"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
mardi 2 octobre 2018
2 GARCONS, 1 FILLE, 3 POSSIBILITES
"Threesome" de Andrew Fleming. 1994. U.S.A. 1h32. Avec Lara Flynn Boyle, Stephen Baldwin, Josh Charles, Alexis Arquette, Martha Gehman.
Sortie salles France: 10 Août 1994 (Int - 16 ans). U.S: 8 Avril 1994
FILMOGRAPHIE: Andrew Fleming est un réalisateur et scénariste américain, né le 14 mars 1963 (ou le 30 décembre 1965). 1988 : Bad Dreams. 1994 : Deux garçons, une fille, trois possibilités. 1996 : Dangereuse Alliance. 1999 : Dick : Les Coulisses de la présidence. 2000 : Grosse Pointe (série TV). 2002 : Paranormal Girl (TV). 2003 : Espion mais pas trop ! 2005 : Head Cases (série TV). 2007 : Nancy Drew. 2008 : Hamlet 2.
"Le mot déviant vient du latin "de", en-dehors, et "via", la voix, le chemin. Il désigne donc quelqu'un qui sort du droit chemin. Celui qui fait bande à part. De nos jours, ça désigne quelqu'un dont la sexualité sort de la norme. Voici l'histoire de Stuart, Alex et moi. Voici comment pendant un temps nous sommes devenus des "déviants" dans tous les sens du terme."
Réalisateur touche à tout assez discret à qui l'on doit les séries B bonnards Panics (faux remake de Freddy 3 si j'ose dire !) et Dangereuse Alliance, Andrew Fleming s'essaie en 1994 au Teen movie avec Deux garçons, une fille, trois possibilités. En dépit d'un titre racoleur présageant un vulgaire produit lambda, cette comédie romantique parvient louablement à extérioriser une certaine fragilité humaine à travers le portrait d'un trio de lycéens curieux d'expériences nouvelles. Tant et si bien que Stuart et Eddy décident de partager leur chambre d'étudiants avec la jeune et dévergondée Alex en proie à un furieux désir concupiscent. A eux trois, et lors d'une quête identitaire pour leur orientation sexuelle, ils vont multiplier les expériences lubriques au point de converger vers le triolisme.
Sans pour autant laisser un souvenir impérissable dans nos mémoires, notamment faute du classicisme de sa réalisation et d'une intensité émotionnelle perfectible, Deux garçons, une fille, trois possibilités demeure un charmant Teen movie largement rehaussé du jeu spontané des trois comédiens en osmose libertaire. Le réalisateur osant illustrer à travers leur fidèle amitié un érotisme tantôt audacieux, tantôt provocant sans toutefois verser dans la gratuité putassière. Le message du film annonçant au terme qu'il faut oser braver le politiquement correct lors d'une complicité amicale flirtant avec les vrais sentiments le temps d'une endurance initiatique. Ainsi, à travers leurs batifolages badins et relations charnelles émaneront un apprentissage à la sagesse et la maturité après avoir côtoyé (sans nul regret) une émancipation sexuelle aussi subversive qu'assouvie. Marqués à jamais par leurs expériences égrillardes décalées, ils préserveront au sein de leur mémoire un souvenir saillant, de par leur audace de s'être échangés à une sexualité romantique résolument louable. En somme, vivez à fond vos expériences sexuelles dans une éthique de responsabilité, de respect et d'amitié fructueuse (notamment grâce aux échanges de confidences et remises en question identitaires).
* Bruno
lundi 1 octobre 2018
MANDY
de Panos Cosmatos. 2018. U.S.A. 2h01. Avec Nicolas Cage, Andrea Riseborough, Linus Roache, Bill Duke, Richard Brake, Ned Dennehy.
Sortie salles France: 12 Mai 2018 (Festival Cannes). U.S: 14 Septembre 2018
FILMOGRAPHIE: Panos Cosmatos est un réalisateur, scénariste et producteur canadien, né en 1974 à Rome (Italie). 2010 : Beyond the Black Rainbow. 2018 : Mandy.
"Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit."
Trip mystique d'une fulgurance rubiconde à damner un saint, Mandy est une expérience de cinéma atypique comme on en voit peu dans le paysage conventionnel. Car à partir d'une intrigue aussi ultra simpliste que sans surprise (la vengeance d'un homme nommé Red Miller après le sacrifice de sa compagne par une bande de hippies fanatisés !), Panos Cosmatos (il s'agit de sa seconde réalisation) compte sur la forme pour renouveler un furieux spectacle de samedi soir assez vertigineux, et ce sur fond de fanatisme religieux. Dans la mesure ou Mandy demeure autant un vibrant hommage au cinéma Grindhouse des Seventies et Eighties (notamment à travers ses bribes de séries Z que l'on entrevoit à travers une lucarne 4/3 ou encore à travers le tee-shirt de Red Miller) qu'une expérience visuelle et auditive afin de nous confiner dans un dédale cauchemardesque peuplé de personnages dérangés. A la fois sarcastique, horrifique, gore, grotesque et décalé (à situer à mi-chemin entre The Crow et Mad-Max), mais aussi onirique, stylisé et envoûtant (notamment durant sa première demi-heure assez cosmique dans les étreintes romanesques), Mandy explore l'ultra violence des exactions vindicatives de Red à travers une scénographie rutilante où les couleurs ne cessent de tapisser le paysage bucolique à l'instar d'une fresque psychédélique.
