mardi 21 avril 2020

And soon the Darkness

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Robert Fuest. 1970. Angleterre. 1h35. Avec Pamela Franklin, Michele Dotrice, Sandor Elès, Jean Carmet, Claude Bertrand.

Sortie salles France: ?. Angleterre. 10 Septembre 1970.

FILMOGRAPHIE: Robert Fuest est un réalisateur et scénariste anglais, né le 30 Septembre 1927 à Londres, décédé le 21 Mars 2012. 1967: Just like a Woman. 1970: And soon the Darkness. 1970: Les Hauts de Hurlevent. 1971: L'Abominable Dr Phibes. 1972: Le Retour du Dr Phibes. 1973: Les Décimales du Futur. 1975: La Pluie du Diable. 1977: Three Dangerous Ladies. 1980: Revenge of the Stepford Wives (télé-film). 1981: The Big Stuffed Dog (télé-film). 1982: Aphrodite.


Thriller horrifique exhumé de l'oubli (pour ne pas dire de l'invisibilité) grâce à Jean Baptiste Thoret dans le cadre de sa collection "Make my day", And soon the darkness surfe sur le mode opératoire d'Hitchcock pour insuffler un suspense assez intense au fil d'une progression dramatique en crescendo. Excellente série B donc dont j'ignorai l'existence jusqu'à ce jour, And soon the darkness porte la signature de Robert Fuest, auteur de l'inoubliable l'Abominable Dr Phibes et du non moins bonnard La Pluie du Diable (en terme d'ambiance funèbre prédominante). Si bien qu'à partir d'une intrigue linéaire bâtie sur la disparition d'une cycliste anglaise en villégiature dans une bourgade rurale, Robert Fuest s'y entend pour susciter une angoisse à la fois lourde, oppressante et inquiétante (montage chiadé à l'appui). Tant auprès de la solitude de la victime en proie à une appréhension subtilement expressive lorsqu'elle se rend compte de l'éventuel danger des alentours boisés, que de l'amie de cette dernière tentant ensuite de retrouver sa trace en interrogeant les rares habitants de la région. Exploitant efficacement une nature rurale solaire galvaudée par l'ombre d'un mystérieux tueur, le réalisateur nous dresse une série de personnages communément interlopes, dans la mesure où chacun d'eux pourrait bien incarner le serial-killer.


Tant et si bien qu'un crime sordide eut été préalablement commis auprès d'une blonde dans cette même contrée reculée, et ce sans que le coupable y soit démasqué. Robert Fuest rendant la tâche particulièrement houleuse et tendue auprès de Jane (l'amie de la victime) tentant de communiquer avec des métayers français ignorant la langue anglaise. Et pour corser l'affaire, un mystérieux détective ainsi qu'un policier cohabitant avec son père (déficient) jouent séparément les investigateurs avec une ambiguïté déconcertante. Ainsi, en dépit parfois d'une certaine redondance lors des recherches entreprises pour retrouver la fille disparue (les va-et-vient entre Jane et divers protagonistes ne cessent de s'entrecroiser sur les mêmes lieux du crime), And soon the Darkness captive jusqu'au dénouement escompté par le biais de situations de claustration efficacement oppressantes (le camping abandonné avec ces intérieurs de caravanes insalubres). Le suspense horrifique parvenant à maintenir sa cadence sous l'impulsion d'un casting convaincant (on reconnaîtra d'ailleurs lors de brèves séquences Jean Carmet en cafetier vénal exploitant la misère des victimes !), prioritairement Pamela Franklin en investigatrice de fortune partagée entre le désarroi, l'incompréhension, l'attente et sa pudeur à réprimer ses émotions anxiogènes face à des étrangers peu hospitaliers.


A découvrir pour qui raffole des ambiances ouatées et mystérieuses à travers une campagne acrimonieuse faussement sécurisante (qui plus est issue de l'hexagone !).  

*Bruno

lundi 20 avril 2020

La Toubib du Régiment

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site affiches.ericbad.net

"La dottoressa del distretto militare" de Nando Cicero. 1976. 1h29. Italie. Edwige Fenech, Alfredo Pea, Dante Cona, Alvaro Vitali, Mario Carotenuto, Jimmy il Fenomeno.

Sortie salles France: 9 mars 1977. Italie: 1976

FILMOGRAPHIE: Nando Cicero, aussi appelé Nando, est un réalisateur et acteur italien né le 22 janvier 1931 à Asmara (Afrique orientale italienne), décédé le 30 juillet 1995 à Rome.1965 : Lo scippo. 1967 : Professionnels pour un massacre. 1967 : Les Vautours attaquent. 1968 : Il marchio di Kriminal. 1969 : Deux fois traître. 1970 : Ma chi t'ha dato la patente? 1971 : Armiamoci e partite! 1973 : Ultimo tango a Zagarol. 1973 : Ku Fu? Dalla Sicilia con furore. 1973 : Bella, ricca, lieve difetto fisico cerca anima gemella. 1975 : La prof donne des leçons particulières. 1975 : Il gatto mammone. 1976 : La Toubib du régiment. 1977 : La soldatessa alla visita militare. 1978 : La Toubib aux grandes manœuvres. 1979 : La liceale, il diavolo e l'acquasanta. 1981 : L'assistente sociale tutta pepe e tutta sale. 1982 : W la foca. 1983 : Paulo Roberto Cotechiño centravanti di sfondamento. 1992 : Europa Connection (série TV).


Avec elle, la température monte...
Pour pouvoir apprécier cette comédie troupière proprement débile, il faut être né dans les années 70 ou 80 (pour l'avoir découvert en salles ou en location Vhs), admettre que ce genre de divertissement en dessous de la ceinture est aujourd'hui révolu (d'où son charme désuet qui en émane), et être fan indéfectible de la bombe sexuelle Edwige Fenech particulièrement réputée pour ses formes plantureuses. Tant et si bien que l'actrice italienne, plus charnelle que jamais, n'hésite pas à dévoiler son corps laiteux dans son plus simple appareil, et ce à moult reprises au fil d'un cheminement narratif d'une rare indigence. Les gags salaces, scatos, triviaux, homophobes et grossophobes s'enchaînant sans modération sous l'impulsion de têtes d'affiche au charisme ganache (il y a quand même dans le lot de sacrés têtes d'ahuris, ou d'abrutis c'est selon !). Le pitch étique relatant les stratégies du jeune Gianni pour ne pas accomplir son service militaire au moment même de tomber amoureux d'Eléna, la nouvelle toubib dont tout le monde parle. Ainsi, il tentera par tous les moyens de l'amadouer puis de lui faire la coure afin d'être réformé. D'ailleurs, il profitera également du mobile de son fils pour se tailler une carrure paternelle indispensable. 
A découvrir d'un oeil distrait entre 2/3 gags puérils d'une telle crétinerie que l'on finit par en rire ! Bref, le signe du nanar transalpin bonnard à travers sa vulgarité aussi couillue qu'assumée. 

