jeudi 13 mai 2021

Le défi de Robin des Bois

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"A Challenge for Robin Hood" de C.M. Pennington-Richards. 1967. Angleterre. 1h36. Avec Barrie Ingham, Peter Blythe, John Arnatt, Gay Hamilton, James Hayter.

Sortie salles France: ?. Angleterre: 1er Juillet 1967

FILMOGRAPHIEC.M. Pennington-Richards, né le 17 décembre 1911 à South Norwood et mort le 2 janvier 2005 (à 93 ans) à Bognor Regis au Royaume-Uni, est un réalisateur britannique. 1953 : The Oracle. 1957 : Hour of Decision. 1961 : Dentist on the Job. 1962 : Requins de haute mer. 1967 : Le Défi de Robin des Bois. 


A défaut d'être un chef-d'oeuvre de l'illustre Hammer Films; Le défi de Robin des Bois demeure un très bon spectacle populaire, de par l'implication des comédiens prenant plaisir à l'aventure (Barrie Ingham n'a aucune peine à se fondre dans le corps du justicier intrépide), et par le panache de sa mise en scène fertile en action, humour et romance. Et si l'intrigue s'avère aussi classique qu'attendue, elle reste constamment efficace grâce à l'énergie de sa réalisation où rien n'a été laissé au hasard et à la bonhomie de ses protagonistes dénués de complexe à se prêter au jeu de la rivalité pour l'honneur de l'équité. Ainsi donc, on s'attache d'instinct à la fougue de ces derniers combattant l'injustice, la machination et la trahison lors d'une cohésion héroïque, quand bien même on se dépayse de son contexte historique à travers sa nature forestière et l'architecture gothique du vaste château auquel nos héros ne cessent d'aller et venir. Un peu plus moderne, notamment auprès de ses séquences d'actions plutôt bien dirigées (dont un impressionnant duel final à l'épée superbement chorégraphié), le Défi de Robin des Bois fleure bon le cinéma de quartier en tentant de rajeunir ses combats un peu plus violents que nos classiques immuables ayant bercé notre douce enfance. A revoir en famille, de préférence un jour férié ou lors des vacances scolaires. 


*Bruno
2èx

mercredi 12 mai 2021

Stella

                                         
                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site www1.alliancefr.com

de Sylvie Verheyde. 2008. France. 1h42. Avec Guillaume Depardieu - Karole Rocher - Léora Barbara - Benjamin Biolay - Mélissa Rodrigues 

Sortie salles France: 12 Novembre 2008

FILMOGRAPHIESylvie Verheyde (née en 1967) est une réalisatrice, actrice. scénariste et productrice de cinéma française. 1997 : Un frère. 2000 : Princesses. 2008 : Stella. 2011 : Confession d'un enfant du siècle. 2016 : Sex Doll. 2021 : Madame Claude. 

            
Souvenirs, souvenirs.
Tiré d'un récit autobiographique, Sylvie Verheyde nous dépeint avec souci de vérité documenté le souvenir de l'époque révolue des années 70. La peinture sociétale d'une classe ouvrière en perdition que l'on découvre du point de vue d'une fillette chétive comme rarement un cinéaste ne l'eut décrit avec autant de précision et de détails (on peut d'ailleurs songer au cinéma de Pialat au point même de croire que le film soit véritablement originaire des années 70 !). Ainsi, 1h42 durant, nous allons suivre à travers son regard de 11 ans son parcours de vie aussi difficile que tumultueux. Stella, introvertie, taciturne et timorée, débordante de sensibilité, de fragilité et de curiosité durant son parcours houleux d'une quotidienneté morose, faute de parents peu communicatifs, tenanciers d'un bistrot à la clientèle férue de fiesta jusqu'à enivrement. Des parents volages sur la corde raide comme nous l'apprendrons au fil du cheminement dubitatif de Stella coexistant au sein de ce huis-clos fuligineux à travers les rapports amiteux de ces petites gens au grand coeur mais résolument paumée dans leur condition à la fois marginale, désoeuvrée, voire parfois même déviante et paraphile. Ce qui portera atteinte à Stella d'après ses mauvaises notes scolaires, faute de ces nuits noctambules beaucoup trop inaudibles, agitées, pour ne pas dire licencieuses, ingérables.


Ainsi, à travers sa condition de vie acrimonieuse souvent livrée au sentiment de déréliction, nous suivrons minutieusement son quotidien, entre bonne humeur, étourderie, oisiveté, contrariété et même révolte. Tant auprès de la cellule familiale cacophonique, de ces rapports amicaux parfois tendus que du corps enseignant avec ces professeurs condescendants et castrateurs, voirs parfois même violents par le geste ou la parole. C'est donc un véritable voyage temporel que nous illustre la réalisatrice Sylvie Verheyde avec souci de vérité sociale et humaniste, eu égard des performances d'acteurs vivants plus qu'ils ne jouent leur rôle fictif. Tant auprès de la (trop) rarissime Karole Rocher en mère inculte pour autant pétrie d'affection et de désagrément pour le sort de sa fille, du tout aussi discret Benjamin Rocher  en paternel taciturne, fumeur invétéré de gauloise et buveur de Ricard, du regretté Guillaume Depardieu  en solitaire inconsolable sur le fil du rasoir, que de l'époustouflante Léora Barbara hyper naturelle en fillette candide en apprentissage de rédemption et de maturité (vous n'oublierez jamais la sobre expressivité de son regard inné). Notamment afin de canaliser ses pulsions de colère et de violence qu'on ne voit pas venir après avoir témoigné à plusieurs reprises d'adultère, d'attouchements et de passages à tabac entre poivrots à la sortie (et en interne) du bistrot. Stella étant le jouet perturbé des mauvaises circonstances dont on l'entoure. Le spectateur hypnotisé par sa présence démunie daignant la protéger comme s'il s'agissait de notre propre fille. 


Scandé des tubes inoubliables de Sheila, Daniel Guichard, Patrick Juvet, Gérard Lenorman, Eddie Mitchel ou encore Umberto Tozi (son fameux Ti Amo dans toutes les mémoires !) que l'on écoutait en boucle sur des vinyles craquelants, Stella fait perdre nos repères à travers sa peinture hyper réaliste d'une France profonde au mal-être existentiel. Celle de la banlieue parisienne mais aussi de la région (mal perçue) du Nord / Pas de Calais souvent tributaire du chômage et de la grisaille des corons mais infiniment chaleureuse dans le coeur de ces petites gens pétris de fraternité. D'une grande sensibilité à ne jamais quitter des yeux les mouvements et introversions morales de ce petit bout de 11 ans en quête d'amour, de tendresse, de respect et de reconnaissance, Stella bouleverse aux larmes de par son extrême pudeur d'y honorer l'enfance par la simplicité d'une époque insouciante très attachée à la noblesse de ces valeurs humaines. Un des plus beaux films français des années 2000. 

