mercredi 30 octobre 2024
Octopussy
mardi 29 octobre 2024
Mother land / Never let go
Impeccablement endossé par une Halle Berry sans fard dans la peau d'une maman parano victime de son fanatisme religieux, Mother Land nous questionne, par ses actions à la fois drastiques et nonsensiques, et par le comportement interrogatif des enfants en proie à la perplexité, sur l'influence du Mal qu'ils dépendent communément au sein d'un contexte de survie éventuellement post-apo. Tour à tour vibrante, poignante et fragile mais déterminée et forcenée puisque aveuglée par sa folie parano en perdition, Hale Berry suscite crainte, effroi, désespoir à travers sa mélancolie morale de tenter de survivre dans la précarité en s'efforçant d'y préserver la vie de ses enfants avec une détermination irresponsable.
Sorte de conte plutôt noir à travers son réalisme à la fois naturaliste, feutré et onirique baignant dans un climat esseulé émaillé de visions d'effroi, Motherland surprend par ses rebondissements dramatiques impromptus et par le parti-pris intelligent d'Alexandre Aja d'aborder un Fantastique adulte en faisant fi de facilités standard qu'on a coutume de voir dans ce paysage (souvent formaté). A travers son art formel et du storytelling, Aja introduit d'autre part une émotion fébrile parfois même bouleversante au fil de l'évolution morale de ce trio maudit compromis par d'éventuelles forces du Mal intraitables. On est d'autant plus attaché à ces personnages rétrogrades qu'une intensité dramatique leur est également consignée avec un art consommé de l'autosuggestion. Le cheminement si indécis de ses enfants abandonnés de tous demeurant également la grande densité de ce récit métaphorique où la présence du Mal nous fera finalement office de réflexion existentielle, à l'instar d'un Carpenter persuadé que cette entité est parmi nous.
Merci Mr Aja pour votre proposition Fantastique de nous avoir traité un métrage intimiste aussi fort, douloureux et intelligent. *
Et merci à toi Jean-Marc Micciche de m'y avoir suscité la curiosité (pour ton optimisme et par le truchement du "chien").
*Bruno
Infos subsidiaires: A l'origine Mark Romanek devait le réaliser.
Tournage étalé sur une période de 3 mois (Avril à Juin 2023) à Vancouver (Canada).
Scénario de Kevin Coughlin et Ryan Grassby
Production : Alexandre Aja, Dan Cohen, Dan Levine et Shawn LevyMusique : Robin Coudert
lundi 28 octobre 2024
Le Comte de Monte Cristo. Festival du film de Cabourg 2024 : Swann du meilleur film.
Sortie salles France: 28 Juin 2024.
FILMOGRAPHIE: Alexandre Dubois de La Patellière, dit Alexandre de La Patellière, né le 24 juin 1971 à Paris, est un scénariste, dramaturge, réalisateur et producteur français. 2012 : Le Prénom en collaboration avec Matthieu Delaporte. 2019 : Le meilleur reste à venir en collaboration avec Matthieu Delaporte. 2024 : Le Comte de Monte-Cristo en collaboration avec Matthieu Delaporte. Matthieu Delaporte est un scénariste, réalisateur pour le cinéma et la télévision et dramaturge français né le 2 septembre 1971. 2006 : La Jungle. 2012 : Le Prénom avec Alexandre de La Patellière. 2014 : Un illustre inconnu. 2019 : Le meilleur reste à venir avec Alexandre de La Patellière. 2024 : Le Comte de Monte-Cristo en collaboration avec Alexandre de La Patellière.
Top 2024 (en tête de peloton du classement).
"Toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots : attendre et espérer !"
Renouant avec la qualité disparue des grands classiques du genre tout en le modernisant un peu pour l'emploi de certains effets de style, le Comte de Monte Cristo est du grand cinéma populaire comme on n'en voit plus dans le paysage Français. On peut même prétendre une résurrection en somme.
Du pur plaisir de cinéma 2h50 durant auquel tout est admirablement réuni pour nous séduire avec une bouleversante sincérité. Si bien que ce récit de vengeance de longue haleine doit autant au talent d'écriture d'Alexandre Dumas que du jeu terriblement investi des acteurs se disputant l'autorité avec un souffle épique ou romanesque que l'on croyait aujourd'hui révolu.
