jeudi 31 juillet 2014

LA MAISON DE CIRE (House of Wax)

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jaume Collet-Serra. 2005. U.S.A./Australie 1h37. Avec Elisha Cuthbert, Chad Michael Murray, Brian Van Holt, Paris Hilton, Jared Padalecki, Jon Abrahams.

Sortie salles France: 25 Mai 2005

FILMOGRAPHIE: Jaume Collet-Serra est un réalisateur catalan, né le 23 Mars 1974 à Barcelone.
2005: La Maison de Cire. 2007: Goal 2: La Consécration. 2009: Esther. 2011: Sans Identité. 2014: Non-Stop. 2014: Run all Night.


Par le réalisateur de l'excellent Esther, Jaume Collet-Serra avait déjà montré ses preuves dans le domaine horrifique avec La Maison de Cire, une relecture moderne du classique d'André De Toth, l'Homme au masque de cire. Et pour une première réalisation, on peut déjà vanter son savoir-faire à avoir su gérer suspense et angoisse à partir d'un scénario éculé mais plus retors qu'il n'y parait. Clairement influencé par le slasher et afin de rameuter la nouvelle génération, La Maison de Cire reprend le canevas traditionnel d'une bande de vacanciers exilés à la campagne et tombant un à un dans les mailles d'un tueur sans pitié. Si la première partie n'évite pas la redite dans sa représentation caricaturale d'ados écervelés s'éclatant autour du sexe et de l'alcool, la suite adopte une tournure plus intéressante lorsque deux d'entre eux se retrouvent infiltrés au sein d'un village fantôme par l'amabilité d'un redneck interlope. Epaulé d'une somptueuse photographie, l'ambiance rétro qui émane de cet endroit touristique atteint son apogée lors de la visite du musée entièrement façonné de cérumen. Car cette bâtisse aux teintes sépia renferme d'étranges personnages de cire, ou plutôt de véritables cadavres fraîchement embaumés par un artiste aussi prodige que maudit. D'ailleurs, toute la ville est aménagée de citadins factices conçus à son image afin de refonder un semblant de vie pour son existence solitaire.


La fascination macabre qu'exercent ces pantins de chair se répercute sur l'anxiété de nos protagonistes égarés dans une chambre des horreurs. Sans perdre de temps, Jaume Collet-Serra confronte ces protagonistes à des enjeux de survie puisque l'un d'entre eux finira rapidement par se faire alpaguer par le tueur. Quand bien même l'arrivée des autres camarades vont rapidement faire les frais d'agressions sanglantes pour être sauvagement assassinés. Sur ce point, l'inventivité des meurtres et leur réalisme acéré impressionne le spectateur SPOILER ! d'autant plus que la menace est finalement exprimée par deux criminels compromis au secret familial ! Fin du Spoiler. On est aussi parfois surpris de l'ironie accordée à certaines situations de stress (celle d'une survivante dépassant son doigt au dessus d'une plaque de grillage pour invoquer de l'aide !) ou à la manière inédite dont certains protagonistes se retrouvent dans une posture cruelle (une victime rendue mutique par de la Super Glue plaquée sur sa bouche, une autre proie embaumée mais encore vivante derrière son apparence de cire !). Passé une succession de meurtres en série adroitement planifiés, l'intrigue se recentre ensuite sur la survie d'un frère et d'une soeur, unissant leurs efforts et redoublant de brutalité afin de combattre les bourreaux (les coups de batte de base-ball dans une tronche font très mal dans leur impact cinglant !). Palpitant en diable, le réalisateur les confrontent donc à une série d'épreuves drastiques pour leur survie culminant vers un final littéralement flamboyant. Sur ce point, on peut évoquer l'anthologie stylisée tant la perfection des effets spéciaux réussit à nous bluffer lorsque le musée se met à fondre lentement sa cire par la chaleur d'un incendie ! Les survivants tentant désespérément de s'extraire de la bâtisse réduite en lambeaux de pate !


Efficace et haletant, La Maison de Cire exploite les codes du slasher avec savoir-faire et inventivité, quand bien même la morphologie factice du tueur et la fastuosité des décors rétros participent notamment à l'immersion d'un univers poético-macabre. Un excellent divertissement tirant vers le haut un sous-genre plutôt mineur. 

Bruno 
02.03.24. 4èx. Vostfr

mercredi 30 juillet 2014

Terreur sur la Ligne / When a stranger calls. Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique, Avoriaz 1980.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Fred Walton. 1979. U.S.A. 1h37. Avec Charles Durning, Carol Kane, Colleen Dewhurst, Tony Beckley, Ron O'Neal, Steven Anderson.

FILMOGRAPHIE: Fred Walton est un réalisateur et scénariste américain.
1979: Terreur sur la Ligne. 1986: Week-end de terreur. 1987: Confession criminelle. 1987: Hadley's Rebellion. 1988: I saw what you did (télé-film). 1989: Seule dans la tour de verre (télé-film). 1990: Murder in Paradise. 1992: The Price She Paid (télé-film). 1992: Homewrecker (télé-film). 1993: Terreur sur la ligne 2 (télé-film). 1994: Dead Air (télé-film). 1995: The Courtyard (télé-film). 1996: The Stepford Husbands (télé-film). 


"La Voix au bout du fil".
Primé deux fois à Avoriaz, Terreur sur la Ligne s’est vu gratifié d’un joli succès commercial à sa sortie. Aujourd’hui oublié, voire méprisé par une certaine frange de cinéphiles et de critiques spécialisées, ce premier long-métrage de Fred Walton s’impose pourtant comme un véritable coup de maître dans sa gestion du suspense et de l’angoisse, profondément imprégnée de l’ombre d’Hitchcock. Découpé en trois actes, le film ouvre sur vingt-et-une minutes d’une tension insoutenable, où une jeune baby-sitter, Jill Johnson, se retrouve harcelée par un maniaque au téléphone. Inlassablement, il lui répète la même question : « Êtes-vous allée voir les enfants ? » Jusqu’à ce qu’elle, submergée par la peur, n’appelle la police en ultime recours.