P.S: aux dernières nouvelles, une suite serait en préparation cette année. 

*Bruno
17.09.10. 149 v
12.05.21. 2èx

Distinctions:
  • Grand Prix du Meilleur scénariste 2006 : Prix Arlequin
  • Festival international du film de Flandre-Gand 2008 : Prix du scénario SABAM pour Sylvie Verheyde

mardi 11 mai 2021

L'Ombre du Fouet

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site fr.shopping.rakuten.com

"Ying zi shen bian" de Wei Lo. 1971. Hong-Kong. 1h18. Avec Pei-Pei Cheng, Hua Yueh, Li-Jen Ho, Sammo Kam-Bo Hung

Sortie salles Hong-Kong: 6 Août 1971

FILMOGRAPHIE: Wei Lo est un réalisateur, scénariste et producteur né en 1918 dans la province du Jiangsu, Chine, décédé le 20 janvier 1996 (78 ans) à Hong Kong. Belle combattante. 1979 Le poing de la vengeance. 1978 L'Irrésistible. 1977 Le Vengeur. 1977 Cravate Quan Xiao Zi. 1976 Fung yu seung lau chanter. 1976 La nouvelle fureur de vaincre. 1975 Xiao Shandong dao Xianggang. 1975 Jin fen shen xian shou. 1975 Somme moh. 1974 Hu tu fu xing. 1974 Massacre à San Francisco. 1974 Chuo tou zhuang yuan. 1974 Xiao ying xiong da nao Tang Ren jie. 1973 Dragon tatoué contre boxer thaï. 1973 Cravate wa. 1973 Le Bras vengeur de Wang Yu. 1973 Acrobatique Kung Fu contre Gang Noir. 1973 La revanche de Wang Yu. 1972 La fureur de vaincre. 1972 Poings de fureur. 1972 Karaté en plein ouragan.  1971 Bing tian xia nu. 1971 Grand patron. 1971 Gui liu xing. 1971 Ying zi shen bian. 1971 Les 8 invincibles du kung fu. 1970 Wu hu tu long. 1969 Hommes longs jin jian. 1969 Hu et. 1969 Du long tan. 1968 Ombre de la mort. 1968 Écart de danger. 1968 Duan hun gu. 1968 Cravate guan yin yong po bao zha dang. 1968 Nu xia hei hu mourir. 1968 Jin shi qing. 1967 Nora Zain: Femme Agent 001. 


Festival de combats au fouet et au sabre tous azimuts, L'Ombre du Fouet déménage en diable à travers ses morceaux d'anthologie impeccablement chorégraphiés à faire pâlir de jalousie la dernière prod  d'actionner bourrin mainstream. Car sous couvert d'une intrigue efficacement structurée conjuguant les thèmes de la vengeance, de la félonie et de la machination, le réalisateur oscille combats et massacre en règle avec une inventivité endémique. Tant auprès de la singularité des affrontements faisant parfois intervenir en intermittence quelques éléments surréalistes (corps volants dans les airs pour accéder à un toit) que de la vélocité des acteurs bondissant et voltigeant avec une fluidité hors-pair. Ainsi, quel bonheur de suivre et de contempler ses corps à corps belliqueux savoir jamais avoir le sentiment de lassitude ou de mal de tête, tant l'action (parfois accélérée pour amplifier leur fulgurante intensité) déborde de vigueur au fil d'un récit non exempt de suspense et d'interrogation quant à l'éventuelle culpabilité de fouet-éclair pris pour cible à la vindicte populaire à la suite de la mort d'une famille. 


Epaulé de son élève Yun Kai-yun, jeune guerrière passée maître dans l'art du maniement du fouet, et du rebelle Wang Jian-xin, ils vont à eux trois s'unifier afin de combattre les préjugés d'une sombre affaire de maraude. Par conséquent, à travers la qualité de son casting exclusivement masculin, on retrouve avec bonheur l'illustre Cheng Pei-pei se détachant de la foule machiste dans une posture aussi radieuse que spontanée. Une fonction héroïque d'une étonnante modernité dans sa capacité à combattre ardemment l'ennemi parmi l'ustensile inusité du fouet ! Justement, en parlant de modernité, on reste pantois d'émoi, d'admiration et de fascination face à son action épique épaulée il est vrai d'un montage très avisé afin de feindre ses trucages artisanaux disséminés de temps à autre (surtout pour les corps éjectés vers le ciel ou de ses sabres pénétrant de plein fouet dans la chair à une vitesse grand V !). Le maître mot de l'Ombre du Fouet demeurant "jouissance" d'un spectacle du samedi soir infiniment photogénique. Car au sein de cette aventure historique y contraste ses superbes décors enneigés, rehaussés il est vrai d'une photo toujours aussi esthétisée.


Sans prétention mais avec une volonté d'y parfaire un sommet du genre au gré d'un récit à la fois haletant et intrigant fertile en actions capiteuses, l'Ombre du Fouet se décline en luxueuse série B pour faire office d'incontournable classique de la Shaw Brothers
. 

*Bruno
2èx

vendredi 7 mai 2021

Le Cercle Infernal. Grand Prix à Avoriaz, 78.

   

"Full Circle / The Haunting of Julia" de Richard Loncraine. 1977. Canada/Angleterre.1H38. Avec Mia Farrow, Keir Dullea, Tom Conti, Jill Bennett, Robin Gammell, Cathleen Nesbitt, Anna Wing, Edward Hardwicke, Mary Morris, Pauline Jameson, Arthur Howard...

Sortie salles France: 3 Mai 1978

FILMOGRAPHIE: Richard Loncraine est un réalisateur britannique né le 20 Octobre 1946 à Cheltenham du Gloucestershire, Grande Bretagne. 1975: Flame. 1977: Le Cercle Infernal1982: Drôle de missionnaire. Pierre qui brûle. 1995: Richard III. 2004: La Plus belle victoire. 2006: Firewall. 2009: My One and Only


"S'introduire comme un rêve dans l'esprit d'une femme chétive est un art, en sortir est un chef-d'oeuvre."
Sous prétexte d'un cas de demeure hantée habitée d'une présence maléfique, Richard Loncraine aborde en 1978 les thèmes du deuil familial et de la difficulté de surmonter la perte de l'innocence à travers un drame psychologique transplanté dans le cadre de l'épouvante gothique. Possession, Folie, réincarnation, autosuggestion se télescopant dans une prude discrétion. Récompensé du Grand Prix à Avoriazle Cercle Infernal laisse libre court à un au-delà insaisissable à travers l'exutoire d'une mère traumatisée, transie d'amour pour sa défunte fille. Le Pitch: Lors d'un déjeuner matinal, Julia et son époux Magnus sont témoins de l'étouffement de leur fille avec un morceau de pomme. Paniquée, elle lui inflige une trachéotomie avant l'arrivée latente des secours. Deux mois plus tard, après un séjour en hôpital psychiatrique, Julia encore perturbée de la mort de sa fille quitte son mari ainsi que sa demeure familiale pour s'installer dans un vaste pavillon londonien. Inexplicablement, elle ressent de manière intuitive une étrange présence dans les lieux, quand bien même l'arrivée de médiums expérimentés amplifiera son trouble sentiment d'insécurité et de résignation à découvrir l'horrible vérité. 


