"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
lundi 26 septembre 2022
La Possédée du Lac / La donna del lago / La Femme du Lac
vendredi 23 septembre 2022
La Mort marche en Talons hauts / Nuits d'amour et d'épouvante / La morte cammina con i tacchi alti
jeudi 22 septembre 2022
Tess. César du Meilleur Film.
Sortie salles France: 31 Octobre 1979. U.S: 12 Décembre 1980.
FILMOGRAPHIE: Roman Polanski est un réalisateur, producteur, comédien, metteur en scène de théâtre et d'opéra et scénariste franco-polonais américain. Il est né le 18 Août 1933 à Paris. 1962: Le Couteau dans l'eau. 1965: Répulsion. 1966: Cul de sac. 1967: Le Bal des Vampires. 1968: Rosemary's Baby. 1971: Macbeth. 1972: Week-end of a champion. 1972: Quoi ? 1974: Chinatown. 1976: Le Locataire. 1979: Tess. 1986: Pirates. 1988: Frantic. 1992: Lunes de fiel. 1994: La Jeune fille et la mort. 1999: La 9è porte. 2002: Le Pianiste. 2005: Oliver Twist. 2010: The Ghost Writer. 2011: Carnage. 2013: La Vénus à la fourrure. 2017 : D'après une histoire vraie. 2019 : J'accuse. 2022 : The Palace.
L'un se pliant aux exigences d'une idéologie catholique (il est fils de pasteur), l'autre se vautrant dans une forme de masochisme moral à humilier, manipuler, tromper une jeune vierge ne connaissant rien de la méchanceté des hommes dénués de vergogne. Le récit magnifiquement écrit nous dépeignant avec une sobre émotion prude le profil inoubliable de cette jeune métayère d'une candeur à fleur de peau (euphémisme). L'un des portraits les plus doux, épurés, torturés et désespérés que le cinéma nous ait offert sous l'impulsion d'un artiste au sommet de son art. Roman Polanski fignolant sa réalisation comme le transfigurait par exemple Kubrick avec Barry Lindon tant les plans s'apparentent à s'y méprendre à de véritables tableaux picturaux. Mais Tess ne serait pas aussi puissamment fulgurant sans le talent vertueux de Nastassia Kinski écrasant tout sur son passage de sa beauté suave inscrite dans la stricte virginité. De par l'innommable cruauté du récit épouvantablement décrit sans complaisance, on reste à la fois scotché, amer et interloqué par l'évolution morale de Tess perdant peu à peu tout espoir auprès de son chemin de croix tracé d'avance. L'actrice exprimant en toute réserve timorée une palette de sentiments à la fois mélancoliques, languides, sentencieux sans jamais se morfondre dans une sinistrose outrancière eu égard de la subtile conduite narrative dénuée de fioritures puisque en état de grâce.
D'un onirisme romantique à damner un saint (c'est d'ailleurs ce que nous dépeint réellement l'histoire !), Tess demeure l'emblème de la fragile intégrité à travers l'initiation rigoureuse de cette paysanne davantage lucide et en voie de rébellion (d'où ce final tragique !) auprès de la cruauté de ses amants tributaires d'une époque où machisme et fanatisme religieux prédominent les mentalités archaïques. Scandé de la partition lyrique de Philippe Sarde, Tess est probablement l'un des plus beaux films du monde en dépit de son immense cruauté intolérable. Il demeure donc néanmoins à déconseiller aux dépressifs tout en étant formellement recommandé aux cinéphiles purs et durs.
38e cérémonie des Golden Globes : Golden Globe du meilleur film étranger
mercredi 21 septembre 2022
Pacte avec un tueur / Best Seller
Sortie salles France: 13 Janvier 1988. U.S: 25 Septembre 1987
FILMOGRAPHIE: John Flynn est un réalisateur et scénariste américain, né le 14 Mars 1932 à Chicago, décédé le 4 Avril 2007 en Californie. 1968: Le Sergent. 1972: The Jerusalem File. 1973: Echec à l'Organisation. 1977: Légitime Violence. 1980: Les Massacreurs de Brooklyn. 1980: Marilyn, une vie inachevée. 1983: Touched. 1987: Pacte avec un Tueur. 1989: Haute Sécurité. 1991: Justice Sauvage. 1992: Nails (télé-film). 1993: Scam (télé-film). 1994: Brainscan. 1999: Meurtres très ordonnés. 2001: Protection.