Dans ce huis clos suffocant, Fred Walton orchestre un modèle de mise en scène, distillant une tension exponentielle avec une précision chirurgicale. La victime, enfermée dans une maison obscure dont elle ne maîtrise pas les contours, incarne la solitude et la peur viscérale d’un danger diffus, mais omniprésent. Le tueur la happe par la voix, enfonçant dans sa psyché cette interrogation entêtante et délirante. L’empathie à son égard s’intensifie, nourrie par son incapacité à contenir l’angoisse, par sa vulnérabilité nue, émotionnellement ravagée. Ce harcèlement psychologique, insidieux et lancinant, la consume de l’intérieur jusqu’à l’issue fatale d’un twist.


Le second acte se recentre sur la figure du tueur : un malade mental récemment échappé de l’asile après sept années d’internement. Dans un bar miteux, il aborde une sexagénaire acariâtre, tandis qu’en parallèle, le détective John Clifford se lance à ses trousses avec pour seul objectif de l’abattre sans sommation. Cette partie du récit s’englue dans une noirceur urbaine, faite de ruelles inquiétantes et de halos blafards, où plane la menace d’un nouveau drame. Le portrait du meurtrier s’affine : un psychopathe déchu, réduit à l’état de clochard, contraint de mendier sa pitance dans les soupes populaires. Égaré, rongé par la solitude, il erre la nuit dans les quartiers délaissés, en quête d’un semblant de chaleur humaine, jusqu’à se perdre dans des visions morbides. Conscient de sa propre déchéance, incapable de s’insérer dans un monde qui le rejette, il finit par entrevoir le suicide comme unique échappatoire. Interprété avec une intensité transie par Tony Beckley — mort d’un cancer trois jours après la sortie française du film —, le personnage dévoile une humanité trouble, entre névrose, détresse et sursauts de violence.

Le troisième et dernier acte referme la boucle de l’effroi, renouant avec la baby-sitter Jill Johnson, désormais mariée et mère de deux enfants. Sur le point de dîner au restaurant avec son mari, elle laisse ses enfants sous la garde d’une nourrice. Le passé ressurgit. Et à nouveau, dans l’enceinte feutrée de la cellule familiale, la tension grimpe jusqu’au paroxysme. Le point d’orgue, littéralement cinglant, foudroie.


"Frissons dans l’ombre, murmures au combiné".
Fer de lance d’une mouvance horrifique qui engendrera plusieurs ersatz plus ou moins inspirés (jusqu’à son remake aseptisé ou la saga Scream), Terreur sur la Ligne demeure un modèle absolu de suspense. Rien que son prologue mériterait d’être enseigné dans les écoles de cinéma. Ce film n’est pas seulement le récit d’une terreur ordinaire, mais aussi l’autopsie de deux fragilités psychiques — celle de la proie, et celle du prédateur. Pour parachever cette œuvre vénéneuse, il faut saluer la puissance de sa partition sonore, ombrageuse, savamment orchestrée pour exacerber l’angoisse… jusqu’à ce fondu enchaîné final, résolument glaçant.

Bruno 
5èx

mardi 29 juillet 2014

Django

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site orangemonkeymusic.wordpress.com

de Sergio Corbucci. 1966. Italie/Espagne. 1h32. Avec Franco Nero, José Bodalo, Loredana Nusciak, Angel Alvarez, Eduardo Fajardo, Jimmy Douglas.

Sortie salles Italie: 6 Avril 1966. Espagne: 21 Septembre 1967

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Corbucci est un réalisateur et scénariste italien, né le 6 Décembre 1927 à Rome, décédé le 1er Décembre 1990. 1962: Romulus et Remus. 1963: Danse Macabre (co-réalisé avec Antonio Margheriti). 1966: L'Homme qui rit. 1966: Django. 1966: Ringo au pistolet d'or. 1966: Navaja Joe. 1968: Le Grand Silence. 1969: Le Spécialiste. 1970: Companeros. 1972: Mais qu'est ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? 1978: Pair et Impair. 1980: Un Drôle de flic. 1981: Salut l'ami, adieu le trésor. 1989: Night Club.


Sorti en pleine mouvance du western italien initié par Sergio Leone avec Pour une Poignée de dollars, Django va également remporter un succès commercial foudroyant et révéler aux yeux du public un acteur aussi charismatique que Clint Eastwood, Franco Nero (alors que le rôle était imparti à Mark Damon). Fort de ce succès, un nombre incalculable d'ersatz empruntera le titre afin d'en tirer autant profit. Rivalisant de cruauté dans sa violence inédite, Sergio Corbucci annonce clairement la couleur rutilante dans ce western iconoclaste à contre-courant des productions ricaines instaurées par le lyrisme de John Ford. Outre l'âpreté de sa sauvagerie non exempte d'effusions gores (tranchage d'oreille en gros plan que la victime se contraint d'avaler !), c'est l'ambiance crasseuse qui frappe au premier abord à travers la topographie d'un village boueux. La peinture assénée à cette contrée à faible population demeurant plutôt dépressive de par l'atmosphère d'une météo blafarde. Ainsi, au milieu de cette place mortifère, un croque-mort solitaire venu de nulle part trimbale avec lui un mystérieux cercueil. Après avoir sauvé une jeune prostituée du major Jackson, ils décident de trouver refuge dans un saloon décrépit géré par un proxénète. Mais son repos ne sera que de courte durée si bien que les sbires de Jackson sont en route pour lui trouer la peau. 


