mercredi 12 août 2015

Cloverfield

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

de Matt Reeves. 2008. U.S.A. 1h21 (1h14 sans générique). Avec Michael Stahl-David, Mike Vogel, Lizzy Caplan, Jessica Lucas, T.J. Miller, Odette Yustman, Theo Rossi.

Sortie salles France: 6 Février 2008. U.S: 18 Janvier 2008

FILMOGRAPHIE: Matt Reeves est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 27 Avril 1966 à Rockville Centre (Etats-Unis). 1993: Future Shock (segment "Mr Petrified Forrest). 1996: Le Porteur de Cercueil. 2008: Cloverfield. 2010: Laisse moi entrer. 2014: La Planète des Singes: l'Affrontement.


D'après un concept original du producteur J.J. Abrams, Cloverfield empreinte la démarche du Found Footage afin de renforcer l'ultra réalisme d'une invasion animale au sein de l'état de New-York. C'est à dire une créature géante (dont nous ne connaîtrons jamais l'origine ) chargée ici de semer le chaos en plein coeur des cités de Manhattan. L'armée enrôlée en masse s'efforçant vainement de déjouer l'ennemi parmi l'artillerie lourde de leurs mitraillettes, lance-roquettes et missiles envoyés par chars, hélicoptères ou encore avions de chasse. Ainsi, en alliant le film de monstre, digne héritier de Godzilla et la topographie du film catastrophe, Matt Reeves rivalise de prouesse technique pour authentifier son apocalypse urbain par le principe du documenteur. Car expérience de cinéma immersive imperturbable, Cloverfield parvient miraculeusement à se démarquer de la surenchère dans son habile dosage de destruction massive et d'apparition dantesque d'une créature protéiforme terriblement charismatique. Or, jouant également sur la suggestion en retardant le plus souvent possible sa morphologie démesurée, l'intrigue puise son efficacité dans le caractère vraisemblable de cette situation incongrue auquel un monstre aura décidé d'imposer sa loi. Ou comment cristalliser l'impensable dans le domaine du crédible par le biais d'une caméra mobile multipliant les ellipses visuelles pour mieux attiser notre curiosité. 


C'est là la grande force de Cloverfield, car outre ses scènes d'action au souffle apocalyptique vertigineux, son pouvoir de fascination émane de l'apparition cauchemardesque du monstre par l'habileté de plans soigneusement étudiés. Et même si les protagonistes s'avèrent brièvement développés au cours de leur vicissitude de survie, bien que nantis d'une épaisseur humaine somme toute fragile, le parti-pris d'avoir sélectionné des acteurs inconnus renforce également sa facture si crédible. Et si le scénario superficiel n'apporte aucune surprise (en dehors des créatures annexes venues brimer la traque des survivants) quant au cheminement affolant des héros sillonnant les quartiers décharnés pour porter secours à une fille recluse dans un appartement, la manière urgente dont Matt Reeves nous immerge dans le feu de l'action nous laisse pantois de stupeur. Dès lors, nous redoutions la prochaine apparition du monstre déambulant avec une démarche aussi lourde qu'effrayante à travers les buildings tout en éprouvant une implacable fascination hypnotique face à ses exactions de destructions urbaines. On peut d'ailleurs souligner l'acuité de sa bande-son là encore conçue pour nous assourdir les tympans afin de rehausser la démarche pataude de la masse animale et les explosions d'immeubles qu'il génère tout en éprouvant l'empathie des survivants toujours plus à bout de course quant à l'évolution dramatique de leurs tourments dénués d'espoir. 


Pur spectacle de samedi soir régi en tour de montagne russe, Cloverfield tient la dragée haute du divertissement alerte de par l'habileté du faux documentaire et d'un brio technique à couper le souffle. Par sa puissance visuelle crépusculaire et l'impact catastrophique d'une situation aussi aléatoire rappelant sciemment les tragiques évènements du 11 Septembre, le film peut s'officialiser comme l'un des plus réalistes film de monstres jauquel les remakes ricains de Godzilla sont balayés en un (furtif) coup de vent. 

*Bruno
22.08.24. 3èx. Vostfr. 4k.

    mardi 11 août 2015

    MENACE II SOCIETY

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site gettyimages.com

    des Frères Hughes. 1993. U.S.A. 1h37. Avec Tyrin Turner, Larenz Tate, Jada Pinkett Smith, MC Eiht, Samuel L. Jackson, Clifton Powell, Vonte Sweet, Charles S. Dutton.

    Sortie salles France: 5 Janvier 1994. U.S: 26 Mai 1993

    FILMOGRAPHIE: Albert et Allen Hughes sont des frères jumeaux producteurs, scénaristes et réalisateurs américains, né le 1er Avril 1972 à Détroit (Michigan).
    1993: Menace II Society. 1995: Génération Sacrifiée. 1999: American Pimp (doc). 2001: From Hell. 2009: New-York, I love you (un segment d'Allen Hughes). 2009: Le Livre d'Eli. 2013: Broken City (d'Allen Hughes).


    Film choc s'il en est, plus encore que ses précurseurs Colors et Boyz'n the Hood, Menace II Society dresse le portrait effrayant d'une délinquance juvénile, celle des ghettos noirs retranchés dans une idéologie criminelle où la loi du plus fort y engendre une ingérable spirale de violence. En témoigne son prologue cinglant auquel un couple de commerçants va être lâchement abattu par un jeune noir parce que l'épicier aura osé offenser verbalement sa mère. Cette violence implacable s'avère d'autant plus terrifiante par son réalisme poisseux qu'elle découle d'un jeune marginal destitué de toute morale à accorder la moindre chance et empathie pour sa victime. Et de pousser le bouchon de l'incongruité lorsqu'il vantera plus tard les mérites de ses actes crapuleux auprès de ses proches après avoir dérobé l'enregistrement de la video surveillance !


