lundi 6 octobre 2014

Les 3 Visages de la Peur / I Tre Volti della Paura / Black Sabatth

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com

de Mario Bava. 1963. Italie. 1h28. Avec Michèle Mercier, Lydia Alfonsi, Boris Karloff, Mark Damon, Susy Anderson. Jacqueline Pierreux, Milly Monti.

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


"Trois visages, un seul cauchemar : la peur sculptée par Mario Bava".
Après avoir posé les bases du giallo avec La Fille qui en savait trop, Mario Bava s’essaie, la même année, au film à sketch avec une trilogie de l’épouvante : Les Trois Visages de la Peur. Transcendé par une mise en scène appliquée, où l’ambiance onirico-macabre prime sur la logique narrative, le film s’articule autour de trois figures hostiles — autant de masques cauchemardesques destinés à attiser la peur. Celui d’un tueur anonyme harcelant son ancienne maîtresse au téléphone ; celui d’un vampire hantant une famille de paysans ; celui enfin d’un spectre vengeur revenu réclamer une bague volée à son cadavre encore tiède.

Le premier sketch, thriller en huis clos, joue la carte du suspense tendu, porté par un scénario retors jalonné de deux rebondissements cinglants. L’intérêt naît dans l’inattendue révélation de la culpabilité de l’assassin — avant qu’un nouvel intrus ne relance, in extremis, l’enjeu de survie de l’héroïne. Perfide, sensuel, captivant, le segment insinue le saphisme en filigrane, et s’enrobe d’un esthétisme raffiné : broderies, sculptures, drapés — un cocon luxueux devenu piège. Sa conclusion, férocement ironique, claque comme un fouet.


La seconde histoire s’enracine dans le mythe vampirique — ici incarné par les Wurdulaks, d’après une légende russe. Plus classique dans sa construction, elle envoûte pourtant par son atmosphère et la stature du grand Boris Karloff, impressionnant en vampire bourru, maître dans l’art du subterfuge. Là encore, Bava enchante par la splendeur gothique de son univers : ciels d’encre, halos lunaires, clair-obscurs crépusculaires… une nuit azurée qui semble éternelle.

Le troisième segment — le plus célèbre, le plus marquant — distille un poison lent. Celui de la terreur rampante, sournoise, presque silencieuse. Une infirmière, ayant dérobé une bague à une défunte, est peu à peu gagnée par la démence, assaillie par les signes d’un au-delà rancunier : une goutte d’eau qui résonne, une mouche qui obsède, une ombre dans le couloir. Atmosphérique en diable, ce conte vénéneux exploite chaque bruit, chaque silence, jusqu’à l’asphyxie. Visuellement, c’est un ballet lugubre dans des intérieurs aux décors archaïques, d’une beauté malade. Et surgit alors cette vision — celle d’une mégère rigide au rictus diabolique, au regard vide et exorbité — figure spectrale inoubliable, double d’épouvante qui s’impose comme une icône du cinéma d’horreur.


Atmosphérique et stylisé, Les Trois Visages de la Peur brille par ses décors ciselés, magnifiquement éclairés, où chaque détail séduit tout en faisant frissonner. Mario Bava, esthète dans l'âme, y convoque l’angoisse, l’inquiétude, la sensualité (ces femmes italiennes — sans omettre Michèle Mercier, d’une fragilité fascinante, qui crèvent l’écran), mais aussi la terreur pure — servie par une réalisation studieuse, où l’imagination macabre épouse l’ironie insidieuse de l’humour noir. Une splendeur de chaque instant. 

Bruno 
29.05.25. 4èx


vendredi 3 octobre 2014

Borderland

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Zev Berman. 2007. Mexique/U.S.A. 1h45 (version longue). Avec Brian Presley, Rider Strong, Jake Muxworthy, Beto Cuevas, Martha Higareda, Sean Astin.

Inédit en salles en France.

FILMOGRAPHIE: Zev Berman est un réalisateur et scénariste américain.
2003: Briar Patch. 2007: Borderland.


Sorti directement en Dvd en pleine vogue du Tortur'Porn, Borderland s'inspire des méfaits authentiques d'une secte mexicaine dirigée par le gourou Adolfo Constanzo. Vers la fin des années 80, il kidnappa avec l'aide de ses disciples et de flics véreux des trafiquants de drogue pour les sacrifier lors de cérémonies. C'est à la suite de la disparition d'un jeune américain que la police Texane pu enfin découvrir leurs méthodes crapuleuses notamment mêlées au trafic de drogue. Mais afin d'éviter la prison, Adolfo Constanzo opta en dernier recours au suicide...
De manière romancée, le récit illustre donc la virée estivale de trois touristes américains près de la frontière mexicaine pour profiter d'alcool et de sexe parmi les catins du coin. Alors que Ed se prend d'amitié avec une serveuse de bar, un de ses compagnons disparaît mystérieusement après avoir absorbé des champignons hallucinogènes. Avec l'aide d'un policier revanchard, unique rescapé d'un guet-apens commis un an au préalable par le "grand-prêtre", Ed et ses amis tentent de retrouver sa trace.


A la vue de son prologue radical où diverses tortures sont infligées sur un policier menotté face au témoignage impuissant de son collègue, Borderland semble emprunter les sentiers balisés de l'horreur trash afin de répugner le spectateur. La séquence extrêmement violente adoptant réalisme cru et malaise diffus pour provoquer le haut-le-coeur sans céder toutefois à la complaisance facile. Si ensuite la virée touristique des jeunes américains semble calquée sur la série des Hostel, l'intrigue s'avère suffisamment captivante dans la gestion du suspense et parfois aléatoire dans le cheminement investigateur des héros pour s'y laisser embarquer. Outre l'étiquette "fait-divers" estampillée lors du générique liminaire, Borderland s'avère d'autant plus réaliste et insensé qu'il illustre avec acuité les motivations crapuleuses de véritables psychopathes originaires d'une secte mystique. Des assassins sans vergogne fanatisés par l'éthique de leur gourou qui commettront le rituel de sacrifices sur d'innocentes victimes ! Si le film insuffle une intensité émotionnelle davantage éprouvante, de par le sort réservé à deux autres victimes et par la tournure de son point d'orgue vindicatif, il le doit au caractère assez attachant des personnages pourvus de dimension humaine dans leur angoisses et leur désespoir d'y retrouver un ami sauf (bien que dernier soit plutôt mal caractérisé dans son état d'esprit trop naïf). En prime, l'atmosphère lourde et mystique qui règne autour de leur présence est notamment renforcée d'une splendide photo saturée mettant en valeur les décors exotiques d'une région mexicaine livrée à la corruption et aux forces du Mal.


