, la majorité des spectateurs avaient été surtout bluffés par sa révélation finale, un second visionnage nous permet de mieux percevoir son intensité émotionnelle et d'aborder le film sous un autre angle vis à vis des personnages tourmentés du psychologue et de son épouse. Principalement ses rapports délicats lorsqu'il tente difficilement de la réconcilier, quand bien même cette dernière se morfond dans une grave solitude avant de se réconforter dans les bras d'un autre ! Sur ce point, le film s'avère beaucoup plus poignant et remarquablement construit lorsque l'on comprend pour quelle raison (l'aider à faire le deuil de manière inconsciente !) il persiste à s'accrocher à son chevet. Entièrement dédié à la caractérisation humaine de personnages emplis de fragilité, Sixième Sens relate leur contrariété et leur fêlure morale avec une sensibilité souvent bouleversante. A l'image de l'innocence infantile de Cole, garçon de 9 ans sévèrement persécuté par des fantômes moribonds en quête d'exutoire. Outre sa réflexion sur la difficulté d'accepter le deuil de l'être aimé et sur l'attention d'être à l'écoute de l'autre (particulièrement envers les gens les plus démunis et esseulés), le film met en relief les rapports complexes de responsabilité et d'éducation parentale lorsqu'une mère divorcée tente désespérément de déceler la pathologie mentale de son fils. Enfin, à travers le cheminement tortueux de ce dernier, Sixième Sens transcende une puissante histoire d'amitié entamée avec son psychologue. Un homme rongé par le doute et le remord, d'autant plus affaibli par sa relation conjugale, mais cette fois-ci délibéré à réparer ses erreurs pour guérir les névroses de l'enfant mais aussi assumer son tragique destin.


Dominé par les sobres prestances de Bruce Willis, Haley Joel Osment et Toni Colette, communément bouleversants de fragilité humaine, Sixieme Sens rend ses lettres de noblesse au genre fantastique. Celui d'un cinéma mature où le climat éthéré est avant tout dédié à la psychologie torturée de personnages en quête de rédemption. Une oeuvre magnifique, esthétiquement avisée et remarquablement maîtrisée, nous donnant sérieusement envie de croire à la spiritualité d'un havre de paix. 

Bruno Matéï
3èx


    jeudi 7 août 2014

    Vol 93 / United 93

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotions.com

    de Paul Greengrass. 2006. France/Angleterre/U.S.A. 1h51. Avec Christian Clemenson, Trish Gates, David Alan Basche, Cheyenne Jackson, Opal Alladin, Starla Benford, J.J. Johnston.

    Sortie salles France: 12 Juillet 2006. U.S: 28 Avril 2006.

    FILMOGRAPHIE: Paul Greengrass est un journaliste, réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 13 Août 1955 à Cheam (Royaume-Uni). 1998: Envole-moi. 2002: Bloody Sunday. 2004: La Mort dans la Peau. 2006: Vol 93. 2007: La Vengeance dans la Peau. 2009: Green Zone. 2013: Capitaine Phillips.


    Relatant l'interminable calvaire puis la bravoure des passagers du Vol 93 lors des attentats du 11 septembre, Paul Greengrass n'y va pas par quatre chemin pour susciter terreur et effroi en interne d'un avion détourné par des terroristes d'Al-Qaïda. Alors que leur cible était de se crasher sur le capitole, il finiront par dévier leur trajectoire, faute du courage de certains passagers délibérés à les affronter afin d'éviter le pire accident et peut-être d'y survivre. Oppressant, éprouvant et d'une intensité dramatique exponentielle, Vol 93 emprunte le schéma du film catastrophe avec souci informatif et degré de réalisme inédit pour le genre. La mise en scène studieuse de Greengrass privilégiant l'aspect docu-vérité quand bien même les évènements décrits nous sont rapportés en temps réel. Alternant les prises de conscience alertes du personnel de la tour de contrôle, informés seconde par seconde des divers détournements aériens, et de la panique improvisée des passagers de l'United Airlines, Vol 93 est une expérience extrême avec la peur. Un moment de cinéma anti ludique conçu pour vous faire participer à une prise d'otages comme si vous y étiez ! 