De par la rage qu'extériorise Nicolas Cage en exterminateur transi de haine et par son humanisme dépressif faute de l'injustice du châtiment crapuleux, l'acteur insuffle une fois encore un jeu viscéral rugissant (comparable à son tee-shirt animalier !). Le film métaphorique (et prémonitoire) n'étant après tout que la descente dans la folie d'un justicier éploré incapable de canaliser sa souffrance morale pour accepter le deuil. Un état d'esprit rageur que le spectateur accepte facilement eu égard de son témoignage impuissant d'assister en direct à l'immolation de sa compagne par de lâches fidèles dévots. Une séquence d'une belle intensité dramatique que Panos Cosmatos exacerbera ensuite lorsque Red Miller parviendra à se libérer de ses chaines pour laisser exploser une immense tristesse en état d'ébriété. Ainsi, si Mandy parvient constamment à nous hypnotiser et manipuler nos émotions sans toutefois révolutionner quoique ce soit, il le doit autant à l'extravagance de ses antagonistes lunaires extraits d'une nouvelle dimension (pour ne pas dire d'une oeuvre ramifiée de Lynch). Les hippies (lobotomisés par leur gourou) et les bikers (que l'on croirait sortis de Hellraiser ou d'un film de monstres de série Z !) s'exprimant dans des compositions emphatiques à l'aide de répliques débridées et d'une bande-son dissonante (notamment auprès de leurs voix éraillées par la prise de LSD).
L'Enfer de la vengeance
Furieusement barge, décoiffant et excitant dans son action aussi bien belliciste qu'ultra sanglante, beau, envoûtant et romanesque à travers ses plages ésotériques, Mandy explore la série B indépendante avec la volonté de dépasser le genre en expérience sensorielle résolument désincarnée. Dépaysement assuré donc (notamment auprès de ses superbes séquences d'animation alertant l'état moral de l'anti-héros en proie à la folie meurtrière !) avec une charge d'émotion dramatique que sa conclusion confirme dans la tendresse mélancolique.
* Bruno
La p'tite chronique de Jean-Marc Micciche:
Séance découverte avec Mandy. Comme vous le savez certainement, Mandy traine depuis quelques semaines une réputation d'eouvre de bargeot, à la fois fou et inclassable. Et vous savez quoi ? C'est vrai ! à l'heure, où le cinéma de genre et en particulier le fantastique et d'horreur a un mal fou pour sortir des sentiers battus (mais il y a fort heureusement des execption, Lords of salem, The witch etc), Mandy fait un bien immense. Non pas que l'essai de divisera pas ou qu'il ne sera pas clivant, mais au moins quelqu'un a essayait un truc de dingue, un truc que les cinéphiles pourront se refiler au bon souvenir des seventies et eighties. Et il est évident que Mandy trouve sa moelle artistique à cette période. Car si sur le papier, Mandy a tout du revenge movie basique, son traitement narratif et visuelle est clairement à la croisée de diverses influences directes ou indirectes, comme si Lynch avaient tenté un croisement entre Hellraiser et The crow à la sauce Death Warmed up. C'est d'ailleurs à ce film oublié que Mandy fait le plus pensé tant le film diffuse une pate irrésistiblement punk et black métal. Alors oui on pourra arguer que le seconde partie est narrativement plus faible et plus mécanique dans sa démarche, mais le parvient malgré tout à rester fidéle à son esthétisme et une nouvelle fois on peut se réjouir qu'un fou comme Nicolas Cage soit encore capable à sortir un film de cet acabit dans sa filmographie. D'autres spectres cinématographiques nourries le film : La dernière maison sur la gauche, le look gourou de Richard Lynch de Meurtres sous controles, un combat très massacre à la trançonneuse 2.....
vendredi 28 septembre 2018
AUCUN HOMME NI DIEU
"Hold the Dark" de Jeremy Saulnier. 2018. U.S.A. 2h06. Avec Jeffrey Wright, Alexander Skarsgård, James Badge Dale, Riley Keough, Julian Black Antelope, Macon Blair.
Diffusé sur Netflix le 28 Septembre 2018
FILMOGRAPHIE: Jeremy Saulnier est un réalisateur, scénariste et directeur de photographie américain. 2007: Murder Party. 2013: Blue Ruin. 2015 : Green Room. 2018 : Aucun homme ni Dieu.
Excellent thriller à la lisière de l'horreur et d'un fantastique mystique, Aucun homme ni dieu est une descente aux enfers aux tréfonds de l'âme humaine que Jeremy Saulnier maîtrise avec un brio indiscutable. Un retour à la sauvagerie primitive de par le passé traumatique d'hommes profondément offensés par la barbarie (celle de la guerre), la désillusion et l'injustice, faute de disparitions infantiles irrésolues. Ne comptant que sur leur indépendance, ils se résignent à perpétrer l'auto-justice au sein d'une contrée indienne livrée à la ségrégation et au laxisme d'une police infructueuse ! En Alaska, une mère de famille implore à un spécialiste de retrouver le loup criminel de son jeune fils mystérieusement disparu. Russel Core accepte en toute loyauté, et ce sans y être rémunéré. Dès lors, il part à la traque aux loups avant de se raviser le soir même et de retourner chez l'étrange inconnue à son tour disparue. Mais la subite présence macabre de son défunt fils va amener Russel à reconsidérer l'improbable situation parmi l'ingérence de la police. D'une extrême violence au sein d'un panorama naturel aussi vaste qu'envoûtant et impénétrable, Aucun homme ni dieu dilue une vénéneuse atmosphère hostile. De par son silence ouaté aux relents de magie noire et des agissements putassiers de criminels interlopes dont il est difficile d'y cerner les véritables enjeux dans leur détermination à ne laisser aucune clémence à leurs prochains.