Dès l'éprouvant prologue inopinément tragique, nous sommes témoins d'un incident domestique des plus cruels. Une scène choc réaliste particulièrement impressionnante de par son marasme imposé auprès d'une fillette agonisante, un morceau de pomme dans le fond de sa gorge. Et le point d'orgue de nous administrer sur celle-ci aussi mourante une trachéotomie infructueuse perpétrée par sa propre mère. La scène suivante se clôt sur le plan fixe du regard blême et hagard de cette dernière, tremblotante devant sa porte d'entrée face aux secouristes médusés ! Sa posture contractée, son absence apathique nous dévoilant ensuite un tablier maculé de sang auquel sa main droite y brandit un couteau de cuisine. Un prologue anthologique au montage adroit afin d'y distiller une intensité éprouvante aussi malaisante qu'insupportable. Car quoi de plus innommable que d'observer (sans complaisance) l'agonie d'une fillette condamnée à la fatalité !


Passé ce tragique fardeau aussi tétanisant que poignant, Julia se retrouve 2 mois plus tard sciemment seule dans une demeure poussiéreuse d'aspect gothique. Mais au fil des jours et de son isolement, elle éprouve un sentiment persistant d'inquiétude mêlée de fascination envers cet endroit feutré. Par la suite, ce sentiment irrationnel perdurera pour s'exacerber lors de l'improvisation d'une séance de spiritisme conseillée par la belle soeur de son époux. Ainsi, passée cette dérangeante communication avec les morts le cheminement nébuleux de Julia va prendre un tournant autrement délétère autour d'une énigme des plus sordides. Mais obsédée par des révélations aussi improbables que motivantes, notamment en y établissant un rapprochement avec la mort de sa fille, elle se laissera embarquer dans une enquête consciencieuse afin d'y démystifier son caractère surnaturel et par la même occasion sauver une âme perdue. Des avis de recherche aux révélations interlopes vont profondément heurter sa sensibilité puisque s'identifiant à nouveau vers un autre drame infantile et d'y opposer notamment une analogie avec son expérience vécue. 


A moins que tout cela n'était peut-être que le fruit de son imagination, de sa psyché tourmentée à tenter de se déculpabiliser de la mort accidentelle de sa propre fille, fantôme errant au coeur de sa conscience dépressive ! Motivé par le pouvoir de suggestion afin de préconiser un envoûtement palpable, Richard Loncraine cristallise avec Le Cercle Infernal un drame de la solitude sublimant, sous le pivot d'un suspense aussi lourd que passionnant, une ambiance gothico-funèbre étonnamment indicible. La densité de sa narration diaboliquement sournoise demeurant d'autant plus captivante à travers la quête spirituelle d'une mère aussi démunie qu'hantée par les forces du Mal. Dans le rôle iconique de Julia, Mia Farrow  délivre une fois encore un jeu de fragilité névrotique à travers son doux regard azur mêlé d'appréhension et de curiosité morbide de par son insatiable soif de vérité ! Une composition nuancée toute en sensibilité que son physique fluet et famélique renvoient à sa vulnérabilité morale. Démunie et désorientée mais obsédée par ses convictions, elle se laisse probablement soumettre par l'influence d'une victime démoniale au point de se laisser voguer vers un échappatoire funeste qu'elle ne peut maîtriser. Ainsi, si Le Cercle Infernal dégage un tel pouvoir de fascination ineffable auprès de son suspense en crescendo, il le doit notamment à la cruauté malsaine de sa trame couillue abordant le thème de l'enfant maléfique avec une sensibilité aussi aigue qu'ambigüe. Si bien que rarement ce thème cher au Fantastique n'eut été traité avec autant de suggestion "nécrosée" si j'ose dire. Et ce à travers la teinture sépia d'une splendide photo scope qui ne demande qu'à nous enivrer. 


Elégie maternelle.
Scandé de l'inoubliable mélodie élégiaque de Colin Towns à marquer d'une pierre blanche, Le Cercle Infernal se décline en chef-d'oeuvre diaphane de par sa puissance émotionnelle aussi subtile que dépouillée émanant d'un récit irrésolu. Richard Loncraine illustrant avec tact et pudeur la trajectoire désargentée d'une mère en berne en quête d'une main secourable par le biais des forces de l'au-delà. Sensiblement angoissant et anxiogène à travers un climat ouaté difficilement explicable par les mots, malsain et dérangeant (la séance de spiritisme plutôt glaçante alors qu'elle n'y dévoile rien, Julia brandissant sans raison une tortue ensanglantée dans le parc à enfants, les révélations horrifiantes d'un témoin clef du meurtre d'Olivia mais aussi celles de la mère impotente confinée dans l'asile), Le Cercle Infernal se substitue en poème obsédant auprès de son épilogue capiteux sciemment filandreux et interrogatif. Et ce bien au-delà du générique de fin, le spectateur restant tétanisé par cette image figée profondément mélancolique ! Car un final tragique d'une beauté funèbre sensorielle infiniment hypnotique. Diamant noir (étonnamment) chétif, comparable à la céramique d'une porcelaine, Le Cercle Infernal s'érige en drame maternel singulier au fil (si ténu) d'une acuité émotionnelle aussi obscure que déchue.   