De par sa réalisation assez efficace, son interprétation plutôt impliquée (même si deux seconds-rôles  - la victime juvénile en proie au sacrifice et l'amie du héros -) demeurent discutables dans leur posture irresponsable ou irréfléchie) et surtout son réalisme parfois insoutenable, Borderland se tire honorablement des situations prévisibles afin de se démarquer du vulgaire Tortur'porn. Par l'entremise d'une intrigue improbable inspirée d'un authentique fait divers (comme le confirme également le générique de fin explicatif), cette série B aussi putride que franchement malsaine demeure d'autant plus malaisante, terrifiante et surtout éprouvante qu'elle amorce une intensité dramatique en crescendo lors du parcours précaire de nos héros confrontés à la symbolique sataniste d'une tribu mexicaine avide de sang frais pour tenir lieu de narcotrafic.
Pour public averti.

*Bruno
14.01.25. 3èx. Vost

jeudi 2 octobre 2014

LES CHIENS DE PAILLE (Straw Dogs)

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Sam Peckinpah. 1971. Angleterre/U.S.A. 1h57. Avec Dustin Hoffman, Susan George, Peter Vaughan, T.P. McKenna, Del Henney, Jim Norton, David Warner,

Sortie salles France: 9 Février 1972. U.S: 29 Décembre 1971

Film classé R par le MPPA à sa sortie en salles aux Etats-Unis, classé X à sa sortie au Royaume-Uni, et interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salles en France.

FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984. 1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


"Ceux qui ont recours à la violence deviennent sourds au langage de la raison et aveugles aux réalités qui témoignent de sa nuisance." Logan Pearsall Smith.

Considéré comme le film américain le plus controversé des seventies en terme d'ultra violence parmi ses confrères Orange Mécanique et Délivrance, Les Chiens de Paille reste sans doute l'oeuvre la plus éprouvante du trio de par son intensité requise où la folie meurtrière atteint son paroxysme lors d'un point d'orgue de règlements de compte. Le pitchUn couple de mariés s'installe dans une ferme anglaise, contrée natale de la jeune épouse. Afin d'arranger la toiture de leur grange, ils font appel à des ouvriers ne tardant pas à manifester leur attirance lubrique pour Amy, la femme du propriétaire. 
Drame conjugal, survival et Vigilante movie se télescopent pour mettre en exergue le traitement de la discorde, de la violence et de l'instinct primitif enfoui en chacun de nous. Les Chiens de Paille s'édifiant en film "monstre", l'illustration radicale de la déchéance humaine lorsqu'une poignée d'insurgés sont soumis au rapport de force les poussant à commettre des actes irréparables. Profondément dérangeant et malsain (un sentiment trouble d'appréhension plane dans l'atmosphère jusqu'au carnage final), Sam Peckinpah nous entraîne ici dans une descente aux enfers, une dérive meurtrière jusqu'au-boutiste lorsqu'un mathématicien timoré et peu affirmé décide d'extérioriser sa colère afin de déjouer l'entêtement d'assaillants voulant pénétrer à l'intérieur de sa propriété.


Précédemment mis au défi par sa femme immature l'ayant sollicité à lui prouver qu'il serait apte à  tenir tête à une bande de provocateurs, David profite de l'occasion pour lui démontrer son autorité et mettre en pratique une rébellion insoupçonnée afin de pouvoir gérer une situation de crise. Les conséquences de cet état de siège émanant de son soutien envers un villageois qu'il eut recueilli chez lui après l'avoir renversé avec son véhicule. En attendant le médecin et la police, il décide donc de le prémunir contre la menace d'alcoolos revanchards. Spoiler ! Mais le hic s'avère que cet individu déficient commis un meurtre accidentel auprès d'une adolescente. Fin du spoiler. Fermement persuadés qu'il s'agit bien du coupable, le père de cette dernière et ses acolytes décidèrent d'encercler la ferme afin de réparer justice. Si dans cette dernière partie on pouvait craindre que le récit allait bifurquer vers la vengeance expéditive du point de vue du mathématicien (son épouse ayant été préalablement violée par deux des ouvriers !), Sam Peckinpah renforce le malaise si bien que David se transforme en machine à tuer uniquement par esprit de défi afin de préserver Spoiler ! le meurtrier d'une adolescente. Fin du Spoiler. De par l'illustration crue du double viol commis précédemment, là encore le cinéaste impliqua un malaise trouble afin de souligner l'ambiguïté morale d'une jeune épouse instable et aguicheuse, partagée entre peur et dégoût d'une sexualité forcée et celui d'un soupçon de laxisme accordé à l'un de ces agresseurs (ce dernier s'avérant une de ses anciennes idylles). Ainsi, en illustrant le portrait de métayers alcoolos et pervers avec celui de la complicité d'une potiche puérile, notamment sollicitée à défier la virilité de son époux, Sam Peckinpah libère les conséquences dramatiques de leur bassesse humaine. Quand bien même l'intelligence du mathématicien (il élabore scrupuleusement des pièges mortels contre l'oppresseur !) renouera avec ses pulsions animales pour s'y défendre et leur prouver son assurance impérieuse.


Chef-d'oeuvre de suspense d'une intensité rarement égalée à travers son paroxysme d'une fureur animale, Les Chiens de Paille éprouve jusqu'au malaise de par son cheminement pervers irréversible. Avec une rare lucidité dans la puissance de ces images viscérales et pour ces thèmes traités, il nous interroge sur l'influence de la violence et l'engrenage de l'auto-défense lorsque l'instinct primitif y réveille nos pulsions les plus morbides.   

La critique du Remake 2011: http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/les-chiens-de-paille-2011-straw-dogs.html

Dédicace à Daniel Aprin
Bruno Matéï
4èx

mercredi 1 octobre 2014

The Crazies / La Nuit des Fous-vivants

                                            
               (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site silverferox.blogpost.com. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).

de Georges A. Romero. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Lane Carroll, Will MacMillan, Harold Wayne Jones, Lloyd Hollar, Lynn Lowry, Richard Liberty.