    Terrifiant pour l'impact cru imposé à sa violence gratuite, les exactions criminelles qui empiètent le cheminement du témoin du meurtrier (c'est à dire Caine, afro-américain de 18 ans !), provoque émoi et malaise dans son lot de circonstances sanglantes. Entre règlements de comptes aux motifs dérisoires, à l'instar d'un regard ou d'une provocation verbale mal placés, voir d'un désir de vengeance ou d'un ressort de jalousie, et avant que Caine ne commence à s'éveiller de sa torpeur existentielle par l'appui d'une idylle amoureuse et des sermons de son grand-père. Illustrant sans compromis sa dérive criminelle en chute libre, les Frères Hughes n'y vont pas avec le dos de la cuillère pour mettre en exergue cette déliquescence morale établie au sein d'une communauté noire engluée dans le chômage, l'alcool et la drogue. Si les flics les pourchassent la plupart du temps avec une longueur de retard, certains autres les incriminent avec un mépris raciste au point d'enfreindre leur loi pour se porter complice d'un éventuel lynchage (voir la séquence au cours duquel deux noirs molestés seront vulgairement déposés sur le trottoir d'un quartier latino). Outre ses scènes d'ultra violence particulièrement poisseuses, ce qui ébranle quand on revoit aujourd'hui Menace II Society émane du comportement irresponsable, décérébré et inconscient de ses bandes rivales s'entretuant pour des motifs d'orgueil et de supériorité dans leur condition désoeuvrée. Cette jeunesse constamment sur le fil du rasoir n'ayant comme seule optique de profiter de l'instant présent par leur autonomie ingrate au point même d'envisager parfois d'assassiner un des proches de leur clan.


    Pessimiste et désespéré car sans échappatoire, Menace II Society provoque un malaise tangible par son climat malsain abrupt ou la violence putassière découle du comportement irréfléchi d'une minorité noire souvent livrée à l'abandon parental et à leur déchéance dépravée. Son intensité dramatique rigoureuse culminant vers un point de non retour tristement prévisible et nihiliste. Un témoignage édifiant, un constat d'échec d'une société nombriliste dont on ne sort pas indemne...

    Bruno Matéï
    4èx

    lundi 10 août 2015

    DEATH SENTENCE

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site allocine.fr

    de James Wan. 2007. U.S.A. 1h45. Avec Kevin Bacon, Garrett Hedlund, Kelly Preston, Aisha Tyler, John Goodman, Jordan Garrett, Stuart Lafferty, Matt O'Leary.

    Sortie salles France: 16 Janvier 2008. U.S: 31 Août 2007

    FILMOGRAPHIE: James Wan est un producteur, réalisateur et scénariste australien né le 27 Février 1977 à Kuching (Malaisie), avant de déménager à Perth (Australie).
    2004: Saw, 2007: Dead Silence, Death Sentence, 2010: Insidious. 2013: The Conjuring. 2013: Insidious 2.


    Pur hommage au Vigilante Movie, James Wan ne réinvente rien avec Death Sentence, le film épousant une structure narrative éculée avec cet aimable père de famille reconverti en exterminateur depuis la mort tragique de sa famille. Il compte donc sur l'efficacité des séquences d'actions remarquablement exécutées (à l'instar de cette poursuite filmée en plan-séquence en interne d'un parking !) et enchaînées sur un rythme sans faille, et sur l'interprétation poignante de Kevin Bacon, parfaitement charismatique dans celui du cadre sombrant peu à peu dans la folie meurtrière par regain de rancoeur. En savourant cette série B menée avec savoir-faire, les amateurs du genre se remémoreront avec nostalgie les péloches d'exploitation qui pullulaient à l'aube des années 80, particulièrement Le Droit de Tuer, Vigilante, Un justicier dans la ville 2 et le Justicier de Minuit pour en citer les plus notoires


    Outre son action échevelée et son ultra violence jouissive émanant du comportement vindicatif de rivaux incapables de s'amnistier, Death Sentence fait également preuve d'une intensité dramatique poignante lorsqu'un père de famille se retrouve témoin de la mort de son fils. De brèves séquences intimistes (la scène de l'hôpital où les parents apprennent le deuil de leur fils aîné, la séquence de la douche lorsque Nick se met à fondre en larme, l'étreinte du couple réunit dans la cave) faisant preuve de pudeur sont aussi mises en exergue pour illustrer la douleur insurmontable de Nick confronté à la violence aveugle d'une criminalité urbaine depuis la démission d'une juridiction laxiste. On peut d'ailleurs approuver la présence bicéphale de Kevin Bacon insufflant à son personnage en berne une sobre dimension humaine, notamment lors de son premier homicide quand il constate avec autant d'effroi que de dégoût la perversion de sa première pulsion morbide. Le film illustrant avec beaucoup d'efficacité sa lente descente aux enfers vers l'auto-justice et sa responsabilité immorale à prôner la meurtre depuis les conséquences dramatiques du destin de sa famille. Hormis son ossature narrative éprouvée, James Wan parvient tout de même à insérer quelques séquences inattendues, à l'instar de la confrontation improvisée entre Nick et le père de l'assassin (un vendeur illicite d'armes que John Goodman endosse avec une ambiguïté sociopathe !) alors que ce dernier n'hésitera pas à lui avouer sa démission parentale. Il y a aussi cette posture quasi ironique et désespérée d'observer Nick et son ennemi assis dans un canapé après leurs échanges de tir, quand bien même ce dernier lui fait constater à quel point il est devenu l'ennemi qu'il combattait depuis sa déliquescence criminelle.


    Mené avec un implacable savoir-faire dans sa mise en scène nerveuse d'une caméra très mobile, Death Sentence joue la carte du divertissement ultra violent en exploitant nos bas instincts réactionnaires. Il en émane un hommage sincère et intelligent pour le genre (le film n'approuvant jamais l'apologie de l'auto-justice) avec l'appui d'un inquiétant Kevin Bacon dans sa stature fragilisée d'anti-héros pourfendeur. 

    Bruno Matéï
    2èx

    jeudi 6 août 2015

    Le Venin de la Peur / Una Lucertola con la Pelle di Donna / Lizard in a woman's skin / Un lézard à la peau de femme / Carole / Les Salopes vont en Enfer

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site giallociaociao.com

    de Lucio Fulci. 1971. Italie. 1h42. Avec Stanley Baker, Florinda Bolkan, Jean Sorel, Silvia Monti, Alberto de Mendoza.