C'est dire si la réunion des cinéastes Alexandre de La Patellière / Matthieu Delaporte a porté ses fruits d'avoir su réactualiser l'illustre récit sous une fulgurance formelle au cordeau (photo scope rutilante à l'appui). Si bien que le Comte de Monte Cristo est également un splendide livret d'images que son budget de plus de 42,9 millions d'euros (film français le plus cher de 2024) a rendu plausible en peaufinant chaque séquence jusqu'à la plus ordinaire.
Mais outre son régal pour les yeux et l'ouie (score musical de Jérôme Rebotier à damner un saint pour son sens lyrique), le Comte de Monte Cristo est avant tout et surtout un affrontement psychologique d'une intensité scrupuleuse passée une tolérance s'étalant sur une durée de plus de 14 ans. Des antagonistes couards au charisme infaillible (aucun ne déborde à travers leur commune expressivité antipathique) bientôt rattrapés par leur passé qu'Edmond Dantes (Pierre Niney est habité sans cligner d'un cil) est entrain de planifier pour son sens de la justice. Quand bien même le récit impeccablement charpenté met autant en exergue la valeur (ici écornée) de l'amour et de l'amitié avec un souffle lyrique ou dramatique tout en grâce élégiaque.
Une oeuvre d'art donc d'une beauté académique épurée, un futur grand classique du cinéma d'aventures auquel les 9 millions de spectateurs français n'ont fait que confirmer son potentiel fastueux.
*Bruno
Budget : 42,9 millions d'euros (film français le plus cher de 2024)
Box Office: 9 037 088 entrées (au 29/10/2024)
mardi 22 octobre 2024
Alien: Romulus
de Fede Alvarez. 2024. U.S.A/Angleterre. 2h00. Avec Cailee Spaeny, David Jonsson, Isabela Merced, Archie Renaux, Spike Fearn, Aileen Wu, Daniel Betts.
2009: Ataque de Panico (court-métrage). 2013: Evil-Dead. 2016: Don't Breathe. 2018 : Millénium : Ce qui ne me tue pas (The Girl in the Spider's Web). 2024 : Alien: Romulus.
vendredi 18 octobre 2024
La comtesse
P.S: Je n'avais pas vraiment apprécié la 1ère fois, j'ai aujourd'hui changé d'avis après ma révision d'hier soir (merci Jérôme pour l'influence) même si éloignée de ma zone de confort.
Il s'agit donc d'un récit historique dépouillé relatant la déliquescence morale de la fameuse comtesse Elisabeth Bathory qui, à la suite d'une déception amoureuse assez polémique et envieuse (faute de ses 20 ans d'écart avec son amant), sombre dans la folie meurtrière en s'abreuvant de sang humain afin d'y préserver sa jeunesse.
Si son climat relativement austère, son rythme nonchalant peut de prime abord rebuter, on se laisse peu à peu séduire, dérivé, un tantinet envoûté, par les caprices déviants de cette comtesse à la fois vaniteuse, égoïste, indolente que Julie Delpy impose (derrière et face caméra) dans une posture rigoureusement altière, impassible, pour ne pas dire antipathique. Raison pour laquelle nous avions affaire à un docu/fiction peu aimable.
Formellement soigné, tant pour sa photo scope, ses décors naturels et domestiques et sa réalisation personnelle avisée, et plutôt bien interprété auprès d'une distribution internationale assez impliquée, la Comtesse dérange, déroute et captive sensiblement au fil de son évolution morale puisque entravée par sa condition bourgeoise dénuée de charité. Sa cruauté sans morale atteignant l'innommable pour mieux se consoler de sa désillusion esseulée.
Un drame passionnel donc rongé d'une sinistrose existentielle, aussi intime que davantage horrifiant, que l'on quitte sans réelle empathie à force de dérive criminelle en roue libre dénuée de remord, de remise en question, de rédemption.
Enfin, quant à la vérité des faits historiques morbides, Julie Delpy n'évoque pas en carton d'avertissement qu'ils restent largement mis en doute par certains historiens puisque les témoignages furent obtenus sous la contrainte et la torture et que le nombre de victimes causées par la Comtesse hongroise reste incertain.
