lundi 21 décembre 2020

Photo Obsession. Prix Spécial du Jury, Deauville 2002.

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"One Hour Photo" de Mark Romanek. 2002. 1h36. Avec Robin Williams, Connie Nielsen, Michael Vartan

Sortie salles France: 18 Septembre 2002. U.S: 13 Janvier 2002

FILMOGRAPHIEMark Romanek est un réalisateur américain né le 18 septembre 1959 à Chicago. 1985 : Static. 2002 : Photo Obsession. 2010 : Never Let Me Go. 


                                "Celui qui ne devient pas père reste un enfant toute sa vie."
Formidable thriller psychologique que l'on a aujourd'hui tendance à occulter, Photo Obsession relate la quotidienneté esseulée de Sy Parrish, employé timoré dans un laboratoire de développement de photo d'un hyper marché. Car n'ayant ni famille, ni amis, ni enfants, Sy projette ses fantasmes sur la famille idéale des Yorkin si bien qu'il collectionne les photos de leur portrait après les avoir tirer en double. Idéale en apparence car l'époux infidèle va plonger Sy dans une rancoeur vindicative après s'être fait licencié de son boulot. De par sa réalisation très efficace et le jeu solide des comédiens (particulièrement Connie Nielsen pour un rôle secondaire attentionnée et maternel dans son naturel d'être à l'écoute de l'autre), Photo Obsession n'a aucune peine pour nous maintenir en haleine à travers son climat délétère dressant scrupuleusement le profil d'un solitaire à la fois taiseux et indicible quant à son comportement soudainement versatile. 

Par sa force d'expression humaine avenante où s'y tapi un désarroi affectif, Robin Williams se livre sans fard (à contre-emploi de son image de drille badin) en individu psychotique sur le point de passer à l'acte irréparable. L'acteur parvenant louablement à nous faire oublier sa notoriété en se fondant dans le corps de cet employé féru de photo en guise de solitude. Soutenu d'une partition lugubre au tempo métronome, Photo Obsession séduit d'autant plus par son rythme envoûtant dressant sans fioriture la dérive morale de cette homme obnubilé par le bonheur familial après avoir subi un passé traumatique. Ainsi, en s'attachant à suivre le houleux parcours conjugal de la famille Yorkin par le regard voyeur de Sy, nous nous immergeons dans ses fantasmes parfois malsains parmi l'inquiétude de ses prochaines motivations punitives. Le réalisateur prenant soin d'instiller un suspense latent qui ira crescendo au fil du stratagème illégal de Sy à s'autoriser d'y braver la loi.  

Drame de la solitude transplanté dans le cadre du thriller à suspense, Photo Obsession demeure aussi bien fascinant que passionnant pour y dresser, non sans une certaine émotion poignante (pourtant toute en retenue), le profil galvaudé de cet employé trop fragile pour pouvoir s'adapter dans cette société d'incommunicabilité, d'individualisme et d'intolérance.  

*Bruno 

Récompense: Festival de Deauville 2002 : Prix spécial du jury.

vendredi 18 décembre 2020

La Prison du Viol

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Jackson County Jail" de Michael Miller. 1976. U.S.A. 1h24. Avec Yvette Mimieux, Tommy Lee Jones, Cliff Emmerich, Howard Hesseman, Robert Carradine. 

Sortie salles France: 4 Mai 1977 (Int - 18 ans). U.S: Avril 1976.

FILMOGRAPHIE: Michael Miller est un réalisateur et scénariste américain. 2001: Face Value. 2001 Disparition programmée. 1997 Adventures with the Dutchess (TV Movie). 1997 World's Most Daring Rescues (TV Movie documentary). 1997 World's Deadliest Volcanoes (TV Movie). 1996 À force d'aimer (TV Movie). 1994 Danielle Steel - Un parfait inconnu (TV Movie). 1994 Il était une fois l'amour (TV Movie). 1993 Star (TV Movie). 1993 Passion enflammée (TV Movie). 1993 Battement de coeur (TV Movie). 1992 Enquête dangereuse (TV Movie).  1991 Un papa sur mesure (TV Movie). 1991 Palomino (TV Movie). 1990 Blown Away (TV Movie).  1990 Always Remember I Love You (TV Movie). 1990 Dangerous Passion (TV Movie). 1988 Necessity (TV Movie). 1987 Les roses de la vengeance (TV Movie). 1986 Le regard du coeur (TV Movie). 1986 A Case of Deadly Force (TV Movie). 1985 Le crime de la loi (TV Movie). 1985 Le témoin silencieux (TV Movie). 1982 American Class. 1982 Horreur dans la ville. 1978 Outside Chance (TV Movie). 1976 La prison du viol. 1975 Street girl.


"Les injustices sont le nid des révolutions".
Réputé pour son flair indéfectible, Roger Corman ne s'y est pas trompé en produisant le méconnu La Prison du Viol natif des Seventies. Titre français racoleur faisant sans doute référence au sous-genre du Women In Prison alors qu'il n'en est rien, bien que l'héroïne se fera effectivement violée durant son incarcération journalière à travers une séquence aussi brutale qu'éprouvante (raison pour laquelle le film écope une interdiction aux - de 18 ans chez nous). Sorte de After Hours vitriolé; principalement pour sa première partie lorsque l'héroïne littéralement infortunée multiplie sans modération les mauvaises rencontres au sein d'une Amérique profonde engluée dans la médiocrité, l'ennui, le chômage, l'alcool et la pop-culture, La Prison du Viol demeure une bonne série B d'action efficacement troussée. Tant auprès de sa réalisation étonnamment soignée (notamment à travers l'habileté du montage ciselé si je fais référence aux courses poursuites automobiles et aux bastons improvisées) que de la qualité de son interprétation qu'Yvette Mimieux et Tommy Lee Jones dominent avec une force d'expression effrénée. Il faut dire que durant la majorité de l'intrigue, ils se retrouvent poursuivis sans relâche par une police expéditive de par leur condition de fugitifs malgré eux à la suite du meurtre d'un flic schizo. 