Redoutablement efficace car pourvu d'un rythme sans faille dans ces confrontations belliqueuses entre clans, bagarre de saloon et retournements de situation, le scénario de Django est régi autour des subterfuges d'un veuf inconsolable jouant l'individualité afin de mieux parfaire sa vengeance. Mais à se laisser gagner par la colère, la cupidité et trahir ses amis, Django devra en payer les conséquences avant sa prise de conscience avec l'intégrité d'une femme l'incitant à la repentance. Et donc, à travers le cheminement vindicatif de ce héros sans foi ni loi, Sergio Corbucci joue la carte de la transgression pour caractériser un marginal intraitable et machiste, voir à la limite de la misogynie (les humiliations sarcastiques qu'il réserve gratuitement à Maria), ne comptant que sur ses stratagèmes pour vaincre l'ennemi. Car autour de lui s'affrontent l'armée de belligérants mexicains contre une secte de yankees racistes et sadiques encapuchonnés à l'instar du Ku Klux Klan. Leur loisir fétiche: un lâcher de paysans mexicains en guise de chasse au pigeons, quand bien même la gente féminine d'un bordel est assouvie à sa tyrannie. En illustrant les bravoures d'un héros stoïque à la répartie acérée, Sergio Corbucci taille la carrure d'un vengeur corrompu par sa justice expéditive mais rattrapé in extremis par l'amour d'une femme au grand coeur.


Brutal, atmosphérique, jouissif en diable car fertile en action violente et adroitement construit, Django n'a pas volé sa réputation de chef-d'oeuvre bisseux du western latin, même s'il doit beaucoup au charisme viril du regard azur de Franco Nero et à l'âpreté de son climat funèbre. On en oublierait presque d'évoquer son magnifique thème interprété par Franco Migliacci que Tarantino reprendra des décennies plus tard afin de l'honorer dans une déclinaison éloignée de l'univers fétide de Corbucci.   

*Bruno
21.03.23. 4èx

vendredi 25 juillet 2014

How i live now (Maintenant c'est ma vie)

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Kevin Macdonald. 2013. Angleterre. 1h41. Avec Saoirse Ronan, Tom Holland, Anna Chancellor, George MacKay, Corey Johnson, Sophie Ellis, Harley Bird.

Sortie salles France: 12 Mars 2014. Angleterre: 4 Octobre 2013

FILMOGRAPHIE: Kevin Macdonald est un réalisateur, scénariste et producteur écossais, né le 28 Octobre 1967 à Glasgow.
2003: La Mort Suspendue. 2006: Le Dernier roi d'Ecosse. 2009: Jeux de pouvoir. 2011: L'Aigle de la 9è Légion. 2013: How I live now. 2014: Black Sea.

                                                             Un déchirant coup de 💔…

"How I Live Now : chronique d’un amour en cendres".
Découvrir une œuvre méconnue (sortie dans l’indifférence, hélas) grâce à un ami, après avoir été dubitatif devant une bande-annonce construite comme une simple vitrine marketing, prouve combien il ne faut jamais s’arrêter aux apparences ni au packaging tapageur.

How I Live Now, c’est l’histoire de Daisy, adolescente américaine, venue passer l’été chez ses cousins dans la campagne anglaise. Là, elle se lie d’affection — d’amour, peut-être — avec le jeune Isaac. Mais une troisième guerre mondiale éclate. Séparés par les forces armées, en deux groupes distincts, Daisy lui jure de revenir. De le retrouver, quand le moment viendra.

Ce film fait partie de ces curiosités dont le pitch usé pourrait, de prime abord, faire hausser les épaules. Et pourtant… Il est ici transcendé avec un lyrisme fragile, une émotion dépouillée, d’une grâce telle qu’on en ressort transformé. Kevin Macdonald livre une œuvre d’auteur sans balises, sans repères rassurants, à l’image de ses héroïnes. Tout n’est que tâtonnement, instinct de survie, et menace latente, tapie dans les détours de chemins incertains.

Ce sentiment d’abandon, cette vulnérabilité adolescente, s’incarnent à travers des comédiens d’une pudeur bouleversante. L’émotion surgit là où on ne l’attend pas : tantôt poignante, tantôt cruelle. Sous couvert d’un contexte apocalyptique, le réalisateur esquisse avec pudeur les ravages de la guerre — non pas frontalement, mais en suggérant, par les silences et les hors-champs, l’empreinte du désastre. Il filme la barbarie avec une retenue glaçante, en se focalisant sur les stigmates laissés dans l’environnement, sur les paysages souillés, les ruines intimes, les traumatismes invisibles.

Jamais racoleur, jamais dans la surenchère larmoyante, Macdonald bouscule l’âme à travers une guerre vue à hauteur d’enfant. L’innocence fauchée. L’adolescence sacrifiée. Le film devient alors le récit déchirant du périple de Daisy et de la petite Piper, en quête d’un havre, d’un amour perdu, d’une terre vierge — entre survie animale et foi aveugle en la lumière.

La nature, filmée comme un Eden sensoriel, enveloppe leurs corps frêles et tremblants. Mais la beauté de ce cadre n’a d’égal que la violence qui le ronge : exactions, viols collectifs, effroi sans nom — tout cela percute de plein fouet l’innocence en marche. Ce contraste vertigineux entre pureté et souillure installe un malaise profond, viscéral, qui nous désarme. Le spectateur vacille, happé entre l’éclat d’une virginité menacée et les mâchoires d’une brutalité rampante, que le cinéaste manie avec une sincérité désarmante.


La femme au bout du chemin
Quête initiatique vers la maturité, récit d’amour condamné, et surtout réquisitoire silencieux contre l’ignominie de la guerre, How I Live Now s’impose au final comme un apprentissage à la liberté. Une traversée intérieure portée par une émotion tremblante, à fleur de peau. Si bien que ses échos moraux nous amènent à relativiser nos petites crises quotidiennes, trop souvent dictées par la presse ou les dogmes consuméristes — idéologie sanitaire, injonctions nutritionnelles, vacuité matérialiste…

Hymne à l’indépendance, ode à l’harmonie primordiale, poème d’amour et de mort, How I Live Now est une œuvre houleuse, cruelle, viscérale. Un chef-d’œuvre naturaliste d’une acuité douloureuse — à l’image de sa délivrance finale, aussi traumatique qu’épurée.