Alors, réalité ou légende ?
mercredi 16 octobre 2024
Vij ou le Diable / Viy (Вий)
Sortie salles France: 22 Mars 1972. Union soviétique : 27 novembre 1967
Nous sommes en terrain inconnu. Celui de la Russie des sixties sous la mainmise audacieuse du genre horrifique. Car le seul tourné chez eux (jusqu'aux années 2000 parait-il). Vij relatant les 3 jours cauchemardesques d'un séminariste contraint de veiller le corps d'une jeune fille se révélant une sorcière. Or, afin d'y canaliser ses affres, il s'enivre de Vodka au risque de perdre la vie.
Visuellement splendide en s'immergeant goulument à l'intérieur de l'écran, Vij est un voyage infiniment dépaysant à travers sa scénographie à la fois rurale et gothique issue de l'union soviétique. Tant auprès d'une auberge, d'une église, d'un pâturage ou d'un vaste champs verdoyant, Vij est un ravissement formel vu nulle part ailleurs.
Les réalisateurs Konstantine Ierchov et Gueorgui Kropatchiov élaborant des séquences oniriques à la fois féériques (les séquences de la jeune fille en berne puis ses apparitions en lévitation) et cauchemardesques (les démons qui harcèlent notre héros aviné jusqu'à un final anthologique surgit des enfers). Sur ce point les extraordinaires effets-spéciaux sont encore aujourd'hui pour la plupart surprenants, voirs bluffants de réalisme tout en nous illustrant avec une inventivité baroque des monstres difformes épatants de singularité séculaire.
Tiré d'un récit de Nicolas Gogol (déjà adapté à l'écran par Mario Bava avec son chef-d'oeuvre monochrome Le Masque du Démon), Vij ou le diable rassembla lors de sa sortie plus de 30 millions de spectateurs ! C'est dire si ce public peu familier à l'épouvante se rua dans les salles pour reluquer l'objet sulfureux puisant principalement sa force dans le jeu spontané des acteurs plutôt dynamiques (et à l'expressivité assez particulière) et surtout dans son imagerie ensorcelée faisant intervenir les forces occultes sous l'allégeance d'une sorcière à la fois physiquement répugnante et fastueuse.
On sort donc de ce cauchemar tel un rêve éveillé avec l'impression d'avoir assisté à une expérience de cinéma "autre" que la Russie abdiqua toutefois (le genre "épouvante" j'entends) des décennies durant pour des raisons qui m'échappent. C'est dire si Vij ou le diable demeure extrêmement précieux pour l'amateur éclairé qu'Artus Films extirpe de sa torpeur dans une superbe copie Blu-ray agrémentée de passionnants Bonus. Une seule pensée nous vient passé le générique de fin, rembobiner la pellicule pour s'y replonger d'une façon gouleyante aussi sommaire soit son intrigue quelque peu facétieuse, voire même sarcastique (à l'instar de son inopinée conclusion contraire à la morale).
P.S: Chez nous, Vij sortit le 22 Mars 1972, soit 5 ans après sa sortie soviétique le 27 Novembre 1967.
lundi 14 octobre 2024
The Substance. Prix du Scénario, Cannes 2024
Sortie salles France: 6 Novembre 2024. U.S: 20 Septembre 2024.
FILMOGRAPHIE: Coralie Fargeat, née en 1976 à Paris, est une réalisatrice et scénariste française. 2017 : Revenge. 2024 : The Substance.
— le cinéphile du cœur noir
Récompenses:
Festival de Cannes 2024 : Prix du scénario
Festival international du film de Toronto 2024 : People's Choice Award (section Midnight Madness).
Infos subsidiaires; Le tournage a été effectué à Paris et dans le Sud de la France.
Dennis Quaid a remplacé l'acteur Ray Liotta à la suite de son décès.
Budget: 17,5 millions de dollars.