Ces derniers endossant les nouveaux Bonnie and Clyde sans toutefois braquer les banques à travers leur instance de survie. Ainsi, l'intérêt de l'intrigue menée sans temps morts émane également de la caractérisation humaine de ce duo infortuné impliqué dans un concours de circonstances préjudiciables aux yeux d'une police inconséquente incapable de discerner la droiture d'une femme victimisée par des machistes en rut après s'être fait dérober son véhicule par un couple de jeunes délinquants. C'est donc à travers leurs yeux emplis de larmes et de colère que s'y dévoile un portrait pathétique d'une Amérique profonde à la fois réactionnaire et régressive. Si bien que Michael Minner (spécialiste de séries TV et de téléfilms avant tout, même s'il se fit connaître auprès des cinéphiles avec Horreur dans la Ville avec l'ami Chuck) ne lâche jamais du regard cette femme éplorée ne trouvant que soutien auprès d'un taulard lui criant son fiel contre une Amérique fallacieuse dénuée d'équité. On s'attache donc facilement à la fragilité de ses personnages en fuite marginalisés par cette société abrutissante incapable de discernement et de légitimité envers ces présumés coupables condamnés à fuir l'autorité en y brandissant les armes en désespoir de cause. 

Etonnante curiosité entre action, peinture sociale et road movie aride, La Prison du Viol met avant tout en exergue la valeur humaine de ce duo à la fois contradictoire et commun dans leur condition de fugitifs en survie précaire. Tommy Lee Jones, fraîchement impressionnant dans sa posture frondeuse taiseuse, et Yvette Mimieux, sobrement empathique en victime démunie, portant le film à bout de bras à l'aide d'une aigre acuité dramatique davantage confirmée.  A découvrir. 

*Bruno

Remerciement à Ciné-Bis-Art.

jeudi 17 décembre 2020

L'un des Notres

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Let him go" de Thomas Bezucha. 2020. U.S.A. 1h54. Avec Kevin Costner, Diane Lane, Lesley Manville, Will Brittain, Jeffrey Donovan, Kayli Carter. 

Sortie salles France: 6 Janvier 2021. U.S: 6 Novembre 2020

FILMOGRAPHIEThomas Bezucha est un réalisateur et scénariste américain né le 8 mars 1964, . 2000 : Big Eden. 2005 : Esprit de famille. 2011 : Bienvenue à Monte-Carlo. 2020 : L'un des nôtres. 


Un couple de légende réunit autour d'un western moderne compromis au vigilante movie.
Splendide vigilante movie transplanté dans le cadre du western moderne, L'un des Notres (oubliez ce titre français somme toute triviale pour opter sa traduction initiale par "laisse le partir"), est illuminé du duo impromptu Kevin Costner / Diane Lane. Car si je ne m'abuse, c'est la seconde fois qu'un cinéaste les réunit à nouveau l'écran en tant que couple fragilisé par les épreuves du temps à travers sa thématique si délicate du deuil filial. Notamment en y portant en filigrane une attention toute particulière à l'humilité du cheval auquel le film fait plusieurs fois références si bien que le couple voue un amour immodéré pour l'animal au sein de leur ranch reculé. Deux comédiens de légende donc qu'on ne présente plus, bien que Diane Lane s'y faisait plus discrète que son confrère auprès de ses seconds-rôles des années 2000 et 2010. En tout état de cause, le couple vieillissant qu'ils forment à l'écran nous suscite une profonde nostalgie teintée de mélancolie à travers leur âge avancé si bien que certaines situations intimistes nous provoquent une émotion tantôt poignante, tantôt bouleversée. Notamment grâce au tact de Thomas Bezucha filmant leur aparté parmi une juste réserve prude (notamment auprès de leur  discussion studieuse sur les murmures invoqués autrefois à leur cheval lors d'un diner au restaurant). 

Car outre le soin de sa mise en scène posée et attentionnée, ce qui touche irrémédiablement dans L'un des Notres émane de son récit à la fois hostile et fragile exploitant brillamment les codes du western grâce à son intensité exponentielle ainsi que la valeur sure des comédiens communément impliqués dans leur fonction pugnace de self-défense. L'histoire soigneusement structurée illustrant les moults tentatives de ce couple de grands parents tentant d'extraire des mains d'une famille de rednecks (dirigée de main de fer par leur matrone) leur petit-fils maltraité. Qui plus est, leur ex belle fille s'avère recluse par son époux abusif n'hésitant pas également à la corriger pour un moindre prétexte. Quand bien même au préalable, c'est à dire lors du prologue, on nous démontre hors champs que le fils des grands-parents mourut lors d'un accident de cheval. Ainsi, à travers les thèmes du deuil insurmontable, de la maltraitance et de l'amour maternel, L'un des Notres s'extrait de la routine et des conventions grâce à l'âpreté de son récit drastique et à la densité humaine de ces personnages évoluant dans des directions anxiogènes impossibles à deviner. On se demande donc, passé l'acte dramatique de l'épicentre de l'intrigue, où nous mènera cette vendetta familiale que Kevin Costner (tout en retenue de son flegme inquiétant) et Diane Lane (digne portrait maternel inscrit dans une douce sollicitude) impose avec une force d'expression semi-dépressive.


La femme qui murmurait à l'oreille de l'âme.
Superbe thriller westernien agrémenté d'affrontements tendus et d'éclairs de violence d'une intensité affolante, L'un des Notres dégage une émotion aussi ardue que bouleversante à travers l'amour irréfragable de ce couple sclérosé s'évertuant à préserver l'enfance au péril de leur vie. Spoil ! Telle le souligne sa thématique finale du sens du sacrifice risquant de vous faire sortir les mouchoirs sans fioriture. Fin du Spoil. Au final, l'un des films évènementiels en cette fin d'année (Covid) d'un onirisme crépusculaire pour cet hommage moderne au western classique. 

Dédicace à Frédéric Serbource et Thierry Savastano

*Bruno

mercredi 16 décembre 2020

Phantasm IV: Oblivion

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Don Coscarelli. 1998. 1h26. U.S.A. Avec Reggie Bannister, A. Michael baldwin, Bill Thornbury, Bob Ivy, Heidy Marnhout, Angus Scrimm.