    Sortie salles France: 18 Août 1976. Italie: 17 Février 1971

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996.
    1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


    "Ombres sur la soie".
    Giallo atypique dans la carrière de Fulci comme dans l’histoire du genre, Le Venin de la Peur télescope psychanalyse sexuelle et enquête policière, avec un goût prononcé pour les climats oniriques et diaphanes. Traversé de séquences baroques à l’esthétisme stylisé, de visions hallucinées et de meurtres graphiques audacieux (le meurtre de Julia et l’éviscération des chiens hantent les mémoires par leur verdeur crapuleuse !), Fulci tisse une intrigue tortueuse, parfois nébuleuse — les dialogues y ont une importance capitale — centrée sur les frustrations sexuelles d’une épouse trompée.
     
    Carole est hantée par des cauchemars fantasques dans lesquels elle succombe aux charmes de sa voisine Julia, célibataire lubrique adepte des séances d’échangisme parmi une faune de jeunes hippies. Autant dire que les psychotropes sont aussi de la partie. À travers ces rêves récurrents aux accents morbides, Carole consulte un psychiatre dans l’espoir d’exorciser sa névrose. Mais peu après ces séances, Julia est retrouvée morte, poignardée avec un coupe-papier. Exactement comme dans les visions que Carole avait confiées à son thérapeute…
    L’inspecteur Corvin, chargé de l’enquête, soupçonne d’abord le mari volage, mais les carnets de rêves de Carole, eux, semblent dessiner une autre vérité.

    Expérience érotico-horrifique au pouvoir de fascination indéfinissable, Le Venin de la Peur tient aussi du bad trip psychédélique, habité par une galerie de figures troubles — bourgeois arrogants et jeunesse déviante sous LSD se disputant la scène dans un ballet de duplicité.
    Fulci, particulièrement inspiré, magnifie les séquences de rêves en les tirant vers la pure fantasmagorie, nourries par la psyché tourmentée de son héroïne. La beauté vénéneuse des actrices italiennes ajoute une sensualité latente à cette ambiance de déviance criminelle. Rêve et réalité se confondent, se frottent, s’enlacent dans l’esprit d’une femme en quête de vérité, et nous entraînent dans un labyrinthe mental sans repères, captivant comme une transe.
    Ce qui semblait flirter avec la clairvoyance glisse doucement vers une enquête classique, que des inspecteurs, sur le qui-vive, tentent de résoudre alors que Fulci orchestre des séquences de suspense paranoïaque, où Carole tente d’échapper à de mystérieuses menaces.
    La faune secondaire — silhouettes outrancières, postures agressives, regards fuyants — compose une galerie de figures délirantes, hostiles, souvent perverses. Émaillée de fausses pistes et de coups de théâtre, l’intrigue distille un suspense fiévreux, de plus en plus anxiogène, jusqu’à ce que l’évidence du coupable ne vienne clore cette partition baroque.

    Mais au-delà de la révélation, c’est la forme du puzzle qui fascine. Le souffle baroque, le regard noir sur la nature humaine, et cette dérive hypnotique qui ne nous lâche plus.


    "Miroirs brisés sur l’oreiller"
    Pièce maîtresse d’un giallo hétérodoxe, Le Venin de la Peur paraît aujourd’hui encore plus vénéneux, plus expérimental, plus cauchemardesque, sublimé par le master Blu-ray supervisé par Le Chat qui Fume. Un spectacle d’une beauté macabre et sensuelle, à couper au rasoir, où l’onirisme fétide dispute sa place à la stylisation extrême des visions d’horreur.
    Au-delà de ses choix formels, de la puissance de son élégie musicale et de sa narration en trompe-l’œil, Fulci s’amuse à caricaturer la psychanalyse de comptoir et le saphisme inavoué… du point de vue d’une femme-lézard en gestation.

    Remerciement à Philippe Blanc et au Chat qui Fume.

    Bruno 
    01.11.24. Vostfr. 5èx
    06.08.15
    01.10.10 (268)

    mardi 4 août 2015

    LA HAINE. Prix de la mise en scène, Cannes 95.

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site legrandaction.com

    de Mathieu Kassovitz. 1995. France. 1h36. Avec Vincent Cassel, Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui, Solo, Sergi Lopez, Choukri Gabteni, Benoït Magimel.

    Sortie salles France: 31 Mai 1995

    FILMOGRAPHIE: Mathieu Kassovitz est un acteur, scénariste, réalisateur et producteur français, né le 3 Août 1967 à Paris.
    1993: Métisse. 1995: La Haine. 1997: Assassin(s). 2000: Les Rivières Pourpres. 2003: Gothika. 2008: Babylon A.D. 2011: L'Ordre et la Morale.


    Film choc de l'année 95 ovationné à Cannes (Prix de la Mise en scène) puis un an plus tard aux césars (Meilleur Film), La Haine retrace la quotidienneté de trois banlieusards issus de la cité des Muguets à Chanteloup-les-Vignes. Alors qu'un de leur ami, Abdel, est hospitalisé dans un état comateux suite à une bavure policière, Vinz, le plus irascible, souhaite se venger si ce dernier venait à trépasser. Durant leur journée d'errance et de mésaventures, ses amis Hubert et Saïd tentent de le raisonner afin de lui épargner son regain de vengeance. Inspiré par la tragédie de Makomé M'Bowolé assassiné en 1993 par un policier lors d'une garde à vue parisienne, Mathieu Kassovitz met en exergue le conditionnement de jeunes de cités contraints de répéter leurs journées de lassitude dans leur situation précaire où l'ennui s'avère un fardeau toujours plus lourd à porter. Livrés à eux mêmes car n'ayant aucune considération ni attache pour une société discriminatoire et xénophobe, ces derniers s'adonnent aux petites magouilles telles que vols de voiture ou deal de shit avant leurs confrontations musclées avec une police aussi arrogante qu'impassible (voire la manière dont Kassovitz caricature la posture d'une assemblée monolithique de CRS protégeant la devanture vandalisée d'un poste de police).