*Bruno
Un grand merci à Pascal Frezzato et Gilles Rolland

01.05.25. 2èx. Vostf

jeudi 24 juillet 2014

Nomads. Grand Prix du Public, Prix de la meilleure musique au rex de Paris, 1986.

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de John Mc Tiernan. 1986. 1h31. U.S.A. Avec Pierce Brosnan, Lesley-Anne Down, Anna Maria Monticelli, Adam Ant, Mary Woronov, Héctor Mercado, Josie Cotton, Frank Doubleday, Jeannie Elias, Nina Foch...

Sortie salles France: 21 Mai 1986. U.S: 7 Mars 1986

FILMOGRAPHIE: John McTiernan est un réalisateur et producteur américain, né le 8 janvier 1951 à Albany à New-York. 1986: Nomads. 1987: Predator. 1988: Piège de Cristal. 1990: A la Poursuite d'Octobre Rouge. 1992: Medicine Man. 1993: Last Action Hero. 1995: Une Journée en Enfer. 1999: Le 13è Guerrier. 1999: Thomas Crown. 2002: Rollerball. 2003: Basic.

 
"La Tribu des mirages".
Boudé à sa sortie par la critique mais ovationné par le public du Rex de Paris lors de sa consécration au Grand Prix, Nomads fait partie de ces films maudits injustement vilipendés. C’est d’autant plus préjudiciable qu’il s’agissait de la toute première œuvre d’un cinéaste de 35 ans, aujourd’hui reconnu comme un maître du cinéma de genre. Un an à peine après ce flop commercial, John McTiernan faisait déjà exploser le box-office avec Predator, survival testostéroné devenu culte.

Le pitch : dans un hôpital, une praticienne tente de porter secours à un patient malmené par la police, fébrile, délirant. Alors qu’elle s’efforce de le calmer, l’homme fulmine à nouveau, lui murmure quelques mots imbitables… puis meurt. Habitée malgré elle par l’esprit de cet éminent anthropologue, Eileen Flax va découvrir les véritables raisons qui l’ont poussé au bord de la folie.

En matière d’originalité, Nomads peut sans rougir faire office d’œuvre atypique, porté par un concept de fantastique moderne arrimé à la légende. Celle d’une tribu Inuit, errant jadis sur les déserts de glace (et de sable !), voyageant à travers le monde. Prenant forme humaine, ces esprits maléfiques hanteraient les lieux maudits, apportant folie et malheur à quiconque les approche.

À partir de ce pitch aussi étrange qu’infiniment fascinant, John McTiernan orchestre une mise en scène habitée, invoquant un fantastique mature, ancré dans la suggestion et la fragilité émotionnelle de ses personnages. À travers l’intervention presque improvisée d’une doctoresse en transe, Nomads ne cesse de brouiller les frontières entre rêve et réalité, immergé dans la psyché torturée de Jean-Charles Pommier. En quête de vérité — folie ou lucidité ? — Eileen revit ses derniers jours : l’anthropologue épiait alors une bande de loubards violents, nomades autonomes, mutiques, vêtus de noir. Des noctambules en rupture, affranchis sans vergogne, perpétrant le mal avec une liberté glaciale.

De l’interaction troublante entre Eileen et Jean-Charles, psychologiquement liés dans leur obsession commune, naît un climat envoûtant, quasi chamanique. Ces loubards semblent doués d’un pouvoir singulier : extérioriser chez l’intrus ses propres visions, ses peurs, ses hallucinations… jusqu’à le faire basculer dans la folie.

 
"Synapse".
A la fois étrange, déroutant, indicible, Nomads joue la carte d’un fantastique éthéré, auréolé d’un mystère irrésolu — jusqu’à son twist cuisant, à la fois caustique et cauchemardesque. Renforcé par le jeu fébrile d’un Pierce Brosnan transi d’effroi, épaulé par la ravissante Lesley-Anne Down, tout aussi désorientée, le film garde intact son pouvoir de fascination. Il préserve jalousement son identité mystique, brouillant les lignes entre hallucination et réalité existentielle.

Perle rare scandée par le magnifique thème de Bill Conti, Nomads est un authentique film culte à réhabiliter d’urgence.

*Bruno
02.05.25. Vostf.. 5èx. 
21.01.23.


mercredi 23 juillet 2014

Rolling Thunder / Legitime Violence

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de John Flynn. 1977. U.S.A. 1h40 (version intégrale). Avec William Devane, Tommy Lee Jones, Linda Haynes, James Brest, Dabney Coleman, Lisa Blake Richards, Luke Askew.

Sortie salles France: 5 Avril 1978

FILMOGRAPHIE: John Flynn est un réalisateur et scénariste américain, né le 14 Mars 1932 à Chicago, décédé le 4 Avril 2007 en Californie. 1968: Le Sergent. 1972: The Jerusalem File. 1973: Echec à l'Organisation. 1977: Légitime Violence. 1980: Les Massacreurs de Brooklyn. 1980: Marilyn, une vie inachevée. 1983: Touched. 1987: Pacte avec un Tueur. 1989: Haute Sécurité. 1991: Justice Sauvage. 1992: Nails (télé-film). 1993: Scam (télé-film). 1994: Brainscan. 1999: Meurtres très ordonnés. 2001: Protection.


Vigilante movie bien ancré dans les années 70 de par sa violence aride façon Peckinpah et par sa représentation nihiliste d'une Amérique gangrenée par la criminalité, Rolling Thunder bénéficie aujourd'hui d'une côte d'estime bien plus considérable que lors de sa sortie. A l'aune de Quentin Tarantino lui vouant un tel culte qu'il emprunta le titre éponyme afin de nommer sa boite de distribution Dvd spécialisée dans le cinéma d'exploitation. Le pitchAprès 7 ans de captivité au Vietnam, le major Charles Rane retourne chez lui pour être accueilli comme un héros de guerre multi décoré et ovationné par la population. Traumatisé par ce qu'il a vécu, ses relations avec son fils et sa femme battent de l'aile, quand bien même cette dernière lui avoue qu'elle l'a trompé avec l'un de ses amis. Quelques jours plus tard, une bande malfrats s'introduisent dans sa demeure pour lui réclamer une mallette de dollars. Tenant tête à leur exigence, il est sévèrement battu puis torturé par un broyeur de cuisine lui arrachant la main. Entre le western et le film d'auto-défense initié par Bronson avec Un Justicier dans la VilleRolling Thunder se détache du lot traditionnel par une aura toute particulière pour le genre d'exploitation où vendetta est synonyme de violence expéditive. Celle d'un climat poisseux, désincarné au sein d'une Amérique hantée par des fantômes marginaux, même si c'est au niveau de la frontière mexicaine que notre anti-héros s'aventurera afin de retrouver les assassins de sa famille. 