Sortie salles Canada: 31 Juillet 1998. Location Vhs, France: 6 Juillet 1999.

FILMOGRAPHIEDon Coscarelli est un scénariste et réalisateur américain né le 17 Février 1954 à Tripoli (Lybie). 1976: Jim the World's Greatest. 1976: Kenny and Compagny. 1979: Phantasm. 1982: Dar l'invincible. 1988: Phantasm 2. 1989: Survival Quest. 1994: Phantasm 3. 1998: Phantasm 4. 2002: Bubba Ho-tep. 2012: John Dies at the end.


La vie n'est qu'un rêve qui mène à la mort.
4 ans après le 3è volet concocté en 94, Don Coscarelli redore le blason de Phantasm pour ce nouvel opus plus axé sur un onirisme feutré qui faisait tout le sel et le charme de son modèle gravé dans la mémoire des fantasticophiles. Ainsi, nos compagnons Mike et Reggie vont une nouvelle fois unifier leur force pour tenter de combattre et détruire le Tall Man, croque-mort énigmatique en costume noire armé de sphères volantes et ayant décidé de détruire l'humanité en transformant les humains en nains de l'enfer ! Et c'est reparti pour une nouvelle aventure au pays des fantasmes avec cet univers hermétique volontiers insensé afin de semer la confusion chez le spectateur en corrélation au rêve éveillé. Un fascinant voyage onirico-cauchemardesque dont les composantes essentielles (boules volantes, Tall Man, nabots difformes, seuil délétère) restent à nouveau présentes pour aviver notre curiosité. Par conséquent, après les sympathiques mais inégales séquelles Phantasm 2 et 3Don Coscarelli tente de renouer aux origines qui ont fait le succès et la notoriété de son oeuvre phare du Fantastique contemporain. A savoir, et par le biais d'une narration à la fois non-sensique et originale, conjuguer avec perpétuelle efficacité fantastique, horreur, science-fiction et même merveilleux, mâtiné d'un soupçon d'érotisme (la rencontre entre Reggie et la jeune étrangère survivante de son accident de voiture donne lieu à une surprenante étreinte dans la chambre d'un motel abdiqué). Et la bonne nouvelle, c'est que Coscarelli souhaite régresser en terme d'action et de rebondissements trop téléphonés car versant inutilement dans la facilité du grand-guignol, comme le définissaient ses deux précédents volets. 


Et ce en dépit ici d'un prologue décalé aussi bizarroïde qu'équivoque. Mais passé cette parenthèse un chouilla discutable (l'intervention du flic et le corps dans le coffre), un souci formel et une créativité fertile sont préconisés afin de renouer avec l'ambiance feutrée du premier volet (sans toutefois reprendre son fameux thème musical, à tort ou à raison). Et on peut avouer que le cinéaste retrouve assez régulièrement l'aura de fascination et la fraîcheur de son modèle de par son sens inventif en roue libre (c'est peu de le dire car on reste constamment intrigué par l'action à répétition). Ainsi donc, on ne cesse de progresser vers un rêve temporel truffé de flash-back faisant ainsi référence au 1er opus. Si bien qu'il s'agit en faite de scènes coupées assez habilement insérées pour rendre un tout assez cohérent alors qu'initialement, Phantasm avoisinait une durée de 3h00. L'intrigue se résumant à un long rêve éveillé où chaque personnage se retrouve projeté d'un endroit singulier à un autre lors d'un voyage temporel dénué de logique (ou presque). La singularité est donc une nouvelle fois de rigueur auprès de ces périples vertigineux, entre passé et futur, afin de tenter d'expliquer les agissements mais aussi les origines du fossoyeur lors de ses théories morbides. Quand bien même au gré de cette aventure chimérique située en plein désert (dépaysement assuré !), on retrouve avec plaisir tous les personnages amiteux du premier film (Mike, Reggie, le tall man mais aussi Jody, même si un peu en retrait !) lors d'une chronologie (sciemment) désordonnée. Si bien que leur cheminement semé d'embuches et de faux-semblants ne cesse d'osciller passé, présent et même futur quant à la destinée de Mike toujours en quête de vérité sur la disparition de son frère aîné. 


La vie n'est qu'un long rêve dont la mort nous réveille
Spectacle ésotérique beaucoup plus convaincant et inventif que ses précédents volets dans son refus du divertissement standard adepte de l'outrance, Phantasm 4 est de loin le plus réussi depuis son modèle en dépit de son budget restreint, d'FX digitaux parfois ratés et d'un aspect téléfilm pour autant moins préjudiciable que le précédent opus. Tentative fidèle et plutôt habile d'honorer son ancêtre à travers un sens de fascination sémillant, Phantasm 4 nous tend la main pour approcher une expérience chimérique hors du temps sous l'impulsion d'un sarcasme macabre nous titillant une réflexion sur le sens de notre réalité terrestre et cérébral. 

*Bruno
16.12.20
02.08.10. 157 v

mardi 15 décembre 2020

Sound of Metal

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Darius Marder. 2019. U.S.A. 2h01. Avec Olivia Cooke, Riz Ahmed, Mathieu Amalric, Paul Raci, Lauren Ridloff 

Sortie salles France: 30 Décembre 2020 (ou 20 Janvier 2021)

FILMOGRAPHIE: Darius Marder est un scénariste et  réalisateur américain. 2008: Loot (documentaire). 2019: Sound of Metal. 

Oeuvre sensorielle d'une sensibilité inévitablement expressive, sans pour autant se laisser berner par une émotion programmée, Sound of Metal est un drame humain peu à peu bouleversant eu égard de l'épreuve de force d'un batteur de metal subitement atteint de surdité. Traité comme un docu-fiction, de par son souci vériste de nous immerger dans l'introspection du héros dépressif sous l'impulsion d'une bande-son chiadée (le silence bourdonnant qu'il perçoit de ses oreilles ainsi que les sons trop aigus après s'être introduit les implants nous distillent un malaise permanent), Sound of Metal fait office de douloureuse expérience humaine à travers ce passionné de musique soudainement contraint de virer sa cuti depuis son handicap auditif. Car fou d'ardeur pour le metal et sa compagne avec qui il sillonne les contrées à bord de sa caravane, Ruben sera contraint de suivre une thérapie dans un centre spécialisé afin d'y accepter son fardeau. Et ce lors d'une temporalité résolument furtive, notamment auprès de la détresse de sa compagne l'incitant à rejoindre fissa sa nouvelle communauté afin de lui épargner une probable récidive à la toxicomanie. 