Un homme parmi les loups
Bougrement dommage donc que ce final mystique à multiples niveaux de lecture sème doute et frustration quant à l'ultime coupable de cet infanticide en étroite relation avec la cause des loups. Car Aucun homme ni Dieu était à deux doigts d'effleurer la réussite probante, notamment sous l'impulsion vigoureuse de son casting inquiétant laissant libre court à des pulsions dépressives dévastatrices. Où lorsque l'homme ne croit plus en sa nature humaine mais en l'éthique du loup !
* Bruno
jeudi 27 septembre 2018
MASK. Prix d'interprétation féminine, Cannes 85.
de Peter Bogdanovitch. 1985. U.S.A. 2h00. Avec Eric Stoltz, Cher, Sam Elliott, Estelle Getty, Richard Dysart, Laura Dern.
Sortie salles France: 29 Mai 1985. U.S: 8 Mars 1985.
FILMOGRAPHIE: Peter Bogdanovich est un critique, réalisateur et acteur de cinéma américain né le 30 juillet 1939 à Kingston, New York. 1968 : Voyage to the Planet of Prehistoric Women. 1968 : La Cible. 1971 : La Dernière Séance. 1971 : Directed by John Ford (documentaire). 1972 : On s'fait la valise, docteur ? 1973 : La Barbe à papa. 1974 : Daisy Miller. 1975 : Enfin l'amour. 1976 : Nickelodeon. 1979 : Jack le Magnifique. 1981 : Et tout le monde riait. 1985 : Mask. 1988 : Illégalement vôtre. 1990 : Texasville. 1992 : Bruits de coulisses. 1993 : Nashville Blues. 2001 : Un parfum de meurtre. 2007 : Tom Petty and the Heartbreakers: Runnin' Down a Dream (documentaire). 2014 : Broadway Therapy. 2018 : The Great Buster.
"Ce qu'il y a de bien dans la vie, esquimaux et gâteaux, balades en moto, chimpanzés en liberté, la pluie sur ma langue et le soleil qui inonde mon visage. Ce qu'il y a de moche dans la vie, poussière dans mes cheveux, trous dans mes souliers, pas de sous dans mes poches et le soleil qui inonde mon visage."
Bouleversant mélo retraçant le destin singulier d'un adolescent atteint de dysplasie craniométaphysaire (visage allongé difforme apparenté à un masque), Mask s'inspire de l'histoire vraie de Roy L. Dennis avec une vérité humaine brute de décoffrage. Les comédiens se fondant dans leur rôle avec une spontanéité fringante si bien que l'on se familiarise à leur côté comme s'il s'agissait de notre propre famille. Cet esprit de famille gravitant autour de Rocky, cette tendresse immodérée imprimée dans la réalité de leur quotidien marginal, Peter Bogdanovich les met en exergue avec une dignité souvent intègre. Et ce en dépit d'un soupçon de pathos à certains brefs moments (particulièrement à travers les expressions de 2/3 regards constipés) et de la facilité de bons sentiments rapidement pardonnés grâce à la vigueur des comédiens pleinement impliqués à travers leur idéologie libertaire. Mask nous relatant avec autant de pudeur que de candeur le parcours initiatique, la remise en question identitaire de Rocky en proie à une soif de vivre ainsi qu'une quête désespérée d'y apprivoiser l'amour. Ainsi, ce sentiment insupportable d'abstinence, cette appréhension de ne jamais connaître la chaleur d'un baiser charnel, Eric Stoltz nous les retransmet avec une sensibilité écorchée vive !
Plaidoyer pour le droit à la différence, à l'instar du chef-d'oeuvre Elephant Man, Mask nous laisse également en état second eu égard de son intensité dramatique convergeant vers une cruelle conclusion résolument crève-coeur. Outre le soin scrupuleux d'y dresser l'inoubliable portrait d'un ado défiguré inévitablement sujet aux brimades, à l'intolérance et à la discrimination, Peter Bogdanovich se permet notamment à travers le jeu si chétif et maternel de (l'ultra sexy !) Cher d'y esquisser un magnifique profil de mère marginale à la fois caractérielle, instable et paumée, faute de ses rencontres lubriques d'un soir et de son addiction pour la drogue auprès d'une communauté de motards pour autant humbles et solidaires. Pour se faire, la comédienne (chanteuse) n'a pas dérobé son Prix d'Interprétation Féminine à Cannes dans sa palette de sentiments contradictoires naviguant entre déchéance morale, remord et rédemption. Et ce pour la cause d'un amour immodéré pour son rejeton et celui (en ascension) de son amant (que campe sobrement le génial car si charismatique Sam Elliott). Couple mythique s'il en est, Eric Stoltz (méconnaissable en freak d'une sensibilité aiguë !) et Cher immortalisent de leur empreinte un recueil de tendresses et d'émotions à travers leur trajectoire existentielle semée de discordes, de scènes de ménages, de conflits familiaux, si bien que l'allégresse, l'espoir et l'infortune ne cessent de se chamailler la mise.
Un crève-coeur désarmant d'intensité prude.
Terrassant d'émotions (même si certains accuseront le coté futilement mielleux de certaines postures sensiblement outrées) à travers son message d'amour, de vie et de sagesse entre une mère immature et son fils difforme, Mask ébranle le coeur avec un réalisme trouble si je me réfère aux souvenirs qu'il nous imprime passé le générique de fin. Dans la mesure où le spectateur hanté de ces décharges émotionnelles semble avoir la trouble impression d'avoir perdu un propre membre de sa famille.
Amitié à Seb Lake.
* Bruno
4èx
Récompense: Prix d'interprétation féminine pour Cher, Cannes 1985.
