samedi 11 octobre 2025

Shiva Baby

                                 (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

"Le sabbat des identités."
Quand on tombe, par pur hasard, ou plutôt par rendez-vous, sur une énorme surprise.
L’histoire, d’une simplicité désarmante, déroute d’emblée. On se demande à quoi rime cette réunion funéraire, et surtout où la réalisatrice veut nous embarquer dans ce huis clos faussement affable. 
Il ne se passe rien - ou presque - et pourtant tout vibre : une ambiance inquiétante, décalée, ironique, terriblement caustique, d’une intensité détonante.

Tout repose sur les regards, les non-dits, les postures hypocrites. Et surtout, grâce au jeu habité des comédiennes et à une mise en scène baroque, presque cartographique dans sa dimension horrifique, Shiva Baby devient une épreuve de force psychologique, impossible à effacer de la mémoire sitôt le générique clos.

Cette farce juive à base d'anxiété, de judaïsme, de bisexualité, d’une maîtrise chirurgicale, ne dure qu’une heure treize - et pourtant, on en ressort dépité, frustré de sa brièveté. 

Gratitude à Rachel Sennott, étudiante peu recommandable, au bord du chavirement, en pleine crise identitaire face à une assemblée bourgeoise rongée de névroses. Elle éclate l’écran, de la première à la dernière seconde. On voudrait ne jamais la quitter. Trop tard… le rideau est déjà tombé.

P.S: 12 récompenses à travers le monde sur 43 nominations.

— le cinéphile du cœur noir

jeudi 9 octobre 2025

En première ligne / Heldin de Petra Biondina Volpe. 2025. Suisse/Allemagne. 1h33.

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"Le souffle des épuisés."

Avant-propos: "D’ici à 2030, il manquera en Suisse 30 000 membres du personnel infirmier. 36 % du personnel infirmier démissionne quatre ans après sa formation. La pénurie de soignants dans le monde est une crise sanitaire planétaire. L’OMS estime qu’il manquera 13 millions de soignants d’ici à 2030."

Production germano-suisse, En première ligne suit le quotidien d’une infirmière, Floria Lind, dans un hôpital suisse en sous-effectif chronique. Par son réalisme clinique et son immersion sensorielle, le film capte d’emblée l’essence du réel : celui d’un monde épuisé, au bord de la rupture. Soutenu par le jeu d’acteurs d’une vérité presque documentaire - notamment celui, habité, de l’Allemande Leonie Benesch -, En première ligne impose une humanité brute, charnelle, portée par une lumière laiteuse, bleutée, d’une froideur presque anesthésiante.

                                             
 
De sa démarche alourdie à son regard inlassablement tourné vers l’autre, Leonie Benesch incarne une femme pugnace, ancrée dans la sollicitude et la résistance tranquille. Malgré la fatigue qui ronge, la lassitude qui creuse, elle avance - droite, entière, traversant cette journée harassante faite de gestes répétés, de douleurs reçues, d’espoirs infimes. Ses rencontres, souvent âpres - patients irrévérencieux, égoïstes, parfois enfantins - révèlent peu à peu des éclats de bonté, de fragilité, d’altruisme. Sous la provocation affleure la peur ; sous l’amertume, un sursaut de conscience.

À travers ces visages abîmés par la maladie, En première ligne bouleverse sans prévenir. Il montre comment, dans la détresse, certains retrouvent encore la lumière - celle qu’une infirmière courageuse allume par sa seule présence, son abnégation, son humanité intacte. Vibrant, sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou la sinistrose, le film dresse un témoignage d’une rare justesse sur la fatigue morale du corps infirmier, dans une société exsangue, vidée de compassion, d'ambition et d’effectifs. 

Porté par une mise en scène d’une intensité dramatique maîtrisée - caméra fluide, mouvements circulaires d’une précision organique -, Petra Volpe signe une œuvre profondément habitée, entre docu-vérité et drame viscéral. En première ligne ébranle nos émotions, ravive notre empathie, et nous confronte à une évidence : derrière chaque blouse blanche se cache une âme au bord du gouffre, mais debout encore, par devoir d’aimer, par nécessité de soigner. Bouleversant, comme le suggère en douceur cet ultime plan d’une solidarité féminine, pudique et tendre, qui nous laisse sans voix. 