C'est donc une initiation au langage des signes que lui imposera son nouvel entourage parmi l'autorité d'un leader enseignant à la fois prévenant et (oh combien) lucide. Le récit, soigneusement narré et structurée, nous relatant avec beaucoup de sobriété et de pudeur sa résilience de se confronter à sa nouvelle condition de vie, mais aussi son éventuel espoir de renouer avec son quotidien mélomane et sentimental en y tablant une transaction chirurgicale. Outre la valeur chétive d'Olivia Cooke (la révélation de la série Bates Motel) de par sa force d'expression démunie inscrite dans la réserve (elle suggère plus donc qu'elle ne nous montre), on reste impressionné par la performance de Riz Ahmed  humainement impliqué à nous susciter ses sentiments contradictoires de colère et de désespoir, d'appréhension et d'aspiration sans effets de manche. Il faut dire que la mise en scène (leste) radiographie ses humeurs et états d'âme par le biais de sa poignante humilité accompagnée d'intelligence d'esprit. Ce qui nous converge d'ailleurs à un final proprement bouleversant à travers sa nouvelle prise de conscience à la fois équilibrée, docile et valide. 

Réflexion dure et émouvante (car si cruelle) sur l'aléa de la vie auquel rien ne nous est acquis d'après l'apprentissage du handicap et du dépassement de soi que cela entraîne, Sound of Metal est un uppercut émotionnel d'une fragilité humaine jamais sirupeuse eu égard de son vérisme expérimental faisant office de docu sensoriel. Du cinéma épuré à la fois vibrant et salutaire afin d'y imprimer la caractérisation morale de sa victime en instance de renouveau. 

*Bruno

lundi 14 décembre 2020

Le Corbeau

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
"The Raven" de Roger Corman. 1963. U.S.A. 1h26. Avec Vincent Price, Peter Lorre, Boris Karloff, Hazel Court, Olive Sturgess, Jack Nicholson.

Sortie salles France: 13 Novembre 1968. U.S: 25 Janvier 1963

FILMOGRAPHIE: Roger Corman est un cinéaste américain, né le 5 avril 1926 à Détroit, Michigan
1955: Day the World Ended. 1956: It's Conquered the World. 1957: Rock all Night. 1957: l'Attaque des Crabes Géants. 1957: Not of this Earth. 1957: Vicking Women. 1957: The Undead. 1958: War of the Satellites. 1958: She-Gods of Shark Reef. 1958: Swamp Women. 1958: Teenage Caveman. 1958: Mitraillette Kelly. 1959: Un Baquet de Sang. 1960: La Petite Boutique des Horreurs. 1960: La Chute de la Maison Usher. 1961: Ski Troop Attack. 1961: La Chambre des Tortures. 1961: Atlas. 1962: The Intruder. 1962: l'Enterré Vivant. 1962: l'Empire de la Terreur. 1962: La Tour de Londres. 1963: Le Corbeau. 1963: La Malédiction d'Arkham. 1963: l'Horrible cas du Dr X. 1963: l'Halluciné. 1964: Le Masque de la Mort Rouge. 1964: l'Invasion Secrète. 1965: Le Tombe de Ligeia. 1965: Not of this Earth. 1966: Les Anges Sauvages. 1967: l'Affaire Al Capone. 1967: The Trip. 1970: Bloody Mama. 1971: Gas-s-s-s. 1971: Le Baron Rouge. 1990: La Résurrection de Frankenstein.


Comédie pittoresque menée sans temps mort, Le Corbeau est la 5è des adaptations de Poe réalisée par le maître du système D, Roger Corman. Et on peut dire qu'avec la complémentarité amiteuse de têtes d'affiche aussi prestigieuses qu'à contre-emploi (Vincent Price, Peter Lorre et Boris Karloff sont épaulés du néophyte Jack Nicholson), celui-ci parvient à divertir avec une aimable efficacité eu égard de la simplicité du pitch (l'adversité entre 2 prestigieux magiciens) non exempt de rebondissements bâtis sur le subterfuge, la félonie et le mensonge. Outre son climat fantaisiste bonnard que les acteurs entretiennent avec une mutuelle bonhomie, le Corbeau bénéficie une fois de plus d'une scénographie gothique flamboyante au sein du château saturé d'une envoûtante photo sépia. Corman exploitant habilement les vastes pièces du château (mais aussi des extérieurs naturels) avec parfois un certain onirisme enchanteur. Et si les trucages ultra cheap prêtent inévitablement à sourire, son final débridé (le combat entre les 2 magiciens) dégage un charme fripon à travers sa simplicité innocente, notamment auprès des moyens rudimentaires mis en oeuvre. Une série B bougrement plaisante donc que les acteurs parviennent à rendre facilement attrayante à travers leur complémentarité gentiment sarcastique. Quand bien même Roger Corman,  étonnamment à l'aise dans le registre comique (même s'il y eut déjà La Petite Boutique des Horreurs pour le prouver), demeure comme de coutume aussi bien incorrigible qu'inégalable pour façonner un p'tit métrage sans prétention réalisé en un temps record. Et ce en y exploitant par souci d'économie les mêmes décors de ces précédents hommages à Poe


*BM
2èx

jeudi 10 décembre 2020

S.O.S Fantômes 2

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imd.com

"Ghostbusters II" d'Ivan Reitman. 1989. U.S.A. 1h48. Avec Bill Murray, Dan Aykroyd, Sigourney Weaver, Harold Ramis, Rick Moranis, Ernie Hudson, Annie Potts.

