jeudi 11 juin 2015

2000 Maniacs

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorsociety.com

Two Thousand Maniacs d'Herschell Gordon Lewis. 1964. U.S.A. 1h16. Avec William Kerwin, Connie Mason, Jeffrey Allen, Ben Moore, Gary Bakeman, Jerome Eden.

Sorti uniquement en video en France. Sortie salles U.S: 20 Mars 1964

FILMOGRAPHIE: Herschell Gordon Lewis est un réalisateur, scénariste, producteur, directeur de photographie, acteur et compositeur américain, né le 15 Juin 1926 à Pittsburgh, Pennsylvanie (Etats-Unis). 1963: Blood Feast. 1964: 2000 Maniacs. 1965: Monster a go-go. 1965: Color me blood red. 1967: A taste of blood. 1970: The Wizard of Gore. 1972: The gore gore girls. 2002: Blood Feast 2.

 
Un an après avoir révolutionné le cinéma d’horreur avec Blood Feast, premier film sanglant de l’histoire, le néophyte Herschell Gordon Lewis exploite à nouveau son filon sanguinolent avec 2000 Maniacs, considéré à juste titre comme son film le plus ludique. Partant d’un concept aussi original qu’ubuesque, 2000 Maniacs relate les épreuves de loisir endurées par trois couples de touristes égarés à Pleasant Valley, après un détour fatal. Accueillis en grande pompe par le maire et sa populace sudiste, ces derniers n’ont qu’un dessein : sacrifier ces jeunes yankees pour fêter, dans la viande fraîche, le centenaire de la guerre de Sécession.


Dépourvu de toute ambition psychologique, porté par des comédiens amateurs et bricolé avec trois bouts de ficelle, 2000 Maniacs mise tout sur l’inventivité de ses meurtres et l’euphorie d’une population ivre de festivités. À ce titre, et avec plusieurs décennies d’avance, Lewis peut se vanter d’avoir semé la graine du "torture porn", tant ses crimes absurdes redoublent de cruauté sous l’œil hilare d’une foule hystérique ! Du supplice équin au massacre à la hache, de l’épreuve du tonneau clouté à celle du rocher, chaque mise à mort, planifiée au cœur d’une kermesse champêtre, distille une cocasserie morbide malgré le ridicule des maquillages. Lewis s’attarde sur les gros plans de chairs fendues, de membres tranchés, de plaies béantes, baignant dans un sang criard et visqueux. Et cela fonctionne, mine de rien : l’hémoglobine dégoulinante a toujours son petit effet de répulsion. Dépourvu de suspense et de véritables enjeux dramatiques, le film concède malgré tout un mince frisson du côté du dernier couple en cavale.


Perle vintage de série Z, où l’intrigue improbable s’effrite au profit du grand-guignol, 2000 Maniacs reste pourtant aussi plaisant que délirant, et imprime à jamais sa marque sur l’autel du ciné-gore. Grâce à l’audace de ses exécutions crapuleuses, la verve pittoresque de ses rednecks incultes et l’atmosphère estivale de sa kermesse banjo en bandoulière, 2000 Maniacs mérite d’être vu et revu, avec un plaisir sardonique inchangé.

*Bruno
26.08.19. 5èx

mercredi 10 juin 2015

Les Prédateurs / The Hunger

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixshark.com

de Tony Scott. 1983. U.S.A./Angleterre. 1h36. Avec Catherine Deneuve, David Bowie, Susan Sarandon, Cliff De Young, Beth Ehlers, Dan Hedaya, Rufus Collins, Suzanne Bertish, James Aubrey, Ann Magnuson... 

Sortie salles France13 juillet 1983   U.S.A: 29 avril 1983

FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre, 1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire,   2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable.


"La Soif et le Silence".
Premier essai derrière la caméra de Tony Scott, Les Prédateurs marqua toute une génération de spectateurs, principalement grâce à son épure formelle scandant un requiem d’amour et de mort autour de l’avarice vampirique pour une jeunesse éternelle. Novateur dans son refus hétérodoxe du thème éculé, Tony Scott ose également confronter à l’écran deux icônes singulières que le duo David Bowie / Catherine Deneuve transfigure avec une grâce élégiaque.
 
Le Pitch: À New York, John et Myriam sont des vampires, unis dans un amour passionnel depuis des millénaires. Jusqu’au jour où John, frappé par une étrange maladie – peut-être la progéria –, commence à vieillir à vitesse accélérée. Condamné, Myriam accepte difficilement le fardeau avant de reporter son affection sur Sarah, une doctoresse spécialisée dans la longévité, contactée par John en ultime recours.


"Les Derniers Soupirs de l’Immortel".
Échec public à sa sortie, peut-être en raison de son rythme languide, entièrement dévoué à la beauté des images et à la fragilité de ses personnages en perdition, Les Prédateurs s’impose comme une œuvre atypique dans le paysage vampirique. En témoigne son prologue musical : clip new wave dans une boîte punk, où John et Myriam, lunettes noires et cuir noir, attirent leurs proies dans leur appartement pour une étreinte macabre. Le tube Bela Lugosi’s Dead de Bauhaus intensifie cette séquence hypnotique, entre exactions sanglantes et romantisme mortuaire.
En montage parallèle, Scott juxtapose deux séquences : la fureur d’un singe dévorant son compagnon et l’union charnelle de John et Myriam avant leur rituel sacrificiel. Leur Ankh, bijou égyptien renfermant une lame, scelle le destin de leurs victimes.
Passé cet interlude expérimental, l’ambiance bascule dans la douceur d’une mélodie classique, nous immergeant dans le cocon victorien du couple. La première partie, anxiogène et poignante, relate la dégénérescence inexorable de John. Les maquillages hyperréalistes de Dick Smith impressionnent dans leur précision à décatir Bowie étape par étape, jusqu’aux macchabées du final, saisis dans une putrescence glaciale. Ces instants de poésie charnelle éveillent une empathie profonde pour ce vampire en bout de course. Ue émotion élégiaque émerge, magnifiée par l’esthétisme épuré de Tony Scott
 

"Sous les draps de soir, le néant".
Les Prédateurs explore la fatalité de la mort sous le prisme de l’injustice du temps, qui érode inexorablement jusqu’à ce que nos restes rejoignent la poussière. Mais pour le vampire, point de repos ni de salut : seulement l’errance dans l’opacité, accompagné des soupirs d’ancêtres parcheminés pleurant leur immortalité.
La seconde partie s’oriente vers l’attraction de Sarah pour Myriam. Une union saphique consumée dans la douceur d’un appartement soyeux, drapé de linceuls, sculptures et soieries, où l’érotisme langoureux se mêle au poison. Sarah, séduite, devient l’héritière conjugale, remplaçant John, mais rattrapée bientôt par le doute et la culpabilité.
Que dire de ce casting ? Qui aurait imaginé Catherine Deneuve, icône française, aux côtés de David Bowie dans un film fantastique ?
Deneuve, tout en distance, froideur et majesté, incarne une vampire aristocratique, briseuse de cœurs, lasse de voir ses amants faner. Bowie, bouleversant dans sa posture de mourant, s’accroche désespérément à un reste de vie, jusqu’au dernier sacrifice. Susan Sarandon, quant à elle, s’impose par sa sensibilité confuse, tiraillée entre désir et rédemption.