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Roy L. Dennis |
mercredi 26 septembre 2018
Les Aventures d'un Homme Invisible / Memoirs of an Invisible Man
de John Carpenter. 1990. U.S.A. 1h39. Avec Chevy Chase, Daryl Hannah, Sam Neill, Michael McKean, Stephen Tobolowsky, Jim Norton.
Sortie salles France: 29 Juillet 1992. U.S: 28 Février 1992
FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques. 1979: Le Roman d'Elvis. 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward.
Echec critique et commercial à sa sortie alors qu'il s'agit d'une des rares commandes du maître John Carpenter, Les Aventures d'un Homme Invisible ne méritait pas tant de discrédit à travers son format de série B ludique dénuée de prétention. Et si l'intrigue minimaliste a de quoi décevoir les plus exigeants (une simple course poursuite entre bons et méchants sur fond d'étreinte amoureuse), John Carpenter parvient intelligemment à s'extirper de la routine de par la disparité de situations aussi funs que cocasses (avec un discours autrement caustique sur la fidélité amicale souvent biaisée), par l'inventivité de ces effets-spéciaux aussi surprenants que convaincants et par la tendre complémentarité du duo impromptu Chavy Chase / Daryl Hannah franchement attendrissant en amants marginaux s'épaulant mutuellement afin de s'opposer à l'espionnage international que Sam Neil leur sollicite avec un cynisme perfide en odieux mégalo usant de son pouvoir régi par la CIA.
* Bruno
11.05.22. 3èx
mardi 25 septembre 2018
MR. MAJESTYK
de Richard Fleischer. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Charles Bronson, Al Lettieri, Linda Cristal, Paul Koslo, Frank Maxwell.
Sortie salles France: ?. U.S: 17 Juin 1974.
FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn, et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles. 1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieux sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1972: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.
Modèle d'efficacité au sein du film d'action que Richard Fleischer supervise avec souci professionnel, Mr. Majestyk est un jubilatoire jeu de massacre transcendé par le tempérament imperturbable de Charles Bronson en justicier louable. Je m'explique: propriétaire de pastèques auprès de 65 hectares, Vince Majestyk envisage d'employer de modestes ouvriers mexicains au moment même où un exploiteur sans vergogne souhaite les substituer par ses hommes de main. Face au refus péremptoire de Vince et après s'être affrontés verbalement, une risque s'ensuit entre eux mais Vince parvient à dérober la carabine de son rival pour le brimer à nouveau. Arrêté par la police suite à la plainte de son agresseur, c'est en cellule qu'il fait la connaissance du mafieux Frank Renda. Totalement indifférent à sa réputation criminelle, Vince se contente de le railler alors qu'au moment d'escorter Renda vers un autre pénitencier, des règlements de compte sanglants ont lieu en centre urbain afin de le faire évader. Mais dans le feu de l'action, Vince parvient à s'échapper en bus avec Renda.
Après s'être planqués dans une cabane, ce dernier lui propose une transaction en échange de sa liberté. Loyal, honnête mais rusé, Vince décide plutôt d'opérer un marché avec la police afin de récupérer sa propre liberté et ses pastèques à cueillir. Mais grâce à la complicité de sa compagne venue lui prêter main forte, Renda parvient in extremis à s'évader. Dès lors, transi de haine et de rancoeur, il jure de se venger en souhaitant la peau de Vince. Fort de cette intrigue habilement structurée, prétexte à règlements de compte sanglants et poursuites en règles jamais gratuits (rare pour ne pas le souligner dans le cadre du film d'action bourrin !), Mr. Majestyk diffuse un rythme effréné pour tenir lieu d'un affrontement stoïque entre un mafieux aussi obtus qu'empoté et un ancien vétéran du Vietnam, fin limier et héros aguerri en justicier gouailleur ! Et donc à travers un jubilatoire jeu du chat et de la souris où les rôles seront amenés à s'inverser en cours de trajectoire épique, Mr. Majestyk redouble d'efficacité en opposant l'injustice d'une violence expéditive résolument couarde contre une auto-justice contre-intuitive misant sur le self contrôle que Bronson instaure avec une force tranquille imprégnée de dérision. Le tout dans le cadre solaire d'une série B purement ludique à la scénographie rurale.
Western moderne survitaminé pour autant jamais racoleur lors des récurrentes confrontations (aussi bien verbales que physiques) entre bons et méchants, Mr. Majestyk s'adonne à la ferveur expansive à travers les charismes striés du légendaire Charles Bronson et du robuste (par la taille) Al Lettieri aussi bien impressionnant que délectable en salopard sournois ne reculant devant aucune turpitude pour avoir le dernier mot. D'autres seconds-rôles aussi irrésistibles dans leur posture chafouine sont également à la fête (Paul Koslo en faire-valoir mesquin), quand bien même la très élégante et attachante Linda Cristal tente de se faire une place dans le coeur de Bronson avec une détermination sentimentale entêtée. Rondement mené car réalisé de main de maître sous l'impulsion dramatique de quelques éclairs de brutalité assez rugueux (et ce même si le hors-champs est parfois de mise), Mr Majestyk se permet en prime d'inciser ses dialogues à travers des répliques aussi cocasses qu'inventives nous provoquant le rire nerveux ! Une véritable réussite "vintage" auquel le dernier blockbuster mainstream fait bien pâle figure.
* Bruno
3èx
lundi 24 septembre 2018
Superstition / la malédiction de la sorcière
de James W. Roberson. 1982. Canada. 1h26. Avec James Houghton, Albert Salmi, Lynn Carlin, Larry Pennell et Jacquelyn Hyde.
FILMOGRAPHIE: James W. Roberson est un réalisateur canadien. 1980: The Legend of Alfred Packer (sous le nom de Jim Roberson). 1982: Superstition. 1991: The Giant of Thunder Mountain.