Ci-joint le point de vue de Jean-Baptiste Thoret
Je crois que la singularité, pour ne pas dire la force, de "The Substance" tient moins dans ce que Coralie Fargeat semble d'abord vouloir nous dire (asséner serait un mot plus juste) - soit un féminisme à la truelle, de bon aloi et en grand angle - que les moyens plastiques et esthétiques fous qu'elle déploie pour faire mine d'y parvenir. De manière insidieuse, le film glisse peu à peu sur un autre terrain, à son corps défendant peut-être. À force d'enfoncer le même clou écarlate, on comprend bientôt qu'il vise un point plus éloigné, et plus profond que celui auquel on pouvait s'attendre, contrairement à "Revenge", son premier long-métrage, qui avait calé à ce stade (Female empowerment, male gaze, etc...). Son geste est tellement radical et enragé (mais d'une grande précision), sa volonté d'aller jusqu'au terme absolu de ses visions tératologiques est si forte (2h20 tout de même), qu'elle parvient à nous convaincre que le vrai sujet de son film tient finalement tout entier dans son (extrême) viscéralité.
De The Substance, on sort bien sûr éreinté, groggy, un peu nauséeux, avec un étrange sentiment mêlé de familiarité (à peu près tous les grands monstres qu'a produit le cinéma depuis ses origines sont invités à ce bal de l'horreur, De Palma, Lynch, Russell, Carpenter, Shining, Freaks...) et de dépaysement total, comme dans un cauchemar où tout semble parfaitement ressemblant (à ce qu'on a déjà vu) et pourtant radicalement autre (l'a-t-on déjà vu à ce point et comme ça ?). C'est, pour reprendre le titre d'une livre que Piers Handling a consacré à David Cronenberg au tout début des années 1990, un film d'horreur intérieure qui, au terme de son odyssée répugnante et nécessaire atteint malgré tout une forme de poésie et surtout de clairvoyance politique. À la fin du film, la feuille de route féministe de départ semble lointaine, presque oubliée, expédiée en quelques minutes ricanantes, comme si, au fond, il n'y avait rien de plus à en dire qu'une parodie de show télé obsédé par le fessier de sa nouvelle égérie et le visage déformé d'un Dennis Quaid libidineux. Mais le travail formel de Fargeat, époustouflant et débridé, son obstination à épuiser dans l'outrance et la férocité tous ses motifs, lui ont permis d'élever son film bien au-delà du genre body horror et de ses limites structurelles. Certes, son pas est toujours un pas de trop (du côté du gore, forcément, et de l'implosion de toute logique scénaristique) mais ce pas de trop est, en réalité, un pas plus loin. Au fond, que nous raconte "The Substance" ? Peut-être quelque chose comme ceci : le capitalisme contemporain est une immense fabrique de monstres auxquels le film veut rendre leur littéralité et leur substance organique. Et ces monstres-là - autrement dit nous, usagers dociles de sa technologie, de ses injonctions, de ses illusions, de sa bêtise et de son inhumanité - Fargeat nous propose de les regarder en face, mais surtout en chair et en os. Geste cronenbergien en diable qui consiste à redonner du corps (et donc du sens) à une idée et à la revitaliser par une forme d'incarnation frénétique. La métaphore, comme arme critique, aurait-elle fait son temps ?
Caddo Lake
Diffusé sur HBO MAX le 10 Octobre 2024
Top 2024
Prenant pour thème le fameux voyage temporel, Caddo Lake met scrupuleusement en parallèle la destinée de deux personnages: Le jeune Paris traumatisé par la mort de sa mère noyée dans les eaux du lac Caddo lors d'un accident de voiture, Elise dont sa soeur Anna vient tout juste de disparaître dans ce même lieu chargé de mystères et de silence mais aussi de bruits inexpliqués pour qui a l'oreille fine.
Formellement fascinant auprès de sa scénographie aqueuse pénétrante et superbement réalisé puisque tant maîtrisé pour la gestion de son suspense haletant littéralement hypnotique, Caddo Lake s'illumine de densité pour la caractérisation psychologique de toute une famille du point de vue de Paris et Elise que tout semble opposer. Si le récit génialement inquiétant s'y entend pour susciter l'interrogation à travers les yeux de ceux-ci indépendamment plongés dans une dimension parallèle après voir péniblement percé les secrets du lac, sa puissance dramatique émane de leurs valeurs familiales qu'ils se disputent en contrepoint en s'efforçant de résoudre leurs blessures morales, réparer les dissensions et surtout modifier le temps pour s'extraire de l'injustice du deuil trop lourd à porter sur leur conscience.