Un excellent polar des années 80 aux éclairs de violence étonnamment brutaux au sein de cette série B retorse eu égard de l'originalité de son scénario concocté par le maître Larry Cohen qu'on ne présente plus. Un flic écrivain acceptant de négocier avec un tueur à gages afin de faire tomber un sénateur corrompu pour qui ce dernier exerçait. Le récit s'avérant beaucoup plus substantiel et sombre, notamment si je me réfère au passé de Dennis ayant failli trépasser lors d'un cambriolage sanglant alors que quelques années après c'est sa femme qui mourra d'un cancer. Ainsi, à travers son concept à la fois original et audacieux, Pacte avec un Tueur tire parti de son efficacité dans les rapports antinomiques entre le flic et le tueur collaborant mutuellement avec une constante ambiguïté (entre fascination / répulsion et une certaine forme de reconnaissance morale quant à l'épilogue dramatique).
Tant pour les motivations du tueur déterminé à se substituer en héros, et donc à se racheter une conduite tout en perdurant ses exactions punitives sans une once de vergogne, alors qu'à plusieurs reprises il sauvera la vie de son acolyte de l'ordre et la fille de celui-ci, que pour le laxisme du flic, témoin voyeur de règlements de compte sanglants entre les sbires du sénateur à l'affut de leurs faits et gestes à interroger les témoins capitaux. James Woods excellant comme de coutume dans la peau du tueur à lunette noire et costard avec un flegme méthodique à la fois tranquille et détaché puisque motivé notamment par la rancoeur d'avoir été trahi par son supérieur. Quant à Brian Dennehy, il lui partage la vedette avec une audace morale assez étrange durant leur parcours investigateur semé de cadavres, entre confidences intimes et soutien mutuel déconcertant.
Un solide polar marginal donc n'ayant rien perdu de son aura de souffre à travers cette quête de célébrité, de renaissance, d'héroïsme (hétérodoxe) et de rédemption.
*Brunomardi 20 septembre 2022
American Gigolo
Sortie salles France: 11 Juin 1980. U.S: 8 Février 1980
FILMOGRAPHIE: Paul Schrader est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 22 Juillet 1946 à Grand Rapids (Michigan). Blue Collar: 1978. 1979: Hardcore. 1980: American Gigolo. 1982: La Féline. 1985: Mishima. 1987: Light of Day. 1988: Patty Hearts. 1990: Etrange Séduction. 1992: Light Sleeper. 1994: Witch Hunt (télé-film). 1997: Touch. 1997: Affliction. 1999: Les Amants Eternels. 2002: Auto Focus. 2005: Dominion. 2007: The Walker. 2008: Adam Resurrected. 2013 : The Canyons. 2014 : La Sentinelle. 2016 : Dog Eat Dog. 2017 : Sur le chemin de la rédemption. 2021 : The Card Counter.
Et pour rester honnête, je connais bien mal la filmo de Richard Gere même s'il est parvenu à me traumatiser dans l'éprouvant Hatchi. Mais je ne serai guère surpris si la plupart s'accorde à clamer qu'il s'agit ici de son meilleur rôle tant l'acteur, à la démarche distinguée si naturelle, se voue corps et âme à donner chair à son personnage illégal avec un art consommé du style et de l'aplomb. Et ce juste avant d'afficher un ton autrement tendu et renfrogné lorsque la police est sur le point de le déférer à la suite d'un complot perfide. Mais si American Gigolo m'a autant séduit et captivé en la présence symptomatique de Gere constamment dans tous les plans, c'est également à travers la capacité innée de Schrader à susciter une véritable ambiance à la fois charnelle, trouble et parfois sensiblement inquiétante à travers ses nuits récursives filmées sans complaisance dans son parti-pris d'opter pour un réalisme tantôt documenté. On peut d'ailleurs même songer à Ferrara pour certains plans urbains un tantinet glauques ou insécures et à Friedkin lors d'une séquence musicale confinée en boite de nuit "gay". Le tout étant scandé du tube "call me" de Blondie que Giorgio Moroder reprendra en intermittence lors de tonalités remixées. Quand bien même lors de moments plus opaques et anxiogènes il opte pour une musicalité électro (typique des eighties !) autrement lourde et lugubre afin de renforcer l'aspect psycho-killer de sa seconde partie thriller.