"VHS sang et sortilèges".
Inspiré par la vague des films de maisons hantées ayant sévi quelques années plus tôt (Poltergeist, Amityville 1 et 2, Le Couloir de la mort, Trauma), Superstition fut, à l’époque de sa sortie VHS, un hit dans les rayons des vidéo-clubs — chez l’amateur de gore festif — au grand dam de son invisibilité en salles dans nos contrées.
Outre son alléchante jaquette horrifico-sensuelle, le film doit son succès et sa réputation à l’efficacité de ses effets spéciaux, réalisés avec un professionnalisme certain, n’ayant rien à envier aux maîtres notoires tels que Tom Savini, Ed French ou Dick Smith.
Le pitch : alors que deux meurtres inexpliqués viennent d’avoir lieu dans une demeure abandonnée, réputée hantée, les paroissiens d’une église décident de la mettre en location. Rapidement, une famille y emménage. Mais de mystérieux événements ne tardent pas à se manifester, tandis que la police tente d’identifier un potentiel coupable.

Réalisé sans prétention mais avec amour du genre, ce B movie inédit en salles aura marqué toute une génération de vidéophiles des années 80, tant le bouche-à-oreille fut enthousiaste.
Le film jouit surtout d’une réputation sulfureuse, en raison de sa violence graphique — pour me répéter.
Mais lorsqu’on revoit aujourd’hui Superstition (j’en suis à mon septième visionnage !), on mesure à quel point son scénario linéaire et le jeu, perfectible mais attachant, de ses comédiens méconnus, sont rachetés par l’abondance de scènes horrifiques, particulièrement sanglantes et spectaculaires, ainsi que par son atmosphère typique de l’horreur eighties.
Corps levé en lévitation puis violemment fracassé contre le plafond, tête explosée dans un micro-ondes… Et surtout, cette scène ahurissante où l’un des jeunes se retrouve piégé dans une porte-fenêtre qui se referme sur son corps, le sectionnant net. Une vision brutale, bluffante, d’un réalisme cruel et incisif.

Ce prologue, prometteur, riche en ambiance diffuse et en émotions fortes, s’avère être la plus belle attraction du film avant de renouer, lors de son climax, avec ce même climat mortifère et explosif, truffé de péripéties meurtrières.
À l’image de cette séquence cinglante où une jeune fille est sauvagement empalée, un pieu traversant son crâne !
Si le cheminement narratif ne brille pas par sa surprise, il demeure efficace par la métronomie des scènes chocs, surgissant en moyenne toutes les dix minutes.
Le script occulte se fonde sur une légende locale : en 1684, une sorcière condamnée par l’Inquisition fut noyée au fond d’un lac. Avant de périr, elle jura de se venger — promesse funeste faite aux villageois hilares — et annonça son retour pour hanter leurs descendants.
Malgré son manque d’inventivité scénaristique et ses personnages stéréotypés, Superstition parvient à susciter la sympathie grâce à la pertinence de ses effets chocs, à une réalisation modeste mais sincère, et à l’attrait bonnard de ses protagonistes — aussi naïfs soient-ils — confrontés au Mal.
Le flic obtus, obsédé par l’idée que le simplet du village est coupable de la mort de son partenaire ; le révérend Maier, furtif mais marquant ; et surtout le révérend Thompson, héros fragile et tenace, prêt à défendre cette famille coûte que coûte.

Scherzo video productions: "La Maison qui saignait toutes les dix minutes".
En dépit de ses défauts — notamment l’absence de suspense — Superstition demeure une série B fort sympathique, scandée par l’audace de ses effets gores (trois séquences font date), par une ambiance pesante, parfois génialement oppressante, et par un casting de seconde zone qui se débat avec une naïveté attachante contre les forces du Mal.
Une bande originale percutante insuffle même, par instants, une intensité épique à une dramaturgie étonnamment prononcée. Bourré de charme ce métrage au demeurant.
* Bruno
25.05.22. èèx
25.04.11. 325 vues
vendredi 21 septembre 2018
Abandonnée / Los Abandonados
de Nacho Cerda. 2006. Angleterre/Espagne. 1h39. Avec Anastasia Hille, Karel Roden, Valentin Ganev, Paraskeva Djukelova et Carlos Reig-Plaza.
Sortie en salles en France le 30 Mai 2007.
FILMOGRAPHIE: Nacho Cerda est un réalisateur et scénariste espagnol né en 1969.
1990: The Awakening (court). 1994: Aftermath (court). 1998: Genesis (court). 2006: Abandonnée
Le pitch : Adoptée depuis sa naissance et n’ayant jamais connu l’identité de ses parents, Marie apprend la découverte du cadavre de sa mère biologique et hérite d’une ferme familiale en ruines. Accompagnée d’un étrange guide, elle se rend sur les lieux, en Russie. Sur place, elle rencontre Nikolaï, un homme énigmatique, réuni là pour des raisons similaires.
Dès son prélude oppressant situé en 1966, dans une contrée forestière brumeuse, Abandonnée s’inscrit dans une tonalité rugueuse : une femme mourante confie dans un dernier souffle deux nourrissons en larmes à des paysans hagards. Quarante ans plus tard, frère et sœur tentent de renouer avec leur passé enterré, pendant que leurs doubles fantomatiques rôdent, tapis dans les couloirs du souvenir. Porté par une photographie blafarde et des jeux de lumière d’une grande beauté spectrale, Cerdà transfigure son décor forestier pour mieux nous perdre dans un cauchemar perméable, à mi-chemin entre rêve, réminiscence et hallucination.