Remerciement immodéré à Ciné-Bis-Art

*Bruno
16.10.10.  (1098)
07.05.21. 4èx 

Récompense: GRAND PRIX, Avoriaz 78.

jeudi 6 mai 2021

The Father

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Florian Zeller. 2020. France/Angleterre. 1h37. Avec Anthony Hopkins, Olivia Colman, Rufus Sewell, Imogen Poots, Olivia Williams, Mark Gatiss

Sortie salles France: 26 Mai 2021

FILMOGRAPHIE: Florian Zeller est un écrivain, scénariste et réalisateur français, né le 28 juin 1979 à Paris. 2020 : The Father

Difficile d'imprimer ses impressions à chaud après avoir vécu une expérience aussi dérangeante que bouleversante, eu égard du talent du cinéaste français Florian Zeller à nous immerger de plein fouet dans l'introspection morale d'un père sclérosé peu à peu atteint de démence. Car d'une intensité dramatique parfois éprouvante sans jamais y être programmée, The Father laisse en état de choc "dépressif" au cours du générique final défilant lentement sous nos yeux rougis de larmes. Magnifiquement endossé par le monstre sacré Anthony Hopkins (Oscar du Meilleur Acteur 2021), littéralement habité par ses expressions à la fois tendres, cocasses et erratiques, et du jeu démuni de l'actrice anglaise Olivia Colman  sobrement accablée d'y observer la déliquescence mentale de celui-ci, ces derniers se livrent corps et âme face caméra à extérioriser leurs sentiments fébriles au gré d'échanges de désarroi, d'amour, d'amertume et d'interrogation. Ainsi, à travers leur récurrent affrontement psychologique tentant de renouer avec la réalité quotidienne d'autrefois, Florian Zeller demeure redoutablement alchimiste à nous impliquer intimement dans leur liaison houleuse de par sa mise en scène aussi inventive qu'expérimentale. 

Si bien que le spectateur, en perte de repère et de raisonnement, est constamment contraint de s'interroger sur la véracité des faits exposés du point de vue subjectif d'Anthony en perdition mentale. Celui-ci voyant défiler face à lui une poignée de protagonistes à la fois avenants et inquiétants (aide-soignante et beau-père en mode bicéphale !) aux visages aussi familiers que méconnaissables selon son humeur journalière. Le réalisateur portant un regard pétri d'affection entre le père et la fille en quête insoluble de résolution si bien que celle-ci ne peut se résoudre à terme qu'à privilégier une solution de dernier recourt pour le sort de son paternel toujours plus éprouvé par le vertige de ses incohérences.  Ainsi donc, fort du climat anxiogène régnant au sein de leur huis-clos domestique, The Father nous désarme d'émotions rigoureuses face à la moralité affligée de ce malade sénile s'efforçant de retrouver des parcelles de lucidité dans sa triste condition demeurée. Celui-ci se rabattant notamment sur la nostalgie de ses réminiscences funèbres (sa défunte mère et sa seconde fille décédée lors d'un accident) pour tenir lieu de compensation affectueuse. 

Très dur, cruel (l'hypocrisie et la posture abusive de l'amant désobligeant que j'ai omis de traiter) et davantage éprouvant à travers la dextérité d'une mise en scène extrêmement chiadée, The Father ne nous laisse nul répit à observer la dégradation mentale d'un malade sénile toujours plus replié dans une solitude aussi aigre que désespérée. Le cinéaste ayant notamment le tact d'éluder le pathos grâce à la noblesse de ces acteurs au plus près de leurs sentiments fragiles et à l'originalité de sa réalisation nous faisant participer à une expérience morale terriblement déstabilisante. Au point de s'identifier pleinement aux personnages pétris d'amour l'un pour l'autre (tant auprès de la fille si résiliente que du père en proie à sa conscience traumatique) et de s'interroger sur notre propre sort si nous étions un jour confrontés à une situation pathologique aussi ingérable que déraisonnée. L'un des grands films de l'année 2021 ne vous laissera pas indemne de par la bouleversante rigueur de son ode à l'amour filial et paternel.

Clin d'oeil à Jean-Marc Micciche

*Bruno

Récompenses
Oscar du Meilleur Acteur Anthony Hopkins Lauréat
Oscar du Meilleur Scénario adapté Florian Zeller et Christopher Hampton Lauréat

mercredi 5 mai 2021

Le Retour de l'Hirondelle d'Or

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemapassion.com

"Jin yan zi" de Chang Cheh. 1968. Hong-Kong. 1h48. Avec Cheng Pei-pei, Jimmy Wang Yu, Lo Lieh, Chao Hsin-yen, Ku Feng. 

Sortie salles Hong-Kong: 4 Avril 1968

FILMOGRAPHIEChang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China. 


Peu de suites ont transcendé le niveau des films qui les ont inspirés. Une fois n'est pas coutume avec ce splendide requiem à la fois sauvage et romanesque. 
Tourné 2 ans après son modèle, Le Retour de l'Hirondelle d'or supplante son modèle proverbial sous la houlette du réalisateur d'Un seul bras les tuas tous, Chang Cheh. King Hu ayant cédé sa caméra à celui-ci beaucoup plus viril à mettre en retrait l'héroïne d'autrefois au profit du Phénix d'Argent endossé par l'imperturbable Jimmy Wang Yu (c'est peu de le dire !). Et si de prime abord, on regrette ce parti-pris machiste, la nouvelle présence arrogante de Jimmy Wang Yu nous laisse pantois de fascination à travers sa posture indestructible. Autant avouer que cette fausse séquelle demeure à contre-emploi de son modèle de par sa violence inouïe (alors qu'il fut tourné en 68 !) découlant d'affrontements barbares proprement vertigineux. Le montage ultra agressif et les cadrages obliques rehaussant cette déchéance belliqueuse qu'un anti-héros (Phenix d'argent) amorce pour y interpeler son amour d'adolescence,  l'Hirondelle d'Or. Souffle épique et romanesque se chevauchent donc sans réserve au fil des péripéties de ce vengeur meurtrier extériorisant sa haine sur des assassins dans vergogne. Le tout rythmé au gré d'une partition au cuivre extraite d'un western spaghetti afin de se démarquer une nouvelle fois de l'ornière.


Pour autant manifeste anti loi du Talion par l'entremise intègre de Xie Ru-yan (l'Hirondelle) tentant en désespoir de cause de raisonner son partenaire, Le Retour de l'Hirondelle d'or laisse peser sur les épaules de ces personnages pugnaces une tragédie commune, notamment auprès du fidèle acolyte de l'Hirondelle, Martinet d'or. Ainsi donc, en radiographiant ces 3 chevaliers intrépides habités par la soif de justice, le sens autoritaire et la frustration sentimentale, cette splendide fresque romanesque oscille le baroque et la poésie (tantôt fantasmatique pour ses flamboyantes intimités érotisées, tantôt naturaliste pour sa forêt drapée d'une immense cascade et pour sa vallée montagneuse, repère de combats à morts) à l'aide d'une intensité dramatique en crescendo. Ce qui nous vaut un final sanglant apocalyptique auprès du Phénix d'Argent d'un héroïsme aussi suicidaire que sacrificiel à immortaliser sa supériorité martiale. Carrément bouleversant quant aux tristes destinées du trio infortuné, Le Retour de l'Hirondelle d'Or nous laisse béat d'admiration et de désagrément face à cette élégance charnelle de corps meurtris convergeant vers une solitude irrévocable. 