Sortie salles France: 5 Juillet 1979. U.S: 16 Mars 1973

FILMOGRAPHIE: George Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York. 1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead.


"L’Amérique sous quarantaine : folie blanche sur fond de nappe phréatique"

Réalisé cinq ans après La Nuit des Morts-Vivants, The Crazies annonce déjà la couleur — blafarde — d’une apocalypse imminente, prémices de celle déployée dans Dawn of the Dead.
Tourné dans l’urgence avec un réalisme quasi documentaire, le film déploie cette même vigueur de montage, cette même violence sèche, où une poignée de survivants se retrouve à lutter, non contre des zombies, mais contre la brutalité aveugle de militaires en combinaison blanche. Un chaos qui évoque immanquablement le prologue de Zombie, lorsque la milice enfonce les portes d’un ghetto afro-américain et portoricain, ravagé par les morts-vivants.

Le pitch : placée en quarantaine, la ville d’Evans City passe sous la coupe de la loi martiale, après qu’un virus a contaminé une partie de la population. Très vite, la situation dégénère. Certains refusent de se plier à l’autorité, et cinq résistants prennent la fuite, réfugiés dans une campagne aussi vaste que toxique.


Tourné avec un budget dérisoire et porté par des comédiens souvent inconnus, The Crazies souffre de sa mise en scène fauchée, mais c’est précisément ce qui renforce son aspect docu-vérité. Ses défauts se fondent dans une atmosphère réaliste de crise sanitaire erratique, où les habitants deviennent tributaires d’une contamination invisible. Le récit, fertile en rebondissements, repose moins sur le spectaculaire que sur la tension brute : celle d’une quarantaine bâclée, imposée par des militaires irascibles à une population laissée dans l’ignorance, errante dans un brouillard d’incompréhension et de peur. Les victimes sombrent subitement dans la folie, puis dans le meurtre, après qu’un avion militaire s’est écrasé en relâchant un agent chimique dans la nappe phréatique.

Encore une fois, George A. Romero capte avec un réalisme mordant la folie latente d’un monde contaminé, et montre comment la peur, la panique, et la paranoïa mènent les hommes à leur propre ruine. Méfiance, incommunicabilité, défiance : chacun se replie sur soi, seul face au chaos. En prime, le mensonge politique s’invite : l’armée, pour se couvrir, évoque un accident nucléaire plutôt qu’un échec d’arme chimique — dont elle est pourtant l’instigatrice.


Une satire mordante sur la peur de l'autre et de l'inconnu
Efficace, psychologiquement terrifiant, subversif, The Crazies déploie un pamphlet acide contre l’autoritarisme et les armes chimiques. Le sang coule, mais il souille autant les mains des militaires que celles des résistants, corrompus à leur tour dans une violence d’autodéfense. En dépit de sa maladresse et de son manque de rigueur formelle — qui, paradoxalement, lui donnent sa puissance brute —, le film reste une fascinante étrangeté aussi glaçante que désespérée. Un portrait sans fard de l’hypocrisie humaine, où l’individualité se désagrège dans la peur, et où l’inconnu devient le reflet terrifiant de soi-même.

*Bruno
4èx. 14.05.25. Vostf

mardi 30 septembre 2014

L'HORRIBLE DR ORLOF (Gritos en la noche)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Jess Franco. 1962. Espagne. 1h27. Avec Howard Vernon, Conrado San Martin, Diana Lorys, Perla Cristal, Maria Silva, Ricardo Valle, Mara Laso.

Sortie salles France: 1er Octobre 1962. U.S: 7 Octobre 1964. Espagne: 14 Mai 1962

FILMOGRAPHIE: Jess Franco (Jesus Franco Manera) est un réalisateur espagnol, né le 12 Mai 1930 à Madrid, décédé le 2 Avril 2013.
1962: L'Horrible Dr orlof.  1962: Le Sadique Baron Von Klaus. 1964: Les Maîtresses du Dr Jekyll. 1966: Le Diabolique Dr Zimmer. 1969: L'Amour dans les prisons des femmes. 1969: Justine ou les infortunes de la vertu. 1970: Les Nuits de Dracula. 1970: Le Trône de Feu. 1971: Vampyros Lesbos. 1972: Les Expériences Erotiques de Frankenstein. 1972: Dracula prisonnier de Frankenstein. 1972: La Fille de Dracula. 1973: Quartier des Femmes. 1973: Christina chez les Morts-Vivants. 1974: La Comtesse Noire. 1974: Eugénie de Sade. 1976: Jack l'Eventreur. 1980: Terreur Cannibale. 1980: Mondo Cannibale. 1981: Sadomania. 1981: Le Lac des Morts-Vivants (co-réal). 1982: L'Abîme des Morts-Vivants. 1982: La Chute de la maison Usher. 1988: Les Prédateurs de la Nuit. 2002: Killer Barbys.


Fer de lance de l'âge d'or du fantastique ibérique, l'Horrible Dr Orlof est une déclinaison bisseuse du chef-d'oeuvre de Franju, les Yeux sans Visage. Considéré comme le meilleur film de l'intarissable Jess Franco, l'Horrible Dr Orlof confronte l'hommage direct à la Universal à d'autres références un peu plus récentes (le prélude semble suggérer l'ombre de Jack l'Eventreur avec cette prostituée éméchée divaguant dans une sombre ruelle !) sous une mise en forme vulgarisée d'horreur et d'érotisme. Soigneusement éclairé dans un joli noir et blanc et renforcé de décors gothiques parfois baroques, l'Horrible Dr Orlof possède une patine espagnole aussi particulière que la personnalité excentrique du cinéaste. Afin de redorer la beauté de sa fille défigurée, le Dr Orloff et son domestique Morpho kidnappent des jeunes filles pour expérimenter des greffes de peau. Grâce aux témoignages de certains badauds, la police établit deux portraits robots des potentiels agresseurs quand bien même le collier d'une disparue est retrouvé à proximité d'une rivière.


