vendredi 7 mai 2021

Le Cercle Infernal. Grand Prix à Avoriaz, 78.

   

"Full Circle / The Haunting of Julia" de Richard Loncraine. 1977. Canada/Angleterre.1H38. Avec Mia Farrow, Keir Dullea, Tom Conti, Jill Bennett, Robin Gammell, Cathleen Nesbitt, Anna Wing, Edward Hardwicke, Mary Morris, Pauline Jameson, Arthur Howard...

Sortie salles France: 3 Mai 1978

FILMOGRAPHIE: Richard Loncraine est un réalisateur britannique né le 20 Octobre 1946 à Cheltenham du Gloucestershire, Grande Bretagne. 1975: Flame. 1977: Le Cercle Infernal1982: Drôle de missionnaire. Pierre qui brûle. 1995: Richard III. 2004: La Plus belle victoire. 2006: Firewall. 2009: My One and Only


"S'introduire comme un rêve dans l'esprit d'une femme chétive est un art, en sortir est un chef-d'oeuvre."
Sous prétexte d'un cas de demeure hantée habitée d'une présence maléfique, Richard Loncraine aborde en 1978 les thèmes du deuil familial et de la difficulté de surmonter la perte de l'innocence à travers un drame psychologique transplanté dans le cadre de l'épouvante gothique. Possession, Folie, réincarnation, autosuggestion se télescopant dans une prude discrétion. Récompensé du Grand Prix à Avoriazle Cercle Infernal laisse libre court à un au-delà insaisissable à travers l'exutoire d'une mère traumatisée, transie d'amour pour sa défunte fille. Le Pitch: Lors d'un déjeuner matinal, Julia et son époux Magnus sont témoins de l'étouffement de leur fille avec un morceau de pomme. Paniquée, elle lui inflige une trachéotomie avant l'arrivée latente des secours. Deux mois plus tard, après un séjour en hôpital psychiatrique, Julia encore perturbée de la mort de sa fille quitte son mari ainsi que sa demeure familiale pour s'installer dans un vaste pavillon londonien. Inexplicablement, elle ressent de manière intuitive une étrange présence dans les lieux, quand bien même l'arrivée de médiums expérimentés amplifiera son trouble sentiment d'insécurité et de résignation à découvrir l'horrible vérité. 


Dès l'éprouvant prologue inopinément tragique, nous sommes témoins d'un incident domestique des plus cruels. Une scène choc réaliste particulièrement impressionnante de par son marasme imposé auprès d'une fillette agonisante, un morceau de pomme dans le fond de sa gorge. Et le point d'orgue de nous administrer sur celle-ci aussi mourante une trachéotomie infructueuse perpétrée par sa propre mère. La scène suivante se clôt sur le plan fixe du regard blême et hagard de cette dernière, tremblotante devant sa porte d'entrée face aux secouristes médusés ! Sa posture contractée, son absence apathique nous dévoilant ensuite un tablier maculé de sang auquel sa main droite y brandit un couteau de cuisine. Un prologue anthologique au montage adroit afin d'y distiller une intensité éprouvante aussi malaisante qu'insupportable. Car quoi de plus innommable que d'observer (sans complaisance) l'agonie d'une fillette condamnée à la fatalité !


Passé ce tragique fardeau aussi tétanisant que poignant, Julia se retrouve 2 mois plus tard sciemment seule dans une demeure poussiéreuse d'aspect gothique. Mais au fil des jours et de son isolement, elle éprouve un sentiment persistant d'inquiétude mêlée de fascination envers cet endroit feutré. Par la suite, ce sentiment irrationnel perdurera pour s'exacerber lors de l'improvisation d'une séance de spiritisme conseillée par la belle soeur de son époux. Ainsi, passée cette dérangeante communication avec les morts le cheminement nébuleux de Julia va prendre un tournant autrement délétère autour d'une énigme des plus sordides. Mais obsédée par des révélations aussi improbables que motivantes, notamment en y établissant un rapprochement avec la mort de sa fille, elle se laissera embarquer dans une enquête consciencieuse afin d'y démystifier son caractère surnaturel et par la même occasion sauver une âme perdue. Des avis de recherche aux révélations interlopes vont profondément heurter sa sensibilité puisque s'identifiant à nouveau vers un autre drame infantile et d'y opposer notamment une analogie avec son expérience vécue. 


A moins que tout cela n'était peut-être que le fruit de son imagination, de sa psyché tourmentée à tenter de se déculpabiliser de la mort accidentelle de sa propre fille, fantôme errant au coeur de sa conscience dépressive ! Motivé par le pouvoir de suggestion afin de préconiser un envoûtement palpable, Richard Loncraine cristallise avec Le Cercle Infernal un drame de la solitude sublimant, sous le pivot d'un suspense aussi lourd que passionnant, une ambiance gothico-funèbre étonnamment indicible. La densité de sa narration diaboliquement sournoise demeurant d'autant plus captivante à travers la quête spirituelle d'une mère aussi démunie qu'hantée par les forces du Mal. Dans le rôle iconique de Julia, Mia Farrow  délivre une fois encore un jeu de fragilité névrotique à travers son doux regard azur mêlé d'appréhension et de curiosité morbide de par son insatiable soif de vérité ! Une composition nuancée toute en sensibilité que son physique fluet et famélique renvoient à sa vulnérabilité morale. Démunie et désorientée mais obsédée par ses convictions, elle se laisse probablement soumettre par l'influence d'une victime démoniale au point de se laisser voguer vers un échappatoire funeste qu'elle ne peut maîtriser. Ainsi, si Le Cercle Infernal dégage un tel pouvoir de fascination ineffable auprès de son suspense en crescendo, il le doit notamment à la cruauté malsaine de sa trame couillue abordant le thème de l'enfant maléfique avec une sensibilité aussi aigue qu'ambigüe. Si bien que rarement ce thème cher au Fantastique n'eut été traité avec autant de suggestion "nécrosée" si j'ose dire. Et ce à travers la teinture sépia d'une splendide photo scope qui ne demande qu'à nous enivrer. 


Elégie maternelle.
Scandé de l'inoubliable mélodie élégiaque de Colin Towns à marquer d'une pierre blanche, Le Cercle Infernal se décline en chef-d'oeuvre diaphane de par sa puissance émotionnelle aussi subtile que dépouillée émanant d'un récit irrésolu. Richard Loncraine illustrant avec tact et pudeur la trajectoire désargentée d'une mère en berne en quête d'une main secourable par le biais des forces de l'au-delà. Sensiblement angoissant et anxiogène à travers un climat ouaté difficilement explicable par les mots, malsain et dérangeant (la séance de spiritisme plutôt glaçante alors qu'elle n'y dévoile rien, Julia brandissant sans raison une tortue ensanglantée dans le parc à enfants, les révélations horrifiantes d'un témoin clef du meurtre d'Olivia mais aussi celles de la mère impotente confinée dans l'asile), Le Cercle Infernal se substitue en poème obsédant auprès de son épilogue capiteux sciemment filandreux et interrogatif. Et ce bien au-delà du générique de fin, le spectateur restant tétanisé par cette image figée profondément mélancolique ! Car un final tragique d'une beauté funèbre sensorielle infiniment hypnotique. Diamant noir (étonnamment) chétif, comparable à la céramique d'une porcelaine, Le Cercle Infernal s'érige en drame maternel singulier au fil (si ténu) d'une acuité émotionnelle aussi obscure que déchue.   

Remerciement immodéré à Ciné-Bis-Art

*Bruno
16.10.10.  (1098)
07.05.21. 4èx 

Récompense: GRAND PRIX, Avoriaz 78.

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