Chef-d'oeuvre du film de sabre beaucoup plus fulgurant et épique que son aîné, Le Retour de l'Hirondelle d'or défie le temps du haut de ces 53 printemps à inscrire sur pellicule un poème romantique aussi morbide que tourmenté. Et d'y élever sur un mont d'argent un nouvel héros des temps modernes, le plus grand chevalier du monde comme le proclame notre phénix désargenté. Une aventure historique à couper le souffle d'une inventivité parfois débridée et d'une audace barbare (l'enfant s'étripant les viscères au sabre devant ses parents pour prouver son innocence !) encore aujourd'hui décapante. 

*Bruno

mardi 4 mai 2021

Big Eyes

                                                       Photo empruntée sur Google appartenant au site Allocine.fr

de Tim Burton. 2014. U.S.A/Canada. 1h46. Avec Amy Adams, Christoph Waltz, Krysten Ritter, Jason Schwartzman, Danny Huston, Terence Stamp 

Sortie salles France: 18 Mars 2015

FILMOGRAPHIETim Burton est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain, né le 25 août 1958 à Burbank (Californie).1985 : Pee-Wee Big Adventure. 1988 : Beetlejuice. 1989 : Batman. 1990 : Edward aux mains d'argent. 1992 : Batman : Le Défi. 1994 : Ed Wood. 1996 : Mars Attacks! 1999 : Sleepy Hollow. 2001 : La Planète des singes. 2003 : Big Fish. 2005 : Charlie et la Chocolaterie. 2005 : Les Noces funèbres. 2007 : Sweeney Todd. 2010 : Alice au pays des merveilles. 2012 : Dark Shadows. 2012 : Frankenweenie. 2014 : Big Eyes. 2016 : Miss Peregrine et les Enfants particuliers. 2019 : Dumbo. 


"Ce que Keane a fait est tout simplement génial. Ca ne peut être que bon. Si c'était mauvais, ça ne plairait pas à tant de monde." Andy Warhol.  
C'est sous les conseils d'un ami que je me suis décidé à tenter ce Big Eyes sorti en 2014, soit 2 ans après Frankenweenie. Et à ma grande surprise j'ai été conquis par l'improbable histoire vraie que nous relate Tim Burton en ciblant comme de coutume le grand public. Réquisitoire contre tous ces plagiaires, usurpateurs, faussaires et beau parleurs de tous horizons esquivés de vergogne pour duper le chaland, Big Eyes retrace l'incroyable destin de l'artiste peintre Margaret Keane qui se laissera influencer par son nouveau compagnon Walter par amour, appréhension et manque d'affirmation. Un agent immobilier substitué en peintre vénal les week-ends sur les marchés populaires, tant et si bien que c'est lors de cette occasion qu'ils se rencontreront. Ainsi, durant de nombreuses années, tous les tableaux que Margaret dessinera (des portraits de fillettes aux yeux dilatés) porteront la signature de son nouvel époux. Il faut dire que Walter est passé maître dans l'art de manipuler son épouse et son entourage à renfort de stratégies pubardes, de sourires charmeurs et de transaction caritative. Le but de cet imposteur starisé n'étant qu'à titre pécuniaire afin de se venger de sa pathétique condition de loser invétéré, alors que le public aveuglé par ses paroles lacrymales se rue sur ses fresques en guise de trophée. 


Triste personnage donc, pour ne pas dire misérable dans sa mythomanie acharnée ne reculant devant aucune limite pour parvenir à ses fins (c'est peu de le dire sans daigner dévoiler une de ses intentions délétères). Incessamment captivant, de par la dramaturgie de l'histoire ciblant en filigrane un pied de nez aux critiques snobinards (via le personnage pédant de Terence Stamp) se délectant à mépriser les célébrités les plus notoires (sans doute une revanche de Tim Burton himself contre ses détracteurs les plus rigides), Big Eyes émeut sans ambages pour dépeindre le désarroi de Margaret privée de sa liberté et de son libre-arbitre, faute de sa complicité frauduleuse avec son époux hâbleur. Amy Adams endossant avec fragilité et sensibilité ténue une mère démunie tiraillée entre ses principes moraux pour l'amour en perdition de sa fille et sa détresse de ne pouvoir s'extraire des chantages de l'époux toujours plus vicié et sans scrupule à la convaincre de perdurer ces dessins pour y emporter la mise. Christoph Waltz se glissant dans le corps du peintre perfide avec la juste mesure d'un naturel décomplexé. Et ce en dépit d'un final juridique un chouilla ridicule, limite auto-parodique, à travers ses extravagances emphatiques d'avocat et de victime à la fois puisque contraint de se défendre indépendamment à la barre à renfort de numéros théâtraux rébarbatifs (unique bémol du film).


"Faussaire : Individu qui n'est pas dans le vrai".
Poignant et émouvant, Tim Burton parvient à distiller une véritable émotion humaine à travers l'endurance morale de Margaret s'efforçant de résister malgré tout au haro médiatique de par sa pudeur introvertie d'épouse trahie derrière sa honteuse culpabilité. Le cinéaste ayant notamment cette capacité artistique d'y conter son récit avec une naturelle fluidité. On aurait peut-être opté pour un final plus posé et moins tape à l'oeil auprès du numéro exubérant de Walter s'efforçant une ultime fois de singer la vérité à renfort de répliques pompeuses (même si le personnage dans la vie était aussi obtus dans son refus d'aveu). En tout état de cause, l'oeuvre formellement affectueuse dans ses teintes colorées, émeut, séduit (rien qu'auprès des portraits baroques des fillettes aux grands yeux) et passionne à travers sa virulente thématique contre l'escroquerie artistique. On peut d'ailleurs faire référence, et donc y introduire un certain parallèle, à travers la récente actualité d'un illustre écrivain soit disant spécialiste de serial-killer mais démasqué depuis par le travail circonspect d'un collectif féru de justice et de soif de vérité. 

*Bruno

Dédicace à Philippe Beun-Garbe

Récompense: Golden Globes 2015 : meilleure actrice dans un film musical ou une comédie pour Amy Adams

lundi 3 mai 2021

L'Année des Méduses

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Christopher Frank. 1984. France. 1h50. Avec Bernard Giraudeau, Valérie Kaprisky, Caroline Cellier, Jacques Perrin, Béatrice Agenin, Barbara Nielsen. 