Illustrant de manière quelque peu fantasque une horreur séculaire avec l'esprit décomplexé de gore timoré et de sexe audacieux (de par la gratuité imposée aux rares scènes de nudité !), l'Horrible Dr Orlof baigne dans une ambiance rétro quasi intemporelle ! Ce sentiment inédit de participer à une épouvante versatile est notamment renforcé par les présences grand-guignolesques d'Orloff et de son acolyte Morpho ! Howard Vernon endossant la défroque du chirurgien avec cabotinage d'orgueil et de vanité tandis que Ricardo Valle adopte le charisme du monstre mutique par le biais d'un regard exorbité. Franchement impressionnant par sa physionomie difforme balafrée d'une cicatrice, ce dernier réussit à insuffler un climat onirico-macabre particulièrement envoûtant autour de ses interventions. Le caractère naïf de l'entreprise est également renforcé par la maladresse des dialogues et de son humour parfois pittoresque (les témoignages des deux marginaux au poste de police) alors que Jess Franco exploite avec sincérité l'illustre trame de Franju dans l'unique but de divertir. La vigueur du récit alternant sans temps morts péripéties horrifiques, investigation et stratégie policière, discorde conjugale (l'épouse d'Orloff répugne de plus en plus son attitude immorale et égotiste) et intervention chirurgicale émane autant de l'efficacité de sa réalisation techniquement soignée.


Classique notoire des années 60 annonçant l'émancipation du Fantastique Espagnol en passe de transgresser la violence horrifique, l'Horrible Dr Orlof est autant un délicieux hommage à l'épouvante archaïque qu'une perle bisseuse où l'insolite prime parmi l'exubérance des meurtriers.

Bruno Matéï
3èx

lundi 29 septembre 2014

Mansion of the Doomed

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Michael Pataki. 1976. U.S.A. 1h26. Avec Richard Basehart, Gloria Grahame, Marilyn Joi, Trish Stewart, Lance Henriksen, Al Ferrara.

Récompense: Prix d'interprétation masculine pour Richard Basehart au Festival du Rex de Paris 1977

FILMOGRAPHIE: Michael Pataki est un acteur, réalisateur et producteur américain, né le 16 Janvier 1938 à Youngstown (Etats-Unis), décédé le 15 Avril 2010 à North Hollywood.
1976: Mansion of the Doomed. 1977: The Hardy Boys (série TV). 1977: Cinderella.


Inédit en France, hormis son passage remarqué au Festival du Rex de Paris (avec en prime un Prix d'interprétation masculine tout à fait mérité pour Richard Basehart - "plus le méchant est réussi, meilleur le film sera !" -), Mansion of the Doomed est une production Charles Band faisant parti du haut du panier de par son interprétation plus convaincante que de coutume, sa réalisation inspirée et son ambiance putride typiquement issue des seventies, époque à laquelle il fut modestement conçu. 

Synopsis: A la suite d'un grave accident de voiture qui rendit sa fille aveugle, un chirurgien tente de multiples greffes sur des quidams imprudents afin de lui redonner la vue. En attendant le succès de ses expériences, les cobayes énucléés sont parqués dans une geôle au sous-sol de sa demeure. 

Variation putassière des Yeux sans Visage de Franju, Mansion of the Doomed est le prototype de la série B d'exploitation bâtie sur un pitch éculé prétexte aux débordements horrifiques. L'histoire répétitive illustrant les exactions d'un chirurgien adepte de kidnappings afin d'y parfaire sa nouvelle intervention chirurgicale de dernier ressort parmi la complicité de sa femme. 


Or, paradoxalement, ce sentiment de redondance n'est nullement préjudiciable pour l'intérêt du spectateur si bien que le réalisateur réussit fort efficacement à nous faire omettre sa routine auprès d'habiles rebondissements (la tentative d'enlèvement pratiquée sur une fillette, les deux témoins qui s'ensuivent dévoyés par la transaction du meurtrier, l'évasion inespérée d'une des prisonnières puis la sédition finale) et l'intrusion de nouveaux protagonistes livrés à la déchéance et à l'impuissance. En prime, le comportement sournois et immoral du couple de meurtriers participe notamment à la progression d'une atmosphère davantage malsaine. Car au fil des échecs successifs du praticien, le nombre croissant des victimes afflue au sein d'une prison confinée dans la pénombre. En observant ses exactions expérimentales, le climat glauque s'exacerbe au sein de sa luxueuse demeure, notamment lorsque le réalisateur succède aux conditions de vie miséreuses des prisonniers réduits à l'isolement et à l'esclavage. Epaulé d'effets spéciaux artisanaux de Stan Winston, les visions d'effroi émises sur les victimes impressionnent de par l'aspect déliquescent de leur faciès. A cet égard, la première séquence illustrant l'agression d'un prisonnier auprès de l'épouse du médecin demeure percutante à travers son effet de surprise improvisé et pour l'aspect morbide de l'assaillant réduit à la déchéance humaine. 


Série B charnelle puisque illustrant avec soin formel, sincérité et modestie une horreur glauque particulièrement réaliste, Mansion of the Doomed  vaut largement le détour pour l'aspect poisseux de son huis-clos étouffant où des freaks réduits à la cécité tentent d'y survivre avec une expressivité à la fois aliénée et désespérée. Une perle horrifique au demeurant, à (re)découvrir d'urgence !

*Bruno
13.03.25. 2èx. Vost

Remerciement à l'Univers Fantastique de la Science-Fiction

Ci-dessous, une autre critique favorable: http://jeanmarcmicciche.blogspot.fr/2014/09/mansion-of-doomed-prix-dinterpretation.html

vendredi 26 septembre 2014

Cabin Fever

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site vertigofilms.es

d'Eli Roth. 2002. U.S.A. 1h38 (Director's Cut). Avec Rider Strong, James DeBello, Jordan Ladd, Cerina Vincent, Joey Kern, Giuseppe Andrews.

Sortie salles France: 25 Août 2004. U.S: 14 Septembre 2002

FILMOGRAPHIE: Eli Roth est un réalisateur américain, né le 18 Avril 1972 à Boston.
2002: Cabin Fever. 2006: Hostel. 2007: Thanksgiving (faux trailer). 2007: Hostel 2. 2009: Nation's Pride - Stolz der Nation (trailer). 2013: The Green Inferno.