— le cinéphile du cœur noir

mercredi 8 octobre 2025

Monster: Ed Gein. 2025. U.S.A. 8 épisodes.

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"Larmes sur un visage de cuir."

Tout bien considéré, que penser de cette série scindée en huit épisodes à la fois troubles, malaisants, équivoques, expérimentaux, voire bouleversants - si je me réfère au dernier, déchirant, à ma grande stupeur ? Car je n’ai jamais ressenti de véritable empathie durant ces sept premiers épisodes inégaux, où je ne savais trop où les créateurs souhaitaient nous mener. Est-ce un portrait psychologique ? Un commentaire culturel ? Un hommage à la starification des serial killers, confondant admirablement fiction et réalité - avec ces scènes de tournage de Massacre à la Tronçonneuse et Psychose ?

Pourtant, l’épisode final m’a tétanisé. Une émotion brute, à vif. Jamais, dans ma vie de cinéphile, un tueur en série n’avait su me faire pleurer - par la force tragique de son humanité. Les créateurs prétendent l’humaniser tout en persévérant dans l’extravagance de ses hallucinations morbides, où Ed Gein se starifie auprès des pires monstres de l’histoire, par absence d’amour, de soutien, de réconfort - dans une société normalisée, incapable de concevoir que, parfois, derrière un monstre, se cache une part d’homme.


Ed Gein est bel et bien une victime : des sermons de sa mère bigote, de sa misanthropie - autant de haine pour l’homme que pour la femme - et d’une solitude qui ne trouve refuge que dans les délires fuyants d’une nécrophilie galopante passée sa fascination pour le génocide juif. Le contenu de cette série hors norme bouscule nos habitudes : déstabilisante, rarement immersive (en dépit d’un final cathartique flirtant avec le chef-d’œuvre élégiaque), elle conjugue - avec un soin formel et une efficacité technique remarquables - scènes psychologiques, horreurs sardoniques et mythologie du mal, de façon volontairement incohérente.

La plupart des épisodes fascinent autant qu’ils empêchent toute immersion, nous laissant perplexes devant le sens de ce que nous voyons et subissons - notamment dans le partage quelque peu commun, dans cette relation romanesque entre Eddie et une jeune fille à la nécrophilie refoulée (superbement incarnée par la force de vérité naturelle de Suzanna Son). Le rythme, parfois langoureux, détaché, effleure l’émotion sans l’étreindre. Et pourtant, impossible de détourner le regard : Charlie Hunnam, habité, transperce l’écran, jusqu’à m’arracher les larmes d’une délivrance, lors d’un adieu inoubliable.
 
 
La série interroge notre instinct voyeuriste, la fascination pour ces monstres que la société a engendrés, l’héritage d’une violence perverse et sadique, sans cesse reproduite, jusque dans l'ombre, le spectre du nazisme, la starification du crime que le cinéma érige en mythe. Ed Gein, lui, nous désarme dans sa condition de victime criminelle, recluse, incomprise, consumée par sa schizophrénie maternelle.

Alors que penser de cette série malade, qui nous invite à sonder le monstre tapi en chacun de nous ? Que la valeur d’un homme se juge peut-être à la manière dont il affronte ce monstre enfoui. Quoi qu’on en dise, Ed Gein est à revoir : il ne laisse pas indifférent, nous extirpe de notre zone de confort sans anesthésie, bouleverse notre quotidien cinéphile de par son réalisme trouble, glauque (en mode léché) et équivoque. Une œuvre libre, décalée, putassière, d’un humanisme aussi torturé que désespéré. On en sort impassible, bien que miné, comme une tragédie moisie.

 
Quant à ceux et celles qui ont détesté, les raisons argumentées tiennent la route.

— le cinéphile du cœur noir
 

lundi 6 octobre 2025

Les Enquêtes du département V: Dossier 64 de Christoffer Boe. 2018. Danemark / Allemagne. 1h58.

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"Nete, la cicatrice du siècle."