À l’instar des héros de Fulci, Marie et Nikolaï errent comme deux âmes hagardes dans une demeure hantée par leur propre reflet. Conscients de marcher vers leur destin, ils s’enfoncent dans un labyrinthe de paranoïa, cherchant à percer le secret de la mort de leurs parents — et notamment celui du père, figure maléfique adepte de forces occultes, répétant inlassablement : « Ne brisons pas le cercle. »
Dans cette atmosphère de réalisme cafardeux, l’angoisse s’infiltre partout. Chaque pièce disloquée exhale une décrépitude poisseuse : parquets moisis, cloisons suintantes, toiles d’araignée engluant les meubles dans leur odeur de renfermé. Le sous-sol, envahi par les eaux, charrie des râles d’agonie et des voix d’outre-tombe, où des silhouettes parcheminées invitent à la damnation. Ce voyage vénéneux, hors du temps, emprisonne le spectateur dans un cauchemar éveillé, où fiction et réalité s’entrelacent dans un ballet d’images de plus en plus violentes et déstabilisantes.
Porcs déchiquetant un cadavre en gros plan, nourrisson sacrifié dans une eau rougeâtre... Ces séquences, quasi insoutenables, marquent au fer rouge. Grâce à la force de ses visions horrifico-macabres et à sa mise en scène étouffante, Cerdà transforme sa maison en huis clos tentaculaire, où chaque cadrage devient une menace. Abandonnée s’impose alors comme un cauchemar métaphysique, d’une intensité diaphane et toxique.
"Spectres d’une mémoire close".
Imprégné d’une étrangeté dense, Abandonnée déploie, par le biais d’une caméra nerveuse, un cauchemar éveillé habité par le doute, la peur, l’oubli, la mort — et la persistance spectrale de soi. Porté par des comédiens sobres, fébriles, transis d’émotion, ce poème lugubre interroge l’identité et l’existence, jusqu’à son point d’orgue nihiliste, suggérant peut-être une délivrance dans l’abandon. Du pur cinéma d’ambiance, écorché, sensoriel, personnel : pièce maîtresse d’un dédale horrifique à la fois putride et éthéré.
* Bruno
15.08.24. Vostfr. 4èx
27.05.11. (2283 vues)
jeudi 20 septembre 2018
Le Fantôme de Milburn / Ghost-Story
de John Irvin. 1981. U.S.A. 1h50. Avec Fred Astaire, Melvyn Douglas, Douglas Fairbanks Jr, John Houseman, Craig Wasson, Patricia Neal, Alice Krige.
Sortie salle France: 30 Juin 1982
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: John Irvin est un réalisateur et scénariste anglais, né le 7 Mai 1940 à Newcastle-upon-Tyne en Angleterre. 1980: Les Chiens de Guerre. 1981: Le Fantôme de Milburn. 1984: Champions. 1986: Le Contrat. 1987: Hamburger Hill. 1989: Un Flic à Chicago. 1990: La Guerre des Nerfs. 1991: Robin des Bois. 1994: Parfum de Scandale. 1997: City of Crime. 2001: Vengeance Secrète. 2008: The Garden of Eden.
D'un onirisme tout à la fois macabre et sensuel formellement velouté, conté avec attention et formidablement interprété par de solides monstres sclérosés réunis pour le meilleur d'une ghost-story adulte, Le Fantôme de Milburn envoûte notre attention sous l'impulsion de la beauté blafarde Alice Krige résolument magnétique en spectre revancharde incapable d'acquérir le repos faute de ses prétendants infortunés. A revoir fissa, de préférence un soir d'hiver, en VO.
* Bruno
20.10.22. vostfr. 5èx
29.05.13 (107 vues)
mercredi 19 septembre 2018
Beau-Père. Prix du Meilleur Film Etranger, Critics Awards 1982.
de Bertrand Blier. 1981. France. 2h04. Avec Patrick Dewaere, Ariel Besse, Maurice Ronet, Geneviève Mnich, Maurice Risch, Nathalie Baye, Nicole Garcia, Macha Méril.
Sortie salles France: 16 Septembre 1981 (Int - 13 ans)
FILMOGRAPHIE: Bertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt.1967 : Si j'étais un espion. 1974 : Les Valseuses. 1976 : Calmos. 1978 : Préparez vos mouchoirs. 1979 : Buffet froid. 1981 : Beau-père. 1983 : La Femme de mon pote. 1984 : Notre histoire. 1986 : Tenue de soirée. 1989 : Trop belle pour toi. 1991 : Merci la vie. 1993 : Un, deux, trois, soleil. 1996 : Mon homme. 2000 : Les Acteurs. 2003 : Les Côtelettes. 2005 : Combien tu m'aimes ? 2010 : Le Bruit des glaçons. 2019 : Convoi exceptionnel.
Relatant sans trivialité la relation scabreuse entre une ado de 14 ans et son beau-père trentenaire suite au décès précipité de son épouse, Beau-père bouleverse nos sens et notre morale sous l'impulsion d'un duo de comédiens transis d'émoi amoureux. Bertrand Blier, auteur sulfureux émérite abordant ici le thème de l'hébéphilie avec autant de pudeur que d'audace inouïe dans son désir jusqu'au-boutiste, frontal, de nous confronter à une improbable histoire d'amour entre un adulte et une ado consentante. Si bien qu'en l'occurrence, la prémices du désir émane de Marion littéralement enivrée par sa passion viscérale pour son beau-père alors que celui-ci s'efforcera (de prime abord) de repousser ses avances dans sa responsabilité adulte et paternelle. Sans jamais juger le comportement si amoral de ses personnages ou de nous faire la morale du bien-penseur, Bertrand Blier nous plonge dans leur vertige amoureux avec une intensité dramatique parfois éprouvante eu égard de l'immoralité de leur liaison interdite et de l'issue en demi-teinte de son cruel dénouement.