Premier essai derrière la caméra d'Eli Roth, Cabin fever est un hommage aux séries B gores inspiré ici d'une maladie que le réalisateur eut lui même traité. Le Psoriasis (également prénommé "gale" par nos ancêtres) étant une maladie de la peau se caractérisant par, je cite: "des lésions rouges et squameuses du cuir chevelu, des genoux et des coudes, associés à une atteinte des ongles". Dans certains cas, il peut également atteindre les articulations du malade. Cette pathologie d'origine inconnue ne s'avère pas contagieuse et il n'existe à ce jour aucun traitement pour en guérir bien qu'un palliatif permet d'en réguler son évolution. C'est donc à partir de cette affection dermatologique qu'Eli Roth bâti son intrigue et y exploite l'outrance à renfort de visions horrifiantes de corps estropiés rongés de l'intérieur. Le pitch reprend le canevas traditionnel de jeunes teenagers partis rejoindre une cabane de location au milieu d'un bois. Un soir, ils sont importunés par un vagabond atteint d'une étrange fièvre leur suppliant de lui porter assistance. Seulement l'inconnu est dans un état physique si repoussant qu'ils décident de s'en débarrasser. Trop tard, l'infection s'est déjà infiltrée parmi eux et chacun leur tour ils vont sombrer dans une déchéance physique moribonde. 


Endossé par des comédiens juvéniles de seconde zone, Cabin fever souffre inévitablement d'une psychologie rudimentaire à travers leurs comportements aussi crétins qu'irresponsables. Là où le bas blesse un peu c'est qu'un manque d'empathie s'y fait parfois ressentir dans leur situation de détresse et d'impuissance face au danger infectieux. Qui plus est, la première partie laborieuse prend son temps à planter l'intrigue dans leur flânerie imposée, tel ce feux de camp qu'ils s'improvisent autour de marshmallow parmi un invité surprise, ou encore cette chasse à l'écureuil, quand bien même la caricature assénée à certains d'entre eux finit par agacer ! Je songe principalement au blagueur potache ne pouvant s'empêcher de se comporter tel un pitre écervelé dans ses défis inconscients. C'est donc à mi-parcours qu'Eli Roth embraye l'action à dose de péripéties et rebondissements sanglants où nos héros vont devoir communément mesurer leur courage et leur loyauté pour tenter de survivre mais aussi invoquer de l'aide. Pour renforcer le caractère alarmiste de leur détresse, un groupe de rednecks revanchards a également décidé de leur faire la peau depuis la disparition de leur confrère (la première victime qui était intervenue chez nos teenagers). Efficacement troussées car menées sur un rythme alerte, ses incidents s'enchaînent de manière métronome en insistant en intermittence sur les visions abominables de corps infectées par le virus, et ce en dépit de la clarté d'un gore trop imberbe si j'ose dire lors de certaines scènes chocs largement perfectibles. Alors que vers d'autres séquences autrement réalistes, Eli Roth se prend un plaisir sardonique à exacerber l'horreur viscérale lorsque la peau et la chair des souffre-douleurs laisse entrevoir des plaies déchiquetées (d'un rouge beaucoup trop clair une fois de plus !)


Produit d'exploitation destiné avant tout aux ados, Cabin Fever fonctionne assez efficacement dans sa seconde partie fertile en poursuites, rixes sanglantes et visions horrifiques de corps mutilés. Si la sympathie l'emporte finalement, notamment auprès de son attachant 1er acte quant à la complicité amicale des teenagers, il ne laisse pas non plus un souvenir impérissable en dépit de l'évidente bonne volonté du réalisateur d'alterner humour noir et horreur trash dans un esprit décomplexé émaillé de blagues potaches. 

* Bruno
12.03.11
26.09.14
21.10.22. 4èx


jeudi 25 septembre 2014

MAPS TO THE STARS. Prix d'Interprétation Féminine, Julianne Moore, Cannes 2014

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinecomca.com

de David Cronenberg. 2014. Canada/U.S.A/Allemagne/France. 1h51. Avec Julianne Moore, Mia Wasikowska, John Cusack, Robert Pattinson, Olivia Williams, Sarah Gadon, Evan Bird.

Sortie salles France: 21 Mai 2014

Récompense: Prix d'Interprétation Féminine pour Julianne Moore au Festival de Cannes, 2014.

FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969: Stereo. 1970: Crimes of the Future. 1975: Frissons. 1977: Rage,1979: Fast Company. 1979: Chromosome 3. 1981: Scanners. 1982: Videodrome. 1983: Dead Zone. 1986: La Mouche. 1988: Faux-semblants. 1991: Le Festin nu. 1993: M. Butterfly. 1996: Crash. 1999: eXistenz. 2002: Spider. 2005 : A History of Violence. 2007: Les Promesses de l'ombre. 2011: A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014: Maps to the Stars.


Après deux oeuvres auteurisantes plutôt discutables, David Cronenberg nous revient en grande pompe avec cette satire corrosive sur l'envers d'Hollywood, peinture acide du star-system auquel une poignée d'engeances vont se soumettre à leurs pires névroses. Toxicomanie, inceste, perversion et folie font parti du trouble quotidien des Weiss, compromis par ailleurs par un secret de famille inavouable. 


Alors que leur fils de 13 ans tente vainement de se réapproprier un rôle important dans une suite à succès, sa soeur Agatha refait surface après son internement en psychiatrie, faute d'une pathologie pyromane. Eprise d'affection pour un chauffeur de limousine en quête de célébrité, elle réussit à rapprocher Havana Segrand pour obtenir un emploi d'assistante. Cette actrice sur le déclin hantée par la mort de sa mère, ancienne gloire du grand écran, postule pour un premier rôle afin de la concurrencer. Tous ces personnages insidieux habités par la cupidité et la mégalomanie vont se croiser et se fréquenter jusqu'à ce que leurs démons ne les convergent au point de non-retour. Baignant dans l'ironie caustique de leur comportement débauché où luxure, drogue, aliénation et inceste les plongent dans une perpétuelle paranoïa, Maps to the Stars s'édifie en farce d'un mauvais goût aussi assumé que délectable. Dans la caricature véreuse assénée aux stars d'Hollywood rendues capricieuses de leur richesse et leur assistanat mais toujours plus férues de renommée. En alchimiste du malaise, David Cronenberg renoue avec les climats éthérés de certaines de ses oeuvres pour distiller au compte-goutte un sentiment de gêne qui ira crescendo au fil de la descente psychotique de certains personnages. Illustrant également l'artifice de soirées branchées où l'on cause de projets infructueux, de sexe et scatologie avec un langage trivial, les personnages se complaisent dans l'outrance afin de pallier leur impitoyable solitude. La peur de l'échec, de devenir un Has-been du jour au lendemain les poussent également à raviver leur démon intérieur dans leur condition d'enfants capricieux coexistants dans l'illusion. 