    Immersif en diable donc et véritablement étouffant dans ce huis-clos instauré à haute altitude, vous vous sentez intimement impliqués dans le désarroi des voyageurs sévèrement molestés, (voir même égorgés pour certains d'entre eux !) par des fanatiques tout aussi épeurés de leur mission suicide. Le cinéaste insistant notamment sur la paranoïa de ces intégristes toujours plus anxieux à l'idée de passer à l'acte et commettre leur gageure ! Du point de vue de la conscience désabusée des victimes, nous partageons leur immense détresse, leur ultime recours d'avertir leurs proches de leur inévitable sort par le biais du téléphone portable. Même si on connait l'issue tragique, Vol 93 réussit à distiller au compte goutte un suspense interminable (notamment à travers le témoignage affolé du personnel de la station d'observation !), qui ira crescendo jusqu'au baroud d'honneur sacrificiel. Ce point d'orgue ultra spectaculaire et violemment brutal peut faire office d'anthologie de l'horreur tant les altercations décrites sont reconstitués avec un réalisme tranché. Par l'entremise d'un élan de solidarité, les passagers les plus coriaces se projetant sur les pirates de l'air avec une hargne primitive ! Dès lors, jamais une catastrophe aérienne n'eut été rendue aussi intense et émotionnellement éprouvante (jusqu'au malaise tangible !), quand bien même le cinéaste a l'intelligence d'éluder l'esbroufe de l'atterrissage forcé afin de respecter le deuil des familles !


    Hommage aux victimes du 11 Septembre 2001 et surtout à la bravoure héroïque de ces passagers anonymes, Vol 93 illustre leur épreuve de force avec une intensité et un réalisme proprement exceptionnels. Dérangeant, affolant, bouleversant et terriblement anxiogène, Paul Greengrass a également accompli avec une virtuosité vertigineuse le film catastrophe le plus effrayant jamais réalisé. A voir absolument avec le coeur bien accroché !

    A la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie ce jour maudit...

    *Bruno
    13.04.23. 3èx

    mercredi 6 août 2014

    Les Envoûtés / The Possessed

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Moviecovers.com

    de Jerry Thorpe. 1977. U.S.A. 1h15. Avec James Farentino, Joan Hackett, Claudette Nevins, Eugene Roche, Harrison Ford, Ann Dusenberry.

    Diffusion TV, U.S: 1er Mai 1977

    FILMOGRAPHIE: Jerry Thorpe est un réalisateur et producteur américain, né en 1926.
    1957: Minuit sur le grand canal. 1968: Le Jour des Apaches. 1970: Company of Killers (télé-film). 1970: Dial Hot Line (télé-film). 1971: Lock, Stock and Barrel (télé-film). 1971: Crosscurrent (télé-film). 1972: Kung-Fu (télé-film). 1974: Smile, Jenny, You're Dead (télé-film). 1975: Antonio and the Mayor (télé-film). 1976: The Dark side of Innocence (télé-film). 1976: Laissez moi mon enfant (télé-film). 1977: Yesterday's Child (télé-film). 1977: Les Envoûtés (télé-film). 1978: The Lazarus Syndrome (télé-film). 1978: Stickin'Together (télé-film). 1978: A Question of Love (télé-film). 1979: Heaven Only Knows (télé-film). 1980: Le Noir et le Blanc (télé-film). 1983: Happy Endings (télé-film). 1986: La Fleur Ensanglantée (télé-film).