Epaulé d'une blondinette de 30 ans en quête affective, Charles Rane l'utilise au départ comme appât pour mieux amadouer les criminels et avant d'aborder une relation faussement sentimentale. Déambulant dans les endroits miteux de bars et de bordel, notre exterminateur n'a comme seul dessein d'affronter l'ennemi par le sang afin de satisfaire ses pulsions meurtrières. Muni d'un crochet de boucher à la place d'une main amputée et de diverses armes à feu, c'est une guerre toute aussi bestiale qu'il déclare dans un dernier baroud d'honneur suicidaire. Avec son ambiance défaitiste où les contrées désertiques sont desséchées par le soleil, Rolling Thunder contraste avec la désillusion du vétéran traumatisé des horreurs de la guerre et devenu depuis machine à tuer. Sa tentative de réhabilitation au sein de sa patrie ne sera de courte durée puisque conscient qu'il n'est plus que l'ombre de lui même, un mort-vivant préalablement sacrifié dans une geôle de prisonniers. Diatribe contre la barbarie de la guerre, John Flynn dresse ici l'inquiétant portrait d'un martyr devenu insensible à la douleur parce que épris de masochisme pour la torture quotidienne qu'il eut autrefois expérimenté. Ainsi, à travers son errance désabusée et sa complicité fragile avec son amie de passage, le film observe leur parcours de laissés-pour-compte rêvant d'un ailleurs édénique (celui de la nature réfrigérante de l'Alaska par exemple !) afin d'omettre leur morne existence.


Le Mort-Vivant
Traversé d'éclairs de violence sèche jusqu'au point d'orgue paroxystique, Rolling Thunder se décline en odyssée de l'amertume et de la solitude. Le tableau dérisoire d'une Amérique post-vietnamienne dénuée de repères au moment même où l'un de leur vétéran aura décidé une seconde fois de s'y sacrifier. C'est ce qui fait l'originalité et l'intensité de cet étrange périple hanté du charisme sévère de l'acteur William Devane en anti-héros en berne plus mort que vivant. 

*Bruno
16.01.23. 4èx
Dédicace à Christophe Colpaert

lundi 21 juillet 2014

Lifeforce

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Tobe Hooper. 1985. U.S.A. 1h52 (version intégrale). Avec Steve Railsback, Peter Firth, Frank Finlay, Mathilda May, Patrick Stewart, Michael Gothard, Nicholas Ball, Aubrey Morris, Nancy Paul, John Hallam, John Keegan.

Sortie Salles France: 18 Septembre 1985. U.S: 21 Juin 1985

FILMOGRAPHIE: Tobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas)
1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantome, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.


Série B à gros budget mésestimée à sa sortie, d'autant plus desservie par son échec commercial, Lifeforce s'est depuis taillé une réputation de petit classique de la science-fiction horrifique pour son judicieux alliage des genres, la qualité de ses fx et de son score orchestral ainsi que sa grande efficacité narrative. Le pitchLors d'une mission spatiale, le colonel Tom Carlsen et son équipage explorent un vaisseau spatial réfugié dans la comète de Halley. A l'intérieur, ils y découvrent trois êtres d'apparence humaine confinés dans des caissons de verre. Ces sujets dénudés s'avèrent de redoutables vampires de l'espace déterminés à conquérir notre monde en se nourrissant de notre force vitale. Nanar pour les uns, divertissement de haute tenue pour les autres, Lifeforce ne manque ni de moyens techniques ni d'idées retorses pour captiver le spectateur embarqué dans une trépidante course contre la montre où s'y télescopent vampires extra-terrestres et zombies en rut. D'après le roman de Colin Wilson, le film bénéficie d'une trame originale afin d'explorer le mythe du vampire dans un contexte futuriste. Son aspect insolite émanant de l'origine stellaire à laquelle ces vampires appartiennent. 


Il tire parti d'une indéniable efficacité à multiplier leurs exactions meurtrières afin de converger à une réaction en chaîne produisant ainsi une pandémie dans un Londres en flammes ! Soutirés de leur substance vitale par le simple acte d'un baiser, les citadins possédés se contraignent à leur tour d'embrasser d'autres proies afin de survivre et de sauvegarder la race extra-terrestre. Parmi la présence angélique de la française Mathilda May, Lifeforce est notamment guidé par son aura ensorcelante, son appétit insatiable à dérober nos forces vitales afin de nous anéantir et conquérir notre planète. Sa présence tangible ou éthérée planant durant tout le récit. Filmée dans son plus simple appareil, l'actrice dévoile un charme de sensualité à damner un saint. Sa présence charnelle mais délétère s'érigeant en icone du Mal pour nous convaincre de sa puissance vampirique à connotation sexuelle. Car au-delà de ses ambitions belliqueuses, la vamp recherche également un mâle afin de satisfaire ses désirs, pallier sa solitude et anticiper sa postérité ! Ainsi, à travers l'impuissance des hommes incapables de refréner leur émotion pour résister à son baiser, on peut y voir une métaphore sur la nature vampirique de la femme et leur instinct éminemment séducteur tout un suggérant un discours réflexif sur la vie après la mort. Si on peut émettre quelques réserves sur le jeu cabotin (mais oh combien attachant !) de 1 ou 2 de seconds-rôles (quoique en VO, sa distribution demeure encore plus convaincante), Mathilda May se tire honorablement de son rôle laconique en misant sur l'attrait d'un corps immaculé doublé d'un regard pénétrant. 