Sortie salles France: 14 Novembre 1984 (tous publics en 1984 mais -12 ans à la télévision)

FILMOGRAPHIE: Christopher Frank est un écrivain, réalisateur de cinéma, scénariste et dialoguiste français d'origine britannique, né le 5 décembre 1942 à Beaconsfield, Angleterre et mort le 20 novembre 1993 à Paris d'une crise cardiaque. 1982 : Josepha. 1984 : Femmes de personne. 1984 : L'Année des méduses. 1987 : Spirale. 1994 : Elles n'oublient jamais.


Bien déçu par cette comédie de marivaudage plutôt poussive, platement réalisée, censé dégager une vénéneuse sensualité auprès des nombreux corps dénudés et de la troublante Valérie Kaprisky, étoile montante de l'époque. Mais tous les rapports sentimentaux tombent à plat faute de dialogues standard, d'une BO musicale terriblement triviale et d'un manque évident de fluidité dans les complexité de ces personnages tentant difficilement d'approcher l'amour. Seule son excellente distribution (surtout Bernard Giraudeau en dragueur invétéré et Caroline Cellier en épouse nonchalante) éveille un peu l'intérêt en dépit d'une caractérisation psychologique prémâchée donc. Dommage car il y avait matière à imprimer sur pellicule une comédie dramatique intense et fouillée à travers sa peinture complexe sur les rapports de drague hommes/femmes. D'ailleurs, seule sa scène de meurtre, cruelle et insolite, impressionne de par son réalisme escarpé. Or, elle intervient durant les 10 dernières minutes de métrage. Ainsi, L'Année des Méduses a depuis sombré dans l'oubli, on comprend bien pourquoi aujourd'hui.

*Bruno


Récompense: César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Caroline Cellier.

samedi 1 mai 2021

L'Hirondelle d'Or

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Come drink with me" de King Hu. 1966. Hong-Kong. 1h35. Avec Cheng Pei-pei, Yueh Hua, Chan Hei, Chen Hung Lieh.

Sortie salles France: 28 Janvier 2004. Hong-Kong: 7 Avril 1966

FILMOGRAPHIE: King Hu (chinois simplifié : 胡金铨 ; chinois traditionnel : 胡金銓 ; pinyin : Hú Jīnquán) (29 avril 1931 à Pékin - 14 janvier 1997 à Taipei) est un réalisateur et acteur chinois. 1963 : The Love Eterne. 1964 : The Story of Sue San. 1965 : Sons of Good Earth. 1966 : L'Hirondelle d'or. 1967 : Dragon Gate Inn. 1970 : Four Moods. 1970 : A Touch of Zen. 1974 : L'Auberge du printemps. 1975 : Pirates et Guerriers. 1979 : Raining in the Mountain. 1979 : Legend of the Mountain. 1981 : The Juvenizer. 1983 : All the King's Men. 1984 : The Wheel of Life. 1990 : Swordsman. 1992 : Painted Skin. 

Immense succès critique et public dans son pays initial alors que chez nous il aura fallu attendre 2004 pour le découvrir en salles, L'Hirondelle d'Or révolutionna le wu xia pian (film de cape et d'épée chinois) de par sa modernité, le brio de sa mise en scène et la présence de l'actrice Cheng Pei-pei (les Griffes de Jade) littéralement magnétique en guerrière intrépide. Ancienne ballerine après m'être renseigné sur sa biographie tant et si bien qu'à travers la majestuosité de ses combats je m'interrogeais sans cesse sur leur fluidité s'apparentant à de vrais ballets de danse; Cheng Pei-pei ensorcelle l'écran de par sa présence fluette et son regard impassible qu'aucun adversaire ne puisse dévisager. Ainsi, à travers son intrigue linéaire (le houleux compromis d'échanger un dangereux brigand contre le frère de l'Hirondelle d'Or retenu par les 5 tigres de Jade), King Hu multiplie les confrontations homériques des combats au sabre au service narratif.

Notamment en y faisant intervenir avec pas mal d'humour un mendiant aviné auquel l'hirondelle collaborera. D'ailleurs, selon mon point de vue strictement personnel, je regrette un peu que le final si spectaculaire et bondé de figurants laisse moins de place à la présence divine de l'hirondelle au profit du mendiant délibéré à se venger auprès d'un abbé, son ancien maitre d'art martial. Pour autant, en y introduisant de manière inopinée des éléments surnaturels lors de cette ultime demi-heure, et en y relançant l'action au gré d'une stratégie offensive, L'Hirondelle d'Or continue de divertir et de fasciner de par son aspect baroque en accord avec une nature aussi fraîche que sauvage (la fameuse cascade et la capacité télépathique du mendiant à y modifier son mouvement et sa vitesse). Quand bien même le combat final confiné en interne d'une bicoque laisse étrangement exprimer une violence gore inattendue auprès d'échanges de coup peu nombreux et concis ! 

Ainsi donc, dans sa volonté d'offrir au public un spectacle d'aventures hors norme (comme le souligne son influence westernienne lors de la confrontation laconique dans l'auberge, et l'ajout musical de 2 séquences chantonnées !), l'Hirondelle d'Or dégage un charme et une puissance visuelle indicibles. Tant auprès de la beauté filiforme de Cheng Pei-pei (je ne me lasse pas d'insister sur sa présence iconique particulièrement radieuse et affinée) que de la chorégraphie des combats inventifs d'une lisibilité somme toute sereine. Un wu xia pian exaltant donc où la femme, guerrière rebelle d'un temps révolu, y dégage une force ténue bâtie sur l'honneur, l'autorité et le sens du devoir à travers sa bravoure inébranlable. 

*Bruno
2èx

vendredi 30 avril 2021

Les Griffes de Jade

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

"The Lady Hermit" de Ho Meng-hua. 1971. Hong-Kong. 1h37. Avec Cheng Pei-pei, Lo Lieh, Shih Szu, Wang Hsieh. 

Sortie salles France: 22 Novembre 1972. Hong-Kong: 22 Janvier 1971

FILMOGRAPHIEHo Meng-hua (何夢華) est un réalisateur chinois né le 1er janvier 1923 à Shanghai, décédé le 19 mai 2009 à Hong Kong). 1966 : The Monkey Goes West. 1966 : Princess Iron Fan. 1967 : Susanna. 1968 : Killer Darts. 1971 : Les Griffes de Jade. 1973 : The Kiss of Death. 1975 : Black Magic. 1975 : The Flying Guillotine. 1975 : All Mixed Up. 1976 : Black Magic 2. 1977 : Le Colosse de Hong Kong. 