*Bruno
2èx

jeudi 16 avril 2020

Play

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Anthony Marciano. 2019. France/Belgique. 1h47. Avec Max Boublil, Alice Isaaz, Malik Zidi, Arthur Périer, Noémie Lvovsky, Alain Chabat, Camille Lou.

Sortie salles France: 1er Janvier 2020

FILMOGRAPHIEAnthony Marciano est un réalisateur et scénariste français né le 30 novembre 1979. 2013 : Les Gamins. 2015 : Robin des bois, la véritable histoire. 2019 : Play.


"Les amitiés de l'adolescence, rien ne peut en effacer complètement la trace dans notre coeur. Ce que nous avons de meilleur, nous le devons à la pureté et à la grandeur des sentiments qu'elles nous ont fait éprouver."

Ode à l'adolescence, à l'amour, à la loyauté de la camaraderie, à la pop culture et aux loisirs, en somme à la simplicité de la vie tout court, Play est une bulle de bonheur ancrée en chacun de nous. Un feu d'artifice d'expressions humaines plus vraies que nature et sans prises de tête (ou alors en intermittence) de par le parti-pris d'Anthony Marciona d'exploiter le Found Footage avec un degré d'authenticité détonnant. A tel point que nous nous demandions s'il ne s'agit pas des mêmes acteurs au fil de leurs divers parcours existentiels, à les voir grandir 1h47 durant, de l'enfance à l'âge adulte ! Franchement bluffant de réalisme documenté (en mode 4/3 puis 16/9) agrémenté du souci du détail nostalgique ! (objets, ameublements, musiques, posters, victuailles, pubs, films y sont tendrement exposés en arrière plan afin de leur rendre hommage avec une sobre humilité). Un parti-pris couillu donc eu égard du genre décrié beaucoup moins présent sur nos écrans ces derniers temps (ce qui lui valu d'ailleurs un échec commercial). Car retraçant le parcours personnel du jeune Max de l'âge de 13 à 33 ans par le biais de son camescope Vhs, Play demeure l'album souvenirs de la génération 80 / 90. C'est dire si le spectateur s'identifie comme jamais à travers ces tranches de vie insouciantes, flânant et s'extasiant au sein de soirées festoyantes où alcool et drogue n'en n'ont que faire de la convenance. Tant auprès du cap illusionnel / féerique de notre adolescence (fructueusement indépendante et un brin marginale) qu'à l'âge un peu plus mature de la vie de couple. Tout du moins pour qui est parvenu à préserver son âme d'enfant afin de ne pas céder au mode de vie renfrogné du citoyen lambda tributaire de son carcan professionnel. C'est en tous cas la raison d'être de Max dévorant sa quotidienneté ludique (et ensuite professionnelle) à pleines dents au grand dam de ses déceptions sentimentales.


Car outre de nous imprimer avec une émotion à la fois prude, intègre et fulgurante (quelle BO éclectique tantôt lyrique, tantôt électrisante !) nos plus beaux souvenirs fraternels, Anthony Marciano relate en filigrane une bouleversante histoire d'amour à travers les thèmes de la timidité, du refoulement et de l'appréhension. D'ailleurs, à travers ce périple de longue haleine que Max arpente sous l'oeil de sa caméra subjective, nombre de spectateurs pourraient probablement à terme se remettre en question afin d'oser braver leur complexité pour déclarer leur flamme à l'être aimé. D'une fougue et d'une allégresse expansives au fil de mini clips oscillant les soirées euphorisantes avec d'autres autrement plus graves (le deuil familial) ou historiques (la coupe du monde 98, le passage à l'an 2000), Play nous concerne tous car il nous replonge dans nos propres souvenirs intimes restés enfouis dans un coin de l'encéphale. Et ce en interne du plus beau voyage dans le temps ! Si bien que Anthony Marciano ranime l'étincelle du bonheur à travers la nostalgie du temps passé. Et ce sans se complaire dans l'émotion programmée du cliché infructueux. Ainsi donc, de contempler au gré de notre nouveau regard (d'ado) ces 4 z'amis opérer les 400 coups (à l'instar du Péril Jeune des soixante huitards), nous donne furieusement envie de recontacter nos vieilles connaissances afin de tenter de les remettre sur le chemin de l'insouciance. Car au bout du compte, et sous l'impulsion de son acuité émotionnelle aussi prude que candide, Play nous prodigue le plaisir de l'instant présent après avoir pris conscience (du point de vue moral de Max) que notre vie passe aussi vite qu'un battement de cil.


La Machine a explorer le temps. 
Anti-dépresseur aussi euphorisant que sensiblement mélancolique, Play est une limpide invitation à la fête et à la ferveur. Entre chaleur humaine, éclats de rire (j'ai omis de préciser que l'on est partagé entre sourire de gosse et fous-rires communicatifs 1h47 durant !) et aspiration sentimentale. A condition de rester positif et de croire en soi à travers nos rencontres impromptues. Et puis ce final exutoire en apesanteur vous déchirera les larmes de félicité sous l'impulsion de 2 tubes anthologiques ! 

*Bruno

mercredi 15 avril 2020

Pas de printemps pour Marnie

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Marnie" d'Alfred Hitchcock. 1964. Angleterre. 2h10. Avec Tippi Hedren, Sean Connery, Diane Baker, Martin Gabel, Louise Latham.

Sortie salles France: 6 Novembre 1964 (Int - 13 ans).

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


"Toute existence connait son jour de traumatisme primal, qui divise cette vie en un avant et un après et dont le souvenir même furtif suffit à figer dans une terreur irrationnelle, animale et inguérissable."