Récit audacieux brassant les genres de la science-fiction, de l'érotisme et de l'horreur, Lifeforce réussit à divertir grâce à l'élaboration d'un scénario aussi original que captivant car fertile en péripéties. 
Le soin alloué aux effets-spéciaux (même si aujourd'hui leur aspect mécanique peut parfois paraître obsolète) et aux décors futuristes (le magnifique préambule confiné au sein du vaisseau spatial insuffle une poésie trouble !), et l'implication sympathique des comédiens parachèvent le spectacle d'une grosse série B bourrée de peps et de charme à la sincérité indéfectible. 

*Bruno
30.01.23. 
5èx. vost

vendredi 18 juillet 2014

Parents. Prix de la Critique, Avoriaz 1989

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedemedianoche.cl

de Bob Balaban. 1989. U.S.A./Canada. 1h22. Avec Randy Quaid, Mary Beth Hurt, Sandy Dennis, Bryan Madorsky, Juno Mills-Cockell.

Sortie salles France: 22 Janvier 1989 (Festival d'Avoriaz). U.S: 27 Janvier 1989

FILMOGRAPHIE: Bob Balaban est un acteur, scénariste, réalisateur et producteur américain, né le 16 Août 1945 à Chicago. 1983: The Brass Ring (télé-film). 1989: Parents. 1992: Amazing Stories: Book Five (épisode TV). 1993: My Boyfriend's Back. 1994: The Last good Time. 1995: Legend (série TV). 1997: Subway Stories: tales from the Underground (télé-film). 1999: Strangers with Candy (série TV). 1999: Un Agent très secret (série TV). 2000: Deadline (série TV). 2001: Temps mort (série TV). 2004: No Joking (télé-film). 2005: Hopeless Pictures (série TV). 2005: The Exonerated (télé-film). 2007: Bernard et Doris (télé-film). 2008: Swington (série TV). 2009: Georgia O'Keefe (télé-film).


Traitant du thème de la fragilité de l'enfance, à l'instar de son compère Paperhouse, communément récompensés à Avoriaz, Parents n'a pas usurpé sa réputation de perle culte vantée à l'époque dans les pages de Mad Movies et autres mags spécialisés. Le redécouvrir aujourd'hui prouve à quel point le film de Bob Balaban (réalisateur méconnu issu de la télévision) était pourvu d'une audace rafraîchissante au sein du paysage horrifique. Le pitchMichael est un petit garçon fragile observant la vie avec autant de curiosité que de perplexité. Car le comportement suspect de ses parents l'amène à penser qu'ils pourraient être adeptes du cannibalisme. Sous couvert de pitch original baignant dans l'humour noir et la satire sociale, Parents est avant tout l'étude psychanalytique d'un enfant en perte de repère car découvrant le monde inquiétant des adultes sous un jour nouveau. Du point de vue de sa conscience candide, Michael observe l'existence de ses parents sous un aspect autrement vénal après les avoir surpris dans leur lit entrain de forniquer. Et ce n'est pas l'influence perverse de sa copine d'école, une mythomane intarissable, qui le réconfortera dans sa paranoïa grandissante. 


Au fil de ses observations quotidiennes, son investigation le mènera finalement à la plus horrible des vérités au point de devenir adepte du végétarisme. Ainsi, à travers les éléments horrifiques du cannibalisme et de la perversité, Bob Balaban satirise en diable afin de nous dévoiler l'envers du décor. Celui de la face cachée d'une Amérique d'apparence puritaine mais corrompue par le mensonge et le vice. Avec son ambiance d'étrangeté aussi décalée que dérangeante, le réalisateur nous assène une caricature de la cellule familiale habitée par le cynisme et la passion culinaire, en l'occurrence celle de la chair humaine ! Autour de l'introspection fragile de Michael, un climat lourd et oppressant s'y distille, contrebalancé de l'attitude ironique des parents faussement rassurants. Non dupe de leur hypocrisie, Michael bascule dès lors dans un cauchemar domestique où le danger toujours plus palpable l'incite à se rebeller contre l'autorité rendue hostile à ses yeux. Outre sa réalisation soignée et inventive parfois expérimentale, Parents est largement privilégié de la conviction des interprètes (en parents autoritaires, Randy Quaid et Mary Beth Hurt forment un duo indissociable !). Mais c'est surtout la présence introvertie de Bryan Madorsky qui renforce l'intensité des situations car endossant avec un naturel trouble un enfant gagné par la contrariété et la quête de découverte (ici effroyable).


American Beauty
Malsain et oppressant, dérangeant et cruel (l'épilogue n'y va pas de main morte pour martyriser une fois de plus le bambin !), mais redoublant de dérision et de cocasserie, Parents n'a rien perdu de son insolence et de sa force métaphorique à démasquer l'aspect véreux de la maturité. L'adulte insidieux ayant comme priorité de se nourrir de son prochain afin d'y survivre.

RécompensePrix de la critique à Avoriaz, 1989

*Bruno
21.07.22. 4èx
18.07.14. 

jeudi 17 juillet 2014

Dark Waters

                                                                 Photo appartenant à Bruno Matéï

de Mariano Baino. 1993. 1h32. Russie / Italie / Angleterre. Avec Valeri Bassel, Mariya Kapnist, Louise Salter, Venera Simmons, Pavel Sokolov.

Sortie salles: 16 Avril 1997

Récompenses: Prix du Public à Montréal, 1997. Vincent Price Award à Rome, 1994.

FILMOGRAPHIE: Mariano Baino est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 17 Mars 1967 à Naples, Italie.
1991: Caruncula (court métrage). 1993: Dark Waters. 2004: Never Ever After (court-métrage). 2010: Based on a true life (court-métrage).