Affreux, sales et méchants !
A travers sa galerie pathétique de monstres issus de l'industrie d'Hollywood, David Cronenberg lève le voile sur la gangrène de la célébrité avec un humour au vitriol profondément dérangeant. Son climat de malaise reptilien gravitant progressivement autour des personnages au fil de leur cheminement névrotique. Outre l'utilisation subtile d'une bande-son envoûtante et la qualité indiscutable de l'interprétation extravagante, on retiendra surtout la performance viscérale de Julianne Moore dans un rôle équivoque d'actrice hantée par l'inceste et l'anonymat. Une oeuvre aussi vénéneuse et malsaine que le poison de la popularité.

Dédicace à Daniel Aprin
Bruno Matéï


mercredi 24 septembre 2014

Le Fantôme de l'Opéra / The Phantom of the Opera

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site www31horrorscom.blogspot.com

de Terence Fisher. 1962. Angleterre. 1h24. Avec Herbert Lom, Heather Sears, Edward de Souza, Michael Gough, Thorley Walters, Ian Wilson.

Sortie salles France: 23 Février 1963. U.S: 15 Août 1962. Angleterre: 25 Juin 1962

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville. 1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


"A l'instar de la personnalité torturée du fantôme, une oeuvre personnelle à la fois maudite et mal aimée, à réhabiliter."
Echec commercial lors de sa sortie, le Fantôme de l'opéra dérouta sans doute le spectateur pour son climat austère particulièrement déroutant il faut avouer. En prime, Terence Fisher adapte le roman de Gaston Leroux de manière personnelle si bien que la romance impartie entre le fantôme et la cantatrice est ici occultée au profit d'une vengeance latente. Ce parti-pris anticonformiste frustra sans doute une majorité du public qui s'attendait à une représentation fidèle du bouquin. Or, sous la houlette d'un maître du Fantastique, le Fantôme de l'Opéra s'avère toutefois une grande tragédie sur la passion artistique, en l'occurrence celle de l'opéra et de sa composition musicale que le professeur Petrie eut studieusement écrit 10 ans durant. Car incité à vendre sa création auprès d'un directeur d'opéra mégalo, il se fera usurper son travail d'une frauduleuse signature. Fou de colère, Petrie s'empresse alors de brûler les publications de son texte dans l'atelier d'imprimerie mais se brûle gravement le visage avec de l'acide nitrique. Par chance, il réussit à plonger dans un fleuve pour y rejoindre les égouts avec l'aide d'un vagabond. Délibéré à accomplir sa vengeance auprès du directeur mais aussi à parfaire son numéro d'opéra, il hante les loges administratives afin d'y sélectionner sa cantatrice ayant l'opportunité de chantonner son texte. 


Ainsi, sous couvert de climat fantastique où plane l'ombre d'un fantôme au coeur d'un amphithéâtre, Terence Fisher suggère d'abord sa présence par des chuchotements qu'il souffle derrière les loges des cantatrices. Une manière anxiogène d'imposer son autorité uniquement motivée par le choix d'une artiste mais aussi par le besoin de vengeance et de reconnaissance. L'incarnation fantaisiste du fantôme n'est donc ici qu'une allégorie car elle se rapproche explicitement du monstre difforme dont le visage est ici protégé d'un masque. Par ailleurs, la densité du récit émane de son esprit torturé en mal de notoriété, ses ambitions artistiques n'ayant jamais pu être reconnues auprès du public. Ce sentiment d'impuissance et d'injustice atteindra son apogée lorsque Fisher nous relate par le biais du flash-back la transaction artistique de Petrie avec Ambrose et les conséquences désastreuses qui s'ensuivront passée la trahison. Au niveau des rapports intimes du fantôme et de la cantatrice confinés dans le sous-sol des égouts, on est également surpris de sa cruauté autoritaire puisque n'hésitant pas à gifler sa muse à plusieurs reprises afin de la forcer à peaufiner sa voix. Or, avec l'indulgence de cette dernière et celui du producteur d'opéra ayant finalement découvert sa planque, le fantôme réussira à exaucer son rêve pour découvrir en tant que "spectateur" sa représentation lyrique d'une pièce de Jeanne d'Arc ! Une mise en abîme, un final emphatique enfin émotif, tant par l'intensité du numéro musical chantonné par la cantatrice que par le témoignage poignant du fantôme, garant privilège de son ultime chef-d'oeuvre, quand bien même son sacrifice fera écho d'une rédemption.


Déroutant par son climat sévère et son rythme langoureux mais transcendé par la force du récit et la conviction des comédiens (Michael Gough excelle dans son personnage détestable de Lord égotiste, Herbert Lom exprime une émotion subtile sous son masque plâtreux et la jeune Heather Sears étonne dans sa discrétion naturelle !), Le Fantôme de l'Opéra s'avère peut-être la plus baroque des transpositions pour mettre en appui l'amour de l'art plutôt que la romance des coeurs. En résulte une production Hammer inhabituelle sollicitant une certaine exigence de la part du public de par son aspect hétérodoxe, son refus de facilité, de fioriture, d'intensité romantique. D'où ce manque d'émotions et d'une certaine vigueur le long du récit, et c'est un brin dommage car le chef-d'oeuvre fut à deux doigts de se concrétiser.  

*Bruno
19.02.25. 4èx. Vost
13.10.23. 

mardi 23 septembre 2014

Retour vers le Futur 3 / Back to the Future Part III

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site craftbeertasters.wordpress.com

de Robert Zemeckis. 1990. U.S.A. 1h58. Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Mary Steenburgen, Thomas F. Wilson, Lea Thompson, James Tolkan, Elisabeth Shue.

Sortie salles France: 18 Juillet 1990. U.S: 25 Mai 1990

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight.