    Fustigeant médias et journalistes dans leur quête de sensationnalisme, la haute bourgeoisie (la soirée d'exposition de tableaux virant subitement à l'échauffourée raciale) et surtout le zèle méprisant dont l'insigne policier fait parfois preuve dans leur comportement raciste et revanchard (notamment ce jeu d'humiliation et de passage à tabac que vont subir gratuitement Saïd et Hubert durant une garde à vue), La Haine insuffle un sentiment tangible de révolte par le témoignage désoeuvré de notre trio incapable de communiquer avec la classe sociable. La journée qu'ils vont subir durant plus de 24 heures s'avérant une épreuve de force, un parcours du combattant à refréner leur haine ("la haine attire la haine" s'exclamera Hubert !) dans leur situation houleuse avec une police omniprésente et incivile, quand bien même les délinquants les plus violents se laissent gagner par leurs pulsions criminelles (le sort aléatoire réservé au vigile de la boite de nuit !). Le cheminement indécis de leur errance journalière et leur sentiment d'injustice s'avérant toujours plus opprimant avant de connaître la réponse tragique de leur ami Abdel. L'ironie du sort étant de mettre en appui la déliquescence morale du plus intelligent du trio (Hubert) préalablement réfractaire à la violence et à la loi du Talion mais qui, dans une circonstance dramatique improvisée, cédera finalement à une justice expéditive dans sa rancoeur en ébullition. Une volonté habile pour Kassovitz de mettre en alerte la bavure policière, l'irresponsabilité de certains flics épris de zèle, et de nous démontrer que n'importe quel citoyen lambda doué de raison peut un jour basculer dans le crime pour tenir lieu de rébellion.


    Le Monde est à vous.
    Emaillé de situations cocasses parmi la verve insolente de dialogues incisifs, La Haine parvient avec réalisme documenté à nous immerger et nous familiariser dans la quotidienneté de ces délinquants avec l'énergie en roue libre de comédiens criants de vérité. Outre la précision chirurgicale de sa mise en scène alambiquée et la facture authentique de sa photo monochrome, La Haine tire parti d'une tension endémique rigoureuse par son contexte de crise sociale en perdition et par l'aigreur accordée à sa conclusion nihiliste (les bons et les méchants ayant proscrit leur identité). 
    Jusqu'ici tout va bien... Jusqu'à la chute de notre société...

    Bruno Matéï
    4èx

    "- ça fait vraiment du bien de chier un coup ! Vous croyez en Dieu ? il faut pas se demander si on croit en Dieu mais si Dieu croit en nous.
    J’avais un ami qui s’appelait Gonvalski, on était déportés ensemble en Sibérie, quand on va en Sibérie dans les camps de travail, on voyage dans le train à bestiaux qui traverse la steppe glacée pendant 2 journées entières sans croiser personne, on se tient chaud ensemble mais le problème c’est qu’il faut se soulager, faut chier, c’est pas possible dans le wagon, le seul moment où l’on s’arrêtait c’était pour mettre de l’eau dans la locomotive mais Gonvalski était très prude même quand nous devions nous laver ensemble il était très gêné. Et moi je me moquais souvent de lui à cause de ça. Donc le train s’arrête et tout le monde en profite pour aller chier en dehors du wagon et moi j’ai tellement embêté Gonvalski avec ça, il préférait aller un peu plus loin. Donc le train repart et tout le monde saute dedans car le train il n’attend pas.
    Le problème c’est que Gonvalski s’était éloigné derrière un buisson il n’avait pas fini de chier, donc je le vois il sort de derrière un buisson en tenant son pantalon dans sa main pour ne pas qu’il tombe, il essayait d’attraper le train. Je lui tends la main mais chaque fois quand il me tend la sienne il lâche son pantalon qui tombe sur ses chevilles. Il remonte son pantalon, il reprend sa course. Et chaque fois son pantalon il tombe quand il me tend la main.
    - Et alors après qu’est-ce qui s’est passé ?
    - Rien, Gonvalski est mort de froid."



    Récompenses:
    / Prix de la Mise en scène, Cannes 95
    / César du Meilleur Film, Meilleur Producteur (Christophe Rossignon), Meilleur Montage (Mathieu     Kassovitz/Scott Stevenson.
    / Prix Lumières du Meilleur Film, 1996

    lundi 3 août 2015

    Esther / Orphan

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

    de Jaume Collet-Sera. 2009. France/Allemagne/Canada.U.S.A. 2h03. Avec Vera Farmiga, Peter Sarsgaard, Isabelle Fuhrman, Jimmy Bennett, CCH Pounder, Margo Martindale, Karel Roden, Aryana Engineer.

    Sortie salles France: 30 Décembre 2009

    FILMOGRAPHIE: Jaume Collet-Serra est un réalisateur catalan, né le 23 Mars 1974 à Barcelone.
    2005: La Maison de Cire. 2007: Goal 2: La Consécration. 2009: Esther. 2011: Sans Identité. 2014: Non-Stop. 2015: Run all Night.


    Prenant pour thème l'enfant meurtrier, Esther mise sur le divertissement calibré à partir d'un scénario charpenté faisant preuve de montée en puissance du suspense et de violence rigoureuse étonnamment jusqu'au-boutiste pour une production PG-13. 

    SynopsisAprès la perte de leur 3è enfant, un jeune couple décide d'adopter une orpheline native de Russie, Esther. Rapidement, de nombreux incidents intentent à la tranquillité de la famille Coleman, quand bien même la mère commence à porter des suspicions sur la petite étrangère. 

    "Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film", dixit Alfred Hitchcock, et on peut dire que chez Esther nous tenons là un fameux spécimen de psychopathe en jupe courte. Impassible, insidieuse et glaçante d'austérité, Isabelle Fuhrman porte le film sur ses épaules du haut de ses 12 ans tant elle impressionne à provoquer l'émoi lors de ses stratégies délétères, l'ébauche de ses exactions s'avérant toujours plus couillue et ambitieuse. Nanti d'un regard noir d'une intensité dérangeante; cruelle et impitoyable lorsqu'elle s'adonne aux meurtres, l'actrice provoque d'autant plus la gêne dans sa condition infantile immorale (notamment son jeu de séduction incestueux entretenu avec le père) délibérée à influencer les rejetons de sa nouvelle famille pour mieux parfaire son dessein.