 
"Les Chants Funèbres de l’Onde Noire".
Inédit en salles en France et longtemps cantonné à une édition DVD somme toute banale, Dark Waters fait partie de ces films indépendants que l’ignorance relègue à l’ombre — jusqu’à ce que le bouche-à-oreille l’élève au rang de perle rare. Aujourd’hui, le label Ecstasy of Films lui offre une résurrection digne, dans une copie resplendissante rendant justice au soin formel de son auteur. Mieux encore : nous le découvrons dans une version Director’s Cut inédite en France, enrichie de précieux bonus. À ce titre, je vous recommande vivement le documentaire Deep into Dark Waters, qui revient sur les conditions de tournage au sein de l’équipe technique.

Après la mort de son père, Elisabeth se rend sur une île isolée pour en apprendre davantage sur le couvent qu’il finançait depuis son enfance. Là-bas, elle découvre une communauté de nonnes au comportement impénétrable, comme si un souffle ancien y soufflait encore, fait de silence et de présages.

Pour son unique et fulgurant essai, l’Italien Mariano Baino nous plonge dans un cauchemar éveillé, un poème sensoriel, une fantasmagorie morbide où Alice au pays des merveilles s’égare dans les ténèbres des chants funèbres — entre les pleurs étouffés d’enfants et le braillement d’une créature lovecraftienne, écho venu du fond des catacombes. Dark Waters, envoûtant et déroutant de bout en bout, est une épreuve fantasmatique, hantée par une aura funeste où chaque vision onirique cherche à infiltrer notre âme pour mieux nous séduire.

Dans la lignée du cinéma d’Argento, pour la stylisation picturale au service d’un onirisme ésotérique, ou de Jodorowsky, pour sa mystique provocante et dérangeante, le film déroule une succession d’apparitions diaphanes, au rythme d’un cheminement indécis. Hantée depuis l’enfance par de mystérieux rêves, Elisabeth poursuit l’origine floue de son passé, et c’est un secret de famille qu’elle finira par exhumer, à travers l’intercession des ténèbres.

Ce huis clos occulte, gouverné par une assemblée presque exclusivement féminine, renvoie aussi au souffle lyrique de Suspiria, notamment dans la fragilité de son héroïne et la progression initiatique de son enquête — quête d’un mystère enfoui au sein d’un couvent dont les murs murmurent. Comme Suzy, Elisabeth arrive un soir de pluie dans cet endroit à la fois repoussant et envoûtant ; et c’est épaulée par une camarade qu’elle tentera de démêler les fils d’un destin tissé dans l’ombre. Sensoriel, insolite, baroque et expérimental, Dark Waters privilégie, lui aussi, l’extravagance d’une bande-son dissonante, le vertige visuel et les figures interlopes — plutôt que la futilité d’une intrigue dont l’issue, en fin de compte, importe peu.

 
"Élisabeth aux Portes du Néant".
Créateur d’images oniriques et morbides, Mariano Baino a sculpté avec Dark Waters un chef-d’œuvre pictural, fusion d’art gothique et d’expressionnisme, poème incandescent nourri de ténèbres. À l’image des bougies qui veillent dans chaque catacombe, Dark Waters est une invitation au voyage — une odyssée naturaliste dans les abîmes, une quête initiatique d’une fille confrontée à sa propre morale. Celle d’un combat spirituel où le bien et le mal ne sont plus que des reflets dans une eau trouble.
 
Merci à Ecstasy of Films et à Mariano Baino
*Bruno

mercredi 16 juillet 2014

INCENDIES

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site atlasmedias.com

de Dennis Villeneuve. 2010. Quebec. 2h10. Avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, Rémy Girard, Abdelghafour Elaaziz, Allen Altman.

Sortie salles France: 12 Janvier 2011. U.S: 22 Avril 2011

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières.
1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoner


Réalisateur prodige reconnu du public par le thriller haletant, Prisoners, Denis Villeneuve avait pourtant déjà prouvé son talent de technicien avisé avec Enemy, thriller personnel autrement hermétique sur le thème du double, et le film qui nous intéresse aujourd'hui, Incendies.


Drame psychologique dénonçant les horreurs de la guerre, l'obscurantisme, l'instinct de vengeance et le fanatisme religieux, Incendies relate la quête de vérité de deux jumeaux fouinant le passé de leur défunte mère afin de rencontrer un père et un frère qu'ils n'ont jamais connu. Contraints de leur remettre deux enveloppes, Jeanne décide de regagner son pays d'origine, la Palestine, avant que son frère Simon ne la rejoigne. Alternant évènements du présent et du passé à travers de nombreux flash-back, Dennis Villeneuve met en parallèle leur périple et leur investigation de longue haleine dans un pays marqué par la violence de tensions religieuses, tout en retraçant le douloureux parcours de cette mère catholique, abdiquée par sa propre famille après avoir eu l'audace de fréquenter un jeune musulman. A travers ces secrets de famille bafoués par l'intolérance et la barbarie de conflits entre chrétiens et musulmans, le cinéaste dépeint le chemin de croix d'une femme violentée et humiliée, réduite à la déchéance, mais d'une dignité insolente dans sa stoïcité à ne pas se laisser vaincre par la défaite. Quand au cheminement imprécis de Jeanne et Simon, de fil en aiguille, et avec le soutien d'aimables enquêteurs, ils vont réussir à percer la vérité sur leur mère au moment même d'être bouleversés par leur véritable identité. Autour de ce trio galvaudé par la vendetta et le terrorisme, le frère méconnu pâtira notamment de sa révolte belliqueuse avant de se confronter à une révélation des plus licencieuses.


Outre le magnifique portrait maternel asséné à cette femme inflexible, Incendies nous illustre avec autant de retenue que de réalisme éprouvant sa descente aux enfers et celle de ses enfants de la honte. Autour des sentiments d'injustice, de haine et de révolte engendrés par les divergences de religion, Dennis Villeneuve décortique les conséquences dramatiques de la rancoeur et de la vengeance avant de nous réconcilier avec les notions d'amour, de paix et de pardon. Un témoignage éminemment bouleversant pour cette oeuvre fragile dont le climat austère et étouffant nous reste à la gorge bien au-delà du générique de fin. 

