de Richard Loncraine. 1977. Canada/Angleterre.1h37. Avec Mia Farrow, Keir Dullea, Tom Conti, Jill Bennett, Robin Gammell, Cathleen Nesbitt, Anna Wing, Edward Hardwicke, Mary Morris, Pauline Jameson, Arthur Howard...
Sortie salles France: 3 Mai 1978
FILMOGRAPHIE: Richard Loncraine est un réalisateur britannique né le 20 Octobre 1946 à Cheltenham du Gloucestershire, Grande Bretagne. 1975: Flame. 1977: Le Cercle Infernal. 1982: Drôle de missionnaire. Pierre qui brûle. 1995: Richard III. 2004: La Plus belle victoire. 2006: Firewall. 2009: My One and Only
"S’introduire comme un rêve dans l’esprit d’une femme est un art. En sortir, un chef-d’œuvre."
Sous couvert d’une demeure hantée, Richard Loncraine
aborde en 1978 les thèmes du deuil familial et de la perte de
l’innocence à travers une référence absolue du genre (au même titre que les Innocents, la Maison du Diable, Ne vous retournez pas).
Un douloureux drame psychologique transplanté dans une épouvante
gothique instantanément onirique. Possession, folie, réincarnation,
autosuggestion : autant de pistes s’entrelacent dans une prude
discrétion. Récompensé du Grand Prix à Avoriaz, Le Cercle Infernal laisse libre cours à un au-delà insaisissable, exutoire d’une mère traumatisée, transie d’amour pour sa défunte fille.
Le pitch :
Lors
d’un déjeuner, Julia et son époux Magnus assistent à l’étouffement de
leur fille, un morceau de pomme coincé dans la gorge. Paniquée, Julia
tente une trachéotomie de fortune avant l’arrivée tardive des secours.
Deux mois plus tard, après un séjour en hôpital psychiatrique, elle
quitte son mari et leur maison pour s’installer seule dans un vaste
pavillon londonien. Mais une étrange présence semble hanter les lieux.
L’intervention de médiums aguerris ne fera qu’amplifier son trouble,
l’enfonçant dans un abîme d’insécurité et de résignation face à une
vérité innommable.
Dès l’ouverture, un prologue d’une brutalité tragique nous submerge. Une
scène domestique d’un réalisme cruel : une fillette agonise, un fruit
pour seule sentence, tandis que sa mère tente l’impossible, un couteau à
la main. Le plan suivant, fixe, glaçant : Julia, hagarde, tremblante,
un tablier souillé, figée sur le seuil devant des secouristes pétrifiés.
Une scène anthologique au montage adroit, distillant une intensité si
malaisante qu’elle en devient insupportable. Car quoi de plus indicible
que d’observer - sans complaisance - la lente agonie d’un enfant ?
Après
ce fardeau tétanisant, Julia se retrouve seule, deux mois plus tard,
dans une maison poussiéreuse à l’élégance gothique. Peu à peu, son
isolement la submerge, nourrissant un sentiment d’inquiétude mêlé
d’attirance pour ce lieu feutré. Lors d’une séance de spiritisme
improvisée, conseillée par la belle-sœur de son époux, le malaise se
densifie : l’au-delà semble frapper, et Julia plonge. Obsédée par des
révélations aussi invraisemblables que galvanisantes, elle entreprend
une enquête fiévreuse, espérant lier ce mystère à la mort de sa fille -
et peut-être, sauver une âme en peine. Entre visions, avis de recherche
et révélations interlopes, son empathie est ravivée par un autre drame
infantile, comme un miroir funeste de sa propre expérience.
À
moins que tout ne soit que le fruit de son esprit en ruine - la psyché
brisée d’une mère coupable cherchant un refuge, une échappatoire
spirituelle à son désespoir. Mû par la suggestion et un envoûtement
sensoriel à damner un saint, Loncraine cristallise dans Le Cercle Infernal un
drame de la solitude, dissimulé sous un suspense aussi dense que
brumeux, aussi ensorcelant qu'inquiétant, baigné d’une atmosphère
gothico-funèbre difficilement saisissable, irrésistiblement enivrante.
La narration, d’une sournoiserie insidieuse, s’épaissit à mesure que
progresse la quête spirituelle de cette femme en berne, hantée par des
forces obscures.
Dans le rôle de Julia, Mia Farrow
incarne avec une sensibilité bouleversante cette fragilité névrosée qui
fait d’elle un être poreux, entêté, égaré entre les vivants et les
morts. Son regard azur, son corps fluet, son souffle vacillant
nourrissent sa vulnérabilité morale. Démunie mais habitée par ses
convictions, elle semble soumise à une victime démoniale - jusqu’à
dériver vers un échappatoire qu’elle ne contrôle plus. Elle irradie
l'écran avec une sensibilité écorchée. Peut-être le rôle le plus habité
de toute sa carrière (plus encore que dans l'inoubliable Rosemary's Baby).
Scandé par la sublime mélodie élégiaque de Colin Towns (le plus beau score du monde) irradiant chaque fragment de la pellicule, Le Cercle Infernal se révèle chef-d’œuvre diaphane, d’une puissance émotionnelle aussi décharnée que délicate, suspendue à un récit irrésolu. Richard Loncraine
illustre avec pudeur la dérive d’une mère endeuillée, en quête d’un
bras tendu depuis l’au-delà. L’angoisse se fait ouate, lente, diffuse.
La séance de spiritisme (glaciale malgré son silence), la tortue
ensanglantée dans le parc, les révélations sordides d’un témoin, les
aveux d’une mère grabataire : autant d’instants troubles qui, sans
crier, dérangent et fascinent profondément.
"La maison où pleure une mère."
— le cinéphile du cœur noir
16.10.10. (1098)
Poème
hanté auquel on ne souhaiterait jamais s'y extraire, frappant la vue et
l'imaginaire auprès d'une matière visuelle extrêmement chiadée, Le Cercle Infernal
se referme sur un épilogue capiteux, volontairement filandreux,
laissant le spectateur sidéré, suspendu à l’image figée, infiniment
mélancolique, de son dernier souffle. Ce final, d’une beauté funèbre
sensorielle, agit comme un venin doux, lent et persistant, sans nous
consoler de sa résolution. Diamant noir chétif, comparable à une
porcelaine fissurée, Le Cercle Infernal s’érige
en drame maternel unique, tendu sur le fil ténu d’une émotion obscure,
vacillante, déchue, lancinante. L’un des plus funestes poèmes d’amour
maternel que le cinéma ait su graver, avec une grâce endeuillée, une
gravité implacable et la douceur fragile d’un ciel déchu. Une œuvre
maudite, à la fois pudique, immatérielle et possédée, que je porterai
avec moi jusqu’à la tombe. Parole de cinéphile endeuillé, murmure venu
du cœur noir.
— le cinéphile du cœur noir
16.10.10. (1098)
07.05.21.
16.08.25. 5èx
Récompense: GRAND PRIX, Avoriaz 78.
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