Sortie salles France: 15 Décembre 1989. U.S: 16 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Ivan Reitman est un réalisateur canadien, né le 27 Octobre 1946 à Komarno en Tchécoslovaquie. 1971: Foxy Lady. 1973: Cannibal Girls. 1979: Arrête de ramer, t'es sur le sable. 1981: Les Bleus. 1984: SOS Fantômes. 1986: L'Affaire Chelsea Deardon. 1988: Jumeaux. 1989: S.O.S. Fantômes 2. 1990: Un Flic à la Maternelle. 1993: Président d'un Jour. 1994: Junior. 1997: La fête des pères. 1998: 6 Jours, 7 nuits. 2001: Evolution. 2005: Ma Super ex. 2011: Sex Friends.


Mal accueilli par la critique en dépit de son succès public international (chez nous il cumule 2 175 147 entrées contre 2 939 369 avec le 1er opus); S.O.S Fantômes 2 est une séquelle inutile réalisée par Ivan Reitman himself 5 ans après son modèle. Pour autant, auprès des aficionados, cette suite gentiment troussée demeure toutefois assez attachante et bonnard pour passer un agréable moment. Et ce en dépit d'un rythme sporadique non exempt de longueurs et d'un inévitable effet de surprise rompu. On se raccroche donc sur la bonhomie fougueuse de nos chasseurs de fantômes épaulés de seconds-rôles aussi attractifs pour rendre l'ensemble somme toute fréquentable. Tant et si bien que Ivan Reitman eut la judicieuse idée de réunir toute l'équipe du 1er film pour notre plaisir nostalgique. Et à ce niveau, on reste jouasse de les retrouver dans une énième aventure truffée d'effets spéciaux plutôt réussis (notamment cet impensable final avec la statue de la liberté déambulant dans les rues nocturnes de New-York entre la foule en liesse !). 


Les acteurs communément impliqués insufflant une humeur assez fringante durant leur périple en dépit de leur (première) réticence d'y reprendre leur rôle respectif (surtout auprès de Bill Murray réfractaire aux séquelles généralement redondantes). En l'occurrence, alors que l'action prend place 5 ans plus tard, nos chasseurs sont contraints de reprendre du service à la suite de l'hostilité d'un tyran (Vigo des Carpathes) délibéré à s'extraire de sa fresque d'un musée après s'être incarné dans le corps d'un nouveau-né. Pour se faire, il envoûte Janosz Poha, le conservateur du musée le contraignant à kidnapper le bébé de Dana Barrett (Sigourney Weaver). Au même moment, nos chasseurs de fantômes aperçoivent dans les égouts de la ville une étrange matière visqueuse rose qu'ils prénomment "slime". Ainsi, si son schéma narratif n'apporte pas vraiment de surprises auprès de son air de déjà vu et que l'humour demeure beaucoup moins efficace qu'au préalable, S.O.S Fantômes 2 parvient toutefois à divertir in extremis de par son ambiance loufoque et débridée émaillée de séquences d'action modestement extravagantes et sémillantes. 


Ils reviennent pour sauver le monde !
En tout état de cause, par je ne sais quelle alchimie probablement intègre, on quitte l'aventure avec un sentiment de satisfaction amiteux sous l'impulsion du score proverbial de Ray Parker, Jr (même si cette séquelle n'avait pas lieu d'être faute d'absence d'innovation).

Ci-joint la chronique de S.O.S. Fantômes: https://brunomatei.blogspot.com/2019/01/sos-fantomes.html

*Bruno
3èx


mardi 8 décembre 2020

Jade (Theatrical Cut)

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de William Friedkin. 1995. U.S.A. 1h35. David Caruso, Linda Fiorentino, Chazz Palminteri, Richard Crenna, Michael Biehn. 

Sortie salles France: 29 Novembre 1995. U.S: 13 Octobre 1995

FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood. 1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe. 

                                           

Démoli par la critique (et le public) de l'époque après l'avoir comparé comme un vulgaire plagiat de Basic Instinct, Jade demeure toutefois un excellent thriller érotique mené de main de maître par la sommité William Friedkin. Il est donc temps de remettre les pendules à l'heure tant ce divertissement regorge de qualités esthétiques, techniques et narratives n'ayant point à rougir de son modèle susnommé. Car outre le savoir-faire de sa mise en scène posée et d'une intrigue à suspense incessamment captivante (on reste scotché jusqu'au générique de fin); Jade est notamment rehaussé d'un cast 3 étoiles à la sobriété payante. Tant et si bien que l'on reste par exemple en suspens face à son épilogue équivoque, dans la mesure où les acteurs ne débordent pas dans leur persuasion perfide à nous brouiller l'esprit une ultime fois. Outre la posture saillante de David Caruso en flic placide délibéré à boucler son enquête de manière circonspecte, de Chazz Palminteri en amant infidèle couard et du regard méprisant de Richard Crenna en gouverneur altier sans vergogne, Linda Fiorentino affronte ses partenaires avec une force tranquille et de sureté à contre-emploi de la performance clinquante de Sharon Stone. Tout du moins c'est ce qu'elle nous dévoilera au premier abord de son interrogatoire. 

                                  

Car sans dévoiler les tenants et aboutissants de l'intrigue émaillée de rebondissements sans fard (tout est charpenté et admirablement mis en image avec un réalisme parfois démonstratif), l'actrice parvient à distiller un certain doute dans l'esprit du spectateur avec un naturel à la fois dépouillé et sans fard de par sa personnalité notoire (bon chic bon genre) à la sexualité névrosée. Car bien entendu l'intrigue en vogue repose sur les composantes de la luxure, de l'échangisme, du fantasme, du fétichisme et du sado-masochisme avec un goût prononcé pour l'art chinois (d'où son titre révélateur faisant allusion à 2 détails). Quand bien même les protagonistes tentent de démêler le vrai du faux parmi de potentiels suspects en grande fragilité de survie. On peut enfin relever une scène d'action faisant office d'épicentre émotionnel à travers une poursuite automobile à couper le souffle (on appelle ça aussi une "anthologie artisanale"), qui plus est au service du récit au climat délétère sous-jacent. 