    Télé-film des années 70 découvert chez nous un mardi soir dans le cadre des "Dossiers de l'Ecran", Les Envoutés traumatisa toute une génération de spectateurs impressionnés par le caractère réaliste de son thème satanique, à l'instar de son climax inoubliable faisant office de moment de trouille profondément dérangeant. Sans doute influencé par l'Exorciste et toute la vague de films démoniaques qui suivront (La Malédiction pour citer le plus illustre), Jerry Thorpe nous relate ici la descente aux enfers de lycéennes prises à parti avec des phénomènes surnaturels. Celui de la combustion spontanée s'emparant sans raison de leurs corps pour les brûler vif. D'une durée étique d'1h10 non préjudiciable, les Envoutés sous-entend une réflexion sur l'existence du Mal à travers le parcours équivoque d'un ancien prêtre délibéré à s'expier une conduite après avoir offensé Dieu. Dès lors, ressuscité d'un accident mortel, sa mission est de venir en aide aux témoins de l'emprise du diable. Ce qui l'amène à s'orienter vers un lycée exclusivement féminin à laquelle de graves incidents y sont dépêchés par la direction. 


    Hormis sa facture télévisuelle pour autant étonnamment soignée, Jerry Thorpe réussit avec efficacité à entretenir un suspense sous-jacent parmi les vicissitudes des pensionnaires qui ébranlent leur tranquillité tout en insufflant une atmosphère délicieusement diabolique par le biais de l'emprise du feu. Renforcé d'une bande-son inquiétante aggripant la pellicule, la manière insidieuse dont les flammes se propagent sur le mobilier ou sur le corps enseignant provoquent un sentiment malsain. Sachant qu'à plus d'une reprise, la victime ciblée se retrouve embrigadée dans une pièce verrouillée de l'intérieur. Epaulé de comédiennes fort convaincantes dans leur rôle d'enseignantes contrariées ou de lycéennes apeurées, Les Envoutés est également dominé du jeu énigmatique de James Farentino (remember Réincarnations !) dans celui de Kevin Leahy, le prêtre déchu revenu de l'au-delà. Dessapé de sa soutane et d'insigne religieux (il ne croit qu'à l'existence du Mal avouera t'il à l'une des enseignantes), il est pourtant résigné à combattre et se sacrifier pour sauver les proies innocentes des forces du Diable. Enfin, on reconnaîtra dans un second rôle l'apparition du débutant Harrison Ford dans celui d'un enseignant épris d'amour pour une jeune lycéenne. Si le récit génialement inquiétant n'exploite pas complètement le potentiel de son sujet car empruntant les raccourcis (faute notamment d'une durée écourtée ), il est suffisamment bien conduit pour distiller une véritable angoisse latente au fil d'une intrigue toujours plus ombrageuse que Kevin Leahy tente de démystifier. Ce qui nous conduit à son point d'orgue révélateur ayant tant traumatisé les cinéphiles de l'époque lors de cette confrontation du prêtre et de la directrice réfugiés à proximité d'une piscine. En victime ensorcelée exprimant râles inquiétants, rictus mesquin et regard pervers, l'actrice Joan Hackett réussit à provoquer l'effroi dans sa posture cynique de possédée. Aujourd'hui encore, son apparence "envoûtée" (mais dépouillée de maquillage grand-guignolesque) nous provoque une répulsion viscérale réellement dérangeante au point de renouveler nos cauchemars nocturnes impartis à notre enfance tourmentée. 


    En tant que film issu de la télévision, Les Envoutés reste l'une des rares réussites à avoir sur distiller avec sensibilité et réalisme une angoisse malsaine plutôt dérangeante, à l'instar de son épilogue fétide resté dans les mémoires des téléspectateurs. Une pépite à redécouvrir donc car tellement plus honorable et convaincante que la globalité des vulgaires ersatz ayant tenté d'émuler l'Exorciste et consorts. Si bien que les Envoûtés n'a pas pris une ride auprès de son atmosphère envoûtante hantée par la présence d'un Mal de prime abord sournoisement indicible. 