Constamment passionnant, tant pour la solidité de l'intrigue fertile en rebondissements, parfois confus mais cohérent (en rembobinant quelques séquences clefs pour mieux saisir les relations intrafamiliales un peu trop ramifiées dans une anarchie chronologique), du jeu des acteurs aussi impliqués que transis par la soif de découverte et de rédemption, que de sa réalisation circonspecte soumise à l'humanisme torturé de ses protagonistes en proie à la cacophonie, au sentiment d'injustice et au rejet de l'autre faute de leur découverte improbable liée au surnaturel, Caddo Lake suscite une fine émotion à la fois trouble, forte, poignante, déstabilisante, voir capiteuse même auprès de ses enjeux humains aussi fragiles que fébriles.
Et si la conclusion peut un brin décevoir quant au sort imparti à l'un des protagoniste clef, Caddo Lake laisse en mémoire une investigation de longue haleine redoutablement trouble, fascinante, efficace en renouvelant sans fard aucun le thème du voyage temporel avec un art consommé de la singularité.
Tout bien considéré, à trôner auprès des meilleurs films du genre auprès de sa thématique tant foisonnante du voyage temporel.
dimanche 13 octobre 2024
The Door / Die Tür
de Anno Saul. 2009. Allemand. 1H40. Avec Mads Mikkelsen, Jessica Schwarz, Heike Makatsch, Nele Trebs, Rüdiger Kühmstedt, Corinna Borchert, Valeria Eisenbart, Thomas Thieme, Tim Seyfi.
Sortie salles France : 20 Janvier 2011, Allemagne : 26 Novembre 2009
FILMOGRAPHIE: Anno Saul est un réalisateur et scénariste allemand. - Kebab Connection 2005
- The Door 2009. 2011 : Reiff für die Insel - Neubeginn. 2014 : Irre sind männlich
Le Pitch: David, artiste peintre se rend chez sa maitresse au moment où sa petite fille tombe incidemment dans la piscine et meurt noyée. Cinq ans plus tard, rongé par le remord, le père en berne tente de reconquérir son ex-amie, en vain. Désespéré, il tente de se suicider en se jetant dans sa piscine mais un de ses amis le sauve in extremis. Quelques moments après, David erre sans but dans les rues nocturnes jusqu'au moment où il découvre sur son chemin un étrange tunnel capable de remonter le temps.
Impliqué dans une réaction en chaine inarrêtable, Mads Mikkelsen apporte une subtile densité auprès de son humanisme torturé partagé entre culpabilité, espoir et désir de renaissance. Un être véreux malgré lui mais hanté par le chagrin et le désespoir, le remord et la quête de rédemption à travers ses nouvelles prises de conscience, sa remise en question perpétuelle bâtie sur le non-dit, sa nouvelle motivation amoureuse à reconquérir sa vie de couple. Son visage renfrogné assorti d'un regard anxiogène accentuant l'attrait diaphane de son environnement élégiaque mêlé d'angoisse et d'inquiétude alors que l'action plus haletante enchainera les soubresauts auprès de son parcours houleux (impliquant notamment d'autres protagonistes), tel un châtiment punitif inextricable.
Le temps d'aimer
Soigneusement réalisé sous le pilier d'une photo épurée non exempte d'onirisme naturaliste (le symbole du papillon bleu), écrit avec intelligence pour y parfaire mystère, tension et suspense latent autour de la psychologie névrosée des personnages, The Door se décline en superbe romance éperdue à travers l'irresponsabilité parentale compromise par la mort et l'adultère. Une oeuvre intense et passionnante donc à travers son fragile discours sur le pardon, la reconstruction morale eu égard de la part de responsabilité d'un père et d'une mère mutuellement opposés à la trahison. Le cinéaste Anno Saul exploitant le genre Fantastique sans fioriture aucune (qui plus est sans effets-spéciaux !) pour rendre compte de la complexité des sentiments les plus fragiles, filandreux, véhéments, douloureux.
Récompense: Grand Prix au Festival du film Fantastique de Gérardmer 2010.
17.01.11.
jeudi 10 octobre 2024
Amelia's Children / A Semente do Mal. Prix du Jury, Gérardmer 2024.