"Certains fantasmes vont trop loin"
Divertissement policier impeccablement huilé surfant sur le phénomène Basic Instinct à travers une identité autrement glauque et affutée, Jade se tire de la redite (ou de l'épigone) avec un art consommé de l'efficacité. Et ce sans se complaire dans une vulgaire outrance lubrique pour mieux appâter la libido du spectateur. A revoir d'urgence donc, ne serait-ce également que pour la stature étrangement vénéneuse de Linda Fiorentino en misandre chétive. 

*Bruno
2èx

vendredi 4 décembre 2020

Un plan Simple. Prix du Jury, Cognac 1999.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"A simple plan" de Sam Raimi. 1998. U.S.A. 2h01. Avec Bill Paxton, Billy Bob Thornton, Bridget Fonda, Brent Briscoe, Becky Ann Baker, Gary Cole. 

Sortie salles France: 24 Mars 1999

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.


"L'ignoble nous enserre, la vulgarité nous étouffe, la cupidité nous dévore."
Jeu de massacre entre une poignée d'honnêtes citoyens sombrant peu à peu dans la criminalité après avoir découvert un juteux magot à la suite du crash d'un avion, Un plan Simple n'accuse aucune concession pour leur cynique cupidité en roue libre. Car d'une puissance dramatique en crescendo sous l'impulsion de rebondissements aussi cruels qu'impitoyables, Un plan simple insuffle un sentiment d'amertume désespéré au fil de leur dérive (a)morale. Particulièrement celle de leur leader respecté de tous mais aujourd'hui amené à vendre son âme au diable depuis sa transaction auprès de ses complices, notamment auprès de son épouse beaucoup plus vénale qu'elle n'y parait (Bridget Fonda demeurant toujours plus pathétique dans sa résilience intraitable d'aller jusqu'au bout de son dessein). Echec commercial incompréhensible lors de sa sortie alors que les critiques l'eurent facilement comparé à Fargo des frères Cohen, Un plan simple joue pourtant dans une cour autrement renfrognée de par son refus de dérision macabre et de revirement débridé ou (volontairement) grotesque. Et ce même si sa scénographie enneigée demeure l'un de ces principaux points communs entre ses 2 pièces maîtresses. 
 
                                         


Tant et si bien que l'observe la scrupuleuse caractérisation de ses protagonistes perfides avec une aversion toujours plus appuyée que Sam Raimi brosse avec un réalisme dérangeant eu égard de leur (insatiable) appétence du gain quitte à y sacrifier les plus faibles ou les plus inconséquents de par leur mutuelle défiance. Tout du moins, parmi l'habileté d'un cheminement narratif serpenté, Raimi s'arrange pour les confronter à un concours de circonstances infortunées (dont celle du terrible dilemme de la légitime défense !) lorsque mensonges et félonies y seront les vecteurs du règlement de compte. Bill Paxton s'efforçant de falsifier les preuves parmi la complicité de son frère déficient que Billy Bob Thornton endosse avec un humanisme profondément torturé. On regrette toutefois l'attrait un brin caricatural de son physique benêt à travers sa banale défroque soutenue d'une paire de lunettes trop larges sur le visage. En tout état de cause, la dégénérescence morale de ce personnage secondaire s'avère aussi passionnante que bouleversante à travers sa sombre (pour ne pas dire funeste) amertume. Sa prise de conscience d'une culpabilité préjudiciable au fil d'une descente aux enfers semée d'épineuses complications.


D'une puissance dramatique rarement égalée pour le genre, Un plan Simple ne nous laisse pas indemne à observer sans retenue la lâcheté de cette médiocrité humaine embourbée dans une criminalité besogneuse. De cupides minables aptes à se trahir et à se feindre pour l'enjeu d'un magot abrité par une aura démoniale, telle le souligne (symboliquement) cette poignée de corbeaux querelleurs à l'affût de leur proie. Au terme, un sentiment tangible de gâchis, de colère et de tristesse irrigue nos émotions face à ce tableau dérisoire de la nature humaine.   

*Bruno
3èx

Récompenses: Critics' Choice Movie Awards 1999 : meilleur scénario adapté et meilleur acteur dans un second rôle pour Billy Bob Thornton.
National Board of Review 1999 : NBR Award du meilleur scénario
Festival du film policier de Cognac 1999 : Prix du jury

jeudi 3 décembre 2020

THX 1138

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de George Lucas. 1971. U.S.A. 1h28. Avec Robert Duvall, Donald Pleasence, Maggie McOmie, Don Pedro Colley, Ian Wolfe. 

Sortie salles France: 3 Novembre 1971. U.S: 11 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: George Walton Lucas, Junior est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 14 Mai 1944 à Modesto, en Californie. 1971: THX 1138. 1973: American Graffiti. 1977: La Guerre des Etoiles. 1999: La menace Fantôme. 2002: L'Attaque des Clones. 2008: La Revanche des Siths.

A contre-emploi de sa machinerie stellaire à dollars, Georges Lucas réalise en 71 son chef-d'oeuvre visionnaire d'une ébouriffante modernité funèbre. 
Quand on estime que THX 1138 fut réalisé en 1971 tient d'une véritable prouesse à la fois technique et formelle tant la dystopie de George Lucas demeure d'une effarante modernité (je pèse mes mots !). Car plus d'un demi-siècle plus tard, THX 1138 reste une claque visuelle et émotionnelle sans précédent de par l'acuité de ces images cauchemardesques retraçant avec souci de réalisme futuriste la condition soumise de ces milliers d'ouvriers confinés dans des sous-sols afin d'exercer leur tâche sans relâche au gré de drogues synthétiques. Visionnaire s'il en est, et plus qu'actuel à travers ses thématiques de la religion (véreuse), de l'asservissement, du totalitarisme, du confinement, de la police de la pensée, du capitalisme (pubard), du rigorisme, de la censure, des violences policières, de la dépression (on peut d'ailleurs rappeler que nous sommes les champions d'Europe en terme de consommation d'anti-dépresseur), faute de nos privations (davantage drastiques) de liberté, THX 1138 parvient à cristalliser un univers monochrome résolument étouffant au sein d'une scénographie faussement rassurante. Dans la mesure où la couleur symbolique du blanc perce l'écran afin que ses détenus lobotomisés puissent éprouver une certaine quiétude à travers leur condition de vie aliénante. 