Un spectacle chevaleresque d'un autre temps dicté par une cause féministe. 
50 ans au compteur et frais comme une rose (épineuse) si bien que la plupart de nos films d'action contemporains font pâle figure à travers leur matière superficielle dénuée d'âme, de fougue, de passion, de sentiments. Car c'est bien de passion des sentiments, de fureur épique et de dignité héroïque dont il est question ici à travers le portrait flamboyant d'une chasseresse préparant en secret sa vengeance auprès du démon noir après s'être exilée dans un temple 3 ans durant à la suite d'une blessure à la hanche. Or, voici qu'intervient une étrangère, l'apprentie justicière Cui Ping férue de fascination pour la chasseresse au point de la considérer comme modèle. Ainsi, Leng Yu-shuang (la chasseresse) accepte d'entraîner Cui Ping afin de combattre communément leur ennemi, quant bien même au centre de leur relation un jeune homme s'interpose pour améliorer ses compétences héroïques. Cui Ping éprouvant par ailleurs au fil de leur relation amicale des sentiments pour lui alors que ce dernier a toujours aimé en secret la chasseresse. Nanti de vastes décors naturels parfois teintés d'un onirisme crépusculaire proprement féerique (on reste pantois d'admiration pour le soin des éclairages !), Les Griffes de Jade fascine et séduit à travers les péripéties de ce triangle amoureux multipliant les affrontements à mains nues et à l'épée à rythme métronome. 


Tant et si bien qu'outre le soin imparti à son art de conter, Les Griffes de Jade s'adonne au mélo et à l'aventure homérique à travers ses moults combats sanglants et crêpages de chignons non dénués d'intensité dramatique. Ainsi donc, le souffle romanesque qui y découle ne nous laisse pas indifférent de par la dimension humaine des personnages exprimant leurs émotions contradictoires avec une force d'expression aussi bien belliqueuse que sentencieuse. Car ci est mis à l'honneur la valeur de la femme vaillante transfigurée en guerrière intrépide quitte à y risquer sa vie. Ho Meng-hua dressant deux portraits féminins aussi véloces que pugnaces dans leur résignation de combattre sans relâche leurs ennemis sans morale. Outre la chorégraphie toujours lisible des scènes d'action superbement montées (dont une séquence anthologique au sein d'un pont de corde que Spielberg exploitera pour Indiana Jones et le Temple Maudit), la caractérisation de ses guerrières rebelles et du jeune chevalier pris entre deux coeurs interpelle autant à travers leur évolution morale baignant dans l'honneur héroïque. Quand bien même on s'étonne de l'inventivité de détails débridés quant au symbole des griffes de Jade, du maniement du fouet ou des mini couteaux affutés que la Chasseresse dévoile lors d'un final en apothéose. Autant dire que les griffes de Jade semble aussi moderne que génialement séculaire à travers sa facture photogénique illustrée en scope couleurs. On peut même parler d'alchimie indicible, d'étrangeté lascive, de dépaysement insolite tant la Shaw Brother férue d'ambition pour l'action en costumes parvient à nous évader avec un gout de l'aventure romanesque qui n'appartient qu'à leur culture mandarin. La grande classe j'vous dis ! 


"La guerrière est une jeune vierge qui n'a jamais connu l'amour physique. Une pure icône féminine sublimée, intouchable. L'excitation est à son comble chez des Grecs qui considèrent alors la virginité comme une valeur suprême".

*Bruno
2èx

jeudi 29 avril 2021

Tueurs de Flic

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site CinéDweller.com

"The Onion Field" de Harold Becker. 1979. U.S.A. 2h06. Avec James Woods, John Savage, Franklyn Seales, Ted Danson, Ronny Cox, David Huffman, Christopher Lloyd. 

Sortie salles France: 8 Octobre 1980 (Int - 13 ans)

FILMOGRAPHIEHarold Becker est un réalisateur et producteur américain, né le 25 septembre 1928 à New York. 1972 : The Ragman's Daughter. 1979 : Tueurs de flics. 1980 : The Black Marble. 1981 : Taps. 1985 : Vision Quest. 1987 : La Gagne. 1988 : État de choc. 1989 : Mélodie pour un meurtre. 1993 : Malice. 1996 : City Hall. 1998 : Code Mercury. 2001 : L'Intrus. 


Drame policier d'une intensité dramatique parfois éprouvante, Tueurs de Flics est la glaçante reconstitution d'un fait-divers crapuleux survenu le 9 mars 1963 à Los Angeles. Ainsi, après avoir suspecté deux individus dans leur véhicule, les policiers Campbell et Heltinger leur sollicitent un contrôle de papier. Mais lors d'un bref moment d'inattention, ces derniers sont kidnappés par les malfrats que l'un d'eux à l'intention d'assassiner dans un champs d'oignons suite à la loi Lindbergh (nouvelle législation considérant le kidnapping comme crime fédéral aux Etats-Unis). La séquence choc qui s'ensuit demeurant littéralement traumatisante de par l'effroyable réalisme qu'Harold Becker recourt en usant d'un ralenti afin de mettre en exergue son acuité cauchemardesque. Quand bien même juste avant l'homicide perpétré face caméra avec lâcheté sous nos yeux ébahis, le réalisateur aura pris soin de s'attarder (furtivement) sur les regards indécis des policiers peu à peu habités par une appréhension morbide. Si j'ai eu l'aubaine de découvrir une 1ère fois Tueurs de Flics en location Vhs, je me suis dis ce soir qu'à la revoyure la fameuse séquence qui m'eut autrefois tant ébranlé n'aurait sans doute aujourd'hui plus le même impact cinglant. Que nenni, l'estocade effroyable, la puissance de sa scénographie malsaine n'ayant point diminué d'un iota 4 décennies plus tard. Vous voilà prévenu pour les plus sensibles alors que les plus aguerris n'y resteront surement pas indifférents. Quand bien même cette séquence innommable nullement complaisante s'attarde plutôt sur les beuglements, la posture insidieuse de l'assassin et ses coups de feu répétés à bout portant sur la victime afin de provoquer une terreur à la fois sourde et fétide. 