Et donc à travers la difficulté de gérer la perte de l'être aimé, l'auteur nous radiographie avec tact, dérision (les dialogues inventifs s'avèrent parfois grinçants au point de provoquer quelques rires nerveux !) et beaucoup de pudeur la plongée intimiste du duo familial dans l'emprise des sentiments, faute de leur fragilité esseulée et de leur désarroi existentiel (d'autant plus que Rémi est au chômage en dépit de son métier de pianiste à ses heures perdues). Au-delà de son climat aussi bien dérangeant que perturbant à travers un huis-clos clairsemé à la fois étouffant et rustique (l'appartement puis la maison de campagne en second acte), Beau-père est illuminé par la force d'expression de Patrick Dewaere (le plus grand acteur français selon mon jugement de valeur) en beau-père paumé et indécis, voir névrosé, pour autant rempli d'affection, d'amour et de bienveillance pour sa belle-fille. Quand à Ariel Besse, on reste ébahi par sa performance naturelle très audacieuse à exhiber son plus simple appareil en ado pubère en proie au désir corporel et sentimental. Douce, fragile, flegmatique et d'autant plus si innocente, Marion ne parvient pas à refréner ses pulsions sexuelles et sentimentales en dépit de sa sagesse, sa compréhension à laisser Rémi s'autoriser l'adultère (potentiellement rédemptrice). Bref, ce duo inoubliable plongé dans leur stricte solitude nous laisse finalement dans une drôle d'impression morale, une ambiguïté émotionnelle mêlée d'échec, d'amertume et de libération.
Folle romance paraphile proprement vertigineuse, voire même limite sensorielle dans la retranscription vériste des sentiments (et des corps) mis à nu face caméra, Beau-père fait office d'expérience émotionnelle sensiblement scabreuse dans sa manière radicale de nous bouleverser la raison (avec toutefois une subtile pudeur) auprès d'un amour condamnable. Magnifique dans la fragilité expressive des amants mais aussi perturbant dans leur tendresse irraisonnée, on en sort finalement transformé passée sa conclusion aussi bien amère qu'équivoque. Si bien que personne, spectateur compris, ne semble en sortir indemne...
Pour public averti.
* Bruno
Boston Society of Film Critics Awards 1982 : Prix du meilleur film étranger
Note (Wikipedia): Bertrand Blier précise que l'affiche n'est pas celle qui avait été choisie à l'origine. Le producteur aurait imposé la version (plus sulfureuse) que l'on connaît à son insu. Ce qui a nuit au film et à la jeune actrice si bien qu'il y a eu un "procès" à ce sujet.
Le point de vue de Mathias Chaput:
« Beau-père » traite d’un sujet douloureux et délicat, très peu exploité au cinéma, du moins de cette façon, la pédophilie, mais Blier est malin et sensible, ici aucune outrance ni vulgarité mais une succession de saynètes simples dans des décors épurés et un jeu d’acteur respectueux et pudique…
Dewaere est habité par son rôle comme dans la plupart de ses films et la jeune Ariel Besse étonnante de professionnalisme et d’intelligence, il faut un grand courage pour endosser son personnage loin des lolitas décérébrées que l’on avait l’habitude de voir, elle représente Marion, le personnage central du métrage, celle par qui tout arrive, c’est elle le vecteur de l’intrigue et de cette histoire d’amour quasi impossible mais rendue attachante par un Blier au firmament…
Les seconds rôles sont à la fois distants et proches de Rémi, notamment le contrebassiste et son épouse ou les deux femmes qui apparaissent au début et au final du film (Nicole Garcia et Nathalie Baye, la veuve qui ouvrira les yeux de Dewaere et par conséquent le sauvera de sa relation folle avec Marion)…
L’escapade à Courchevel permet de confirmer l’amour fou entre Rémi et Marion, tour à tour passionné et d’une tentation quasi irréelle, Blier pose sa caméra et laisse aller ses personnages dans une lente mais efficiente love story insolite qui pourra encore de nos jours paraître déplacée voire illégale mais « Beau-père » n’est jamais un film obscène ou pédophile dans le sens « pornographique » du terme, c’est plus un drame passionnel où gravitent des protagonistes paumés et sans repères…
Le repère, justement, aussi bien pour le spectateur que pour Rémi, c’est Marion ; Rémi a tout perdu, sa femme, son travail de pianiste, il vit dans un environnement délétère qui n’a que peu de sens pour lui, et dès qu’il intègre le fait que Marion est amoureuse de lui, sa vie change mais heureusement pour la bienséance, de façon partielle et éphémère…
Ce n’est que lorsque sa raison regagne sa place et la rencontre avec Nathalie Baye que sa conscience reprend ses droits et qu’il retombe sur ses pieds…
Finement joué et assumé totalement par Bertrand Blier, « Beau-père » est une œuvre dérangeante mais à l’histoire suffisamment bien ficelée qui évolue en flux tendu par son côté scabreux mais qui demeure le témoignage d’un très bon cinéma, osé et talentueux…
Il faut être ouvert cinématographiquement pour le visionner mais « Beau-père » est une grande performance dramatique, à contre-courant du cinéma traditionnel, Blier a une nouvelle fois entrepris un pari risqué qu’il a gagné haut la main…
C’est le genre de metteurs en scène qui rend honneur au cinéma hexagonal, nous nous devons de le souligner…
Note : 9/10
mardi 18 septembre 2018
LE DEMON DANS L'ILE. Prix du Suspense, Avoriaz 83.
de Francis Leroy. 1983. France. 1h39. Avec Jean-Claude Brialy, Anny Duperey, Gabriel Cattand, Pierre Santini, Cerise, Janine Magnan.