Réalisé dans la foulée du précédent volet, Retour vers le Futur 3 renoue étonnamment avec les grands espaces de l'ouest américain lorsque Marty et Doc se retrouvent cette fois-ci projetés à l'époque du XIXè siècle. Mais souvenez vous un peu ! Après que la foudre frappa la voiture à explorer le temps, Doc s'était retrouvé propulsé en 1885. Délibéré à le ramener en 1985, Marty, toujours coincé en 1955, proposait au double de Doc d'emprunter sa voiture pour retourner dans le passé afin de récupérer son ami. Mais avant d'engager son nouveau périple et pour corser l'affaire, une pierre tombale indiquait que Doc sera assassiné par le bandit "Molosse" Tannen (un ancêtre de Biff Tannen) avant le 27 Octobre 1885. Ainsi, afin d'accéder au futur de 1985 et d'empêcher l'assassinat, une nouvelle course contre la montre est empruntée par nos acolytes, quand bien même une fuite de carburant de leur véhicule va les contraindre d'élaborer une stratégie de recours avec l'intervention d'une locomotive à vapeur ! Dernier volet d'une trilogie au succès tant mérité, Retour vers le Futur 3 ne change pas la recette infaillible humour/action dans cette nouvelle aventure bondissante aussi homérique que pittoresque. Bourré de clins d'oeil et d'hommages appuyés aux classiques du genre, le dépaysement est rendu encore plus extravagant auprès du genre du Western semi-parodique. 


Un concept toutefois alloué à l'acteur Michael J. Fox lorsque le cinéaste lui suggéra dans quelle époque il aimerait situer l'action afin d'y clôturer son dernier chapitre ! Toujours aussi téméraires et pleins d'enthousiasme, nos deux héros vont une nouvelle fois redoubler de bravoure et d'inventivité pour s'extraire de leur époque à l'aide d'une locomotive customisée tout en déjouant le défi de leur ennemi intarissable, Biff Tannen ! Enfin plutôt un ancêtre tout aussi couard, irascible et teigneux puisque délibéré à provoquer en duel le jeune McFly. La encore, l'acteur Thomas F. Wilson crève l'écran dans son rôle sardonique de gangster inculte habité par l'orgueil d'une soif de vaincre. Surnommé en l'occurrence Clint Eastwood, (nom emprunté à son héros préféré de westerns), Michael J. Fox jubile à l'idée de se fondre dans la peau d'un petit cow-boy toujours aussi finaud pour battre la lâcheté de "Molosse". Quand au Doc, il est cette fois-ci frappé par Cupidon depuis sa romance abordée avec la belle Clara, institutrice étrangère qu'il sauva d'un accident mortel de chariot bâché. Et pour parachever de manière aussi effrénée que périlleuse, Robert Zemeckis clôt l'aventure avec une échappée en voiture propulsée par une locomotive que nos héros achemineront à destination d'un pont pour traverser le temps ! Une scène d'anthologie remarquablement virtuose dans sa géométrie du montage cumulant incidents aléatoires lorsque nos héros tentent péniblement d'embarquer dans leur véhicule lancé à plus de 80 miles !


Drôle, spectaculaire et attendrissant, Retour vers le Futur 3 ne déçoit pas même si le concept spatio-temporel semble avoir utilisé toutes ses ressources. Mené sans répit avec l'aimable spontanéité de comédiens intarissables et rythmé du score formidablement épique d'Alan Silvestri, la trilogie s'achève avec le pincement au coeur de quitter nos héros iconiques de notre adolescence. Une offrande miraculeuse que le maître du divertissement, Robert Zemeckis, aura immortalisé de son empreinte alchimique ! 

Bruno Matéï
3èx

La critique de Retour vers le Futur: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/retour-vers-le-futur-back-to-futur.html
La critique de Retour vers le Futur 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/retour-vers-le-futur-2-back-to-

lundi 22 septembre 2014

LES POINGS CONTRE LES MURS (Starred Up). Prix du Jury, Prix d'Interprétation (Jack O'Connell) au Festival des Arcs, 2013.

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site bandeannonce.le-bouzin.com

de David McKenzzie. Angleterre. 2013. 1h45. Avec Rupert Friend, Jack O'Connell, Ben Mendelsohn, Sam Spruell.

Sortie salles France: 4 Juin 2014. Angleterre: 21 Mars 2014

Récompenses: Prix du Jury, Prix d'Interprétation Masculine pour Jack O'Connell au Festival de cinéma européen des Arcs, 2013.
Meilleur Acteur de second-rôle pour Ben Mendelsohn au British Independent Film Award, 2013.
Meilleur Acteur pour Jack O'Connell au Festival du film de Dublin, 2014.

FILMOGRAPHIE: David McKenzzie est un réalisateur anglais, né le 10 Mai 1966 à Corbridge.
2002: The Last Great Wilderness. 2003: Young Adam. 2005: Asylum. 2008: My name is Hallam. 2009: Toy Boy. 2010: Perfect Sense. 2011: Rock'n'Love. 2014: Les Poings contre les murs.


Drame carcéral d'un réalisme saisissant dans son univers de claustration dépeint, Les Poings contre les murs relate la difficile insertion d'un mineur au sein d'une prison pour adultes, au moment même où il retrouve son père après de longues années, patriarche aujourd'hui renommé auprès d'une organisation mafieuse ! Film choc d'une intensité névralgique dans le parcours du héros confronté à ses pulsions de haine mais secondé par l'humanisme d'un thérapeute, les Poings contre les murs se réapproprie du film de prison avec l'efficacité d'un script intelligent. Son intérêt résidant également dans les relations de discorde qu'Eric entretient avec son paternel, Neville.


Car pour tenir lieu de leur fierté et aussi pour réfuter la responsabilité de leur échec commun, ils n'auront de cesse de se provoquer et se rejeter la faute avec machisme obstiné. Durant leur cheminement indécis où les épreuves de force ne cessent de les interposer, le cinéaste extériorise également les sentiments de compassion et de tendresse lorsque père et fils sont contraints de s'entraider pour éviter un sort tragique. Frénétique dans les violentes altercations qu'Eric doit déjouer et endurer avec ses rivaux, et pondéré dans les séances de thérapie qu'il tente d'apprivoiser, le film ne cesse de télescoper fureur et accalmie autour de ce personnage en apprentissage. Par l'entremise d'un enseignant lui inculquant le self-control dans cet univers malsain où la violence ne cesse de les opposer à leur instinct primitif. Au centre de ces conflits hargneux, le réalisateur en profite pour dénoncer la corruption carcérale du point de vue de ceux qui la dirige lorsque matons et directeur se compromettent au crime organisé avec certains détenus afin de maquiller un suicide ! Si Les Poings contre les murs véhicule une intense émotion auprès des personnages d'Eric et de Neville, il le doit beaucoup à la décence des interprètes. Littéralement habité par la rage de vaincre, Jack O'Connell trouve le ton juste et la carrure à adopter pour endosser le rôle d'un adolescent stoïque, un écorché vif suicidaire mais peu à peu engagé dans la prudence. Pourvu d'un visage buriné par son passé criminel, Ben Mendelsohn caractérise le paternel en échec parental toujours plus hanté par sa défaite et ses remords avant la rédemption du baroud-d'honneur !