    De par l'efficacité du scénario, le savoir-faire de sa réalisation maîtrisée et le jeu spontané des comédiens, Esther parvient à captiver, notamment parmi l'habileté à laquelle fait preuve Jaume Collet-Sera d'y prôner les ressorts psychologiques d'une famille en perdition. L'ambition majeure d'Esther étant d'inciter l'entourage familial à écarter la mère afin de mieux influencer le père dans une relation d'ordre affective (pour ne pas dire sentimentale !). Ce qui donne lieu à des affrontements psychologiques plutôt intenses lorsque Kate Coleman tente de prouver à sa thérapeute et surtout à son époux qu'Esther est devenue une menace létale auprès de sa famille. Bien entendu, du fait du passé alcoolique de cette dernière ayant failli causé la mort de sa fille, et à cause de sa maternité inféconde la plongeant dans un déséquilibre moral, John Coleman tend à protéger Esther malgré des épisodes accidentels toujours plus alarmants. Outre la tension psychologique qui émane de leurs rapports discordants, l'intrigue met également en appui des rebondissements incisifs autour de l'identité d'Esther tout en insufflant un suspense exponentiel quant à la survie de la famille. Là encore le cinéaste fait preuve d'audace à mettre en pratique une violence graphique perpétrée par une fillette désaxée auquel les sentiments de haine, de rancoeur et de jalousie atteindront leur apogée lors du point d'orgue tragico-explosif.


    Etonnamment violent et cruel (notamment parmi le témoignage infantile involontairement complice), Esther s'impose en exercice de style tendu (jouer avec nos nerfs avec une efficacité retorse) pour y vanter une série B horrifique fertile en rebondissements et péripéties criminelles. Avec la plus-value Vera Farmiga exprimant un jeu viscéral de pugnacité révoltée et aparmi l'icone démoniale  Isabelle Fuhrman, leur inimitié de longue haleine constitue l'attraction émotionnelle d'un jeu d'autorité irréductible. Excellent divertissement (étonnamment) rosse donc à la photo d'autant plus chiadée auprès d'une luminosité sépia nuancée. 

    *Bruno
    16.12.24. 3èx. Vost  

    vendredi 31 juillet 2015

    JURASSIC PARK

                                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site buzzfeed.com

    de Steven Spielberg. 1993. U.S.A. 2h07. Avec Sam Neil, Laura Dern, Jeff Goldblum, Richard Attenborough, Bob Peck, Martin Ferrero, Joseph Mazzello, Ariana Richards, Samuel L. Jackson.

    Sortie salles France: 20 Octobre 1993. U.S: 11 Juin 1993

    FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode),1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad,1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004:Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal,2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 2012: Lincoln. 2015: Le Pont des Espions.


    Succès planétaire lors de sa sortie, Jurassic Park est le fruit de l'association de l'écrivain Michael Crichton avec le maître du divertissement Steven Spielberg mettant en scène pour la première fois à l'écran des dinosaures par Animatronique et images de synthèse. Révolutionnaires pour l'époque, le film doit essentiellement de sa notoriété grâce aux effets numériques ahurissants de réalisme afin de faire revenir à la vie nos monstres de la préhistoire tels que les Diplodocus, les Vélociraptors, les Dilophosaures et surtout un Tyrannosaure du plus bel effet rugissant ! C'est d'ailleurs par le biais de ce T-Rex monstrueux qu'une séquence-clef culmine son impact catastrophiste lors d'une altercation avec deux enfants réfugiés en interne d'une voiture. Un moment claustro d'une intensité dramatique épique, Spielberg filmant cette bravoure avec la virtuosité d'un montage consciencieux, notamment pour la poursuite à perdre haleine que les victimes molestées doivent parcourir ensuite à travers bois.


    Misant tout son potentiel visuel dans le sens du spectacle homérique et merveilleux (la première apparition du Diplodocus déambulant en toute quiétude sur une plaine insuffle un souffle féerique !), Spielberg parvient à nous immerger dans le contexte improbable d'une résurrection préhistorique par le biais d'un scénario cohérent. Une trame scientifique traitant du clonage et des manipulations génétiques à partir de l'Adn d'un moustique fossilisé contenant du sang de dinosaure et avec celui d'une grenouille engendrant la procréation de monstres uniquement femelles (une manière sereine d'éviter leur surpopulation et l'éventuel chaos). Au passage, il n'oublie pas de mettre en garde le caractère irresponsable de scientifiques utopistes violant les lois de la nature au profit de leur fantasme et leur cupidité, quand bien même la société de consommation est prête à exploiter sans vergogne les loisirs à sensations au mépris de la sécurité des touristes. Un milliardaire, apprenti sorcier, décide donc avec l'appui de son équipe scientifique de créer un gigantesque parc animalier prochainement réceptionné pour le public. Alors que deux paléontologues, deux enfants, un avocat et un mathématicien sont invités à scruter les lieux, ils finissent par s'y retrouver piégés sous une nuit pluvieuse. Epreuve de survie, c'est donc une partie de cache-cache que nos héros vont défier parmi les provocations bellicistes des dinosaures planqués derrière les bosquets et avant qu'ils n'investissent les lieux sécurisés de l'entreprise. Mené avec un savoir-faire imperturbable, Jurassic Park parvient à distraire efficacement malgré sa linéarité sans surprises (rejoindre un siège social pour se protéger de la menace préhistorique). Pour cela, il compte sur les courses-poursuites affolantes des protagonistes départagés en deux clans, et sur l'exploitation des décors naturels et du huis-clos qu'ils ratissent prudemment afin de déjouer les affronts des insidieux Raptors et du géant T-Rex.


    Spectaculaire avec une juste mesure, haletant et parfois très impressionnant (la première attaque du T-Rex restera dans toutes les mémoires !), Jurassic Park parvient assez efficacement à émerveiller son public pris à parti entre l'effroi du mode catastrophe et la féerie contemplative des monstres de leur enfance. Un fantasme inespéré que Steven Spielberg est parvenu à cristalliser par le biais d'un scénario (étrangement) cohérent et par l'appui héroïque de personnages humainement attachants. 

    Bruno Matéï
    3èx

    jeudi 30 juillet 2015

    Wolfman

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmofilia.com

    de Joe Johnston. Director's cut. 2010. U.S.A/Angleterre. 1h58. Avec Benicio Del Toro, Emily Blunt, Anthony Hopkins, Hugo Weaving, Geraldine Chaplin, Art Malik, Kiran Shah, Elizabeth Croft, Sam Hazeldine, David Sterne.