"Éternité en cendres"
Réflexion sur la vieillesse comme lente agonie, sur le temps qui efface les visages et sur l’illusion de l’amour éternel, Les Prédateurs s’érige en poème funèbre, où l’obscurité s’impose comme ultime refuge.
Entre la fulgurance d’une photographie picturale aux accents classiques et le score électro-baroque de Rubini et Jaeger, ce chef-d’œuvre sensuel et glaçant irradie une beauté morbide. Le film distille une aura trouble, incandescente, suspendue entre deux baisers : Deneuve / Bowie, Deneuve / Sarandon. Deux crépuscules, deux tragédies. Une seule éternité.

Bruno Matéï
09.01.11. 4èX. (137 vues)
10.06.14. 5èx


                                     

vendredi 5 juin 2015

PSYCHOSE

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site emkafilms7.over-blog.com

Psycho d'Alfred Hitchcock. 1960. U.S.A. 1h49. Avec Anthony Perkins, Vera Miles, Janet Leigh, John Gavin, Martin Balsam, John McIntire, Simon Oakland, Patricia Hitchcock.

Sortie salles France: 2 Novembre 1960. U.S: 16 Juin 1960

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


Précurseur du psycho-killer, chef-d'oeuvre du 7è art classé 18è sur les 100 meilleurs films américains et 1er sur les 100 meilleurs thrillers par l'American Film Institute, Psychose révolutionna le cinéma d'horreur au moment même où il révéla au public le jeune acteur Anthony Perkins. Littéralement habité par son rôle démoniaque, ce dernier parvenant à magnétiser l'esprit du spectateur dans ses échanges de regard mêlés de fourberie et de perversité. L'intensité ensorcelante qui émane de sa prestance s'avère si subtile qu'on jurerait avoir affaire à un authentique serial-killer, quand bien même le spectateur s'ébranlera de stupeur sur l'origine de sa pathologie impartie au dédoublement de personnalité. Solitaire vivant reclus dans un motel et hanté par la mort de sa mère au point de se travestir en elle, Norman Bates caractérise le tueur désaxé dans sa plus terrifiante définition ! Dans le sens du repli sur soi et d'une perte de contact avec la réalité, Norman étant obsédé par l'amour maternel, la jalousie, l'infidélité. Modèle de suspense à la tension exponentielle où l'horreur gothique vient s'infiltrer autour d'une étrange bâtisse résidée par une rombière, Psychose allie crime passionnel et investigation policière sous l'autorité d'un détective privé et d'un couple à la recherche d'une disparue. Marion Crane ayant osé dérober 40 000 dollars à son patron afin de fuir son état pour s'exiler avec son amant. Sur sa route, une pluie battante la contraint de séjourner vers un motel le temps d'une nuit de sommeil. La suite, les millions de fans continuent d'applaudir le tour de force technique alloué à sa mise à mort ! 


Un homicide gratuit aussi brutal que suggéré quand bien même les spectateurs de l'époque ne se remirent jamais d'un rebondissement aussi couillu ! A savoir supprimer l'héroïne au bout de 47 minutes de métrage alors que le public lui vouait une indéniable empathie malgré son indignité. Du jamais vu pour l'époque ! Ce meurtre anthologique perpétré sous la douche valut d'ailleurs à son auteur 7 jours de tournage pour 45 secondes de plans ! Outre la virtuosité de cette séquence choc dont un prochain meurtre aussi percutant viendra confirmer l'agissement méthodique du coupable, Psychose cultive une puissance de fascination par l'élaboration d'un suspense implacable et par la direction hors-pair de comédiens suscitant la tourmente. Par le biais des rapports de force entretenus entre nos protagonistes et Bates, Alfred Hitchcock joue avec leur esprit de suspicion qu'ils éprouvent dans l'inimitié afin d'éclaircir ou de taire la disparition inexpliquée. Bates cumulant au fil de ses interrogatoires les contradictions malgré son flegme faussement avenant, une maladresse qui éveillera la curiosité des investigateurs avides de preuves. Côté horreur oppressante, le cinéaste transfigure l'esthétisme gothique d'une demeure imposante, véritable personnage du film, alors que Madame Bates suggère de temps à autre sa silhouette derrière la fenêtre de sa chambre ! Le sentiment d'insécurité perçu chez nos inquisiteurs sillonnant la demeure, leur inquiétude grandissante d'y découvrir l'identité d'une mégère (potentiellement décédée) et la posture instable de Norman Bates insufflant au fil de leur vaillance une angoisse tangible qui s'acheminera vers un climax littéralement cauchemardesque.


Hypnotique et glaçant dans sa science affûtée d'un suspense à couper au rasoir, Psychose s'édifie en leçon de mise en scène par le brio machiavélique de son auteur, la percussion stridente de Bernard Hermann et l'impulsion diabolique d'Anthony Perkins. Jouant subtilement avec l'inquiétude et l'angoisse de situations indécises, l'oppression et la terreur d'oser y percer un secret mortifère, Psychose cumule les morceaux d'anthologie avec une régularité jubilatoire.

La Chronique de Psychose 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/05/psychose-2-psycho-2.html

                            Psychose 3: http://brunomatei.blogspot.fr/2016/08/psychose-3.html
Bruno 
5èx

jeudi 4 juin 2015

THE SMELL OF US

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site aufeminin.com

de Larry Clark. 2015. France. 1h28. Avec Lukas Ionesco, Diane Rouxel, Théo Cholbi, Hugo Behar-Rhinières, Rayan Ben Yaiche, Maxime Terin, Adrien Binh Doan.

Sortie salles France: 14 Janvier 2015. Interdit au - de 16 ans.