Bruno Matéï

Récompenses:
35e Festival international du film de Toronto (Toronto), meilleur film canadien
30e Festival international du film de l'Atlantique (Halifax), meilleur film canadien
25e Festival international du film francophone de Namur (Belgique), prix du public
55e Semaine du cinéma international de Valladolid (Espagne), prix du public, prix du meilleur scénario et prix du jury des jeunes
26e Festival du film de Varsovie (Pologne), Grand prix du jury
40e Festival international du film de Rotterdam (Pays-Bas), prix du public
Prix du Centre national des Arts du Canada
31e Prix Genie, huit statuettes :
Meilleur film
Meilleure réalisation
Meilleur actrice (Lubna Azabal)
Meilleure adaptation
Meilleure direction-photo
Meilleur son d'ensemble
Meilleur montage sonore
Meilleur montage
13e cérémonie des Jutra, neuf prix :
Meilleur film
Meilleure réalisation : Denis Villeneuve
Meilleure actrice : Lubna Azabal
Meilleur scénario : Denis Villeneuve, avec la collaboration de Valérie Beaugrand-Champagne
Meilleure direction de la photographie : André Turpin
Meilleure direction artistique : André-Line Beauparlant
Meilleur son : Sylvain Bellemare, Jean Unamsky et Jean-Pierre Laforce
Meilleur montage : Monique Dartonne
Meilleurs costumes : Sophie Lefèbvre
Prix Lumières 2012 : Meilleur film francophone
Meilleure actrice au Magritte du cinéma

mardi 15 juillet 2014

Horrible / Rosso sangue / Absurd / Antropophagus 2

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloodygoodhorror.com

de Joe d'Amato / Peter Newton. 1981. 1h32. Italie. Avec George Eastman, Annie Belle, Charles Borromel, Katya Berger, Kasimir Berger, Hanja Kochansky, Ian Danby, Ted Rusoff, Edmund Purdom, Carolyn De Fonseca, Cindy Leadbetter, Lucia Ramirez, Mark Shannon, Michele Soavi, Martin Sorrentino, Goffredo Unge.

Sortie salles France: 6 Juillet 1983. Italie: Octobre 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Joe d'Amato (né Aristide Massaccesi le 15 décembre 1936 à Rome, mort le 23 janvier 1999) est un réalisateur et scénariste italien. 1977 : Emanuelle in America, 1977 : Viol sous les tropiques, 1979: Buio Omega (Blue Holocaust), 1980: Anthropophagous, La Nuit Erotique des morts-vivants, Porno Holocaust, 1981: Horrible, 1982: 2020, Texas Gladiator, Caligula, la véritable histoire, Ator l'invincible, 1983: Le Gladiateur du futur.

 
"Horrible : L’Anthropophage ressuscité".
Un an après le succès sanglant d'Anthropophagous, Joe D’Amato rempile avec un psycho-killer, bien décidé à pousser l’hémoglobine plus loin encore. Recrutant de nouveau Georges Eastman, Horrible pourrait presque passer pour une suite dégénérée : le tueur ressemble à s’y méprendre au cannibale famélique d’alors. À la différence près qu’ici, nul appétit de chair humaine, mais une pure frénésie homicide, doublée d’un pouvoir de régénération dont on se demande encore par quel miracle il se relève, éventré, après avoir escaladé la grille d’un portail, pourchassé par un prêtre. Sa nationalité grecque et son exil précipité laissent d’ailleurs planer le doute : serait-ce bien notre anthropophage ?

Doté d’un pitch aussi grotesque qu’improbable, Joe D’Amato se moque de la cohérence, préférant exhiber la dérive sanguinaire d’un fou échappé d’un hôpital. Après avoir occis infirmière, homme d’entretien et motocycliste, le monstre gagne la campagne et jette son dévolu sur une maison isolée, proie idéale : un enfant, une nourrice, une tétraplégique y sont livrés à lui, à huis clos.

Titre racoleur à souhait, Horrible embrasse sans scrupule son horreur pornographique : le scénario n’est qu’un prétexte pour égrener des meurtres gratinés, à la lisière du sadisme complaisant. Comme cette inoubliable séquence où une jeune femme, piégée dans sa cuisine, finit la tête dans le four — supplice d’asphyxie interminable, combustion en prime. D’autres réjouissances macabres s’égrènent : crâne fendu à la scie circulaire, tympan perforé à la perceuse, gros plans cradingues garantis.

Les comédiens, figés dans une apathie lunaire, n’en sont pas moins attachants par leur naïveté candide — mention spéciale au marmot insupportable de six ans, qui cabotine ses crises et ses larmes, terrorisé par « l’ogre ». Plus omniprésent encore, Georges Eastman cabale à nouveau en tueur ahuri, conférant à son regard lambda une étrangeté presque solennelle. L’atmosphère fétide qui faisait la sève d’Anthropophagous se dissipe ici au profit d’une angoisse latente, qui explose dans un dernier acte haletant : un jeu de cache-cache malsain entre l’enfant, la nourrice, la tétraplégique et le monstre, ponctué de sursauts et d’hémoglobine, dans un esprit de dégénérescence hystérique.

 
"D’Amato déchaîne la boucherie".
Mieux rythmé qu’Anthropophagous, mais plus absurde encore dans sa narration tirée par les cheveux (comme le laisse entendre son titre US !), Horrible privilégie l’horreur sanguinolente et l’action suffocante, culminant dans le huis clos domestique. Au-delà de ses défauts criants, de ses incohérences et de ses maladresses de série Z, il charme par son jusqu’au-boutisme, ses effets gore artisanaux et son score de Carlo Maria Cordio, tantôt lugubre, tantôt mélancolique, jusqu'à l'envoûtement.
À redécouvrir, sans distance, pour le plaisir d’un Z viscéral jusqu’à la moelle.
 
*Bruno
27.04.21
15.07.14
06.03.11
5èx