    Sortie salles France: 10 Février 2010. U.S: 12 Février 2010

    FILMOGRAPHIE: Joseph Eggleston "Joe" Johnston est un réalisateur et producteur américain, né le 13 mai 1950 à Fort Worth, Texas. 1989: Chérie, j'ai rétréci les gosses. 1991: Les Aventures de Rocketeer. 1994: Richard au pays des livres magiques. 1995: Jumanji. 1999: Ciel d'Octobre. 2001: Jurassic Park 3. 2004: Hidalgo. 2010: Wolfman. 2011: Captain America: First Avenger. 2013: Not safe for work.

     
    "Dans l’ombre du père, la bête"
    Échec commercial injustifié lors de sa sortie, alors qu’il adopte une ambition aussi formelle que psychologique, Wolfman remet au goût du jour le mythe lycanthrope en rendant un hommage humble et fervent aux monstres sacrés de la Universal et à l’élégance gothique de la Hammer

    1891. Après la mort de son frère, un comédien de théâtre revient sur les terres de son enfance pour retrouver un père reclus dans l’austérité d’un manoir brumeux. Tandis que les villageois tombent, déchiquetés par une bête sauvage, Lawrence Talbot ignore encore qu’il va exhumer un terrible secret familial.

    Nanti de décors gothiques à couper le souffle et d’une photo crépusculaire, baignée d’onirisme, Wolfman dépoussière l’épouvante séculaire par un mélange d’effusions gore cinglantes et d’action homérique. Un dosage habile que Joe Johnston exploite avec intelligence, à travers une narration charpentée laissant libre cours aux tourments de personnages infortunés avant que ne gronde l’inéluctable. Le réalisateur s’attarde sur la discorde d’une famille brisée, tendue autour d’un face-à-face amer entre un père véreux et un fils candide, malgré lui impliqué dans une malédiction atroce l’incitant à faire justice par instinct de vengeance.

    Pour incarner ces tensions parentales à la colère contenue, on peut compter sur deux acteurs au charisme viril et ombrageux. Benicio Del Toro, félin, habite un fils tourmenté, partagé entre sa malédiction et la rage d’avoir découvert l’auteur des morts de sa mère et de son frère. Interné, expérimenté dans un asile, il devra aussi affronter l’intolérance d’un peuple avide de lynchage. En patriarche bourru et solitaire, Anthony Hopkins jubile à distiller ambigüité, orgueil cruel et jouissance trouble, se gaussant du destin de sa progéniture. Au cœur de cette guerre larvée, une romance affleure par le biais de Gwen, la fiancée défunte de Ben, incarnée avec pudeur et fragilité par Emily Blunt. Elle s’abandonne aux bras du frère survivant, et incarne bientôt l’ultime espoir de rédemption pour le loup.

    Fascinant à plus d’un titre, notamment par la photogénie foudroyante de son esthétisme, Wolfman transcende ses scènes d’action et de transformation grâce à des effets spéciaux souvent bluffants - si l’on excepte quelques CGI disgracieux. Les diverses métamorphoses, rugueuses, bestiales, résonnent avec la fureur lycanthrope déjà sublimée par Neil Jordan dans le magnifique conte métaphysique La Compagnie des Loups.


    Spectacle onirico-gothique d’une beauté suffocante, Wolfman renoue avec la flamboyance du cinéma d’épouvante vintage avec une vigueur et une inspiration qui forcent le respect. Mené tambour battant à travers une cavalcade de péripéties sanglantes et bondissantes - dont une course-poursuite haletante sur les toits - et porté par le duo magnétique Del Toro / Hopkins, cette relecture fiévreuse mérite, à son tour, de s’ériger en classique (moderne) du genre. 

    — le cinéphile du cœur noir

    2èx
    30.07.15
    12.03.11 (89)

      mercredi 29 juillet 2015

      L'IMPASSE

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

      "Carlito's Way" de Brian De Palma. 1993. U.S.A. 2h24. Avec Al Pacino, Sean Penn, Penelope Ann Miller, John Leguizamo, Ingrid Rogers, Luis Guzman, James Rebhorn, Viggo Mortensen.

      Sortie salles France: 23 Mars 1994. U.S: 17 Novembre 1993

      FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis.
      1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


      "Vivre toute une vie sans croiser la route d'un ange, tu vois, c'est bien pire que d'être là, dévoré par le froid..."

      10 ans après Scarface, Brian De Palma renoue sa collaboration avec Al Pacino pour dresser le portrait désenchanté d'un gangster latino en quête de rédemption. Prenant donc le contre-pied du personnage vénal de Tony Montana, l'Impasse transcende avec une virtuosité fulgurante le profil mélancolique d'un ancien caïd de la drogue délibéré à se racheter une conduite après avoir purgé 5 ans de prison. Acquitté grâce à la complicité véreuse de son avocat (Sean Penn, quasi méconnaissable !) alors qu'il devait purger 30 ans, Charlie Brigante retrouve ses anciens comparses de la pègre avant de renouer contact avec son ancienne compagne, Gail. Mais dans un concours de circonstances infortunées et par le compromis de son avocat à qui il devait une faveur, il se retrouve impliqué dans la complicité meurtrière d'un baron de la drogue.


      Par le biais d'une intrigue charpentée multipliant sans esbroufe les rebondissements d'anthologie, mélodrame et film de gangsters s'entrecroisent avec une maestria technique à couper le souffle, à l'instar de la fidèle reconstitution établie au paysage New-yorkais des Seventies. Tant auprès d'un point de vue romantique lorsque Charlie Brigante observe lointainement sous la pluie sa compagne à interpréter une leçon de danse, que lors de circonstances sanglantes, telle la fusillade confinée dans la salle de billard ou de l'haletante poursuite perpétrée dans le métro, l'Impasse donne le vertige parmi l'appui d'un Al Pacino pétri d'humanisme car inscrit dans le désespoir et la déveine. S'identifiant à son nouveau profil empathique, nous nous impliquons dans ses vicissitudes avec la peur au ventre sachant que le prologue nous avait déjà devancé l'issue fatale de sa destinée. Portrait fragile d'un ancien gangster incapable de fuir ses démons depuis son passé de corruption et de criminalité, Charlie Brigante nous commente avec désillusion que l'amitié et le code d'honneur dans les milieux mafieux ne sont plus d'actualité au sein des années 70, faute d'une nouvelle génération cuistre avide d'une liberté sans déontologie. Discours sur la loi du plus fort et celle du Talion, sur l'anachronisme d'un homme dépassé par le modernisme d'une époque qu'il ne comprends plus, témoignage sur la maturité de la vieillesse en voie de sagesse, l'Impasse s'édifie en poème mortuaire lorsqu'il s'agit de mettre en exergue le déclin d'un ancien magnat coupable de son inhabituel laxisme et de sa confiance empotée envers ses sbires.