    *Bruno 
    3èx

    lundi 4 août 2014

    LOCKE

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site drafthouse.com

    de Steven Knight. 2014. U.S.A/Angleterre. 1h25. Avec Tom Hardy.

    Récompense: Meilleur Scénario au British Independent Film Awards, 2013

    Sortie salles France: 23 Juillet 2014. U.S: 25 Avril 2014. Angleterre: 18 Avril 2014

    FILMOGRAPHIE: Steven Knight est un scénariste et réalisateur anglais né en 1959 à Marlborough.
    1995-1997: The Detectives (5 épisodes). 2013: Crazy Joe. 2014: Locke.


    Incarné par un seul acteur confiné dans le décor d'une voiture, Locke nous relate l'itinéraire routier d'un chef de chantier délibéré à dénigrer sa profession pour le compte d'une collègue sur le point d'accoucher. Epoux et père de deux enfants, Ivan mène une vie familiale des plus épanouie s'il ne leur avait pas caché sa liaison d'adultère fautée avec elle. Durant son trajet vers l'hôpital, il va tenter de résolver ses problèmes professionnels pour la construction d'un building, soutenir sa compagne sur le point d'accoucher de son enfant et s'efforcer de convaincre sa femme de lui pardonner cette infidélité.


    Si Mario Bava avait déjà exploité la situation dans Chiens Enragés, Steven Knight adopte ici le concept de manière plus audacieuse, sa caméra ne quittant jamais de vue notre unique protagoniste parqué à l'intérieur d'une voiture jusqu'au point de destination. Suivant son trajet nocturne de manière inlassable sur le bitume des autoroutes, nous nous immergeons dans l'introspection tourmentée d'Ivan Locke harcelé de coups de téléphone afin de prêter main forte à quelques ouvriers et sa collègue enceinte. C'est autour de ces conflits qu'il s'efforce d'avouer à sa femme son adultère et la naissance d'un bambin tout en essayant de la convaincre que cette relation était sans fondement. A travers les caractéristiques de cet entrepreneur digne de confiance et de père aimant (suffit d'entendre la fougue de ses enfants lorsqu'ils s'empressent de lui dévoiler le résultat d'un match de foot !), le réalisateur nous brosse la responsabilité d'un homme intègre, loyal et plein de reconnaissance mais compromis à une faiblesse humaine à un moment aléatoire de sa vie. Celle d'avoir cédé à la tentation avec une collègue en détresse sans jamais avoir pu réellement comprendre les tenants et aboutissants d'un comportement aussi contradictoire. Au fil des appels téléphoniques reçus, nous allons également entendre ses monologues intimes nous dévoilant sa haine envers un père inexistant et donc comprendre à quel point sa décision de privilégier l'assistance paternelle était primordiale pour honorer l'avènement d'un enfant. Celui d'assumer la responsabilité, être inévitablement présent dès le premier jour de sa naissance et le préserver de l'amour qu'il lui portera plus tard !


    A travers le profil de cet homme rempli d'humilité mais desservi par l'erreur et hanté par le regret, Locke dévoile la fragilité de la nature humaine capable de trahison mais pourtant résigné à regagner la confiance de l'autre si le pardon était toléré. Tout en pudeur, ce road movie contemplatif nous immerge dans sa solitude et son courage (le jeu flegmatique de Tom Hardy y doit beaucoup !) avec une émotion parfois poignante, à l'instar d'un épilogue bouleversant uniquement bâti sur l'acuité de suggestion. En terme de production indépendante, un road-movie touchant, efficace et plein de sincérité malgré son concept casse-gueule de huis-clos étriqué risquant de perdre certains spectateurs en route. 

    Bruno Matéï


    samedi 2 août 2014

    LA PLANETE DES SINGES: L'AFFRONTEMENT (Dawn of the Planet of the Apes)

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site zickma.fr

    de Matt Reeves. 2014. U.S.A. 2h10. Avec Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman, Keri Russell, Kirk Acevedo, Toby Kebbell.