"L'enfer véritable, c'est de cesser d'aimer. Cet état d'enfermement et de solitude correspond à une aliénation profonde de l'identité humaine. L'existence entière devient une prison qui empêche toute relation vraie avec les êtres les plus proches."
Ultra violent dans les corps-à-corps impitoyables et habité par la frénésie d'un délinquant juvénile en initiation, Les Poings contre les Murs dénonce intelligemment la corruption carcérale, la haine que peut extérioriser l'enfermement et la difficile réinsertion qui s'ensuit auprès des détenus livrés à eux-mêmes. A travers le pénible parcours d'Eric et Neville, c'est également une affaire familiale qui nous est contée avec tendresse et dignité humaine. En saluant l'habileté de sa mise en scène autonome et les compositions viscérales de deux pointures viriles: Jack O'Connell et Ben Mendelsohn

Bruno Matéï

vendredi 19 septembre 2014

Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? / Cosa avete fatto a Solange ?

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Massimo Dallamano. 1972. Italie. 1h46 (version intégrale). Avec Fabio Testi, Cristina Galbo, Karin Baal, Joachim Fuchsberger, Günther Stoll, Claudia Butenuth, Camille Keaton. 

Sortie salles France: 1er Mars 1973 (Int - 18 ans). Italie: 23 Mars 1972.

FILMOGRAPHIE: Massimo Dallamano est un réalisateur et directeur de la photo Italien, ex-assistant de Sergio Leone, né le 17 avril 1917, mort le 4 novembre 1976 des suites d'un accident de voiture.
1969: La Vénus en Fourrure, 1972: Mais qu'avez-vous fait à Solange ? 1973: Piège pour un tueur, 1974, Innocence et désir, La Lame Infernale, 1975: Emilie, l'enfant des Ténèbres, 1976: Section de choc


Avertissement ! Il est préférable de lire cette chronique après avoir vu le film, son thème central étant un indice capital pour la révélation de l'intrigue !

Pour son second long-métrage, Massimo Dallamano frappe un grand coup dans le paysage du Giallo avec l'un de ses titres les plus emblématiques: Mais... qu'avez-vous fait à Solange ? Réalisé à l'orée des années 70, le film ose aborder le tabou de l'avortement sous couvert d'un thriller aussi vénéneux que pervers. Le pitch annonce déjà la couleur d'une infidélité transgressive lorsqu'un professeur renommé, Enrico Rosseni (Fabio Testi, tout en élégance virile !), entame depuis quelques temps une liaison  extraconjugale avec l'une des élèves mineures de son école catholique. Par un idyllique dimanche après-midi, alors que le couple roucoule dans la campagne, sa compagne est témoin d'un meurtre crapuleux. Celui d'une étudiante assassinée d'un coup de couteau dans le vagin. Quelques jours plus tard, par l'entremise de ses cauchemars, elle réussit à distinguer l'apparence peu commune du tueur dans une soutane de curé. Alors qu'un autre crime vient d'être perpétré, Enrico décide de mener seul son enquête. Mais les accusations se portent rapidement contre lui depuis qu'il a égaré un stylo sur les lieux du premier homicide. Thriller séminal comme seuls les italiens ont le secret, Mais qu'avez-vous fait à Solange ? joue la carte du suspense et du mystère avec une efficacité implacable !


De par sa construction affûtée alternant meurtres sordides (dont une impressionnante noyade dans une baignoire filmée en caméra subjective) et érotisme naturaliste (une assemblée de filles dévoilent leur nudité sous la douche de l'école quand bien même un voyeur est entrain de les zyeuter !) avec une efficacité métronome. Outre l'aspect captivant d'une enquête minutieusement menée par notre héros, l'intérêt émane également du titre du film en question et de la présence éventuelle de Solange si elle était en vie ? Ainsi, en brassant les thèmes du voyeurisme, du viol, de la frustration et de la perversité, Massimo Dallamano traite de l'émancipation sexuelle du point de vue de jeunes étudiantes au sein d'un institut catholique, alors qu'un enseignant infidèle se permet de courtiser avec l'une d'elles. Faute d'une doctrine puritaine inscrite dans l'abstinence, certaines auront donc décidé de former une communauté secrète afin de s'épanouir dans les bras des garçons à la sortie des cours. Si le film distille un parfum malsain plutôt dérangeant, c'est dans la culpabilité effrontée des ces lycéennes se livrant sans tabous à diverses expériences sexuelles (lesbianisme, orgie, etc...). Quand bien même l'ombre d'un tueur les traque sans relâche en les purifiant d'une lame de couteau dans l'entrecuisse. Emaillé de fausses pistes, d'indices scrupuleux (comme celui de la virginité d'Elisabeth ou des têtes d'épingles que certaines filles préservent) et de personnages interlopes, le film consolide au final une sordide histoire de traumatisme imparti à l'avortement. Bien que l'on devine facilement l'identité du tueur lors de sa dernière partie, le suspense exponentiel poursuit sa trajectoire lorsqu'il s'agit de lever le voile sur le douloureux passé de Solange mais aussi d'en expliquer les raisons vindicatives du coupable. 


Bercé par la musique timorée d'Ennio Morricone et mis en scène avec un soin esthétique épuré comme de coutume chez nos cinéastes transalpins, notamment dans la manière gracile d'y filmer ses sublimes italiennes ou dans son onirisme morbide (le premier homicide se dévoile en plein jour sous un rayon de soleil bucolique !), Mais qu'avez-vous fait à Solange ? dégage un trouble parfum de soufre et de perversité face à la responsabilité d'un catholicisme préjudiciable réfractaire à l'avortement (en Italie, il ne sera légalisé qu'à partir de 1978). 

P.S: copie HD splendide chez le Chat qui fume.

*Bruno
4èx