      D'une intensité dramatique aussi épique que bouleversante (le final inconsolable s'avérant l'une des plus belles morts du cinéma !) et d'un suspense exponentiel à couper au rasoir lors de son cheminement délétère, l'Impasse offre (une ultime fois) ses lettres de noblesse au film de gansgters latinos parmi des trognes burinées plus vraies que nature et parmi l'icone du couple passionnel. Al Pacino / Penelope Ann Miller (magnifique portrait de femme aussi vertueuse qu'avisée !) formant le duo d'amants déchirés entre la grâce de leur tendresse et l'espoir sentencieux. Sublimé par le score sensible de Patrick Doyle, ce chef-d'oeuvre de tragédie criminelle réinvente le langage du cinéma avec une virtuosité incandescente.  

      Bruno Matéï
      3èx

      mardi 28 juillet 2015

      PASSION

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site meetinthelobby.com

      de Brian De Palma. 2012. France/Allemagne. 1h40. Avec Rachel McAdams, Noomie Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson, Max Urlacher.

      Sortie salles France: 13 Février 2013.

      FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis.
      1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


      Décrié par la critique, Passion renoue avec les thrillers des années 80 que Brian De Palma avait su parfaire avec le talent Hitchockien qu'on lui connait. En abordant ses thèmes fétiches impartis au double, au mensonge, à la jalousie, la trahison, la vengeance et la sexualité (passionnelle), le cinéaste construit une intrigue machiavélique autour d'une rivalité féminine se disputant la concurrence dans une agence de pub. Provocateur dans son habileté d'exploiter sexe et violence avec une efficacité studieuse, De Palma cultive un jeu de perversion et d'humiliation entre la directrice de l'établissement Christine et son adjointe Isabelle depuis que cette dernière partage en secret une infidélité avec son amant. Pour pimenter l'intrigue, une autre employée, Dani, se porte témoin de leur pugilat avant de divulguer ses sentiments pour Isabelle, quand bien même l'amant des deux rivales est impliqué dans une malversation que Christine est sur le point de faire chanter. Autour de ce quatuor d'employés cupides mais manoeuvrés, un meurtre va être perpétré et cumuler les preuves contre Isabelle bien que cette dernière s'efforce de prouver à la police qu'elle se trouvait à la session d'un ballet au moment du crime. 


      Avec une maîtrise technique que l'on avait pas connu depuis la première partie de Snake Eyes, Brian De Palma parvient à renouveler la vigueur incisive d'un suspense Hitchcockien grâce à l'ossature d'un script où le faux semblant reste le pilier du cheminement dramatique en perdition. Le premier acte s'avère consciencieux pour mettre en exergue la présentation des personnages tours à tours suspicieux, manipulateurs, victimes et vice-versa au sein de leur multinationale. Dans leur travers mégalo avide de notoriété on peut d'ailleurs y déceler une satire sur l'arrivisme au sein du merchandising de la pub par le biais de Christine et de son amant vénal Dirk, puis à échelle plus modeste chez Isabelle, collaboratrice en ascension toujours plus vantée par ses patrons et donc attisant la jalousie de sa dirigeante. Outre une direction d'acteurs hors-pair, Rachel McAdams et Noomi Rapace se disputent la vedette avec charme et fourberie vénéneux dans leur discorde professionnelle axée sur la provocation, l'intimidation et la vengeance. La seconde partie, plus haletante et périlleuse, multiplie rebondissements et subterfuges avec la virtuosité habituelle de De Palma, notamment dans la structure géométrique des cadrages alambiqués et d'une photo pastel pleine de contrastes. Si le caractère prévisible du potentiel coupable peut rapidement être éventé, la manière captivante dont De Palma continue de narrer son histoire et le sens du détail alloué à la machination continue de nous surprendre, Spoil ! notamment parmi l'intrusion capitale d'un témoin oculaire ! Fin du Spoil. Qui plus est, la conclusion équivoque offre la possibilité d'émettre plusieurs hypothèses sur la pathologie du coupable (rêve et réalité se confondent parfois dans son esprit chargé de remords), sur l'éventuel intrusion d'un nouveau suspect et le caractère vindicatif d'un acte morbide laissé en suspens. 


      Dominé par le tempérament insidieux de deux actrices usant de charme et sagacité avec ferveur, réalisé avec brio et esthétiquement travaillé dans son panel de couleur limpides et de cadrages obliques, Passion surprend agréablement pour la résurrection du maître du suspense véritablement inspiré à traiter un thriller érotique où le simulacre est roi au sein d'une agence de pub fallacieuse ! 

      Bruno Matéï

      lundi 27 juillet 2015

      Spring

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site desdeabajo.net

      de Justin Benson et Aaron Moorhead. 2014. U.S.A. 1h49. Avec Lou Taylor, Nadia Hilker, Vanessa Bednar, Shane Brady, Francesco Carnelutti.

      Sortie salles U.S.A: 20 Mars 2015

      FILMOGRAPHIE: Justin Benson est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 9 Juin 1983 à San Diego, Californie, U.S.A. 2012: Resolution. 2014: V/H/S: viral -segmetn Bonestorm). 2014: SpringAaron Moorhead est un réalisateur, acteur, scénariste, producteur américain. 2010: A Glaring Emission. 2012: Resolution. 2014: V/H/S: viral -segmetn Bonestorm). 2014: Spring


       Avertissement !
      Je vous recommande de passer outre la promo de son trailer avant de découvrir le film.

      Révélés par leur premier essai, l’étonnant Resolution, les compères Justin Benson et Aaron Moorhead continuent de surprendre avec Spring, une love story aussi inattendue qu’hors normes dans l’itinéraire d’un jeune homme venu s’exiler en Italie après la mort de ses parents. Là-bas, au détour des ruelles et des paysages azuréens, il croise la route d’une envoûtante inconnue qu’il parvient à courtiser malgré l’autorité de son tempérament et ses mystérieuses disparitions. Au fil de leur relation, Evan comprend qu’elle dissimule un secret... monstrueux.


