de Tony Williams. 1982. Australie/Nouvelle-Zélande. 1h29. Avec Jackie Kerin, John Jarrat, Alex Scott, Gerda Nicolson, Charles McCallum, Bernadette Gibson.
Sortie salles France: 30 Avril 1986
Next of Kin — Une hantise trouble, un mirage mental
En plein âge d’or du fantastique australien, qui vit déferler des premières œuvres aussi originales et poétiques qu’audacieuses (Harlequin, Les Voitures qui ont mangé Paris, Long Week-end, Picnic at Hanging Rock, La Dernière Vague), voire carrément révolutionnaires (Mad Max 1 et 2), Next of Kin s’impose discrètement, mais sûrement, dans le palmarès.
Tony Williams s’y révèle véritable auteur, renouvelant le mythe de la demeure hantée par une mise en scène quasi expérimentale.
Et pour ses adeptes fidèles, les multiples visionnages n’atténuent en rien son pouvoir d’envoûtement — au contraire. Chaque retour dans ses mailles sournoises donne l’impression étrange de le découvrir à nouveau, ou sous une lumière inédite, comme un rêve qui change de visage.
Le pitch : après la lecture du testament de sa mère, Linda hérite de la maison de retraite Montclare afin d’en assurer la relève. Mais dès la nuit tombée, d’étranges bruits et incidents domestiques surgissent. Puis un pensionnaire est retrouvé noyé dans sa baignoire. En lisant le journal intime de sa mère, elle découvre que ce qu’elle endure semble avoir déjà eu lieu — les pages du passé se superposent à son présent.
Dédié à l’atmosphère gothique d’une maison de retraite imprégnée de silence diffus, théâtre de visions macabres, Next of Kin érige un cinéma fantasmagorique et baroque.
À l’image des cauchemars nocturnes qui hantent Linda, surgissent des souvenirs d’enfance — la fillette au ballon rouge, figure spectrale — ou des visions morbides de vieillards décharnés, sublimés par des ralentis qui transforment l’eau en poème funèbre.
Les nuances de rouge et de sépia sculptent une stylisation baroque, magnifiée par une caméra incroyablement fluide, virtuose — ces travellings aériens vertigineux donnent le vertige de la dérive mentale.
Sous couvert d’un récit de hantise, Tony Williams construit un malaise insidieux, habilement nourri par la simple présence de ces pensionnaires au regard morne, presque menaçant.
Si l’intrigue, fondée sur une rancune meurtrière, semble somme toute classique, la manière dont le cinéaste en tisse les fils, dans une mise en scène minutieuse et sensorielle, produit un envoûtement réel.
Le suspense, admirablement maintenu, repose sur un art du non-dit, de la suggestion, jusqu’à cette bascule brutale dans une explosion de violence.
Mais là encore, Tony Williams ne cède pas à la facilité du gore outrancier — ou alors si peu — préférant poursuivre sa fulgurance visuelle, toujours en accord avec le tempo musical.
La partition métronomique et obsédante de Klaus Schulze y est pour beaucoup, mais l’interprétation de la troublante Jackie Kerin n’est pas en reste.
Avec son visage blême, son regard chargé d’angoisse contenue, elle nous entraîne dans ses doutes, sa solitude, sa douleur sourde — jusqu’à une bravoure finale d’une intensité rare.
Chef-d’œuvre discret mais incontestable du fantastique insolite, Next of Kin utilise le mythe de la maison hantée comme leurre, pour mieux nous piéger dans un récit mental, un labyrinthe sensoriel.
Angoisse éthérée, atmosphère suspendue, intensité émotionnelle rare : tout converge vers la psyché d’une héroïne perdue au cœur d’un lieu figé hors du temps.
Grâce à la maîtrise de sa réalisation léchée, à la richesse de sa photographie et aux jeux d’ombres naturelles, Next of Kin rejoint sans rougir les grandes clés de voûte de la maison oppressante :
La Maison du Diable, Les Innocents, Trauma, Ne vous retournez pas (pour sa cartographie mentale de Venise), Le Cercle infernal, L’Enfant du Diable.
Prix de la mise en scène, Sitges.