FILMOGRAPHIE: Gabriel Abrantes est un réalisateur américano-portugais vivant à Lisbonne, né en 1984 en Caroline du Nord. 2014 : Pan Pleure Pas, long métrage qui rassemble trois de ses précédents courts (Taprobana, Liberdade et Ennui ennui). 2018 : Diamantino, coréalisé avec Daniel Schmidt. 2024 : Amelia's Children.
Quelle belle surprise que ce petit métrage portugais tourné en anglais (le réal étant de nationalité américano-portugais) repartit qui plus est avec le Prix du Jury lors du festival de Gérardmer. 3è long du méconnu Gabriel Abrantes, Amélia's Children s'y entend pour nous amener à le suivre sur les pentes d'une intrigante filiation lorsque Ed et sa compagne Riley recherchent les parents de celui-ci après avoir été kidnappé lorsqu'il fut bébé. Ce qui les amènent à côtoyer sa véritable mère et son frère jumeaux vivants reclus dans un manoir à proximité d'un bois. Efficacement mené auprès de son suspense lattent ne relâchant jamais l'attention, notamment grâce à l'attachement imparti au couple sans fard (tant auprès de leur physique standard que de leur jeu dépouillé particulièrement naturel, surtout auprès de Brigette Lundy-Paine portant littéralement le récit sur ses épaules), Amélia's Children empreinte intelligemment la thématique incestueuse sous couvert d'une satire cinglante sur le jeunisme. Or, fort d'un climat d'étrangeté d'autant plus stylisé au sein de cette charmante demeure où les jeux de couleurs y esquissent l'ameublement, l'inquiétude ressentie demeure d'autant plus palpable en la présence d'une maman tuméfiée d'une chirurgie plastique.
Celle-ci parvenant à susciter gêne et malaise, notamment auprès de sa posture faussement affable, quand bien même le fils instille lui aussi une équivoque amabilité auprès de ses hôtes désorientés. Pour autant simpliste auprès de son schéma connu, Amélia's Children réinvente la notion de suspense et d'horreur suggestive hérités des fleurons des années 70 et 80. Tant et si bien que l'on se surprend à être irrésistiblement attiré, captivé par cette étrange retrouvaille familiale sous l'impulsion de protagonistes subtilement équivoques, sournois, inévitablement perfides. Le réalisateur n'usant que rarement de facilités et de clichés (à l'exception d'un seul assez grossier lors d'une poursuite finale entre 2 personnages) puisque privilégiant le non-dit, la suggestion, l'inquiétude, l'interrogation, la perplexité avec une efficacité payante. Et ce avant d'y parfaire un final autrement tendu, haletant et quelque peu sanglant sans toutefois s'embarrasser de surenchère ou d'effets grand-guignolesques injustifiés. D'autant plus que plus l'intrigue progresse, plus son climat malsain s'y impose en embrayant l'angoisse tangible, notamment parmi l'appui de certaines visions intolérables dénuées de violence graphique.
Attachante farce morbide pleine de modestie et de sincérité pour le genre horrifique puisque traitée entre noblesse et intelligence, Amélia's Children demeure un excellent divertissement à la fois sardonique, ombrageux et dérangeant en renouant avec les contes fétides que l'on se narrait au coin du feu. Et ce dans une facture toute à la fois moderne et baroque auprès de son esthétisme inspiré.
Dédicace à Loïc Bugnon.
mercredi 9 octobre 2024
Le Chat Noir / The Black Cat
Sortie salles France: 13 Mars 1936. U.S: 7 mai 1934
Hormis son titre inapproprié, Le chat Noir dépeint la confrontation au sommet de deux personnages ambitieux: un architecte et un psychiatre notoire entachés d'un lourd passé conflictuelle. Or, le Dr. Vitus Werdegast (Bela Lugosi) est aujourd'hui décidé à se venger de son bourreau après avoir vécu 15 années de bagne. Pour cause, durant la guerre, l'architecte Hjalmar Poelzig (Boris Karloff) profita de sa longue absence pour se méprendre de son épouse ainsi que sa fille. Mais Vitus, rescapé de l'enfer d'une forteresse Russe a retrouvé ses traces depuis l'exil de son rival aux 4 coins du monde. Quand bien même un jeune couple égaré incidemment dans la demeure de Hjalmar se retrouve mêlé à leur discorde.