    Sortie salles France: 30 Juillet 2014. U.S: 11 Juillet 2014

    FILMOGRAPHIE: Matt Reeves est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 27 Avril 1966 à Rockville Centre (Etats-Unis).
    1993: Future Shock (segment "Mr. Petrified Forrest"). 1996: Le Porteur. 2008: Cloverfield. 2010: Laisse moi entrer. 2014: La Planète des Singes: l'Affrontement.


    Si Ruper Wyatt avait réussit à relancer la franchise avec un premier reboot très attachant, il cède aujourd'hui sa place à Matt Reeves, réalisateur de Cloverfield et du remake Laisse moi entrer. Après que la grippe simienne eut décimé 95% de la population humaine, une poignée de survivants immunisés tentent d'entrer en contact avec les primates réfugiés dans la forêt. Incapable de trouver une solution à leur conflit, une guerre semble la seule solution pour obtenir le pouvoir. Plus épique et violent, La Planète des Singes: l'affrontement illustre donc la déclaration de guerre établie entre humains et primates. Le premier point qualitatif que l'on peut célébrer dès son introduction concerne la perfection des FX numériques en motion capture insufflant aux simiens une expression humaine bouleversante.


    La grande réussite de cet opus émane donc une fois encore de l'intensité émotionnelle, l'empathie que l'on éprouve facilement pour les singes factices, Matt Reeves décrivant avec attention et sensibilité leur manière de s'exprimer oralement ou par le langage des signes, leur éthique du respect d'autrui (un singe ne tue pas un singe !) et leur condition de vie sereine dans leur environnement naturel. Mais cette harmonie sera de courte durée puisqu'un étranger osera y piétiner les lieux. Car depuis l'intrusion d'une équipe de patrouilleurs, un enjeu de survie est à négocier. Afin d'apaiser les tensions, leur leader César doit se laisser convaincre d'un marché proposé par Malcolm, un humain pacifiste. C'est à dire pouvoir accéder au barrage hydroélectrique confiné à leur frontière afin de le réparer et régénérer l'électricité. Une aubaine qui leur permettrait d'établir un contact avec le monde extérieur s'il y avait d'autres potentiels survivants La force de caractère de César, leader intègre mais circonspect, renforce l'intensité des négociations qu'une poignée d'humains tentent de collaborer en dernier ressort. Pour compliquer la donne, un chimpanzé perfide du nom de Koba tente de contredire les dires des humains et d'influencer sa tribu pour leur menace belliqueuse. L'intérêt de leurs conflits découle donc de savoir qui va bien pouvoir causer la première bourde à déclencher l'inévitable guerre et quel clan en sortira vainqueur ! A travers les thèmes de la peur, de la rancoeur, de la jalousie et de la haine, le film explore les failles du sentiment humain ainsi que notre instinct d'orgueil et de revanche. Notamment la peur de l'étranger contraire à nos cultures et notre incapacité à gérer notre confiance lorsque deux clans tentent de s'accaparer d'un territoire pour la survie. Métaphore sur le racisme, réflexion sur l'incommunicabilité, l'engrenage de la trahison et l'endoctrinement de la guerre, La Planète des Singes: l'Affrontement fait donc écho aux actualités sanglantes qu'on nous ressasse chaque jour, c'est à dire les sempiternels conflits de discorde que se disputent les peuples à travers le monde.


    Blockbuster intelligent conçu sur l'expectative d'affrontements homériques, La Planète des Singes: l'Affrontement déploie surtout un humanisme poignant et désespéré, notamment à travers les rapports d'amitié entamés entre Malcolm et César car compromis par l'enjeu de survie où l'hégémonie de l'un finira par l'emporter. Un grand spectacle formel où le lyrisme poétique se dispute au pessimisme le plus austère. 