Considéré à l'époque comme un film mineur au sein de la carrière d'Hitchcock (si bien qu'à la revoyure on se demande bien pour quels motifs !), Pas de printemps pour Marnie demeure une grande réussite du maître du suspense de par son talent inné de nous narrer un suspense émoulu au dénouement aussi bien implacable que bouleversant. Hitchcock se réservant de nous éprouver lors des 10 ultimes minutes levant enfin le voile sur les névroses de son héroïne frigide inconsciemment habitée par le traumatisme et le remord à travers le désespoir d'une quête identitaire. D'une grande violence, tant auprès des coups portés que des réactions émotives des victimes éplorées, cet épilogue parvient à nous ébranler psychologiquement parlant, notamment en alternant avec l'instant présent des expressivités de Marnie, adulte, tentant de se remémorer ses réminiscences avec l'appui de Mark son époux et de sa mère mutique. Transcendé des performances de Tippi Hedren (quel regard perçant !) et Sean Connery (quelle virilité tranquille !) en duo marital impromptu, Pas de printemps pour Marnie tire parti de leur confrontation psychologique au sein d'une psychanalyse de longue haleine que l'époux tente d'opérer, entre scrupuleuse patience et vigilance.


Notamment afin de préserver la pathologie cleptomane de celle-ci multirécidiviste, d'autant plus sujette à la terreur du "rouge". Au-delà de l'intensité de leur affrontement bâti sur les jeux de dupe, de manipulation, du mensonge et du larcin, on reste ébahi par la précision géométrique de la mise en scène, notamment auprès d'une direction d'acteur hors-pair. Tant et si bien qu'Hitchcock parvient à capter les expressions de ses personnages, notamment à travers les non-dits entre les mots afin de les irriguer d'ambiguïté (je songe particulièrement à la posture de la belle soeur de Mark - secrètement amoureuse de lui -  à certains anciens patrons de Marnie victimes de ses maraudes ou encore à Mark nous éveillant un soupçon de viol conjugal). Et ce au gré d'un subtil montage sobrement interposé pour les échanges de regards complices, méfiants ou menaçants. De cette houleuse confrontation morale affiliée à une quête identitaire (limite psychotique) y émanent une fragile histoire d'amour bâtie sur le pardon, la complicité et la rédemption que Tippi Hedren immortalise de sa fébrilité lascive.

*Bruno
3èx

Threads

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebisart.blogspot.com

de Mick Jackson. 1984. Angleterre. 1h57. Avec Karen Meagher, Reece Dinsdale, David Brierly, Rita May.

Diffusion TV Angleterre: 23 Septembre 1984

FILMOGRAPHIEMick Jackson est un réalisateur et producteur britannique né le 4 octobre 1943 à Aveley (Royaume-Uni). 1984: Threads (télé-film). 1989 : Chattahoochee. 1991 : Los Angeles Story. 1992 : Bodyguard. 1994 : Trou de mémoire. 1997 : Volcano. 2002 : The First $20 Million Is Always the Hardest. 2016 : Le Procès du Siècle.


Version hardcore du traumatique Jour d'Après auquel il entretient 3 points communs (même conflit politique URSS/USA, même schéma narratif, même format télévisuel), Threads constitue l'une des épreuves horrifiques les plus éprouvantes vues sur un écran. Et je pèse mes mots sans lueur d'outrance ! Tant et si bien que ceux qui ont pu le découvrir en Vhs, à la TV ou récemment en restent à jamais marqués par son imagerie crapoteuse indécrottable. Car le réalisateur british Mick Jackson (Bodyguard, Volcano !!! ???) s'y entend pour susciter inconfort, insécurité, malaise, dégoût (pour ne pas dire écoeurement) face à ses saisissantes images apo / post-apos qu'il nous martèle lors d'un parti-pris documenté. Et ce au risque parfois de sombrer dans une complaisance (utile) à travers ses zooms grossiers insistant sur les visions morbides les plus irregardables. Ainsi donc, avec évident souci de vérisme à la fois formel et technique (notamment en nous relatant les évènements lors d'une chronologie temporelle affichée sur l'écran), Mick Jackson nous assène de plein fouet son cri d'alarme contre le spectre du nucléaire sous l'impulsion d'une intensité dramatique en déliquescence morale. Et à ce niveau on reste ébahi par la puissance de ces images de charniers (filmées sous toutes les coutures) défilant à un rythme métronome. Car dénué d'acteur connus et filmé à l'instar d'un reportage baignant dans une lumière délibérément opaque (d'ailleurs certains arrêts sur images monochromes nous remémorent le génocide nazi), Threads nous glace le sang à nous immerger dans son apocalypse nucléaire résolument fuligineuse.


Tant au moment de la catastrophe dépeinte dans un évident élan de panique erratique que du jour d'après avec les conséquences mortifères de la radioactivité contaminant tout sur son passage (tant dans l'air que sur terre).  Ainsi, en observant ensuite méticuleusement les faits et gestes individualistes des survivants réduits à l'état aussi moribond que primitif; Threads tend à nous affirmer que la vie après l'apocalypse n'aura plus lieu au sein de ce no mans land dénué de lumière, d'eau et de nourriture, de chaleur humaine (l'égoïsme restant la valeur sûre pour s'en sortir) et d'espoir futur. Notamment en y dénonçant les hiérarchies immorales d'une police et d'une justice de fortune aux actions communément expéditives. D'un pessimisme cafardeux à travers ces tableaux de fantômes nécrosés déambulant dans des déserts crépusculaires, Mick Jackson s'autorise même à filmer les situations les plus scabreuses (une femme se met à uriner sur sa robe par peur de la panique, une mère accouche d'un bébé mort né ensanglanté, une autre tient dans ses bras son nourrisson calciné, un sexagénaire vomit face caméra un liquide) avec un sentiment de désespoir infiniment dépressif. Autant donc avertir les âmes sensibles que Threads vous glacera le sang, vous retournera l'estomac et vous laissera des traces dans l'encéphale comme aucun autre métrage n'a su y parvenir avec autant de fulgurance putassière.


Cauchemar apocalyptique impur et cradingue parfois trop éprouvant à travers sa pellicule rubigineuse (fallait-il le raccourcir de 20 bonnes minutes tant l'itération des images morbides nous force parfois à y détourner le regard), Threads constitue l'une des épreuves morales les plus ardues et cruelles vues sur un écran. Tant et si bien qu'il s'avère à mon sens impossible de l'émuler à travers son aura méphitique inspiré du reportage le plus couillu et licencieux. En d'autres termes, il s'agit d'un pur film d'horreur le plus réaliste jamais réalisé. 

*Bruno

Le film a remporté quatre BAFTA lors de la cérémonie des British Academy Film Awards de 1985

lundi 13 avril 2020

Le Club des Monstres

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The Monster Club" de Roy Ward Baker. 1981. Angleterre. Avec Vincent Price, John Carradine, Anthony Steel, Barbara Kellerman, Simon Ward.