En optant pour un 1er degré assumé dénué de prétention à dresser le portrait évolutif d'un gigolo que son entourage vénal et sournois fuira depuis l'avancement de sa culpabilité, Paul Schrader injecte une étonnante dimension humaine à son potentiel coupable que seul l'amour pourrait sauver de sa condition à la fois recluse et soumise. Tout en magnifiant en filigrane la ville insidieuse de Los Angeles du côté des quartiers branchés et bourgeois d'une haute société adepte de la coke et de la prostitution de haut standing. Impeccablement narré à travers sa façon modeste de raconter son histoire dénuée de fioritures, American Gigolo hypnotise sobrement nos sens sous l'impulsion d'un Richard Gere au diapason car littéralement habité par son rôle racoleur peu à peu en proie au doute, à la peur, à la remise en question, à la maturité. Un vrai film de cinéma donc (qu'on ne peut plus façonner de nos jours) doublé d'un film d'ambiance quasi indicible dans sa subtile disparité des tonalités contradictoires. A revoir sans l'ombre d'une hésitation puisque ce métrage plein de sobriété me semble donc inaltérable dans ma condition néophyte du 1er visionnage. Vrai classique au demeurant.
*Bruno
lundi 19 septembre 2022
Ne dis rien / Speak no Evil
Sortie en VOD et Dvd le 23 Septembre 2022. Danemark: 17 Mars 2022.
FILMOGRAPHIE: Christian Tafdrup est un réalisateur, acteur et scénariste né le 8 April 1978 à Copenhagen, Danemark. 2022: Ne dis rien. 2017: En frygtelig kvinde. 2016: Forældre.
Top 2022 ! Le malaise perpétuel au sens littéral (tant éthéré puis tangible) dépeint ici avec un vérisme si tranché qu'il est en permanence incommodant. Jusqu'au final incongru en mode dépression..
Un choc que ce suspense horrifique impeccablement tendu et malaisant au possible si bien que le réalisateur, en pleine capacité de sa maîtrise alchimique, nous saisit à la gorge 1h33 durant jusqu'au climax traumatique. Ainsi, à partir d'un pitch linéaire ultra simpliste (un couple de touristes danois et leur fille sont aimablement invités chez un couple hollandais préalablement rencontré en villégiature), Christian Tafdrup (dont il s'agit de son 3è long) parvient à tailler un suspense au cordeau quant au désarroi moral de ses invités accorts en proie à l'incompréhension, le doute, l'appréhension et surtout la gêne eu égard du comportement à la fois lunatique, impudent, erratique de ces propriétaires hollandais fallacieux. Toute l'intensité du récit résidant dans l'interrogation de ces protagonistes (et nous même !) avant d'y prendre la poudre d'escampette en lieu et place du malaise cuisant qui empoisonne leur fébrile quotidienneté. Tant et si bien que s'il ne se passe pas grand chose durant les 3/4 quarts du récit, on reste pour autant captivé, hypnotisé, sur le qui-vive car profondément inquiet de la tournure inévitablement dramatique de ce huis-clos où le malaise suffocant n'aura jamais été aussi perméable que dans ce métrage hollandais d'un vérisme à couper au rasoir.
Tant auprès de l'ossature du récit imprévisible, de son aura malsaine toujours plus imposante que de la direction d'acteurs où chaque comédien se fond dans le corps de leur personnage avec un art consommé du naturel expressif. Le spectateur s'identifiant d'autant mieux aux victimes que leurs visages ne nous paraissent guère familiers auprès de leur identité danoise. C'est donc un scrupuleux voyage au bout de l'enfer moral que l'on nous dépeint ici, avant d'amorcer une horreur crue qui explosera lors des 5 ultimes minutes assez pénibles à regarder de par l'intensité de sa cruauté requise éludée de lueur d'espoir. Mais ce qui ébranle avant tout selon moi avec Ne dis rien, c'est sa capacité infaillible d'avoir su distiller la fibre du malaise le plus perfide et insidieux auprès des victimes et du spectateur attentif à leurs faits et gestes eu égard du sentiment d'insécurité les agressant au compte-goutte. Et ce sans s'embarrasser d'effets de manche grossiers qu'on a coutume de se coltiner dans les prods standard, la subtilité étant ici de rigueur pour mettre en exergue un jeu psychologique de soumission/domination à travers les valeurs familiales, le civisme et la pédagogie parentale.