      Tourné dans de magnifiques lieux touristiques d’Italie, Spring est une invitation à l’escapade et à l’amour, à travers l’errance d’un homme décidé à fuir le deuil pour rêver d’un avenir plus doux. En mariant la romance au film de monstres, Benson et Moorhead déjouent les attentes et étonnent par cette leçon de tolérance sur le droit à la différence. Un conte empreint d’onirisme, sublimé par les décors crépusculaires ou baignés de soleil, que les deux âmes errantes traversent dans une fragile harmonie. Derrière ses thèmes a priori éculés - la passion, la peur de l’échec, le vertige de l’engagement - Spring renouvelle l’émotion grâce à la sincérité d’une mise en scène minutieuse, soucieuse de nourrir une ambiance presque irréelle, bercée par les battements feutrés du cœur amoureux.

      Sans pathos ni complaisance, l’intrigue se déploie dans une simplicité maîtrisée, préférant la maturité émotionnelle à la facilité des bons sentiments. L’attachement que l’on éprouve pour ce couple écorché est renforcé par le réalisme de leur trajectoire, que les réalisateurs transcendent en contournant les conventions de la romance hollywoodienne. Grâce au naturel désarmant des comédiens et à leur complicité palpable, Spring envoûte, plongeant le spectateur dans une malédiction où le danger guette sans jamais rompre la fascination. La réalisation, fidèle à l'esprit du cinéma indépendant, déploie une intelligence rare, d’autant que les effets spéciaux, discrets mais impressionnants, magnifient les métamorphoses organiques avec un sens du détail troublant.

      Hymne à l’amour et à la rencontre imprévisible, Spring exprime sa magie avec une liberté de ton presque documentaire.


      "Mutation sentimentale au soleil d’Italie".
      Onirique, étrange, métaphysique, sensuel et, au final, bouleversant - à l’image du score hypnotique de Jimmy LaValle et Sigur Rós - Spring séduit les sens par l’abandon de ses comédiens et la délicatesse de ses cinéastes. Une oeuvre magnifique au charme à la fois naturel et dépouillé, où la pureté des sentiments ne sombre jamais dans la niaiserie, mais se confronte à l’horreur organique d’un mythe ancestral.

      *Bruno 
      07.07.25. Vost

      vendredi 24 juillet 2015

      The loved ones. Prix du Jury, Prix SyFy, Gérardmer 2011

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site seriebox.com

      de Sean Byrne. 2009. Australie. 1h24. Avec Xavier Samuel, Jessica McNamee, Robin McLeavy, Victoria Thaine, Richard Wilson, John Brumpton, Fred Whitlock, Eden Porter...

      Sortie salles France: 12 Juin 2010. Australie: 4 Novembre 2010

      FILMOGRAPHIESean Byrne est un réalisateur et scénariste australien. Après avoir entamé quelques courts-métrages remarqués et un documentaire (The Secret) en 2006, il dirige sa première réalisation trois ans plus tard avec The Loved Ones.


      Couronné de deux prix à Gérardmer, The Loved Ones frappe fort et juste pour une première réalisation signée Sean Byrne (The Devil's Candy, Dangerous Animals). Mis en scène avec caractère et inventivité, le film détourne les codes du genre pour offrir un divertissement à la fois singulier et éprouvant. Coup de maître, il fusionne teen movie, drame social, comédie romantique et tortur’porn avec une audace rare.

      Porté par un humour noir acerbe, Sean Byrne exploite la torture sans jamais sombrer dans le racolage : dans cette grotesque surprise-partie, la victime humiliée joue le rôle du bouffon dans une vendetta féministe assoiffée de vengeance, avant d’être réduite à un animal muet, bientôt conditionné au cannibalisme. Ces sadiques manœuvres visent moins la douleur que la destruction, l’invalidité, l’esclavage.

      L’intrigue, simple - une jeune fille délaissée kidnappe son nouvel amoureux après un refus au bal - pourrait sembler éculée, mais la manière originale dont Byrne orchestre la séquestration captive, entraînant le spectateur dans une descente aux enfers délirante, insolente et traumatique. À coups d’idées saugrenues et d’une scénographie rose bonbon dans une maison familiale, The Loved Ones déconcerte en mettant en scène les caprices d’une psychopathe où amour, haine, rancune et folie s’entrelacent pour créer une farce macabre d’un romantisme vitriolé.

      En parallèle, Byrne s’attarde sur un jeune couple en émoi, troublé par la disparition inexpliquée du frère de la fille. Excentrique par son gothisme, le cinéaste dépeint avec sensibilité le mal-être adolescent - l’éveil sexuel mêlé à la mort, la peur du trépas et la volonté farouche de le défier. Le héros maltraité oscille sur le fil du rasoir, prisonnier impuissant depuis sa tentative d’évasion, mais résolu à affronter ses bourreaux avec une rage contenue.

      Un prologue inquiétant le place d'ailleurs face à un souvenir macabre. Dérangeant et malsain, The Loved Ones instille malaise et terreur dans ses rebondissements haletants et ses scènes d’impuissance - comment oublier la lobotomie à la perceuse ?

      Avec un cadre baroque, entre féerie et nature sauvage, et une atmosphère subtilement inquiétante, Sean Byrne nous ébranle, provoquant l’empathie envers une victime démunie et la répulsion face à une dominatrice rongée par la perversité.


      Horrifique crescendo, sardonique, cynique, macabre à souhait grâce à son humour sulfurique, The Loved Ones renouvelle le tortur’porn et le teen movie. Bal de l’horreur où Carrie aurait survécu pour devenir une misandre vicieuse, le film est méchamment sournois, attentif à ses personnages, avant l’explosion d’émotions rancunières flirtant avec la démence.
      À (re)découvrir d’urgence.


      — le cinéphile du cœur noir
      2èx

      Récompenses:
      Prix du public de la catégorie horreur au dernier Festival de Toronto en 2009.
      Prix Syfy et Prix du Public,  Gérardmer 2011.

      24/07/2015
      06/12/2010 (77 vues)