FILMOGRAPHIELarry Clark est un réalisateur, photographe, directeur de la photographie, né le 19 Janvier 1943 à Tulsa dans l'Oklahoma.
1995: Kids. 1998: Another Day in Paradise. 2001: Bully. 2002: Teenage Caveman (télé-film). 2002: Ken Park. 2004: Wassup Rockers. 2006: Destricted (segment Impaled). 2012: Marfa Girl (uniquement dispo sur le net). 2015: The Smell of us.


« Larry a perdu le contrôle, il est devenu barge ! Je suis sorti de cette expérience lessivé et abattu. » Lukas Ionesco.

Pour son nouveau long-métrage, Larry Clark continue de s'épancher sur le malaise adolescent, principalement du point de vue de l'homosexualité d'un couple en perdition dont l'un est contraint de se livrer à la prostitution pour subvenir à ses besoins. Nouvelle descente aux enfers de la déshumanisation sociétale à renfort de séquences scabreuses alternant le fétichisme, l'hébéphilie et l'inceste, The Smell of Us provoque un malaise viscéral par notre fonction voyeuriste à observer ces ados avides de défonce et de sexe, ultime échappatoire d'une morne existence destituée de tendresse parentale. C'est donc leur quotidienneté blafarde que nous subissons inlassablement avec souci de réalisme extrêmement dérangeant, certains ébats sexuels ou situations obscènes n'hésitant pas flirter avec la pornographie, quand bien même la posture décomplexée de certains adultes s'avère aussi compromise à la déchéance. Mis en scène avec maîtrise et personnalité, Larry Clark possède un talent singulier à filmer la pudeur des corps en quête extatique, ce parti-pris sensitif de nous confondre dans leur peau en mal de sensations et d'expériences de tous bords. A l'instar de leur pratiques sexuelles échangées avec des sexagénaires tout aussi démunis d'affection, faute de leur âge décati. Ces derniers n'hésitant pas à s'autoriser de consommer une jeunesse impassible afin d'effleurer un semblant de compensation à leur solitude. Par le biais de ces protagonistes en perdition, on peut saluer la prestance pleine d'aplomb des jeunes comédiens en roue libre n'hésitant pas à se mettre à nu devant la caméra dans des situations parfois glauques (les attouchements pervers du sexagénaire dans la boite de nuit) ou immorales (l'inceste forcé d'une mère en ébriété auprès de son fils).


Les enfants du chaos
Constat alarmiste d'une génération abdiquée de ligue parentale et assujetti aux outils de communication modernes (internet et les smartphones incitant la jeunesse à fréquenter la pornographie mainstream), The Smell of Us arbore le documentaire scrupuleux dans son parti-pris de ne nous faire échanger la déchéance morale d'adolescents frigides déconnectés d'humanité. Il en émane une oeuvre aussi austère et désespérée qu'antipathique, d'autant plus difficilement accessible dans sa manière clinique de cumuler les séquences-chocs jusqu'à la gêne viscérale. Que l'on adhère ou que l'on rejette en bloc, l'épreuve laisse des traces pour rester difficilement digérable. 

Pour public averti.

Bruno Matéï 

mercredi 3 juin 2015

Communion Sanglante / Alice sweet Alice / Holly Terror / Communion / Alice douce Alice

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Horreur.net.

d'Alfred Sole. 1976. 1h50. Avec Linda Miller, Paula Sheppard, Brooke Shields, Louisa Horton Hill, Antonio Rocca, Lillian Roth.

Sortie salles U.S: 13 Novembre 1976

FILMOGRAPHIE: Alfred Sole est un réalisateur, scénariste et chef décorateur américain, né le 2 Juillet 1943 à Paterson, New-Jersey. 1972: Deep Sleep. 1976: Alice, sweet Alice. 1980: Tanya's Island. 1982: Pandemonium.


Inédit en salles en France, discrédité d'audience commerciale et relativement passé inaperçu lors de sa sortie Vhs retitrée Communion Sanglante, Alice sweet Alice ne trouva les faveurs des cinéphiles et des critiques qu'après revisionnage(s). Prenant pour thèmes la religion, l'adultère, le trouble psychologique, l'engagement parental et la vengeance, ce psycho-killer malsain par son ambiance diaphane, son climat étouffant et sa violence rugueuse (le premier homicide dans l'église est d'une audace effroyable) déconcerte par le biais d'exactions meurtrières d'une silhouette enfantine. 

Synopsis: Après le meurtre de la petite Karen au sein d'un presbytère, sa soeur aînée Alice est suspectée par l'entourage familial et la police d'en être la potentielle responsable. Quelques jours plus tard, c'est au tour de sa tante d'être sauvagement agressée par un individu affublé d'un imperméable jaune et d'un masque sur le visage (le même accoutrement que portait Karen quelques heures avant son décès). Témoin de l'agression, Alice persuade la police qu'il s'agit de sa soeur préalablement décédée. Déclarée perturbée pour ses penchants cruels et coupable après s'être soumise au détecteur de mensonge, elle est envoyée dans un institut spécialisé. 


Combinant les codes du psycho-killer et ceux du giallo pour la caractérisation fétichiste du tueur masqué accoutré d'une combinaison criarde, Alice sweet Alice façonne un suspense latent au fil du cheminement psychologique d'Alice et de son entourage tout en alternant les séquences-chocs particulièrement âpres. De par son souci de cruauté auprès des meurtres sévèrement perpétrés où l'environnement glauque d'une banlieue blafarde y intensifie le malaise éprouvé (le supplice intenté dans une industrie désaffectée). Sans accorder une grande importance à démasquer l'identité de l'assassin indécelable, Alfred Sole prend avant tout parti de dénoncer l'obscurantisme au coeur d'une bourgade profondément catholique tout en remettant en cause la responsabilité parentale lorsque les enfants du divorce pâtissent d'une détresse affectueuse. La grande force du film résidant dans le développement de ces personnages torturés, déchus ou peu fréquentables (le voisin ventripotent aux tendances pédophiles vivant reclus dans un appartement insalubre) évoluant autour de la fragilité d'une fillette à tendances perverses. Par la tragédie des exactions criminelles où l'innocence paye le lourd tribut de la responsabilité des adultes, la religion se retrouve destituée d'angélisme au sein même du refuge de Dieu. Outre la sobre prestance des comédiens jusqu'aux seconds-rôles charismatiques, on peut s'attarder sur le visage mi-angélique, mi-démoniaque de Paula Sheppard symbolisant avec ambivalence la dégénérescence psychologique d'une ado réfugiée dans la perversion et la jalousie depuis sa privation d'attention, de gratitude.


