jeudi 27 août 2020

Heartless

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Philip Ridley. 2009. Angleterre. 1h54. Avec Jim Sturgess, Clémence Poésy, Noel Clarke, Timothy Spall, Eddie Marsan, Luke Treadaway

Sortie salles France: 27 Janvier 2011 (au Festival de Gérardmer). Angleterre: 21 Mai 2010

FILMOGRAPHIE: Philip Ridley est un réalisateur et scénariste anglais né le 29 Décembre 1964 à Londres. 1990: L'enfant miroir. 1995: Darkly Noon. 2009: Heartless.


C'est seulement dans l'obscurité que vous pourrez voir les étoiles - Martin Luther King.
Il aura fallu attendre plus de 15 ans pour voir débarquer le nouveau long du franc-tireur Philip Ridley, réalisateur anglais bousculant les règles dans des directions toujours inopinées. Tant et si bien que son dernier rejeton laisse une fois de plus sur le carreau de par son alliage des genres voguant de l'amour à la tendresse et de l'humour noir à l'horreur la plus crue si je me réfère à 2 scènes-chocs à la limite du supportable. Tortueux cauchemar d'un jeune solitaire reniant son physique au sein d'un monde primitif gangrené par la violence urbaine, Heatless dérange, trouble, émeut, bouleverse, impressionne et terrifie avec une intensité dramatique que l'on ne voit jamais venir. Tant et et si bien qu'il s'avère impossible de deviner la séquence suivante quant au chemin de croix du jeune Jamie combattant ses démons (internes et externes) avec une hargne désespérée. Ainsi, en s'inspirant du Mythe de Faust réactualisé dans un contexte d'ultra violence sociétale au sein d'une Angleterre livrée à l'anarchie délinquante, Philip Ridley nous dépeint de manière toujours aussi personnelle le parcours chaotique de Jamie défiguré par une tâche sur sa joue gauche mais qui pallie sa peur de déplaire et sa souffrance existentielle dans la passion des photos de charme. Introverti donc au sein d'un monde dont il ne saisit le sens, brimé et insulté par la majorité des rebelles de son quartier, Jamie signera un étrange pacte avec un inconnu (papa B) depuis la mort de sa mère brûlée vive par d'étranges assaillants au visage monstrueux. 


De par la présence encapuchonnée de ces derniers d'apparence reptilienne, le ton est donné. Heartless demeure marginal, hétérodoxe, décalé, fou, singulier, méchant, cruel, dérangeant et d'une extrême violence. Dans la mesure où le message du film tend à souligner les effets fructueux de la sauvagerie particulièrement gratuite afin que le monde puisse progresser et évoluer vers des horizons finalement rédempteurs. Bourré de métaphores donc, à l'instar du combat interne que nous pratiquons chaque jour pour se libérer de l'emprise du mal et de cette crainte paralysante de l'acceptation de soi, Heartless parvient à conjuguer terreur et émotion avec une fluide alchimie. Car profondément humain à travers sa splendide et fragile romance en herbe et son ode à l'amour paternel, déroutant et déstabilisant quant à l'impériosité de papa B manipulant à sa guise Jamie, Heartless insuffle un pouvoir de fascination méphitique au fil de sa dérive existentielle en proie aux insupportables dilemmes. Dans sa force émotive d'une fragilité démunie, Jim Sturgess oppose avec fébrilité ses sentiments contradictoires d'humanisme torturé et de révolte morale au sein d'un cheminement tortueux qu'il se créé lui même afin de trouver la vérité sur sa raison de vivre et d'être. Un rôle complexe en demi-teinte passant de victime apeurée à bourreau acharné dans sa labeur de sacrifier l'innocence sous la mainmise d'un démon perfide. Si bien qu'un monde sans violence n'est possible qu'après y avoir semé désordre et chaos. La terre ne serait alors qu'un purgatoire afin de tester notre résistance au Mal le plus couard nous promettant monts et merveilles.


Réflexion sur la peur de vivre, sur la difficulté de s'imposer aux autres et sur le dolorisme afin d'accéder au bonheur, exutoire existentiel au sein d'un cauchemar chimérique théorisant sur le pouvoir prédominant du Mal dans nos sociétés modernes (on peut d'ailleurs envisager que l'Enfer se trouve sur terre alors que sa conclusion salvatrice suppose que le paradis se situe au-delà des étoiles !), Heartless oppose ses thématiques sans jamais omettre la profonde tendresse de Jamie rêvant d'amour et de postérité d'après sa bouleversante fragilité morale. Du cinéma d'horreur auteurisant profondément actuel à travers l'impunité d'une violence contagieuse que Jamie combat incessamment dans son identité torturée. 

*Bruno
27.08.20
02.03.11. 110 v

RECOMPENSES: Meilleur Acteur (Jim Sturgess), Meilleure mise en scène, Meilleur réalisateur, Meilleur film au Festival de Fantasporto 2010.
Méliès d'Argent au Leeds International Film Festival 2009.

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