Sans hésitation aucune, Dossier 64 marque, selon moi, le sommet de la saga du département V.
Dernière enquête de nos inspecteurs Carl Mørck et Assad, c’est un film d’une intensité dramatique éprouvante à son diapason, qui manie avec une rare habileté l’art de la suggestion.
Inspiré d’un pan sombre de l’histoire danoise - les stérilisations forcées de 11 000 femmes entre 1934 et 1967 -, il laisse planer l’ombre du fascisme sur une affaire effroyable remontant à 1961. À cette époque, le docteur Curt Wad pratiquait sur des patientes marginales des abus sexuels suivis de stérilisations, au nom d’une idéologie malade.

Le récit s’ancre dans le regard d’une jeune femme, Nete, enceinte de son cousin, que Carl et Assad retrouvent en filigrane d’une enquête ouverte après la découverte macabre de trois squelettes dans un appartement abandonné. Tout ici glace le sang : les exactions sexuelles filmées hors champ, les patientes condamnées à avorter puis stérilisées au nom d’un héritage moral bâti sur l’épuration ethnique, la haine de la différence et de l’étranger.


Rigoureusement malaisant, tendu à l’extrême, Dossier 64 porte en lui une émotion bouleversante, celle d’une romance inconsolable que Nete traînera toute sa vie comme une cicatrice. Du côté de Carl et Assad, c’est une autre blessure : celle d’une amitié forgée dans le chaos, éprouvée par des revirements tragiques où la survie ne tient souvent qu’à un fil.

Implacable, impeccablement mené, ce récit fiévreux explore une corruption tentaculaire - bureaucratique, médicale, politique, policière - et s’impose comme une méditation sur la mémoire refoulée d’un pays. Il montre comment le mal se recycle, se perpétue, se dissimule dans les institutions les plus respectables.
 
Avec un réalisme aussi perturbant que bouleversant, et par la gravité de son sujet, on est pas loin du chef-d'oeuvre.

— le cinéphile du cœur noir
vf

dimanche 5 octobre 2025

Pris au piège / Caught Stealing de Darren Aronofsky. 2025. 1h47. U.S.A.

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"Pris au piège du coup de cœur."

Il y a des films, comme ça, dont on n’attend pas grand-chose, et qui, sitôt le générique clos, s’imposent comme un coup de cœur.

Car si Pris au piège n’est qu’une récréation en bonne et due forme, il demeure d’une sincérité rare : attachant, retors, enlevé, surprenant - un récit frétillant où humour et violence s’entrelacent pour mieux nous surprendre dans une rupture de ton aussi grave que bouleversée. On ne peut que lui vouer le respect.

Constamment fun et captivant, ce jeu de piste où des criminels lunaires se disputent un trésor compose, en creux, l’histoire initiatique d’un jeune serveur passionné de base-ball. Sa traque devient une quête de rédemption, même si son dénouement badin se moque bien du politiquement correct - alibi parfait d’une comédie noire que Darren Aronofsky met en scène avec un savoir-faire désarmant.

Outre sa galerie d’illustres acteurs délicieusement investis dans la déconnade, Pris au piège repose sur l’alchimie brûlante du duo Zoë Kravitz / Austin Butler. Et si ce dernier m’avait laissé de marbre dans The Bikeriders, il se révèle ici d’une humanité à fleur de peau, fébrile et fragile, émouvant dans la pudeur sans jamais forcer l’émotion. Kravitz, quant à elle, irradie d’un charme tranquille, d’une grâce mutine et affable : elle apaise là où tout vacille, ancre la folie du film dans un sourire, une caresse, un regard presque trop doux pour ce monde de violence froide et sournoise.

Excellente surprise, donc, que cette comédie policière rondement menée : Pris au piège (oubliez ce titre sans relief) renoue avec le divertissement du samedi soir, celui où l’intelligence, le peps et l’implication se font presque sacerdoce.

— le cinéphile du cœur noir

samedi 4 octobre 2025

The Lost Bus de Paul Greengrass. 2025. U.S.A. 2h09.

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"The Lost Bus : l’enfer forestier de l’âme et des flammes."
 