Glauque et malsain, trouble et cruel, Communion Sanglante (pour reprendre l'alternative du titre français plus évocateur à mon sens) renoue avec la tradition du psycho-killer en privilégiant l'étude des caractères de ses personnages partagés entre leur foi catholique, leur culpabilité et le dysfonctionnement d'un fanatisme religieux. Sombre requiem sur l'innocence galvaudée, ce grand film schizophrène d'une froideur antipathique est à réhabiliter d'urgence tant son atmosphère licencieuse (score lancinant à l'appui) nous hante la mémoire.

*Bruno
18.04.25. 5èx. Vost

mardi 2 juin 2015

Ré-Animator. Prix Spécial Section Peur, Avoriaz 86.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site misantropey.com

de Stuart Gordon. 1985. U.S.A. 1h26/1h46. Avec Jeffrey Combs, Bruce Abbott, Barbara Crampton, David Gale, Robert Sampson, Gerry Black.

Sortie salles France: 12 Mars 1986. U.S: 18 Octobre 1985

FILMOGRAPHIE: Stuart Gordon est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago (Illinois). 1979: Bleacher Bums (télé-film). 1985: Ré-Animator. 1986: Aux portes de l'au-delà. 1987: Dolls. 1988: Kid Safe (télé-film). 1990: Le Puits et le Pendule. 1990: La Fille des Ténèbres. 1990: Robojox. 1993: Fortress. 1995: Castle Freak. 1996: Space Truckers. 1998: The Wonderful ice cream suit. 2001: Dagon. 2003: King of the Ants. 2005: Edmond. 2005: Masters of Horro (le cauchemar de la sorcière - Le Chat Noir). 2007: Stuck. 2008: Fear Itself.


Film-culte de la génération 80, succès public inespéré dans l’Hexagone (635 284 entrées), Re-Animator marque la révélation du néophyte Stuart Gordon, avant que Brian Yuzna — ici à la production — ne s’impose à son tour quatre ans plus tard avec Society. En pleine mouvance du gore burlesque, Gordon rivalise d’audace et d’inventivité dans cette variation démente de Frankenstein. Inspirée d’une nouvelle de Howard Phillips Lovecraft, l’intrigue s’articule autour des expérimentations d’Herbert West, étudiant en médecine ayant mis au point un sérum capable de réanimer les morts. Hébergé en colocation chez Dan Cain, il débute ses essais sur le cadavre du chat fraîchement décédé de ce dernier. Mais, déterminé à passer au niveau supérieur, il s’attaque bientôt à un sujet humain. Accompagné de son acolyte, ils s’introduisent dans la morgue de l’hôpital pour tester leur élixir sur un corps sans vie. Pendant ce temps, le professeur Hill, rival acharné de West, fomente de s’approprier ses recherches interdites pour accéder à la renommée.


À partir de ce pitch prometteur, fertile en effets chocs et gags outranciers (les interventions du gardien de sécurité, d’une indolence lunaire, sont d’une drôlerie irrésistible), Stuart Gordon orchestre un bijou d’humour noir aux allures de cartoon macabre. Porté par les maquillages d’Anthony Doublin et John Naulin, Re-Animator s’en donne à cœur joie dans les démembrements, déchiquetages et décapitations, que West et Cain surmontent avec un flegme morbide pour faire triompher leur projet impossible : rendre vie à des morts… furieux ! Ressuscités dans une frénésie incontrôlable, les corps se meuvent en pantins erratiques, mutilés mais hargneux.

Au-delà de la mécanique burlesque des quiproquos et des désastres en chaîne, le film est transcendé par l’énergie débridée de ses comédiens. Jeffrey Combs incarne un Herbert West frénétique, obsessionnel, avatar contemporain de Frankenstein, possédé par l’orgueil dément de réécrire les lois de la création (« Il se prend pour Dieu… Mais Dieu a horreur de la concurrence ! », clamait l'accroche publicitaire). À ses côtés, Bruce Abbott partage l’affiche en médecin candide, aspiré malgré lui dans cette spirale de folie scientifique. Barbara Crampton, lumineuse, sexy et vulnérable, campe la fiancée endeuillée, jetée dans l’horreur lorsqu’elle assiste à la résurrection calamiteuse de son père — condamné à l’asile après avoir goûté au sérum. Elle n’hésite pas à s’exposer dans une scène de nudité restée légendaire, au sein d’un climax nécrophile d’une audace inouïe. Enfin, David Gale compose un antagoniste mesquin et perfide, sa tête décapitée suintant le sarcasme et l’ambition délirante — prêt à violer Megan par l’entremise de son propre chef, et à déclencher une apocalypse cadavérique avant le retour de West.


"Réanimer l’impensable, violer la mort".
Jouissif et trépidant, hilarant et déjanté dans ses gags aussi absurdes que sanglants, Re-Animator mérite amplement son statut de chef-d’œuvre du gore folingue, transcendé par des comédiens en roue libre galvanisés par une hystérie collective assumée. Un pur régal à la jouvence éternelle. 

*Bruno
31.05.25. 7èx

RécompensesPrix Spécial Section Peur, Avoriaz 1986.
Prix du Meilleur Film, Catalogne 1985.
Prix du Meilleur Film et Meilleurs Effets Spéciaux, Fantafestival 1986

lundi 1 juin 2015

VENIN (Venom)

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site arte.tv
                                                
de Piers Haggard. 1981. UK. 1h32. Avec Klaus Kinski, Oliver Reed, Nicol Williamson, Sarah Miles, Sterling Hayden, Cornelia Sharpe, Lance Holcomb, Susan George.
Date de sortie : 11 Juin 1981.

Sortie salles France: 20 Janvier 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Piers Haggard est un réalisateur anglais né le 18 Mars 1939.
1970: La Nuit des maléfices, 1979: The Quatermass conclusion, 1980: Le Complot diabolique du Dr. Fu Manchu, 1981: Venin, 1994: La Brèche, 2006: Les pêcheurs de coquillage (Télé-film).