Car c'est bien connu, à opérer les mêmes actions quotidiennes 24h/24 tend à nous converger vers la démence sous l'impulsion de narcotiques aux effets secondaires fatalement addictifs. Outre son incroyable illustration technologique où les voix de synthèse fusent tous azimuts afin d'orienter ses ouvriers semi-comateux dans la meilleure trajectoire morale et professionnelle, on reste dérangé par les postures atones de ceux-ci incapables de se rebeller contre des flics humanoïdes faussement diplomates. A l'exception de THX 1138 (épaulés de 2/3 comparses en perte de conscience et de repères) depuis que celui-ci éprouve une attirance sentimentale pour sa compagne LUH 3417. Outre les forces d'expression moralement dérangés des seconds-rôles réduits à l'état végétatif (notamment la composition subtilement hystérisée de Donald Pleasance en détenu couard), Robert Duvall insuffle un intonation impassible progressivement humaniste lors de son initiation à l'amour, la résilience et la rébellion. En parvenant lestement à nous susciter ses nouvelles émotions clairsemées au fil de son enjeu de survie où plane une éventuelle lueur d'espoir (quel plan final symbolique !). Ce qui nous vaut d'ailleurs un final autrement barré et spectaculaire (mais aussi baroque avec l'intrusion impromptue de ses animaux mutants !) à travers une course automobile littéralement vertigineuse (on reste plaqué à son fauteuil par la vitesse ressentie sans fard). Ainsi, et après avoir témoigné durant la projo du soin alloué à ses (discrets) effets-spéciaux, on se dit que Georges Lucas est parvenu à les utiliser efficacement de par leur vérisme fréquemment probant. 


L'important c'est d'aimer.
Pierre angulaire de la science-fiction cérébrale, chef-d'oeuvre visionnaire s'il en est, en espérant ne jamais subir pareille dystopie funeste, THX 1138 nous transcende une expérience cauchemardesque à la fois auditive à travers ses sonorités atonales et formelle de par son souci du détail technologique, urbain et architectural. Du cinéma d'auteur infiniment expressif et émotionnellement démoralisant si bien que son attrait de fascination quasi hypnotique demeure aussi inépuisable qu'inextinguible. 

*Bruno
2èx

Spielberg dira à l'occasion d'une interview: « C'était l'un des meilleurs films de SF que j'avais jamais vus ». 

mardi 1 décembre 2020

Le Retour de Patrick (Uncut version)

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Patrick vive ancora / Patrick still lives" de Mario Landi. 1980. Italie. 1h32 (uncut version). Avec Sacha Pitoëff, Gianni Dei, Mariangela Giordano, Carmen Russo, Paolo Giusti, Franco Silva.

Sortie salles Italie: 15 Mai 1980 (int - 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Mario Landi (Messine, 12 octobre 1920 – Rome, 18 mars 1992)1950 : Canzoni per le strade. 1953 : Siamo tutti Milanesi. 1954 : Così è (se vi pare). 1955 : Andrea Chénier. 1957 : All'insegna delle sorelle Kadar. 1957 : Un mese in campagna. 1959 : Il povero fornaretto di Venezia. 
1961 : Il piacere dell'onestà. 1962 : Racconti dell'Italia di oggi - Una lapide in Via Mazzini. 1963 : Giacobbe ed Esaù. 1967 : Maigret a Pigalle. 1969 : Dal tuo al mio. 1976 : Le impiegate stradali. 1979 : Supersexymarket. 1979 : Giallo a Venezia. 1980 : Il viziaccio. 1980 : Le Retour de Patrick. 


Une déclinaison de Patrick complètement vrillée dans son cocktail d'horreur / obscénité faisandées !
Improbable séquelle transalpine réalisée 2 ans après Patrick de Richard Franklin, le Retour de Patrick fleure bon la bisserie Z comme on en ose plus en faire de nos jours (conservateurs). Car l'intrigue linéaire a beau être con comme la lune et les personnages mutuellement inexpressifs (mais facétieux), Patrick 2 est sauvé par son cocktail de gore/nichon illustré sans modération. La plupart des femmes en rut exposant leur corps dans leur plus simple appareil au sein d'une sinistre clinique, fruit d'expériences scientifiques fumeuses. Dans la mesure où après avoir été défiguré lors d'un accident, Patrick se retrouve cloué sur son lit d'hôpital, avec comme consigne paternelle de se venger des responsables de son état végétatif. Pour se faire, à l'aide de 3 cobayes humains que son paternel expérimente en direct, il parvient à absorber leur énergie vitale pour ainsi pouvoir extérioriser un pouvoir télékinésique. Dès lors, et de manière métronome passée la 1ère demi-heure, chaque hôte de la clinique trépassera de la manière la plus trashouille qui soit. Et à ce niveau crapoteux, le Retour de Patrick ne peut décevoir l'afficionado de nanar transalpin avide de dérives gorasses limite dégueulbifs. En témoigne avec l'hallucinante séquence de l'empalement du vagin d'une femme par un tisonnier jusqu'à s'extraire de sa bouche que Ruggero Deodato eut au moins la décence de suggérer dans le scandaleux Cannibal Holocaust. Or, ici, tout ou presque nous est dévoilé sans scrupule par le biais de zooms grossiers du plus bel effet putassier (marque de fabrique de nos opportunistes italiens pillant les succès des autres à leur sauce typiquement racoleuse). J'oserai même dire: il faut le voir pour le croire tant la séquence extrême demeure aussi impressionnante que démentielle. 