Fans de récits catastrophistes adultes, humbles, et surtout intelligemment traités sans complaisance racoleuse, The Lost Bus a de quoi vous clouer au siège deux heures durant. Paul Greengrass, réalisateur émérite, nous immerge dans son enfer forestier en y imprimant sa signature auteurisante - un parti-pris déjà amorcé avec Bloody Sunday, Un 22 Juillet ou encore le traumatisant Vol 93. Caméra à l’épaule, au plus près des stratagèmes de pompiers et secouristes aussi interrogatifs que sur le qui-vive, il nous embarque tête baissée dans une descente aux enfers, inspirée de faits réels survenus en Californie en 2028.
 
Kevin, chauffeur de bus désargenté, accablé par la mort récente de son père et ses conflits incessants avec son fils, doit en prime s’occuper de sa mère grabataire. Lorsqu’un incendie ravage sa bourgade, il se heurte à un dilemme : rapatrier des enfants d’école pour les sauver, ou tenter de protéger sa mère et son fils bientôt pris dans l’étau du désastre. 
 

Ce pitch métaphorique développe, avec un humanisme à la fois torturé, fragile et stoïque, l’épreuve d’un père seul contre tous - épaulé seulement par une partenaire de survie improvisée. Dans sa lutte, Kevin cherche à conjurer son manque de confiance, sa perte identitaire, hérité d’un père démissionnaire, et à dépasser sa mauvaise réputation par la force du courage et de la détermination.

Le film marie attention psychologique et séquences de bravoure saisissantes, d’un réalisme cauchemardesque. La scénographie apocalyptique, où nos protagonistes se retrouvent reclus dans un bus saturé de fumée et d’angoisse, installe une tension suffocante, un état d’appréhension continue, soutenu par l’expressivité démunie mais combative des personnages. Hypnotique dans sa mise en scène proche du docu-fiction, The Lost Bus insuffle un suspense oppressant et une action improvisée, tant les flammes dévorent tous azimuts les forêts environnantes jusqu'à plus soif. 
 

Témoignage plein de pudeur et d’humilité sur les valeurs familiales vues à travers un père écorché vif en quête d’affirmation ; hymne à la vie auprès d’une jeune mère brutalement consciente de sa précarité existentielle ; mise en garde enfin contre l’irresponsabilité humaine qui engendre la déforestation par le feu : The Lost Bus redonne ses lettres de noblesse au cinéma catastrophe. Et Matthew McConaughey, bouleversant d’humanité désespérée, incarne cette rage contenue avec une pudeur émotive inscrite dans la réserve.
 
— le cinéphile du cœur noir

vendredi 3 octobre 2025

Les Enquêtes du département V: Miséricorde.

                                                          
                                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site  Imdb.com

de Mikkel Nørgaard. 2013. Danemark/Norvège/Suède/Allemagne. 1h37. Avec Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares, Sonja Richter, Mikkel Boe Følsgaard, Søren Pilmark, Peter Plaugborg, Lucas Lynggaard Tønnesen

Sortie en France en Vod le 27 Mars 2015 

FILMOGRAPHIE: Mikkel Nørgaard est un réalisateur et scénariste suédois. 2010: Klovn: The Movie. 2013: Les enquêtes du Département V: Miséricorde. 2014: Les enquêtes du Département V: Profanation. 2015: Klovn Forever. 2020: Klovn the Final. 

"Miséricorde sous pression."

Excellent thriller latent que cette première enquête danoise du Département V, d’après l’illustre roman de Jussi Adler-Olsen. Photo monochrome léchée, mise en scène studieuse, intrigue solide et substantielle : tout converge vers un climat malsain, où le huis clos exigu devient irrespirable. Le duo de flics, malgré leurs divergences de caractère, s’attache dans une solidarité rugueuse, empreinte de respect et de désir de vaincre hormis la sinistrose pesante de Karl.