Pour rappel, Venin est l'adaptation du roman "Des serpents sur vos têtes" d'Alan Scholefield, publié en France dans la collection "Série Noire". Les américains s'approprient les droits quand bien même l'illustre Tobe Hooper s'attelle à la réalisation. Mais préférant s'attaquer à son nouveau projet du fameux Massacre dans le Train Fantôme, il quitte précipitamment le tournage au bout de quelques jours. Le producteur Martin Bregman invoque alors au réalisateur britannique Piers Haggard de le remplacer après seulement une dizaine de jours de préparation. A Londres, trois gangsters prennent en otage un garçon et son grand-père contre une demande de rançon. Mais ce qui devait débuter comme un banal kidnapping va vite se transformer en huis-clos cauchemardesque lorsque un Mamba noir, le serpent le plus vénimeux au monde, s'est infiltré par erreur dans la maison. La police, dépêchée sur les lieux, tente de collaborer avec les ravisseurs. 


Série B d'exploitation efficacement gérée sous l'égide de Piers Haggard, petit artisan de série B à qui l'on doit notamment l'étonnant La Nuit des Maléfices, Venin empreinte le chemin balisé du suspense policier avec ce kidnapping d'un bambin que des malfaiteurs tentent de négocier parmi l'hostilité d'un intrus infiltré parmi eux dans l'enceinte de leur refuge. C'est là où l'intrigue, aussi modeste et sans surprises soit-elle dans ces attaques cinglantes, tentative d'effraction et concertation, tire parti de son originalité avec l'icone du Mamba Noir ! Le serpent le plus vénimeux au monde qu'un enfant venait de récupérer à son domicile après l'erreur de livraison d'un zoo. A cette occasion, et pour crédibiliser sa présence, on est d'ailleurs surpris d'apprendre au générique de fin qu'un réel Mamba eut été sélectionné pour le tournage après avoir été rigoureusement dressé ! Alternant suspense latent et tension horrifique, Venin parvient à divertir et retenir l'intérêt grâce à la présence sournoise du reptile parfois établie en caméra subjective (ses errances dans les conduits d'aération), quand bien même ses altercations s'avèrent parfois impressionnantes de réalisme par leur intensité incisive. A l'instar du premier meurtre invoqué chez la domestique, l'actrice Susan George parvenant à retranscrire avec beaucoup de vérité l'impuissance de son désemparement, son marasme contre l'asphyxie, faute du poison foudroyant injecté dans son sang. Grâce à sa vigueur dramatique, on reste encore impressionné par la violence de cette cruelle mise à mort au moment scrupuleux où la victime succombe à ses blessures. Outre la sympathique distribution des seconds-rôles (Sarah Miles en doctoresse altruiste, Nicol Williamson en détective flegme, Sterling Hayden en papy débonnaire et Lance Holcomb en garçonnet fragile), Venin s'affirme un peu plus avec la prestance notable de deux monstres sacrés. Oliver Reed et Klaus Kinski se disputant violemment le pouvoir avec inimitié d'ego et insolence de la discorde.  


Sans surprise et modeste pour l'enjeu dramatique de sa prise d'otage mais constamment efficace et indéniablement attachant grâce à son suspense anxiogène, la bonhomie de sa distribution et la présence fascinante du reptile tapi dans l'ombre, Venin reste un fort sympathique huis-clos cauchemardesque que les nostalgiques des années 80 auront principalement plaisir à déguster. 

Bruno Matéï
01.06.15. 6èx 
01.01.11 5è (415 vues)

Photos ci-dessous, Lance Holcomb


 




                                         

jeudi 28 mai 2015

EDEN LAKE

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de James Watkins. 2008. Angleterre. 1h31. Avec Kelly Reilly, Michael Fassbender, Tara Ellis, Jack O'Connell, Thomas Turgoose, Bronson Webb, Finn Atkins.

Sortie salles France: 8 Octobre 2008. Angleterre: 5 Septembre 2008

FILMOGRAPHIE: James Watkins est un réalisateur et producteur anglais, né le 20 Mai 1973 à Nottingham. 2008: Eden Lake. 2012: La Dame en Noir. 2016: Bastille Day.


Epreuve de force jusqu'au-boutiste dans sa violence nauséeuse engendrée par des délinquants juvéniles adeptes du crime gratuit, Eden Lake empreinte le cheminement du survival avec un réalisme cru à couper au rasoir. Pour une première réalisation, le réalisateur anglais James Watkins frappe fort et juste dans l'art de diluer une angoisse morale et de retrouver l'intensité dramatique, l'atmosphère putride des fleurons des années 70 tels que Délivrance, I Spit on your grave ou La Dernière maison sur la gauche. Abordant le sujet brûlant des "enfants tueurs" auquel certains d'entre eux n'hésitent pas à filmer leurs actes meurtriers par le biais du camescope ou du portable (quand bien même des sites voyeuristes tels que Ogrish répertorient leurs exactions sur un tableau de cotation !), Eden Lake met en appui le laxisme et l'incivisme de nos sociétés modernes. La perte des valeurs, la démission parentale, l'absence de repère incitant certains ados désoeuvrés à se réfugier dans une délinquance criminelle, notamment faute de l'affluence du chômage. Ces ados étant issus de milieu prolétaire, parfois même molestés par certains de leurs parents, quand bien même ces derniers reproduisent un comportement insouciant lors de leurs beuveries festives de fin de semaine.


Nanti d'un suspense cadencé et d'une tension dramatique parfois très éprouvante, Eden Lake glace le sang dans sa manière documentée, radicale, acérée à dénoncer (et non exploiter !) le comportement crapuleux, car si déloyale, d'adolescents influencés par la dynamique de groupe. A contre-emploi des séries B gores conçues pour divertir le spectateur en toute tranquillité, le film prend donc parti de déranger jusqu'au malaise émotionnel lorsqu'un couple de vacanciers se retrouve pris au piège parmi la provocation de marmots en pleine forêt. La descente aux enfers que vont parcourir Jenny et Steve, nous la subissons la peur au ventre avant que le désespoir nous rattrape pour nous saisir à la gorge, les séquences de torture et d'humiliation s'avérant d'une intensité aussi abrupte que bouleversante. Tout l'inverse donc du cinéma d'exploitation moderne relancé par les franchises Saw et Hostel, illustres précurseurs du Tortur'Porn ! La fragile empathie que nous éprouvons pour les amants s'avère d'autant plus poignante parmi la dignité humaine des comédiens. Étonnante de naturel dans sa délicatesse innocente puis sa bravoure de dernier ressort, Kelly Reilly trouve le ton juste à endosser le rôle physique d'une femme en perdition gagnée par le courage de survivre, quand bien même son partenaire se retrouve sévèrement châtié par l'injustice. Michael Fassbender insufflant une expression bouleversante dans sa posture de martyr et sa conscience éprouvée de redouter sa dernière journée ! On peut également saluer le charisme naturel des adolescents rebelles redoublant de cruauté et sadisme envers leurs boucs émissaires pour imposer leur loi du plus fort !