Sortie salles Angleterre: 2 Avril 1981

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Roy Ward Baker est un réalisateur, producteur, scénariste anglais, né le 19 Décembre 1916 à Londres (Royaume-Uni), décédé le 5 Octobre 2010. 1947: L'Homme d'Octobre. 1952: Troublez moi ce soir. 1968: Les Champions. 1969: Mon ami le fantôme. 1970: The Vampire Lovers. 1970: Les Cicatrices de Dracula. 1971: Dr Jekyll et Sr Hyde. 1972: Asylum. 1973: Le Caveau de la Terreur. 1973: And now the Screamin starts. 1974: Les 7 vampires d'or. 1980: Le Club des Monstres. 1984: Les Masques de la mort (télé-film).


Sympathique film à sketchs issu de la célèbre firme Amicus (spécialiste en la matière), le Club des Monstres vaut principalement le coup d'oeil pour son 1er et dernier sketch. Le 1er relatant la stratégie vénale d'une jeune femme travaillant chez un étrange antiquaire. Plutôt bien conté et parfaitement interprété (Barbara Kellerman demeure très convaincante en maraudeuse hantée de remord), le récit parvient à être malsain, original et dérangeant auprès de l'identité du mystérieux antiquaire endossé avec charisme sépulcral par James Laurenson. Sa dimension romantique particulièrement expressive s'allouant de mélancolie au fil d'une confrontation dramatique, certes prévisible, mais néanmoins surprenante quand à la cruauté de l'épilogue. Le dernier segment nous illustre le séjour d'un réalisateur (Stuart Whitman  sobrement convaincant en otage) au sein d'un étrange village résidé par des goules mangeuses de chair humaine. En dépit de son absence de surprise et d'un final aussi plat, ce sketch parvient franchement à envoûter de par l'étrangeté de son atmosphère macabre découlant d'un environnement gothique à la fois séculaire et insalubre (on renifle l'odeur du vieux et du renfermé !). Roy Ward Baker peaufinant à merveille ses décors patibulaires à l'aide d'une photo blafarde. Quand bien même on se prend d'affection pour la détention de notre protagoniste faisant rapidement connaissance avec une jeune convive chétive. Quand au second sketch incarné par Donald Pleasance, il s'agit d'une simple chasse aux vampires inscrite dans l'ironie sardonique au rythme de rebondissements sans surprises. Assurément le plus faible du lot en dépit d'un début pourtant captivant et prometteur (les vicissitudes du fils du vampire, souffre-douleur de son école).


Entrecoupé entre chaque sketch de chansons rock et new-wave au sein d'un freakshow savoureusement décomplexé, et accompagné des éminentes présences de Vincent Price et de John Carradine, le Club des Monstres s'avère donc agréablement ludique, aussi mineur soit son contenu timoré. 

*Bruno
2èx

vendredi 10 avril 2020

Tchao Pantin. César du Meilleur Acteur, Coluche.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Claude Berri. 1983. France. 1h30. Avec Coluche, Richard Anconina, Agnès Soral, Philippe Léotard, Mahmoud Zemmouri.

Sortie salles France: 21 Décembre 1983

FILMOGRAPHIE: Claude Langmann, dit Claude Berri, est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur français, né le 1er juillet 1934, décédé le 12 janvier 2009. 1964: Les Baisers (segment « Baiser de 16 ans »). La Chance et l'amour (segment « La Chance du guerrier »). 1966: Le Vieil homme et l'enfant. 1968 Mazel Tov ou le Mariage. 1969: Le Pistonné . 1970: Le Cinéma de papa. 1972: Sex-shop. 1975: Le Mâle du siècle. 1976: La Première fois. 1977: Un moment d'égarement. 1980: Je vous aime. 1981: Le Maître d'école. 1983: Tchao Pantin. 1986: Jean de Florette. Manon des sources. 1990: Uranus. 1993: Germinal. 1996: Lucie Aubrac. 1999: La débandade. 2001: Une femme de ménage. 2004: L'Un reste, l'autre part. 2006: Ensemble, c'est tout. 2009: Trésor.


Avec ses 3 829 139 entrées, Tchao Pantin conquit le coeur du public comme celui de la critique de par sa mise en scène très maîtrisée (chaque séquence inscrite dans une quotidienneté miséreuse est une leçon de coordination), son intensité dramatique dénuée de concession et surtout le jeu naturel des comédiens d'une sobriété infaillible, particulièrement Richard Anconina (quelle révélation !) et Coluche dans un rôle à contre-emploi proprement inoubliable. Tant et si bien qu'il se livre corps et âme face écran avec une fragilité dépressive tacite. Prenant pour thème (éculé) la justice individuelle d'un homme ravagé par l'alcool, la vengeance mais aussi la culpabilité à la suite de la mort de son fils, Claude Berri opte pour un parti-pris draconien quant à l'âpreté de son climat glauque régie dans les ruelles malfamées franciliennes. Photo blafarde, score musical monotone (composé et interprété par l'illustre Charlélie Couture), climat pluvieux, peinture acrimonieuse de marginaux sans repères ni avenir avec, en filigrane, l'émancipation punk à l'orée années 80 (que Berri souligne à travers le concert de Gogol premier et les virées nocturnes de la bande de Lola), flic suintant la sueur et l'alcool (Philippe Leotard plus vrai que nature à travers sa gueule cassée et sa défroque insalubre).


Tout dans Tchao Pantin transpire la déréliction, le spleen, la sinistrose en dépit des lueurs d'espoir d'amour et d'amitié que suscitent communément le trio Anconina / Coluche / Soral. Car décrivant dans un premier temps avec un humanisme à la fois chétif et plombant l'intense amitié entre un pompiste inconsolable et un jeune dealer au grand coeur, Tchao Pantin nous immerge intimement dans leur fidèle complémentarité avec un réalisme cafardeux. Eu égard de leurs moralités dénuées d'ambition et de rédemption surfant vers la délinquance et la criminalité. Ainsi donc, Claude Berri,  plus avisé que jamais à y parfaire un drame social en perdition, parvient à transcender les clichés du "vigilante movie" (amorcé lors du second acte) sous l'impulsion du trio d'acteurs bouleversants d'affliction mélancolique. Et ce sans jamais se livrer à une démonstration de force racoleuse ou sirupeuse. Et c'est bien là sa grande force morale étalée sans ambages, notamment de par une direction d'acteurs hors-pair. La grande densité du récit émanant du développement pessimiste de ces laissés-pour-compte dépendants de leur fêlure morale au point de se soustraire à la loi de Murphy dans leur condition d'exclusion. L'étincelle d'espoir ou l'optimisme n'auront donc pas lieu d'être si bien que dans Tchao Pantin ("salut mon pote !") tout est sombre, sale et cafardeux, jusqu'à leurs déchirants adieux...