Ainsi donc, à travers l'affrontement cérébral entre nos stars de l'épouvante, Edgar Georg Ulmer nous livre un de ces glorieux classiques des années 30 à travers un récit implacablement structuré qui plus est renforcé d'une ambiance tantôt macabre, tantôt inquiétante, tantôt baroque. Car pour l'emploi de ce climat surréaliste fort particulier, nous sommes interpellés par la beauté et la modernité des décors architecturaux de la demeure exacerbés d'un éclairage expressionniste pour y parfaire des figures géométriques ainsi qu'un jeu d'ombres sournoises auprès de nos protagonistes obscurs qui entourent le couple égaré.
Quant aux couacs, au delà d'une unique scène humoristique entre deux policiers venus rendre visite dans la demeure et d'un détail narratif irrésolu (de quelle manière Hjalmar conserve inctact le corps de ses victimes embrigadées dans les cages de verre ?), Le Chat Noir est un passionnant jeu de pouvoir entre deux ennemis déterminés à ne point lâcher prise dans leur combat moral quelqu'en sera l'issue réservée. Et ce au nom de la fierté de l'arrivisme pour l'un et de la haine rancunière pour l'autre (au confins de la démence) quant au final horrifique particulièrement sadique.
D'autre part, en ce qui concerne son imagerie à la fois baroque et macabre (on reste pantois de trouble admiration pour la perversité invoquée aux cages de verres féminines !), on reste fasciné par son final haletant se clôturant sur une séance singulière de diabolique liturgie où le spectateur sera encore interloqué auprès de l'arrière plan d'un étrange décor gothique à l'art abstrait.
Passionnant dans ses caractérisations fébriles et étrangement magnétique pour la vigueur son noir et blanc évocateur, Le Chat Noir est surtout l'occasion de voir réunir à l'écran deux stars de l'épouvante rigoureusement impliqués, inspirés, habités par leur personnage occulte afin de nous susciter l'appréhension pour leur singulier règlement de compte aussi tortueux que tragique. Un classique effectivement immortel pour reprendre la tagline de son Dvd édité chez nous en version originale.
Côte émotive (sur 5): ☆☆☆☆☆
mardi 8 octobre 2024
Salem's Lot
FILMOGRAPHIE: Gary Dauberman est un scénariste et réalisateur américain. 2019 : Annabelle : La Maison du mal (Annabelle Comes Home). Prévu pour 2024 : Salem (Salem's Lot)
Je rejoins Stephen King puisqu'il s'agit d'une fort sympathique réactualisation du mythe du vampire au sein d'un huis clos rural aussi chaleureux qu'inquiétant eu égard de la venue d'un invité surprise hyper charismatique (et donc aussi fascinant que terrifiant pour son apparence spectrale renouant aux sources du mythe façon Nosferatu).
La réalisation est étonnamment soignée et bien cadrée, la photo est splendide, la reconstitution des Seventies idoine, le cadre rassurant est chaleureux alors qu'à d'autre moments le gothisme architectural y contraste dans une emprise ensorcelante. Il y a aussi des séquences oniriques de toute beauté qui accompagnent le récit sans fioriture (la poursuite nocturne dans les bois en ombres chinoises) alors que les personnages, que l'on croirait évacués d'une série B des années 80, sont attachants auprès de leur cohésion et leur héroïsme de dernier ressort. Sur ce point, il fallait d'ailleurs oser offrir le rôle majeur à un enfant afro volant presque la vedette à son homologue adulte.
C'est donc bien rodé, jamais ennuyeux, aussi mystérieux que palpitant, inventif qui plus est (les croix qui s'illuminent, les yeux qui blanchissent, les vampires éjectés par l'arrière au contact de la croix, le final dans le drive-in avec l'écran de cinéma, la scénographie onirico-féerique des enfants vampires) alors que son épilogue expéditif ne s'attarde pas sur le combat final entre vampire et survivant. Et puis enfin on peut relever l'audace du réalisateur d'y sacrifier quelques victimes de façon cruellement imprévisible pour s'extirper des clichés et en renforçant les situations de danger distillées au fil narratif sans vaine digression (on va droit à l'essentiel).
Une bonne série B horrifique donc, modeste, émotive, sans prétention, comme il en pullulait lors des années 80.