Sous couvert de survival horrifique extrêmement dérangeant et poisseux, James Watkins cultive le drame social pour nous alerter sur la situation inquiétante d'une génération indisciplinée livrée à la loi du plus audacieux. De par leur démarche compétitive à repousser leur peur et se défier l'initiation au meurtre, Eden Lake caractérise l'expérience extrême où la terreur est avant tout psychologique ! A l'instar de sa conclusion radicale et nihiliste puisque sans échappatoire, Eden Lake est une épreuve morale en chute libre avant de symboliser l'effroi d'une innocence monstrueuse. Euphémisme s'il en est, le terme "traumatisant" est à sceller pour qualifier le contenu de cette affliction cinégénique.  

Pour public averti.

Bruno Matéï
2èx

Récompenses:
Festival international du film de Catalogne: Prix spécial pour le long-métrage
Empire Awards: Meilleur film d'horreur, Meilleur film britannique
Prix du Cercle des critiques de film de Londres: Meilleure Performance de Jeunesse Britannique: Thomas Turgoose
Fantasporto: Meilleur Film fantastique international.



mercredi 27 mai 2015

Possession. Prix d'Interprétation Féminine, Cannes 1981.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebisclassics.blogspot.fr/

d'Andrzej Zulawski. 1982. France/Allemagne. 2h04. Avec Isabelle Adjani, Sam Neil, Margit Carstensen, Heinz Bennent, Johanna Hofer, Carl Duering, Shaun Lawton.

Sortie salles France: 27 Mai 1981. Allemagne: 2007

FILMOGRAPHIE: Andrzej Zulawski est un réalisateur, scénariste, écrivain, metteur en scène de théâtre polonais, né le 22 Novembre 1940 à Lwow (Lviv). 1971: La Troisième partie de la nuit. 1972: Le Diable. 1975: L'Important c'est d'aimer. 1981: Possession. 1984: La Femme Publique. 1985: L'Amour Braque. 1987: Sur le globe d'Argent. 1989: Mes Nuits sont plus belles que vos jours. 1989: Boris Godounov. 1991: La Note Bleue. 1996: Chamanka. 2000: La Fidélité. 2015: Cosmos.

 
"L’hystérie comme dernier langage".
« Je dois à la mystique d'Andrzej Zulawski de m'avoir révélé des choses que je ne voudrais jamais avoir découvertes... Possession, c'était un film infaisable, et ce que j'ai fait dans ce film était tout aussi infaisable. Pourtant, je l'ai fait et ce qui s'est passé sur ce film m'a coûté tellement cher... Malgré tous les prix, tous les honneurs qui me sont revenus, jamais plus un traumatisme comme celui-là, même pas... en cauchemar ! ». Isabelle Adjani.

Fable sur le communisme et le totalitarisme, symbolisés par le mur de Berlin, Possession demeure, avant tout, un cauchemar sur pellicule. Un film d’horreur, au sens le plus brut du terme, tant Żuławski pousse l’hystérie jusqu’au paroxysme de la folie meurtrière. 
 
Pitch: Lorsque Marc rentre de voyage pour retrouver sa famille, son épouse Anna lui annonce, dans un souffle, son infidélité — puis le quitte. Incapable de supporter la rupture, Marc s’enfonce dans une dépression inexorable et commence à la harceler, allant jusqu’à engager un détective privé. Par son témoignage, nous découvrons qu’Anna entretient une double relation… jusqu’à ce qu’une étrange créature, tapie dans l’ombre d’une chambre, enfante un double masculin.

Expérience limite de la folie, Possession atteint une intensité rarement égalée grâce au surjeu névralgique de comédiens qui semblent sonder la foi, le bien, le mal — et leurs propres abîmes. Le film envoûte l’esprit, possédant littéralement le spectateur, notamment par la performance foudroyante d’Isabelle Adjani, habitée, transfigurée par la déchéance psychotique. Sa crise de nerfs dans les couloirs du métro reste un sommet d’extériorisation sauvage, où l’actrice se livre, corps et âme, à une caméra voyeuriste qui ne recule devant rien. Provocateur en diable, sans aucune pudeur, Żuławski façonne un film-monstre, pétri d’aberrations, ponctué de scènes chocs d’un réalisme clinique aussi éprouvant que dérangeant. Entre photographie blafarde, murs suintants d’appartements insalubres et Berlin fantomatique, l’univers visuel devient le miroir exact de la déliquescence morale d’êtres en chute libre.

Au-delà de l’horreur organique, Possession est aussi un drame psychologique — celui d’un couple qui refuse de regarder sa propre fin en face, préférant se rejeter mutuellement la faute. Żuławski, alors en plein divorce, exorcise ici son désespoir amoureux dans un cri cinématographique d’une puissance inouïe. Caméra convulsive, narration instable, émotions à vif : tout suinte l’abandon, la peur de l’autre, l’impossibilité d’aimer sans se perdre. Une fracture sentimentale poussée jusqu’à la rupture de toute logique, jusqu’à l’éclatement de la psyché. Un couple qui se refuse, par orgueil ou lâcheté, à endosser la responsabilité de sa propre désintégration. 


"Possédés par l’absence".
Malsain et dérangeant, glauque et suffocant, Possession est une œuvre de démesure, à l’image de L’Exorciste de Friedkin. Un film scandale, mais d’une singularité tranchante, où chaque crise, chaque convulsion, électrise l’écran. À cela s’ajoute le travail artisanal de Carlo Rambaldi, qui donne vie à une créature organique insaisissable, métaphore vibrante d’un désir monstrueux. Car derrière l’horreur, Possession cache un chef-d’œuvre d’une beauté vénéneuse, nonchalante, hallucinée. L’avidité désespérée d’aimer et d’être aimé dans une harmonie conjugale rêvée… jusqu’à perdre pied avec la réalité.
Public averti.

Bruno 
3èx

Récompenses:
Festival de Cannes 1981 : Prix d'interprétation féminine pour Isabelle Adjani (également récompensée pour Quartet).
Césars 1982 : César de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.
Mostra de cinéma de São Paulo : Prix de la critique pour Andrzej Żuławski.
Fantasporto : Mention spéciale du public pour Andrzej Żuławski.
Prix de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.

mardi 26 mai 2015

SAILOR ET LULA. Palme d'Or, Cannes 90.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

Wild at Heart de David Lynch. 1990. U.S.A. 2h05. Avec Nicolas Cage, Laura Dern, Diane Ladd, Willem Dafoe, Isabella Rossellini, Harry Dean Stanton, J.E. Freeman, Grace Zabriskie.