Mais aussi incongrue soit cette séquence déviante d'une époque révolue, Le Retour de Patrick regorge d'autres scènes-chocs presque aussi hardgores. Ou tout du moins presque aussi répulsives et dérangeantes. A l'instar de la femme (limite zoophile dans ses allusions sentimentales) dévorée par ses propres chiens (on reste constamment dérangé par son réalisme et ses dérives gores cracras), d'une autre décapitée par la vitre électrique d'une voiture, d'un type la gorge empalée par un crochet de boucher ou encore d'un nageur ébouillanté dans sa piscine. Quand bien même, en fréquente intermittence, on se rince l'oeil des séquences de nudité que nos actrices italiennes surenchérissent afin de griser leurs amants bizarrement indifférents à leur attrait concupiscent. On s'amuse également de la posture sous hypnose d'une des jeunes protagonistes tentant d'amadouer Patrick alité depuis que celui-ci est tombé amoureux d'elle. S'ensuit même une séquence de strip-tease limite porno lorsque celle-ci finit par se caresser les parties génitales en gros plans aguicheurs. Comment voulez vous donc vous ennuyer face à tant de provocations gratuites exposées à travers une ambiance horrifique parfois envoûtante (score dissonant à l'appui !) ! ? Tant et si bien que Le retour de Patrick fut filmé dans les mêmes décors que le (génialement Z) Manoir de la Terreur (les amateurs reconnaîtront fissa les extérieurs de la bâtisse gothique) tourné la même année par le même producteur Gabriele Crisanti, alors que l'actrice Mariangela Giordano sera également recrutée pour ses 2 tournages successifs. 


Vous l'aurez donc compris, le Retour de Patrick mérite largement le coup d'oeil pour les fans irréductibles de nanars transalpins n'ayant pas froid aux yeux. Car en y conjuguant avec modeste efficacité (j'ose le dire) horreur et érotisme, le Retour de Patrick divertit sans ennuyer, avec même parfois un esprit involontairement drôle dont seuls les italiens ont le secret (les crêpages de chignons entre 2 godiches dévergondées lors du repas d'invités s'avère aussi loufoque que débridé). Il est d'ailleurs étonnant de constater que ce pur produit d'exploitation assumé demeure aussi rare que timoré lors des conversations entre cinéphiles aguerris. 

P.S: un grand merci à Ciné-Bis-Art.

*Bruno

vendredi 27 novembre 2020

Le Corps et le Fouet

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site lipercubo.it

"La Frusta e il corpo" de Mario Bava. 1963. Italie. 1h27. Avec Daliah Lavi, Christopher Lee, Tony Kendall, Ida Galli/evelyn Stewart, Gustavo de Nardo, Harriet White.

Sortie salles France: 26 Janvier 1966. Italie: 29 Août 1963

FILMOGRAPHIEMario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


"Le masochisme est une perversion absurde qui consiste à se faire du mal à soi-même, alors qu'il y a les autres pour cela."
Après La Fille qui en savait trop et Les Trois visages de la peurMario Bava réalise la même année le Corps et le Fouet, thriller gothique à tendance sexuelle. Car oser évoquer en 1963 les thèmes fétichistes de la perversion et du sadomasochisme étaient peu courants dans un état aussi puritain que l'Italie. Ainsi, par l'entremise d'un suspense lattent compromis à une hantise spectrale, Mario Bava renoue avec l'esthétisme baroque d'un gothisme raffiné au sein d'un château isolé du 19è siècle. La splendeur de ses décors d'architecture, le soin alloué à sa superbe photo azur ornée de teintes carmins et sépias renforçant sa facture picturale à travers son identité typiquement transalpine. Envoûtant et inquiétant, Le Corps et le Fouet renoue avec la tradition de l'esprit frappeur venu persécuter sa filiation. Si bien qu'après avoir été chassé de sa famille, faute de l'étrange suicide intenté par la fille d'une domestique, le Baron Kurt Menliff revient parmi les siens pour tenter de renouer sa relation sulfureuse avec sa belle-soeur. Ainsi, sur le schéma classique de la hantise,  Mario Bava y apporte sa touche personnelle en y incluant le thème sulfureux du masochisme par le truchement d'un couple maudit emporté par le Mal. 


Si sa structure narrative habilement construite présage un récit éculé axé sur le thème du fantôme persécuteur, le réalisateur détourne sa situation rebattue de par l'utilisation du "whodunit" et de la relation incestueuse entretenue auprès du duo d'amants interlopes. On est d'autant plus surpris de son aura transgressive que Mario Bava ne lésine pas sur la violence acerbe lorsque le baron décide de prolonger son loisir masochiste avec sa belle-soeur soumise (mais complice !) pour la fouetter immodérément ! Au fil de ces incidents meurtriers et par le principe du coupable présumé, Le Corps et le Fouet laisse planer le doute quant à l'identité du fameux criminel (ou la potentielle vengeance d'un spectre tyrannique) avant de nous divulguer son issue salvatrice. Dans le rôle du baron renfrogné,  Christopher Lee insuffle une présence glaçante de par sa sinistre silhouette et son regard impassible dénué de vergogne. De par l'arrogance de ses activités masochistes perpétrées au delà de la mort, l'acteur dégage une aura malsaine vertigineuse auprès de ses hôtes toujours plus indécis envers son hostilité surnaturelle. En maîtresse soumise et torturée, Daliah Lavi illumine l'écran de par sa beauté ténébreuse en ne cessant de provoquer une fascination trouble pour son refoulement masochiste engendrant une répulsion haineuse envers son tyran possessif. Spoiler ! Cette charge érotique audacieuse, ce romantisme déchu qui enveloppe le récit s'octroient au portrait tourmenté de cette victime névrosée que Mario Bava transcende à travers son introspection schizophrène ! Fin du spoil.


"Tout couple humain vit dans un rapport qui, d'une certaine façon, à un moment ou à un autre, est d'ordre sadomasochiste."
D'une beauté funeste aussi glaçante qu'ensorcelante où chaque plan chiadé illumine nos mirettes, le Corps et le Fouet se pare d'une ambition effrontée à oser dépeindre le thème de la paraphilie sous une forme couillue de violence lubrique et de machisme primaire. Poème macabre en berne au romantisme éperdu, le Corps et la Fouet se scande d'une partition mélancolique prédominante à travers le portrait de cette femme éplorée incapable de se défaire de l'emprise pernicieuse de son amant mécréant.  

*Bruno
27.11.20. 4èx
17.06.13. 100 v