*Bruno
Ci-joint la critique de Merej:
vendredi 16 septembre 2022
Emily the Criminal. Prix du Public, Deauville 2022.
Sortie salles France: 9 Septembre 2022 uniquement à Deauville. Sortie salles U.S/Canada: 12 Août 2022
Encore un métrage passé par la trappe Vod alors qu'il aurait tant mérité une sortie salles en bonne et due forme. Première réalisation de John Patton Ford, Emily the Criminal est une claque comme on en voit si peu en cours d'année dans le paysage cinématographique. Tout du moins une oeuvre indépendante apte à trôner dans le classement d'un Top 10 annuel tant le réalisateur maîtrise son matériau sous l'impulsion d'une actrice au diapason: Place Aubrey. Personnellement, je ne connais pas encore cette actrice (non plus en vagues souvenirs) alors qu'elle approche déjà près de 30 métrages dans son curriculum vitae. Irradiant l'écran de sa présence naturelle sans fard, Place Aubrey compte sur la sobriété de ses expressions quelque peu introverties (mais affirmées !) pour nous captiver en nous suscitant une appréhension tangible à travers son cheminement illégal d'escroc à la p'tite semaine exploitant de fausses cartes bleues pour empocher un pactole toujours plus juteux.
Savamment mis en place par un trio de malfrats retors, Emilie finit par se retrouver projetée dans un engrenage indélébile avec toutefois un courage et une audace que l'on ne voit jamais arriver tant l'actrice déploie une palette de sentiments équivoques dans sa condition de frondeuse partagée entre l'espoir de s'en sortir en dépit d'une société capitaliste à la fois arbitraire et cupide et la tentation de se laisser dériver toujours plus loin vers l'illégalité. John Patton Ford filmant la ville avec un brio vériste quasi documenté pour mieux nous immerger dans sa scénographie urbaine insécure disséminant les trafics en tous genres. Superbe portrait de femme forte donc dénuée de manichéisme, tant et si bien que son final imprévisible te fera grincer des dents avec une stupeur finalement fascinatoire, Emily the Criminal ne cesse de surprendre et de nous titiller les nerfs (certaines séquences effrénées demeurent d'une tension extrême sans anticiper l'évènement) avec en background une diatribe cinglante sur les laissés pour compte, les marginaux et les chômeurs contraints de survivre dans une jungle capitaliste aussi fourbe que déloyale. Alors que sa réflexion patente sur la contagion du vice porte à réfléchir sur notre propre condition éthique si bien que l'on s'identifie à l'anti-héroïne avec une fascination à double tranchant.
Percutant et hypnotique (d'autant plus atmosphérique par moments), trouble et oppressant à travers sa mise en scène studieuse étonnamment maîtrisée pour un 1er essai, Emily the Criminal nous plonge dans une descente aux enfers latente. Dans la mesure où les quelques affrontements sur le fil du rasoir et les situations de transaction attisent notre curiosité avec une inquiétude dénuée de repères. Place Aubrey monopolisant l'écran anxiogène avec un aplomb davantage oppressant eu égard de son évolution morale à s'opposer contre l'autorité et l'injustice quitte à y perdre son âme pour un alléchant enjeu pécuniaire. Outre sa présence à la fois envoûtante et étrangement lascive, elle est accompagnée de son manager Théo Rossi résolument inné pour se fondre dans le corps du leader peu recommandable avec une force d'expression lui aussi laconique et mesurée. A eux deux ils improvisent un tandem davantage compromettant dans leur stratégie autonome de se mesurer à une provocation félonne afin d'asseoir et d'affirmer leur libre arbitre. Scandé d'un score électro lestement punchy, Emily the Criminal est une révélation à tous niveau (réal, écriture, interprétation) comme le confirment ses récompenses à Deauville et à Annapolis. Quand bien même le bouche à oreille fait son bonhomme de chemin comme je le fus soumis à travers les réseaux sociaux et certains youtubeurs. Tu sais donc ce qu'il te reste à faire...