Récompense: Palme d'Or au Festival de Cannes, 1990

Sortie salles France: 24 Octobre 1990. U.S: 17 Août 1990

FILMOGRAPHIE: David Lynch est un réalisateur, photographe, musicien et peintre américain, né le 20 Janvier 1946 à Missoula, dans le Montana, U.S.A.
1976: Eraserhead. 1980: Elephant Man. 1984: Dune. 1986: Blue Velvet. 1990: Sailor et Lula. 1992: Twin Peaks. 1997: Lost Highway. 1999: Une Histoire Vraie. 2001: Mulholland Drive. 2006: Inland Empire. 2012: Meditation, Creativity, Peace (documentaire).


"Sailor et Lula est une histoire d'amour qui passe par une étrange autoroute dans le monde moderne et tordu." David Lynch.

A partir de l'itinéraire improvisé d'un couple de jeunes amants mutuellement épris de passion amoureuse mais compromis par l'arrogance d'une mégère maternelle, Sailor et Lula renouvelle la romance avec un goût prononcé pour le baroque, la féerie (l'ombre du Magicien d'Oz plane sur leurs frêles épaules !) et le surréalisme. Il est d'ailleurs étonnant de constater que cette oeuvre flamboyante émaillée d'éclairs d'érotisme torride et de violence âpre ait pu remporter la Palme d'Or à Cannes ! 


David Lynch se délectant à façonner une fresque lyrique où la passion des sentiments se dispute à la rage de survivre dans un monde étrangement sensuel et délétère. Menacée par une mère possessive sexuellement frustrée, et hantée par une agression sexuelle durant son adolescence, Lula tente d'exorciser ses démons dans les bras de son amant instable, ce dernier accumulant les bourdes à fréquenter et à combattre des marginaux pour protéger sa muse. Road Movie contemplatif au cours duquel la mort rode autour de leur errance existentielle, Sailor et Lula se positionne en récit initiatique pour leur fragilité candide partagée entre la souffrance d'une démission parentale, leur fougue amoureuse et leur crainte d'un avenir sans perspective professionnelle. Spoil ! D'où la décision de dernier ressort pour Sailor de participer à un hold-up afin de combler les attentes financières de sa future famille Fin du Spoil. Hypnotique et sensoriel, onirique et macabre, le climat insolite que David Lynch parvient magnifiquement à matérialiser est notamment transcendé par l'extravagance d'une jungle de marginaux corrompus par leur déchéance perverse. Cette obsession du désir sexuel que le couple cultive dans leur passion commune est donc contrebalancée avec les pulsions lubriques d'antagonistes frustrés de leur échec amoureux. 


Transfiguré par le brio de sa mise en scène stylisée, la charge érotique du duo galvanisant Nicolas Cage (en gros dur au coeur tendre !) / Laura Derne (en pin-up sensuellement provocante !) et par sa BO rock endiablée (on y croise aussi bien Elvis Presley, Chris Issak, Powermad que Richard Strauss !), Sailor et Lula s'édifie en chef-d'oeuvre pour la romance torturée impartie au couple d'apprentis. Ou par le biais de leur fusion amoureuse, comment inculquer un coeur sauvage à canaliser ses émotions afin d'accéder à la sociabilité d'un monde étrangement pervers !

Bruno Matéï
3èx

lundi 25 mai 2015

LES NOUVEAUX SAUVAGES. Prix du Public, Saint-Sébastien, 2014

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cines.com.py

Relatos salvajes de Damian Szifron. 2014. Argentine/Espagne. 2h02. Avec Ricardo Darin, Leonardo Sbaraglia, Dario Grandinetti, Erica Rivas.

Sortie salles France: 14 Janvier 2015. Argentine: 21 Août 2014

FILMOGRAPHIE: Damián Szifron est un réalisateur et scénariste argentin, né le 9 Juillet 1975 à Ramos Mejia. 2003: El Fondo del Mar. 2005: Tiempo de valientes. 2014: Les Nouveaux Sauvages.


Dans la lignée des Monstres de Dino Risi, Les Nouveaux Sauvages emprunte la démarche du film à sketchs pour mettre en appui la destinée vindicative de personnages bafoués par l'injustice au sein d'une civilisation aussi sournoise qu'individualiste. La première histoire, la plus courte, nous distille finalement un goût amer puisqu'elle fait directement écho à la terrible tragédie de l'Airbus de la Germanwings survenue le 24 mars dernier lorsqu'un pilote avait délibérément contraint de crasher son avion au péril de ses passagers. Corrosif et pittoresque lorsqu'il s'agit d'illustrer la stupéfaction de voyageurs apprenant qu'ils connaissent communément l'identité d'un certain Gabriel Pasternak, le dénouement s'avère particulièrement grinçant pour illustrer l'exaction d'un pilote d'avion incessamment discrédité par son entourage. Le second sketch, le plus faible, tourne autour d'une éventuelle vendetta de "mort au rat" qu'une serveuse de restaurant hésite à mettre en pratique contre un entrepreneur immobilier, principal fautif de la mort de son mari. Une histoire assez prenante dans le compromis du stratagème que se disputent les deux serveuses, rehaussée d'une bonne idée à mi-parcours pour rehausser la gravité de leur propos mais desservie d'un dénouement tout de même frustrant.


Le troisième segment, haletant et complètement débridé, relate l'affrontement physique de deux automobilistes après s'être insultés sur la route parce que l'un d'eux roulait trop lentement. Drôle, mesquin et méchamment cruel pour dépeindre l'absurdité de leur lutte des classes, les règlements de compte se succèdent à une cadence échevelée quant à savoir qui emportera la victoire, jusqu'à ce qu'une conclusion ne vienne les réconcilier par le biais du clin d'oeil macabre. La quatrième anthologie relate le pétage de plomb d'un ingénieur en explosif contre l'intransigeance d'une entreprise de fourrière. L'intrigue faisant honneur aux réparties verbales de ce dernier essayant vainement d'élucider l'injustice de son procès contre une bureaucratie innégociable. Le cinquième récit, incisif et sardonique dans sa chute macabre, brosse le portrait d'une bourgeoisie déloyale lorsqu'une famille est contrainte de négocier le sort de leur fils chauffard (il vient de percuter une femme enceinte après avoir pris la fuite) avec un avocat, un jardinier et un enquêteur. Un récit savoureux dans la galerie véreuse impartie à ces personnages mesquins auquel l'amitié n'a ici aucune signification pour leur soif du profit. Enfin, la dernière histoire achève de manière magistrale cette fable sur la dictature des sociétés modernes, l'incivisme, la jalousie, l'orgueil, la cupidité et la fourberie avec la nuit de noce de jeunes mariés épris d'entrain et de bonheur dans leur situation amoureuse mais rapidement rattrapés par la révélation d'une adultère que la jeune épouse va apprendre en direct de sa procession ! Jouissif, jubilatoire, insolent et plein de gravité, ce bijou d'humour acide dévoile l'envers de l'amour et de la fidélité par le biais d'un rupin subitement gagné par le remord. Bourré de répliques cinglantes dans l'expression rancunière de l'épouse, d'incidents violents et d'une rencontre inopinée au clair de lune, ce jeu de massacre réussit même à distiller une poignante empathie lors de sa dernière partie aigre-douce.