Tableau nécrosé d'écorchés vifs errants au sein d'une cité urbaine en déliquescence sociale; Tchao Pantin dégage une intensité émotionnelle aussi bien capiteuse qu'immuable. 

*Bruno
4èx

Récompenses: César 1984
Meilleur acteur pour Coluche
Meilleur second rôle masculin, Richard Anconina
Meilleur espoir également, Richard Anconina
Meilleure photographie, Bruno Nuytten
Meilleur son, Gérard Lamps et Jean Labussière.

jeudi 9 avril 2020

Manhattan Baby / La Malédiction du Pharaon

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site lupanarsvisions.blogspot.com

de Lucio Fulci. Avec Christopher Connelly, Martha Taylor, Brigitta Boccoli, Giovanni Frezza

Sortie salles Italie: 12 Août 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Démoli par la critique et même ses fans indéfectibles, La malédiction du Pharaon me laisse dans une certaine incompréhension eu égard du plaisir (coupable ?) que j'y ai ressenti lors de son troisième visionnage. Et ce après avoir attendu plus d'une décennie pour le rembobiner avec la crainte évidente d'y être déçu. Que nenni, si bien que c'est tout l'inverse qui se produisit ! Car aussi mineur, incohérent et maladroit soit-il, la Malédiction du Pharaon demeure une sympathique bobine bisseuse comme on en voit plus de nos jours. Car outre son ambiance latine délectable qui enveloppe tout le récit (renforcé du score omniprésent de Frizzi !), son rythme bien soutenu ne nous laisse nulle répit pour y insuffler un éventuel soupçon d'ennui. Lucio Fulci nous illustrant, avec parfois un parti-pris onirique détonnant (notamment les séquences touristiques en Egypte), le parcours moral d'une paisible famille ricaine en proie à la malédiction d'un médaillon que leur fille ramena d'Egypte. Dieu du Mal ayant pris possession de cette dernière, les évènements surnaturels vont s'y enchaîner à rythme effréné, et ce en dépit de sa redondance narrative pour autant jamais ennuyeuse. Fulci parvenant à renouveler l'action horrifique à travers moult détails ésotériques tantôt nonsensique (Tommy disparaissant dans une autre dimension pour réapparaître quelques plans plus tard en chair et en os sans explications aucune, le sort de l'antiquaire mordu par un serpent alors que l'instant d'après on nous le présente revigoré !), tantôt fascinants (les disparitions fantasmagoriques dénuées de raison et les morts violentes qui s'ensuivent chez certains figurants dont une ultra gore en guise d'épilogue paroxystique).


Et ce sous l'impulsion du magnifique score de Fabio Frizzi (même s'il empreinte fréquemment quelques bribes à Frayeurs et à l'Au-delà). C'est donc un pur film d'ambiance que nous emballe correctement Lucio Fulci avec l'évidente volonté formelle de nous immerger dans un cauchemar singulier délibérément nébuleux afin de mieux nous désorienter (à l'instar de l'Au-delà auquel il empreinte quelques similitudes, notamment auprès de la cécité de certains protagonistes et des zooms fréquemment imposés sur les échanges de regards contrariés ou perplexes). Quant aux acteurs de seconde zone bien connus des amateurs, c'est un réel  plaisir de les retrouver à nouveau dans des prestances correctement attachantes, même si parfois le surjeu tient lieu de rigueur. Au-delà du plaisir d'évoquer l'aimable présence de Christopher Connelly en archéologue incompétent face à l'inexpliqué, de Giovanni Frezza en enfant blondinet jovial (la Maison près du Cimetière), de Brigitta Boccoli en maman aussi dubitative qu'aimante (quoique un peu plus en retrait que son amant), de la croquignolette Cinzia De Ponti en babysitter faire-valoir, on s'amuse également d'y retrouver lors de brèves apparitions Cosimo Cinieri en antiquaire récalcitrant (le médecin égrillard de l'Eventreur de New-York), Martin Sorrentino en concierge (le sergent afro du prologue de Frayeurs) ou encore Tonino Pulci (le plombier de l'Au-delà)


Conte macabre bonnard scandé du score délicieusement entêtant de Frizzi, La Malédiction du Pharaon ne méritait pas à mon sens un tel acharnement péjoratif eu égard de son pouvoir de fascination (aussi léger soit-il) constamment imposé à l'écran. De par le soin de ses images tantôt surréalistes (fertiles en détails et symboles oniriques), tantôt morbides (dont une superbe séquence gore inusitée qui ne laissera personne indifférent). Un pur film d'exploitation certes, brouillon et superflu, mais pétri de bonnes intentions, de bonnes gueules bisseuses et de louables qualités formelles, si bien que l'ambiance horrifico-latine qui y émane nous laisse en mémoire un charmant spectacle sobrement envoûtant. 

*Bruno
3èX

mercredi 8 avril 2020

L'Aventure de Mme Muir

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"The Ghost and Mrs. Muir "de Joseph L. Mankiewicz. 1947. U.S.A. 1h44. Avec Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders, Edna Best, Natalie Wood, Vanessa Brown, Anna Lee

Sortie salles France: 26 Mai 1948

FILMOGRAPHIE: Joseph Leo Mankiewicz, né le 11 février 1909 à Wilkes-Barre en Pennsylvanie et mort le 5 février 1993 à Mount Kisco (New York), est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain.1946 : Le Château du dragon. 1946 : Quelque part dans la nuit. 1947 : Un mariage à Boston. 1947 : L'Aventure de madame Muir. 1948 : L'Évadé de Dartmoor. 1949 : Chaînes conjugales. 1949 : La Maison des étrangers. 1950 : La porte s’ouvre. 1950 : Ève. 1951 : On murmure dans la ville. 1952 : L’Affaire Cicéron. 1953 : Jules César. 1954 : La Comtesse aux pieds nus. 1955 : Blanches colombes et vilains messieurs. 1958 : Un Américain bien tranquille. 1959 : Soudain l’été dernier. 1963 : Cléopâtre. 1964 : A Carol for Another Christmas (TV). 1967 : Guêpier pour trois abeilles. 1970 : King. 1970 : Le Reptile. 1972 : Le Limier.