Sortie salles France: 30 Mars 1983
FILMOGRAPHIE PARTIELLE (le monsieur ayant tourné une quarantaine de films X): Francis Leroi est un cinéaste français, né le 5 septembre 1942 à Paris, décédé le 21 mars 2002 à l’île Maurice. 1968 : La Poupée rouge. 1969 : Ciné-Girl. 1972 : La Michetonneuse. 1982 : Le Démon dans l’île.
Quelle bien étrange curiosité que ce Démon dans l'île portant la signature de Francis Leroy, (réalisateur entre autre de films X) et incarné par nos illustres acteurs Jean-Claude Brialy, Anny Duperey. Débarquée sur une île bretonne afin d'oublier la disparition tragique de son époux et de son fils, Gabrielle Martin est témoin d'incidents domestiques inexpliqués. Les citadins étant victimes de leurs appareils ménagers potentiellement défectueux. Son enquête l'amène à fréquenter l'étrange et solitaire docteur Paul Henry Marshall. Série B française correctement menée et réalisée, le Démon dans l'île possède l'indéniable efficacité de nous proposer des séquences chocs redoutablement impressionnantes par leur impact horrifique à la fois spectaculaire, inventif, gore et viscéral.
De par la diversité des ustensiles utilisés (couteau électrique, four, ours en peluche, téléviseur, rasoir), les scènes chocs se succèdent habilement sans jamais nous lasser, et ce en dépit de leur aspect itératif. Et donc sur ce point, le film s'avère une franche réussite, tant auprès des FX simples mais relativement soignés, que de l'instauration d'un suspense tendu quant à l'éventuelle sort de la victime manipulant insouciamment l'appareil domestique. Francis Leroy jouant notamment avec un suspense sardonique lorsque 2 ou 3 protagonistes réunis dans la même maison pourraient faire les frais de l'appareil diabolique qu'ils manipulent indépendamment dans une pièce distincte ! Quant aux tenants et aboutissants de l'intrigue assez nébuleuse, à mi chemin entre la parodie involontaire et la sobriété la plus louable, on reste autant surpris qu'interloqués à traiter du thème de la télékinésie avec une certaine ambiguïté. Pour autant, grâce au jeu très convaincant d'Anny Duperey en investigatrice pugnace et au dynamisme du rythme (rehaussée d'un climat insulaire sensiblement envoûtant), on suit son trajet avec autant d'appréhension que de soif de vérité à percer le mystère qui entoure l'île hantée d'un secret infantile éhonté. On n'en dira pas tant de la prestance un peu trop rigide de Jean-Claude Brialy en manipulateur ésotérique trop altier pour être convaincant.
Récompensé du Prix du Suspense à Avoriaz, du Prix d'interprétation féminine pour Anny Duperey et des Meilleurs Effets spéciaux à Fantasporto, Le Démon dans l'île dilue une aura d'étrangeté toute particulière à travers la personnalité intègre de Francis Leroy s'efforçant scrupuleusement de nous distraire dans un jeu de peur irrationnel aussi troublant et poétique qu'hermétique d'une certaine manière. L'intrigue elliptique cédant un peu à la facilité, aux chemins de traverse finalement à travers l'exploitation d'un cerveau surdimensionné. A découvrir en tous cas avec intérêt, notamment auprès de sa nationalité française plutôt frileuse avec le genre Fantastique.
* Bruno
2èx
lundi 17 septembre 2018
FLAGELLATIONS
de Pete Walker. 1974. Angleterre. 1h42. Avec Barbara Markham, Penny Irving, Robert Tayman, Patrick Barr, Ray Brooks
Sortie salles France: 4 Janvier 1984. Angleterre: 19 Avril 1974
FILMOGRAPHIE: Pete Walker est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né en 1939 à Brighton. 1968: l'Ecole du sexe, For men only, 1970: Cool, c'est Carol, 1971: Man of violence, Die Screaming, Marianne, 1972: Quatre dimensions de Greta, le Théâtre de l'angoisse, 1973: Tiffany Jones, 1974: Flagellations, Frightmare, 1976: The Confessionnal, Schizo, 1978: Hallucinations, 1979: Home Before Midnight, 1983: House of the long shadows.
Si l'idée de départ était plutôt alléchante sur le papier (anciens dirigeants d'une prison, un groupe de retraités rigoristes kidnappent des jeunes filles dans leur maison de correction pour les expier de leurs pêchers), Flagellations ne dépasse pas le stade du sympathique divertissement de par son intrigue redondante éludée de surprises. Et ce même si sa cruelle dramaturgie peut parfois agréablement surprendre dans son refus de concession. Incarnés par des comédiens tout juste convaincants et réalisé avec l'attachante maladresse qu'on lui connait, Pete Walker exploite passablement son sujet, notamment auprès de la caractérisation de ces personnages tantôt trop équivoques ou versatiles (le fils de la matriarche - incarné par Robert Tayman - ne sait pas vraiment sur quel pied danser dans sa position contradictoire de kidnappeur clément). Pour autant, et sans doute avec indulgence, la farce gentiment horrifique se gaussant du fondamentalisme et des chartes archaïques de la juridiction se laisse suivre sans ennui à défaut de lui tolérer un second visionnage. On a en tous cas connu Pete Walker plus fou, audacieux et inspiré avec Frightmare, Hallucinations et surtout Mortelles Confessions (son oeuvre la plus aboutie et convaincante).
* Bruno