*Bruno
Récompenses: Prix du Jury, Meilleur long-métrage, Meilleure Actrice Aubrey Plaza au Festival du film d’Annapolis 2022.
Prix du Public, Deauville 2022.
lundi 12 septembre 2022
Les Enquêtes du Département V: Miséricorde / Kvinden i buret
vendredi 9 septembre 2022
Mission Impossible 3
Sortie salles France: 3 Mai 2006
jeudi 8 septembre 2022
Goldfinger
Sortie salles France: 18 Février 1965. U.S: 22 Décembre 1964
FILMOGRAPHIE: Guy Hamilton, né le 16 septembre 1922 à Paris (France) et mort le 20 avril 2016 à Majorque (Espagne), est un réalisateur britannique. 1952 : L'assassin a de l'humour. 1953 : Le Visiteur nocturne. 1954 : Un inspecteur vous demande. 1955 : Les Indomptables de Colditz. 1956 : Charley Moon. 1957 : Manuela. 1959 : Un brin d'escroquerie. 1959 : Au fil de l'épée. 1961 : Le Meilleur Ennemi. 1964 : L'Affaire Winston. 1964 : Goldfinger. 1965 : The Party's Over. 1966 : Mes funérailles à Berlin. 1969 : La Bataille d'Angleterre. 1971 : Les diamants sont éternels. 1973 : Vivre et laisser mourir. 1974 : L'Homme au pistolet d'or. 1978 : L'Ouragan vient de Navarone. 1980 : Le miroir se brisa. 1982 : Meurtre au soleil. 1985 : Remo sans arme et dangereux. 1989 : Sauf votre respect.
Erwan Desbois | 31 octobre 2020. Critique reprise sur ECRAN LARGE.
L'OR EST ETERNEL
C'était la troisième aventure de James Bond, et la troisième avec Sean Connery. C'était Goldfinger, sorti en 1965, où 007 affrontait un mystérieux milliardaire, et offrait quelques une des scènes les plus cultes de toute la saga. Et si Goldfinger était l'un des plus grands James Bond ?
LA TROISIÈME EST LA BONNE
Troisième aventure de 007 après Dr. No et Bons baisers de Russie, Goldfinger a fait entrer de plein pied l'agent secret dans la postérité. Il aurait difficilement pu en être autrement, étant donné le niveau de quasi-perfection atteint par cet épisode dans le créneau du divertissement populaire. D'ailleurs, au vu des nombreux atouts du film et de sa résistance au temps qui passe, l'hypothèse selon laquelle celui-ci restera un monument du cinéma même lorsque la popularité de James Bond se sera éteinte est loin d'être farfelue.
Goldfinger a en effet cela de particulier qu'il ne profite pas de la légende de l'agent secret, mais qu'il la (re)crée devant nos yeux. Pour faire un jeu de mots facile mais approprié en rapport avec son titre, tout ce que le film touche, il le transforme en or. Le scénario retors, qui enchaîne avec délectation les fausses pistes et les retournements soudains, est digne de l'âge d'or des films noirs hollywoodiens. Les ennemis de Bond atteignent la quintessence perverse de leur rôle de méchants, tant au niveau du cerveau dérangé et sans pitié (le monstrueux Auric Goldfinger, et sa réplique devenue culte « I don't expect you to talk, Mr. Bond, I expect you to die ! ») que de l'homme de main mortel et indestructible, le muet Oddjob, dont Jaws restera à tout jamais une pale imitation.
LE BON BOND
La mise en scène de Guy Hamilton (qui fera ensuite trois autres James Bond : Les Diamants sont éternels, Vivre et laisser mourir, L'Homme au pistolet d'or) est elle aussi remarquable. L'utilisation faite des maquettes, et encore plus des effets sonores, déploie des trésors d'inventivité qui font que le film n'a pas à rougir en terme de spectacle, malgré des moyens somme toute limités. On retrouve là encore l'efficacité magique des séries B de science-fiction et des films noirs de l'époque (En quatrième vitesse, par exemple), qui parviennent à vous faire croire à la fin du monde avec pour seuls ingrédients un compte à rebours, quelques bruitages et un montage sec.