Une magnifique histoire d'amour puisant son intensité bien au-delà de la mort sous l'impulsion du duo mythique Gene Tierney, Rex Harrison. Ces amants maudits d'une tendre complicité badine parvenant à donner chair à leur personnage avec une alchimie quasi surnaturelle. Outre la beauté immaculée de son noir et blanc chargé d'onirisme crépusculaire, l'originalité du récit émane également de l'inventivité des dialogues ciselés et de ses situations pittoresques décomplexées. Quand bien même sa tendre mélancolie qui irrigue le récit viendra peu à peu contredire son ambiance de légèreté à travers l'injustice de vieillesse que l'héroïne subit dans un soupçon d'infortune. Et ce en dépit de sa revendication d'être parvenue à adopter la solitude avec une lucidité tranquille. L'Aventure de Mme Muir clôturant son chapitre romanesque de manière finalement optimiste quant à l'existence de la vie après la mort. Joseph L. Mankiewicz parvenant à nous faire croire à l'improbable à travers la noblesse de ces images que nos protagonistes esquissent de par leur caractérisation morale à la fois équilibrée et mature.

*Bruno
2èx

mardi 7 avril 2020

Paris, Texas. Palme d'Or, Cannes 84

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Pinterst.fr

de Wim Wenders. 1984. U.S.A. 2h25. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Dean Stockwell, Aurore Clément, Hunter Carson, Sam Berr.

Sortie salles France: 19 Septembre 1984. U.S: 9 Novembre 1984

FILMOGRAPHIE: Wilhelm Ernst Wenders, dit Wim Wenders est un réalisateur, producteur, scénariste de cinéma et photographe allemand, né le 14 août 1945 à Düsseldorf. 1970 : Summer in the City. 1972 : L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty. 1973 : La Lettre écarlate. 1974 : Alice dans les villes. 1975 : Faux Mouvement. 1976 : Au fil du temps. 1977 : L'Ami américain. 1982 : Hammett. 1982 : L'État des choses. 1984 : Paris, Texas. 1987 : Les Ailes du désir. 1991 : Jusqu'au bout du monde. 1993 : Si loin, si proche ! 1994 : Lisbonne Story. 1995 : Par-delà les nuages. 1995 : Les Lumière de Berlin. 1997 : The End of Violence. 2000 : The Million Dollar Hotel. 2004 : Land of Plenty. 2005 : Don't Come Knocking. 2008 : Rendez-vous à Palerme. 2015 : Every Thing Will Be Fine. 2016 : Les Beaux Jours d'Aranjuez. 2017 : Submergence. 2018 : The Miso Soup.


Chef-d'oeuvre épuré de Wim Wenders qui à mon sens n'est jamais parvenu à retrouver un tel degré d'authenticité à travers son cinéma vérité, Paris, Texas est un poème d'amour fou dont il est difficile d'en sortir indemne. D'une durée conséquente de 2h25, Wim Wenders nous fait partager le quotidien de Travis Henderson, fantôme errant au milieu du Texas que son frère Walter vient à la rescousse lors d'un concours de circonstances fructueuses. De prime abord mutique, hagard et décharné de par sa maigreur corporelle, Travis va réapprendre à s'humaniser et communiquer grâce à l'hospitalité de son frère, de l'épouse de celui-ci et surtout de son jeune fils qu'il a abandonné dès l'âge de 4 ans après s'être séparé de Jane, sa jeune femme. Parvenant peu à peu à retrouver la confiance de son fils Hunter, Travis décide de poursuivre sa route de la rédemption en sa compagnie afin de retrouver la trace de Jane dans une métropole tentaculaire. Road movie contemplatif sublimant les vastes cités urbaines comme celle, contradictoire, du désert du Texas (reflet de la désorientation de Travis à peine remis de sa démence), Paris, Texas est une invitation au voyage initiatique en compagnie d'un écorché vif et de son rejeton en quête identitaire. Radiographiant avec un humanisme infiniment prude les états d'âme de ces personnages en proie au questionnement, entre doute, crainte, remord et désespoir sur fond de catharsis, Paris, Texas nous bouleverse d'émotions candides de par l'humanisme fiévreux de ses derniers broyés par la mélancolie de l'échec, de la solitude et de la contrition, faute d'un passé galvaudé.


Car récit douloureux décortiquant lestement les conséquences dramatiques d'une passion dévorante (tant conjugale que paternelle) entachée par l'alcool, la possessivité et la jalousie, Paris, Texas finit par nous terrasser d'émotions à travers sa sensibilité aiguë que les comédiens retransmettent avec une expression d'amertume inscrite dans la retenue et la réservation. Car observant sans ambages les rapports du duo Travis/Jane lors d'un jeu de regards au miroir sans teint, Wim Wenders transfigure le portrait de ces amants maudits traumatisés par un passé aussi édénique qu'autodestructeur. Paris, Texas nous plongeant dans leur désoeuvrement avec une émotion lyrique emplie de sagesse, de regain d'amour et de tolérance après y avoir côtoyé la démence. Outre l'interprétation magistrale en second acte de Nastassja Kinski en hôtesse de peep-show scrupuleuse renouant sensiblement avec son instinct maternel, Harry Dean Stanton ensorcelle l'écran de par sa présence timorée en paternel déchu en quête ultime de rédemption. Son houleux parcours moral nous bouleversant avec mesure dépouillée de par le parti-pris si humble de l'auteur à diriger ses acteurs avec souci de vérité naturaliste (à l'instar de sa photo à la lumière naturelle tantôt onirique ou crépusculaire). On peut enfin souligner la justesse d'aplomb (si équilibrée) de Dean Stockwell en frère cadet à la fois attentionné et irrité de par le mystère entourant le passé torturé de Travis. Quand bien même le jeune Hunter Carson impose une stature infantile subtilement douce et fragile eu égard de sa fonction d'orphelin ballotté entre 2 parents depuis 4 ans.


"Seul l'amour peut garder quelqu'un vivant"
Film d'amour fou inconsolable électrisé par la guitare mélancolique de Ry Cooder, Paris Texas se réserve toutefois d'apaiser les fêlures et regrets afin d'y cicatriser les plaies de par la grâce de l'amour parental. Il y émane l'une des plus bouleversantes romances vues à l'écran à travers un souci de vérisme sensitif.  

*Bruno
3èx

Récompenses: Palme d'or, prix FIPRESCI, Prix du Jury œcuménique.
BAFTA 1985 du meilleur réalisateur.

lundi 6 avril 2020

Le Shérif est en prison

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Blazing Saddles" de Mel Brooks. 1974. 1h29. Avec Cleavon Little, Gene Wilder, Harvey Korman, Slim Pickens, Madeline Kahn, Mel Brooks.