    Bruno Matéï
    P.S: A déplorer la 3D proprement aseptique et inutile.

    Planète des singes (la): http://brunomatei.blogspot.fr/2013/12/la-planete-des-singes-planet-of-apes.html

    vendredi 1 août 2014

    JUILLET DE SANG (Cold in July)

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site abucketofcorn.com

    de Jim Mickle. 2014. U.S.A/France. 1h49. Avec Michael C. Hall, Don Johnson, Nick Damici, Sam Shepard, Vinessa Shaw, Wyatt Russel.

    Sortie salles U.S: 23 Mai 2014. Inédit en France.

    FILMOGRAPHIE: Jim Mickle est un réalisateur et scénariste américain.
    2006: Mulberry Street. 2010: Stake Land. 2013: We are what we are. 2014: Juillet de sang.


    Réalisateur doué ayant déjà fait ses preuves à trois reprises dans le genre horrifique et fantastique, Jim Mickle s'essaie aujourd'hui au registre du polar avec Juillet de sang. Tiré d'un roman de Joe R. Lansdale, le récit s'articule dans un premier temps autour de la confrontation de deux pères de famille. Une nuit, Richard Dane surprend un cambrioleur dans sa demeure. Pris de panique, il tire sans sommation et l'abat froidement. Considéré par la police comme un cas de légitime défense, il s'en sort sans poursuite parmi le soutien de la population. Quelques jours après l'enterrement, le père de la victime, un ex taulard connu de la police, semble vouloir se venger auprès de la famille Dane, puisque épiant leurs faits et gestes jusqu'à s'introduire une nuit dans leur maison pour s'en prendre au petit fils


    Cette trame simpliste et efficace laisse donc présager un thriller palpitant par la rivalité des rapports de force envisagés mais desservi par un alibi conventionnel. Néanmoins, Jim Mickle peaufine déjà l'aspect psychologique de ce cas de légitime défense auquel le criminel est épris de remord d'avoir osé sacrifié une vie mais aussi angoissé à l'idée de redouter la révolte du père de la victime. Seulement, passé les 45 minutes de métrage, le réalisateur opte un virage à 180° pour inverser les rôles et mettre en exergue leurs rapports solidaires puisque impliqués dans une fortuite affaire de corruption et de machination. La densité du récit émane de leur investigation consciencieuse et leur quête de vérité pour retrouver le témoin clef d'une affaire crapuleuse. Epaulés d'un détective privé, les voici entraînés dans une dérive justicière afin d'éradiquer un groupuscule mafieux. Impeccablement structuré, Jim Mickle élabore un polar âpre et tendu transcendé par la densité humaine d'adultes burinés car rendus marginaux de leur concours de circonstances. Particulièrement, ces pères de famille partagés entre hésitation et détermination de persévérer dans leur cheminement punitif, quand bien même un rebondissement aléatoire va totalement bouleverser la donne pour l'un d'eux. Car une révélation sordide rapportée par le témoignage d'une cassette video va les mener droit en enfer lors d'un règlement de compte sanglant saturé d'éclairages stylisés. A travers leur cohésion, le réalisateur brosse également le portrait d'hommes fragilisés par leur responsabilité paternelle alors que l'un d'eux aura la difficile épreuve de rompre avec les liens du sang. Il en émane dès lors une odeur de souffre tangible qui incommodera le spectateur jusqu'au générique de fin ! 


    Etablissant le rapport primitif entre l'homme et la violence, Juillet de sang est un drame fiévreux et poignant, une odyssée sanglante improvisée par un trio de cowboys contraints d'employer les armes pour résoudre une affaire crapuleuse niée des pouvoirs publics. Tendu et poisseux, Juillet de sang est notamment privilégié par la présence virile de comédiens burinés, par un score synthétique faisant écho au cinéma de Carpenter et par une mise en image quasi surréaliste lors du climax vertigineux. 

    Bruno Matéï