Et puis bien sûr, Goldfinger ne serait pas Goldfinger sans Sean Connery dans le rôle de 007. Après les multiples digressions subies par le personnage au fil des décennies, on est presque surpris par la profondeur et le trouble que celui-ci possédait lors des premiers épisodes. Son humour à froid n'était alors pas gratuit, mais une couverture pour masquer un comportement constamment sur le fil du rasoir dans lequel les sentiments personnels (désir de vengeance, attirance pour les femmes) interfèrent à plus d'une reprise.
Adulte et complexe, confronté à des ennemis à sa hauteur et muni pour la première fois de sa mythique Aston Martin DB5 « personnalisée », ce James Bond au faîte de sa gloire est définitivement insurpassable.
Résumé : 4.5/5
Scénario, mise en scène, bad guys, Sean Connery... Goldfinger frôle la perfection et reste l'un des plus grands films de la saga James Bond, symbole d'une grande époque.
ECRAN LARGE.
mardi 6 septembre 2022
Là où chantent les écrevisses / Where the Crawdads Sing
Sortie salles France: 17 Août 2022. U.S: 15 Juillet 2022
FILMOGRAPHIE: Olivia Newman est une réalisatrice, scénariste et productrice américaine. 2018: Mon premier combat. 2022: Là où chantent les Ecrevisses. Prochainement: Untitled Roe v. Wade Project.
"Désormais, je suis le marais. Je suis la plume d'une aigrette. Je suis chaque coquillage échoué sur le rivage. Je suis une luciole. Vous en verrez des centaines clignotées jusqu'au plus profond du marais. Et c'est à cet endroit que vous me trouverez. Loin là bas, où chantent les écrevisses."
Tiré d'un illustre roman de l'écrivaine et zoologiste Delia Owens et produit par l'actrice Reese Whiterspoon, Là où chantent les Ecrevisses est une oeuvre terriblement émouvante et attachante. De par la sobriété candide de l'actrice Daisy Edgar-Jones (révélée dans la série irlandaise Normal People) nous extériorisant un tsunami d'émotions lors des 56 premières minutes, et pour la prestance criante de vérité démunie de la petite Jojo Regina incarnant Kya à son âge infantile à travers les flash-back d'un 1er acte relatant sa cruelle condition orpheline après avoir été molestée puis abdiquée par son père abusif. Livrée à elle même, cette dernière tentera de survivre dans son lieu naturel reculé grâce à sa passion des insectes et des crustacés qui environnent le marais. Ces instants de plénitude et de quiétude demeurant d'autant plus tangibles par la beauté de sa photo scope et par cette nature sensorielle que l'on aimerait effleurer du bout des doigts. Ainsi, en magnifiant ce cadre singulier d'une Louisiane isolée d'urbanisation, Olivia Newman possède ce talent inné de nous narrer son histoire parmi l'attention scrupuleuse du traitement de ses personnages vus à travers les yeux de Kya lors de son enfance puis lors de sa maturité.
La réalisatrice conjuguant sans l'outrance de sentiments programmés (à l'exception près d'une seule séquence pour la posture trop empathique de l'épicier Jumpin pour Kya) romance et onirisme dans une harmonie édénique eu égard de la puissance émotionnelle que nous suscite le duo d'amants en étreinte. Des instants de pureté parfois rehaussés d'une poésie enchanteresse (les feuilles tournoyant autour d'eux) nous donnant le vertige d'un amour fusionnel inscrit dans la passion de sentiments idéalistes. Bref, on croit à fond à leur passion incandescente sous l'impulsion de ces acteurs vibrants d'humanité pudibonde. Alors que la seconde partie nous rappellera à la réalité d'un fait aussi tragique que morbide (même si dès le prologue nous étions déjà avertis) en incluant un second personnage masculin que nous fréquenteront lors des flash-back explicatifs du triangle amoureux. Or, dès l'instant où Kya établit la rencontre de ce jeune prétendant trop loquace et désinvolte pour être honnête, on ne retrouve plus l'émotion fulgurante qui irriguait sa première partie de par sa puissance romantique brutalement estompée. Pour autant, grâce au soin de la mise en scène, du jeu toujours aussi investi des acteurs, de la présence magnétique de Daisy Edgar-Jones et de la façon studieuse de nous relater l'histoire en suspens, on reste à la fois intrigué et attentif au déroulement narratif cédant un peu plus de place à la tension de séquences de procès entre 2/3 flash-back que l'on observe dans l'expectative. Et c'est là où le cheminement d'apparence conventionnel et prévisible finit par nous surprendre de plein fouet au gré d'un final bouleversant (pour ne pas dire "crève-coeur" auprès des + sensibles) que nous ne voyons pas arriver.