Sortie salles France: 8 Janvier 1975. U.S: 7 Février 1974

FILMOGRAPHIE: Mel Brooks (Melvin Kaminsky) est réalisateur, acteur, scénariste, compositeur et producteur américain, né le 28 Juin 1926 à New-York. 1968: Les Producteurs. 1970: Le Mystère des 12 Chaises. 1974: Frankenstein Junior. 1974: Le Shérif est en prison. 1976: La Dernière folie de Mel Brooks. 1977: Le Grand Frisson. 1981: La Folle Histoire du monde. 1987: La Folle Histoire de l'Espace. 1991: Chienne de vie. 1993: Sacré Robin des Bois. 1995: Dracula, mort et heureux de l'être.


Même si elle ne rivalise pas avec ses réussites les plus probantes et qu'elle ne s'avère pas aussi drôle qu'escomptée, Le Shérif est en prison demeure une sympathique parodie de western puisant son attrait grâce à l'expansivité des acteurs s'en donnant à coeur joie dans les facéties. Si bien que l'on retrouve à nouveau pour notre plus grand plaisir le casting fétiche de Mel Brooks même si le génial Gene Wilder se retrouve un peu (beaucoup) en retrait d'un second-rôle rarement hilarant. Satire caustique sur le racisme à travers l'anachronisme, le burlesque, la mise en abyme et la comédie musicale, Le Shérif est en prison pioche un peu partout afin d'amuser la galerie avec une bonhomie volontairement grossière et ubuesque. Quand bien même le cinéphile s'amusera en intermittence d'y compiler les clins d'oeil avec un (sou)rire complice.

*Bruno


Récompense:
Writers Guild of America
Meilleure comédie écrite directement pour le grand écran pour Mel Brooks, Norman Steinberg, Andrew Bergman, Richard Pryor & Al Uger.

vendredi 3 avril 2020

Bad Boys. Uncut Version.

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Rick Rosenthal. 1983. U.S.A. 2h04 (vs 1h47). Avec Sean Penn, Reni Santoni, Esai Morales, Eric Gurry, Ally Sheedy, Clancy Brown.

Sortie salles France: 7 Mars 1984. U.S: 25 Mars 1983

FILMOGRAPHIE: Rick Rosenthal est un réalisateur américain né le 15 juin 1949 à New York. 1981 : Halloween 2. 1981 : Fire on the Mountain. 1983 : Bad boys. 1984 : American Dreamer. 1987 : Russkies. 1987 : Distant Thunder. 1994 : Les Oiseaux 2. 2002 : Halloween : Resurrection. 2013 : Drones.


Hit video des années 80 au grand dam de son échec public sur notre territoire (à peine 72 025 entrées), Bad Boys marqua toute une génération à travers son épineux cocktail de règlements de compte urbains (son prologue aux accents de "blaxploitation"), de romance (sentencieuse) et d'ultra violence (corporelle). Et ce en empruntant la démarche du drame social transplanté dans le cadre d'un suspense carcéral, à la fois honorablement réalisé par le néophyte Rick Rosenthal (il fut révélé 2 ans au préalable avec Halloween 2) et sobrement interprété par une pléiade d'acteurs prometteurs (qui feront plus tard leur preuve pour certains d'entre eux). A défaut d'y transcender le genre de par son parti-pris anti documenté, Bad Boys s'oriente plutôt du côté du divertissement musclé lorsqu'un jeune délinquant se retrouve embrigadé dans un centre de détention juvénile après avoir causé incidemment la mort d'un enfant lors de son braquage raté. Confiné sous l'autorité d'éducateurs à la déontologie drastique, Mick O'Brien devra rapidement s'opposer au détenu le plus impérieux et respecté, Lofgren surnommé Vicking (incarné par l'excellent Clancy Brown assez détestable dans son outrecuidance narquoise).


Quand bien même afin de relancer l'action dans un axe beaucoup plus âpre et tendu, Rick Rosenthal fait intervenir dans l'enceinte de la prison le pire ennemi d'O' Brien, Paco Moreno (frère aîné de l'enfant décédé) Spoil ! ayant violé sa fiancée en guise de rancoeur fin du Spoil. Ce qui nous vaut une ultime demi-heure d'une intensité primale en crescendo lorsque nos 2 rivaux finissent par en venir aux mains jusqu'à ce que mort s'ensuive. Rick Rosenthal ne lésinant par sur la brutalité des coups échangés à renfort de barre de fer, clef à molette et couteau de fortune, et ce avant d'avoir amorcer un suspense oppressant quant à l'affrontement redouté. De par l'évolution morale de l'anti-héros parvenant à canaliser sa haine grâce à l'enjeu vindicatif, Bad Boys adopte une intensité dramatique louable quant au douloureux profil d'O' Brien partagé entre l'espoir de retrouver sa compagne après avoir purgé sa dette (les séquences intimistes entre eux s'avérant très convaincantes dans leur mutuel état d'amertume) et le désir de se défendre au péril de sa vie et de sa future remise en liberté. Sean Penn, dans l'un de ses premiers rôles stoïques à l'écran, parvenant sans ambages à insuffler une émotion dépouillée dans sa condition de marginal inconséquent pour autant nanti de loyauté, de sens de l'amitié (sa complémentarité avec son comparse de cellule), d'empathie et de résignation au gré de son épreuve de survie imposée dans cet établissement insidieux.


En dépit de quelques facilités (un jeu d'acteur parfois stéréotypé ou surjoué lors de brèves occasions pédantes) et de certaines scories (l'évasion furtive d'O' Brien accompagné de son acolyte un peu tirée par les cheveux, l'indulgence parfois trop appuyé des surveillants et éducateurs à son égard), Bad Boys affiche une efficacité hargneuse au prix de moult confrontations d'animosité. Et ce sous l'impulsion tantôt fragile de la mélodie de Bill Conti d'une belle vigueur mélancolique afin d'humaniser son personnage en voie de réhabilitation. 

*Bruno
6èx

jeudi 2 avril 2020

L'Effrontée. Prix Louis Delluc.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Claude Miller. 1985. France. 1h36. Avec Charlotte Gainsbourg, Bernadette Lafont, Jean-Claude Brialy, Julie Glenn, Clothilde Baudon, Jean-Philippe Écoffey.

Sortie salles France: 11 Décembre 1985

FILMOGRAPHIE: Claude Miller est un réalisateur de cinéma français né le 20 février 1942, décédé le 5 avril 2012. 1976 : La Meilleure Façon de marcher. 1977 : Dites-lui que je l'aime. 1981 : Garde à vue. 1983 : Mortelle Randonnée. 1985 : L'Effrontée. 1988 : La Petite Voleuse. 1992 : L'Accompagnatrice. 1994 : Le Sourire. 1998 : La Classe de neige. 2000 : La Chambre des magiciennes. 2001 : Betty Fisher et autres histoires. 2003 : La Petite Lili. 2007 : Un secret. 2009 : Marching Band. 2009 : Je suis heureux que ma mère soit vivante coréalisé avec son fils Nathan Miller. 2011: Voyez comme ils dansent. 2012: Thérèse Desqueyroux.