Mikkel Nørgaard conte scrupuleusement son histoire vénéneuse, nourrie d’un réalisme blafard : celui d’une victime démunie, enfermée dans une chambre de pressurisation. Effet claustro garanti. Une caisse métallique hermétique qui la réduit peu à peu à une dégénérescence physique et morale, éprouvante autant pour elle que pour le spectateur, impuissant face à sa déchéance. Mais l’admiration naît de son stoïcisme, de sa rage à ne pas céder à l’agonie, malgré l’autorité intraitable d’un bourreau invisible, trafiquant sa voix derrière un micro.

Outre sa structure narrative captivante, rehaussée par la profondeur psychologique des inspecteurs résignés à résoudre l’affaire, on se laisse happer par la tension d’un final haletant, riche en altercations cruelles et en interrogations troublées. Les interprétations dépouillées, portées par des comédiens au charisme ordinaire, renforcent le réalisme de ce thriller danois qui n’oublie jamais l’émotion humaine des plus humbles. Tandis que le tueur, glacé de retenue, convoque l’aversion par sa lâcheté et son cynisme sans vergogne.
 
Une belle entrée en matière pour les fans de thriller adulte dénué d'humour, de fard et d'effets de manche. 

— le cinéphile du cœur noir

12/09/22. 608 V 
02.10.25. 2èx. Vost 
 
 
 
Récompenses
Bodil (Bodil Awards) 2014
Rasmus Thjellesen
Zulu Awards 2014
Meilleur Film ; Mikkel Nørgaard et Louise Vesth

mercredi 1 octobre 2025

The Toxic Avenger de Macon Blair. 2023. U.S.A. 1h42.

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"The Toxic Avenger : entre gore potache et tendresse paternelle."

En dépit de mon instinct fureteur, je n’attendais pas grand-chose de cette réactualisation contemporaine. Or, malgré un prologue un peu lourdingue dans son comique raté, quelle surprise de me retrouver face à une attachante série B respectueuse de son modèle - même si une frange de puristes restera fidèle à la version gravée dans la mémoire des rats des vidéos. Chapoté par le même duo Troma (Michael Hertz, Lloyd Kaufman), The Toxic Avenger nouvelle mouture doit beaucoup de son charme à sa simplicité innocente. Exit toute prétention : malgré son budget plus élevé et ses acteurs familiers, ce divertissement reste aussi mal élevé que son aîné, porté par une galerie de cabotins décomplexés jusqu’à l’extravagance vrillée.

Sans jamais sombrer dans le copier-coller, The Toxic Avenger s’impose comme une déclinaison inventive, réjouissante et frétillante, bâtissant son propre univers plus futuriste que l’original, sublimé par une photo saturée inspirée de la BD. Ce côté cartoonesque, au gore vitriolé mais inoffensif, inspire une irrésistible sympathie sous l’impulsion d’un vengeur toxique au charisme étrangement persuasif. C’est l’une des vraies plus-values de cet écrin trashouille : mettre en avant un super-héros aussi grotesque que touchant, dans son design verdâtre éclatant d’une pestilence jubilatoire avec un oeil exorbité. 
 

Étonnamment à l’aise et jamais pédant, Peter Dinklage se fond dans ce corps vitriolé avec une modestie presque paternelle, imposant une valeur affective dans sa confrontation avec son fils solitaire. Ajoutez à cela des méchants benêts tout droit sortis d’un Atomic College, des leaders mégalos aussi vulgaires qu’abrutis, et vous obtenez un climat débridé, à la fois dégénéré, déjanté et politiquement incorrect, nourri de blagues potaches et de giclées gore (parfois même musicalement rock !) qui tachent sous couvert d’une diatribe écolo bien dans l’air du temps.

Formidable moment de détente, sincère et généreux, cette nouvelle incarnation parvient à imposer sa propre personnalité dans un univers futuriste immersif, évoquant un anime joyeusement fun et crados, même si moins comique que son prédécesseur. The Toxic Avenger renaît ainsi dans la peau d’un super-héros plus expressif et empathique que son congénère originel, façonné avec une précision où aucun détail n’est laissé au hasard. Encore une belle surprise donc pour le genre horrifique, en cette année florissante digne des plus nobles souvenirs des années 80.
 
P.S: Restez jusqu'au dernier crédit du générique de fin !
 
— le cinéphile du cœur noir