Si la plupart des sketchs s'avèrent remarquablement contés parmi l'acerbité d'intrigues à rebondissements et parmi l'impulsion tempétueuse de ces personnages, le dernier segment confiné dans une salle de noce vaut à lui seul le détour dans son brassage d'émotions contradictoires afin de décrier l'irresponsabilité de l'acte du dévouement. 

Bruno Matéï

Récompenses:
Festival international du film de Saint-Sébastien 2014 : Prix du public du meilleur film européen
National Board of Review Awards 2014 : meilleur film en langue étrangère

vendredi 22 mai 2015

TRAINSPOTTING

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site imgkid.com

de Danny Boyle. 1996. Angleterre. 1h34. Avec Ewan McGregor, Ewen Bremner, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Kevin McKidd, Kelly Macdonald, Peter Mullan, James Cosmo.

Sortie salles France: 19 Juin 1996. Angleterre: 23 Février 1996

FILMOGRAPHIE: Danny Boyle est un réalisateur Britannique, né le 20 Octobre 1946 à Manchester.
1994: Petits Meurtres entre amis. 1996: Trainspotting. 1997: Une Vie moins Ordinaire. 2000: La Plage. 2002: 28 Jours plus tard. 2004: Millions. 2007: Sunshine. 2008: Slumdog Millionaire. 2010: 127 Hours. 2013: Trance. 2015: Steve Jobs.


Comédie caustique au succès international et objet de culte auprès d'une génération de cinéphiles, Trainspotting est la consécration de Danny Boyle, cinéaste anglais préalablement révélé avec un petit thriller d'humour noir, Petits meurtres entre amis. Pourvu d'un sens de dérision décalé afin de se démarquer des clichés concernant le thème éculé de la drogue, Trainspotting parvient à tirer parti de son originalité par la démarche déjantée de cinq héroïnomanes condamnés à s'épauler et se trahir pour le compte perfide de leur dope. Vivant mutuellement une existence miséreuse dans leur bourgade écossaise touchée par la dépression économique, ils passent leur temps à flâner, voler, dealer et se shooter entre deux tentatives de décrochage que leur leader Mark Renton essaie désespérément d'appliquer malgré l'influence de l'entourage.  


Nanti d'une mise en scène inventive et expérimentale afin de mieux nous immerger dans les effets désirables (orgasme extatique à l'intraveineuse, hallucinations édéniques) et indésirables de l'héroïne (impuissance sexuelle, perte de sens avec la réalité, bad-trip, overdose, crise de manque insoutenable), Danny Boyle réussit à allier fascination et répulsion quant à la perversité du produit que nos héros s'injectent obstinément sans prêter attention à la vivacité du monde extérieur. A l'instar de la séquence traumatisante auquel une mère défoncée se rend subitement compte que son bébé est mort de dénutrition ! Une situation cauchemardesque d'une intensité dramatique éprouvante, le cinéaste n'hésitant pas à filmer explicitement le cadavre nécrosé du bambin. Aussi réaliste que décalé dans les stratagèmes audacieux que nos junkies se contraignent de pratiquer pour obtenir leur produit, à l'instar de leur transaction pour 2 kilos d'héroïne, Danny Boyle ne cesse d'enjoliver sa mise en scène à l'aide d'un esthétisme poético-baroque (la fameuse plongée sous-marine dans la cuvette de toilette insalubre, les hallucinations cauchemardesques de Mark durant son sevrage !). Notamment en jouant avec la saturation / désaturation de décors tantôt psychédéliques, tantôt glauques au sein du refuge familier des drogués. Une manière d'établir un contraste entre l'illusion de leur bonheur et la réalité sordide de leur miséreux quotidien. Si certaines séquences débridées prêtent à la rigolade dans leur sens du gag vitriolé (le châtiment scatologique invoqué à Spud par sa compagne, le vol de la cassette porno que Mark a échangé chez le domicile de Tommy), d'autres moments exaltent un humour noir assez cru (la disparition d'un de leurs amis mort dans une circonstance aussi sordide que singulière). 


Mené avec entrain par une galerie de junkies délurés plongés dans l'illusion de la came, Trainspotting parvient à alerter le cercle infernal et dévastateur de la drogue avec une inventivité et une dérision aussi acerbe que grinçante (à l'instar du dénouement cynique de l'épilogue inscrit dans la désillusion). Scandé par une BO éclectique alternant la pop et la techno à une cadence métronomique et dominé par la prestance spontanée de comédiens au caractère bien trempé (mention particulière à Robert Carlyle en psychopathe avili par son alcoolisme et sa violence convulsive et à la présence ambivalente d'Ewan McGregor en junkie intarissable !), Trainspotting continue d'insuffler son emprise de bad-trip par le biais d'un réalisme désincarné !

Bruno Matéï
4èx

Récompenses:
Prix du meilleur film et du meilleur réalisateur au Festival international du film de Seattle de 1996.
BAFTA Award du meilleur scénario adapté en 1996.
BSFC Award du meilleur film en 1996.
Empire Awards du meilleur film britannique, du meilleur réalisateur britannique, du meilleur acteur britannique (Ewan McGregor) et du meilleur espoir (Ewen Bremner) en 1997.
BAFTA Scotland Awards du meilleur film et du meilleur acteur (Ewan McGregor) en 1997.
Bodil du meilleur film non-américain en 1997.
Lion tchèque du meilleur film étranger en 1997.
Brit Award de la meilleure bande-originale de film en 1997.
London Critics Circle Film Awards du meilleur acteur (Ewan McGregor) et du meilleur producteur en 1997