Bijou d'humour, de tendresse et d'émotions issu de notre patrimoine hexagonal, L'Effrontée fait aujourd'hui office de perle maudite eu égard de la frilosité de nos médias à daigner le diffuser sur nos chaines hertziennes. Et ce en dépit de son Prix Louis Delluc et de ses louanges adressées lors des Césars (voir en fin d'article). Une injustice résolument imbitable si bien qu'à mon sens objectif il s'agit là d'un des plus beaux portraits d'ado d'un point de vue strictement féminin. Puisque transfiguré par le talent inné de la débutante Charlotte Gainsbourg (César du Meilleur Espoir), l'Effrontée dégage un charme si naturel en sa présence aussi bien fragile que candide. Son regard à la fois évasif, timoré et boudeuse, ses expressions pubères mêlées de douce tendresse, entre fragilité et sensualité, ses pics de colère à contredire l'autorité parentale nous enivrant d'une affection sensiblement particulière. Celle de la prémunir des mauvaises orientations et des mauvaises fréquentations (tant marginales que friquées), notamment lorsque Charlotte tombe littéralement sous le charme d'une jeune pianiste prodige (on peut d'ailleurs lui subodorer un soupçon de saphisme de par sa fascination attendrie).


L'intrigue relatant autour de sa nouvelle liaison amicale sa difficulté à affronter le monde adulte et parental, à y fréquenter ses camarades du même âge tout en tentant d'y extérioriser son identité à travers l'émoi adolescent. Claude Miller conjuguant avec une efficacité sans fioriture humour, romance (dérangeante !) et tendresse sous l'impulsion du tube (oh combien entêtant) "Sara perché ti amo" interprété par Richi e Poveri (que l'on entendra à plusieurs reprises). Outre la fantaisie permanente des situations de légèreté, de révolte et de crêpage de chignon auprès de sa petite voisine Lulu (résolument volubile !), l'Effrontée ose paradoxalement traiter du thème de la pédophilie de manière tacite si j'ose dire. Tant et si bien que le compagnon adulte qui ose fréquenter Charlotte cultive une certaine ambiguïté morale à travers son profil esseulé envahi de sentiments pour une ado de 14 ans. Au-delà de ses séquences parfois dérangeantes et scabreuses (la tentative de viol dans l'hôtel), l'Effrontée adopte une démarche intègre pour y capter avec beaucoup de tact et d'attention le cap si fragile de la puberté sous l'impulsion d'une ado férue d'amour de vivre, de soif d'aimer et de curiosité à travers ses vicissitudes humaines hétéroclites.


Chronique lumineuse portée à bout de bras par le talent épuré de la chétive Charlotte Gainsbourg; accompagnée toutefois de seconds-rôles aussi persuasifs à travers leurs expressions spontanées (nous ne sommes pas prêts d'oublier l'insolence friponne de Lulu incarnée par Julie Glenn !),  l'Effrontée se teinte de mélancolie à raviver avec vérisme solaire nos réminiscences pubères sous une une intensité émotionnelle fructueuse.  

*Bruno
2èx

Récompenses: Prix Louis-Delluc 1985
César du cinéma 1986 :
César du meilleur second rôle féminin pour Bernadette Lafont
César du meilleur espoir féminin pour Charlotte Gainsbourg

mercredi 1 avril 2020

Proxima. Prix Spécial du Jury, Saint-Sébastien 2019

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alice Winocour. 2019. France. 1h47. Avec Eva Green, Zélie Boulant-Lemesle, Matt Dillon, Sandra Hüller, Lars Eidinger.

Sortie salles France: 27 Novembre 2019

FILMOGRAPHIEAlice Winocour est une réalisatrice et scénariste française, née à Paris le 13 janvier 1976. 2012 : Augustine. 2015 : Maryland. 2019 : Proxima.


La tête pleine d'étoile. 
Hymne à la vie terrestre et à l'amour maternel transcendé par le talent naturel d'Eva Green (d'autant plus dénuée de fard d'après les règles du protocole du centre spatial), Proxima demeure une chronique intimiste à la mise en scène spécialement épurée. De par sa photo naturaliste émaillé d'instants suprêmes de poésie (quelle nature expressive au sein d'une faune apaisée !), son parti-pris documenté et la sobriété de son intrigue; Proxima s'intéresse au plus près des sentiments du personnage exclusivement féminin. La réalisatrice consciencieuse prenant son temps à nous familiariser avec elle et ses co-équipiers en plein préparatif pour leur prochaine expédition stellaire. Celle-ci s'attardant durant leur cheminement à illustrer leurs entraînements (internes et externes), essais et expérimentations avant la date du décollage réalisé de manière décoiffante (notamment auprès de la précision de sa bande-son vrombissante).


Ainsi à travers l'hyper réalisme des nombreuses séquences d'entrainement et des préparatifs au plus près du détail technique, Alice Winocour alterne avec les moments d'intimisme entre Sarah et sa fille Stella de manière scrupuleusement confidentielle. Et ce en s'attardant parfois sur leurs relations conflictuelles eu égard de l'approche de l'évènement aussi singulier que de si grande ampleur. Sarah s'efforçant de gérer son stress et ses angoisses pour affronter son nouvel univers avec un spleen quelque peu préjudiciable (son escapade illégale pour rejoindre sa fille en pleine situation de quarantaine). Poignant, émouvant et enfin bouleversant; Proxima s'alloue donc d'une intensité dramatique particulièrement gracieuse eu égard des relations transies d'humanité entre Sarah et sa fille s'épaulant mutuellement parmi leur sensible complicité. Alice Winocour radiographiant l'intensité de leur regard mutuellement azur avec un lyrisme teinté d'onirisme. Un très joli témoignage donc auprès de ces femmes astronautes se raccrochant finalement à leur instinct irrépressible d'amour maternel pour mieux affronter (et gérer) l'inconnu au grand dam d'une séparation de longue haleine.


*Bruno

Récompenses: Festival international du film de Toronto 2019 : Honorable Mention, Platform.
Festival international du film de Saint-Sébastien 2019 : Prix spécial du jury.
Festival du film de Sarlat 2019 : prix du jury Jeunes.