*Bruno
Info Wikipedia: "Là où chante les Ecrevisses", le roman, a dominé le New York Times Fiction Best Sellers de 2019 pendant 25 semaines non consécutives. Le livre a figuré sur la New York Times Best Seller list pendant plus d'un an. Il est paru en France en 2020.
vendredi 2 septembre 2022
Soeurs de Sang / Sisters
C'est en 1972 que Brian De Palma, alors méconnu à l'orée de sa carrière cinématographique, décide de frapper un grand coup pour le genre horrifique avec Soeurs de Sang interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie tardive chez nous (1977 !). Le récit glaçant de 2 soeurs siamoises impliquées dans un meurtre d'une rare sauvagerie que la première partie nous structure avec un réalisme clinique redoutablement pervers. Le désir sexuel s'affiliant soudainement au goût du sang de la façon la plus brutale, fortuite et inconsciente. Ainsi, à travers ses thèmes favoris du voyeurisme, du désir sexuel, de l'obsession et du faux semblant, Brian De Palma nous entraîne dans une véritable descente aux enfers culminant vers une ultime demi-heure aussi traumatisante que malsaine. Le réalisateur usant d'images bougrement dérangeantes à travers ses étreintes imposées sans consentement de la victime, et par le biais d'expérimentations monochromes d'images d'archive pour susciter, ou plutôt décupler, malaise, dégoût, ad nauseam quant à l'étrange romance qui s'esquisse face à nous entre un chirurgien et sa dulcinée ébranlée d'une réminiscence chirurgicale. Margot Kidder, littéralement habitée par sa schizophrénie bicéphale demeurant tantôt terrifiante en tueuse diabolique, tantôt douce et sensuelle en maîtresse avinée d'un soir, tantôt troublante en victime démunie manipulée par un amant éperdument amoureux d'elle au point d'en omettre tout scrupule.
Outre la science du suspense subtilement imposée en split screen auprès de la disparition du corps qu'une des voisines de l'immeuble, témoin du meurtre, tente de percer avec l'aide de 2 policiers obtus, De Palma télescope adroitement thriller et épouvante avec un art consommé du malaise viscéral quant au secret de ses soeurs siamoises dont nous ne connaitrons les véritables mobiles que lors de l'ultime demi-heure anthologique. Pour ce faire, et pour nous instiller un vertige irréductible, De Palma recourt aux images cauchemardesques ou inquiétantes, telle sa cicatrice corporelle que Daniele accuse sur le flanc tout en se culpabilisant du terrible drame dont elle demeure à la fois complice et victime si je me réfère au vrai responsable de cette romance nécrosée que De Palma ose filmer de manière crue et documentée. Typiquement la marque de fabrique des Seventies se permettant d'autre part des audaces graphiques et formelles pour mieux secouer le spectateur, tant d'un aspect psychologique que sanglant. Mais le moteur du récit davantage fascinant émane véritablement du traitement cérébral réservé aux personnages peu recommandables (mais aussi à la journaliste !) communément manipulés, drogués, hypnotisés par une liaison amoureuse dénuée d'éthique. Si bien qu'à travers le point de vue moral de la journaliste (impeccablement endossée avec aplomb et pugnacité suicidaire par Jennifer Salt au point de presque voler la vedette à Margot Kidder !), Soeurs de Sang dégage une rare intensité horrifique méphitique pour sa présence désespérément soumise et les tenants et aboutissants impartis à une gémellité pathologique. Soeurs de sang possédant notamment plusieurs grilles de lecture si j'ose dire (dont celle de la possession pourquoi pas surnaturelle !) afin de saisir le profil psychotique de ses soeurs siamoises où jalousie, absence de reconnaissance, viol, perte/trouble identitaire et possessivité en seront les catalyseurs d'une effroyable tragédie criminelle.