On peut d'ailleurs prétendre qu'à travers son climat nocturne feutré et à l'écoute de son score lugubre des plus percutants, Tueurs de Flics s'apparente subitement au genre horrifique si j'ose dire. Notamment lorsque l'un des rescapés tentent fébrilement d'échapper à ses assaillants en plein champs épargné d'habitation. Passée cette macabre mise en scène minutieusement reconstituée, Harold Becker s'intéresse ensuite à la longévité du procès des coupables (s'étalant sur plus de 10 ans !) tout en alternant avec la reconstruction morale du rescapé incapable de se remettre de la mort de son acolyte. John Savage parvenant comme de coutume à traduire des expressions névralgiques dans sa condition torturée de dépressif épousant des réactions masochistes afin de se culpabiliser de la mort de son compagnon. Ses séquences intimistes (notamment ses rapports conjugaux avec son épouse prévenante) nous suscitant une poignante empathie avant de s'interroger sur son évolution morale aux accents suicidaires. Ce qui nous amène à une autre séquence quasi insupportable lorsque celui-ci osera commettre l'impardonnable faute de ne supporter les pleurs et les cris de son fils nouveau-né. Enfin, à travers la qualité irréprochable de l'interprétation (Franklyn Seales est plus vrai que nature en pied nickelé aussi lâche qu'infortuné et Ted Danson sobrement expressif en policier intègre et amiteux), on peut prôner la détestable présence de James Woods en malfrat influenceur sombrant de manière improvisée dans la criminalité. Celui-ci dégageant une force d'expression résignée et de sûreté à travers son orgueil mêlé de lâcheté à s'extraire coûte que coûte de la pire des situations. Ce qui nous vaut d'ailleurs un dénouement plein d'amertume quant au sort des coupables dont je tairai le verdict. 


Peu connu et diffusé à la TV, Tueurs de Flics oscille le drame policier et le film de procès avec une efficacité permanente en dépit de brèves longueurs intervenant lors de son ultime demi-heure (l'oeuvre accuse tout de même au compteur 2h06 en version intégrale). Passionnant, terrifiant et poignant, il doit notamment beaucoup de son impact émotionnel grâce à la qualité de son casting 4 étoiles et au réalisme de sa fidèle reconstitution d'une riche intensité dramatique. A découvrir absolument même si la partie procès en dernière ligne peut parfois paraître un tantinet poussive en s'attardant sur les stratégies de défense des coupables épaulés d'émérites avocats. 

*Bruno
2èx

mercredi 28 avril 2021

Phone Game

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Phone Booth" de Joel Schumacher. 2002. U.S.A. 1h21. Avec Colin Farrell, Kiefer Sutherland, Forest Whitaker, Radha Mitchell, Katie Holmes, Tory Kittles, Ben Foster.

Sortie salles France: 27 Août 2003

FILMOGRAPHIE: Joel Schumacher est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 29 Août 1939 à New-York, décédé le 22 juin 2020. 1981: The Incredible Shrinking Woman. 1983: SOS Taxi. 1985: St Elmo's Fire. 1987: Génération Perdue. 1989: Cousins. 1990: l'Expérience Interdite. 1991: Le Choix d'Aimer. 1993: Chute Libre. 1994: Le Client. 1995: Batman Forever. 1996: Le Droit de Tuer ? 1997: Batman et Robin. 1999: 8 mm. 1999: Personne n'est parfait(e). 2000: Tigerland. 2002: Bad Company. 2002: Phone Game. 2003: Veronica Guerin. 2004: Le Fantôme de l'Opéra. 2007: Le Nombre 23. 2009: Blood Creek. 2010: Twelve. 2011: Effraction. 2013: House of Cards (2 épisodes). 


Excellent suspense exponentiel tirant parti de sa vigueur oppressante grâce à l'incongru scénario de Larry Cohen, Phone Game assure le spectacle 1h15 durant (si on élude le générique). Et on peut dire que de la part d'un cinéaste aussi inégal que commercial, Joel Schumacher se surpasse à parfaire une machine à frisson au sein d'un huis-clos urbain de tous les dangers. Et pour cause ! Un attaché de presse aussi condescendant que narcissique devient l'objet de soumission d'un tueur embusqué après avoir répondu à son appel dans une cabine téléphonique. Le tueur le forçant peu à peu à déclarer au public, aux médias et aux forces de l'ordre dépêchés sur place son adultère avec une jeune actrice. Auquel cas il serait purement et lâchement exécuté Spoil ! comme il le fit quelques instants plus tôt auprès d'un proxénète Fin du Spoil. Se taillant une carrure aussi humiliante qu'ubuesque dans sa condition infortunée de céder aux caprices du tueur invisible, Colin Farrell demeure irréprochable à travers ses expressions à la fois démunies et névralgique de ne pouvoir s'extirper de sa prison cellulaire (perles de sueur à l'appui sur son visage livide !). Et ce parmi le témoignage d'une population dans l'incompréhension totale à observer ce demeuré exprimant des divagations dans son combiné ! 


Joel Schumacher
nous illustrant parmi l'objet technologique de dépendance une sature féroce sur le mensonge et la félonie du point de vue de cet attaché de presse profitant de son outil téléphonique (en vogue) pour mieux duper ses partenaires féminines. Car proprement détestable à travers son orgueil décomplexé, Schumacher aura pris soin de nous dresser (à travers l'habile thématique du faux-semblant quant aux témoins marginaux persuadés de la culpabilité de la victime) son profil sans scrupule lors d'un 1er quart d'heure inscrit dans une perpétuelle gouaillerie (notamment sa relation improvisée avec le livreur de pizza ou encore ses déconvenues avec un trio de prostituées lui suppliant de sortir de la cabine). Initiation au pardon et à la repentance, Phone Game nous dresse finalement le portrait pathétique de cet individu égoïste apprenant au fil de son épreuve moral le respect d'autrui dans sa condition précaire de survie. Et ce à travers les effets délétères de la peur et de la terreur d'une menace aussi permanente qu'invisible n'hésitant à y sacrifier un témoin pour tenir lieu de son omnipotence. Schumacher recourant par ailleurs habilement par endroit au procédé du Split Screen pour nous faire suivre en direct deux actions simultanées. Un effet efficacement stylisé, notamment pour y rehausser dans un seul et même temps l'inquiétude des témoins dubitatifs. 


"Raccroche et tu es mort !"
Plaisamment saugrenu de par son contexte vrillé et l'omniprésence d'un sarcasme morbide, voir parfois même sciemment absurde, notamment lorsque la victime est contrainte de se gausser des flics et du capitaine (endossé par l'imperturbable Forest Whitaker), Phone Game retient l'attention en permanence à travers sa vigueur oppressante régie autour d'une cabine téléphonique. Schumacher ne recourant en prime à aucune ficelle racoleuse pour jouer avec nos nerfs en dépit d'effets de style parfois obsolètes et d'un final en demi-teinte quelque peu déconcertant, voir discutable. Une série B de luxe brillamment menée et interprétée par des comédiens ne débordant jamais dans leurs expressions en émoi, si bien que l'on redoute la séquence suivante avec une appréhension aussi tendue que la victime. 

*Bruno
2èx

Récompense:
AARP Movies for Grownups Awards 2004 : meilleur réalisateur pour Joel Schumacher