jeudi 14 avril 2022

Susie et les Baker Boys / The Fabulous Baker Boys

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Steve Kloves. 1989. U.S.A. 1h54. Avec Michelle Pfeiffer, Jeff Bridges, Beau Bridges, Ellie Raab, Xander Berkeley, Dakin Matthews 

Sortie salles France: 7 Mars 1990. U.S: 13 Octobre 1989

FILMOGRAPHIE: Steve Kloves (parfois crédité sous le nom de Steven Kloves) est un réalisateur et scénariste américain, né le 18 mars 1960 à Austin (États-Unis). 1989 : Susie et les Baker Boys (The Fabulous Baker Boys). 1993 : Flesh and Bone.

Synopsis (wikipedia): C'est l'histoire de deux frères, Jack et Frank Baker qui font des spectacles en duo dans les petits clubs de Seattle. Un jour, ils engagent Susie Diamond, une chanteuse, pour actualiser leur numéro, mais la jeune femme cause bientôt des tensions entre les deux frères.

Hélas oublié aujourd'hui, Susie et les Baker Boys est une jolie balade romantique illuminée de l'attachant trio Michelle Pfeiffer, Jeff Bridges, Beau Bridges en triangle mélomane peu à peu compromis par un conflit sentimental au fil de leurs pérégrinations professionnelles. Steve Kloves (réal du splendide western crépusculaire, Flesh and Bone) demeurant suffisamment intègre et intelligent pour ne jamais faire chavirer le contexte sentimental dans les conventions sirupeuses. En dépit d'un rythme languissant qui ne plaira probablement pas à tous; la sobriété de son cast plein de charme (à ne pas rater le déhanchement hyper sensuel de Michele Pfeiffer sur un piano, toute vêtue de rouge), la qualité des dialogues étonnamment incisifs, son érotisme lestement lascif (l'étreinte de Jack et Susie la nuit du nouvel an), ses chansons confortantes, son climat mélancolique plutôt naturaliste au sein du cadre urbain de Seattle joliment filmé parviennent à instaurer une personnalité à la fois tendre et posée sous l'impulsion d'un couple indécis aux traits de caractère contradictoires. Du ciné 80 sensiblement chimérique au souffle nostalgique révolu n'omettant pas de rester (discrètement) optimiste afin  de s'écarter dans les sentiers balisés du mélo. A revoir, dans un esprit tranquille (et peut-être aussi préparé pour le grand public). 

*Bruno Matéï

mercredi 13 avril 2022

Dans le silence de l'Ouest / The Keeping Room

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineday.orange.fr

de Daniel Barber. 2014. U.S.A. 1h33. Avec Brit Marling, Hailee Steinfeld, Muna Otaru, Sam Worthington, Amy Nuttall, Ned Dennehy

Sortie en Dvd en France le 8 mars 2021. Sortie salles U.S: 25 Septembre 2015

FILMOGRAPHIE: Daniel Barber est un réalisateur britannique né en 1965 à Londres. 2007: The Tonto Woman (court-métrage). 2009: Harry Brown. 2014: The Keeping Room. 


"La guerre est cruauté. Et vous ne pouvez la raffiner. Plus la guerre est cruelle, plus vite elle sera terminée". 
Sorti en salles en 2014 Outre-Atlantique alors que chez nous il fallut patienter jusqu'au 8 mars 2021 pour le découvrir uniquement en Dvd, Dans le silence de l'Ouest est une belle surprise de la part du réalisateur British Daniel Barber à qui l'on doit déjà l'uppercut Harry Brown avec Michael Caine. Le récit, intimiste, langoureux et linéaire, retraçant l'épreuve de survie de 3 femmes (2 soeurs et leur domestique afro) contre l'envahisseur yankee, 2 soldats délibérés à les violer et les assassiner par pur sadisme. Ainsi donc, en se focalisant sur le point de vue féministe de ses 3 femmes fragiles contraintes de se défendre contre l'assaillant l'arme à la main, Daniel Barber livre de jolis portraits de femmes stoïques confrontées à l'ultra violence de l'homme dénué de vergogne. Et si l'intrigue déjà vue demeure assez prévisible, le réalisateur parvient sans cesse à maintenir l'intérêt de par l'évolution de ses 3 femmes moralement torturées (notamment par le biais de la traite des noirs en proie ici à la révolte) s'efforçant de se prouver qu'elles sont l'égale de l'homme en brandissant l'arme en guise d'auto-défense. 

On peut d'ailleurs parler de rape and revenge westernien filmé dans une facture télévisuelle qui sied plutôt bien à son réalisme aride dépeint sans ambages (exit donc le format traditionnel en scope) que Daniel Barber filme avec une personnalité baroque eu égard de l'étrangeté de certaines situations (toute la séquence hostile dans le bar demeure aussi trouble que déconcertante, notamment par la posture indécise des personnages équivoques). Qui plus est, les séquences d'agression ne sont jamais rébarbatives de par l'efficacité des jeunes femmes usant se subterfuge pour venir à bout de leurs oppresseurs avinés (à 1 effet téléphoné près lorsque l'une d'elles laisse maladroitement en vie l'un des 2 tueurs afin de relancer une action archi éculée). Pour autant, on est également réjoui par sa conclusion aussi lucide qu'intelligente lorsque nos vengeresses, confrontées cette fois-ci à une armée de yankees s'approchant de leur bâtisse rurale feront à nouveau preuve de sagacité pour s'extirper d'une mort certaine. Alors que l'instant d'avant, elles tireront la leçon des conséquences de leur vendetta expéditive Spoil ! lors d'un dommage collatéral Fin du Spoil

Baignant dans une inquiétante atmosphère diffuse sous l'impulsion d'un cast féminin sobrement attachant, Dans le silence de l'Ouest exploite intelligemment le rape and revenge dans le cadre du western âpre parfois tendu du point de vue de rebelles féministes à la psychologie aussi fouillée que névrosée. A découvrir donc, d'autant plus que sa nature verdoyante demeure immersive au sein de cette scénographie mortifiée où plane un silence feutré. 

Remerciement à Roman Soni

*Bruno Matéï

mardi 12 avril 2022

Le Bras de la Vengeance / Du bei dao wang

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Chang Cheh. 1969. Hong-Kong. 1h46. Avec Jimmy Wang Yu, Chiao Chiao, Essie Lin Chia, Tien Feng

Sortie salles France: 12 Mars 1975. Hong-Kong: 28 Février 1969.

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.

Critique publiée par Gand-Alf le 10 août 2016

Suite au succès de Un seul bras les tua tous, la Shaw Brothers décide de mettre rapidement sur pied un second volet, toujours sous la direction de Chang Cheh et avec Jimmy Wang Yu dans le rôle devenu populaire du sabreur manchot.

Se déroulant quelques temps après les événements du premier opus, Le bras de la vengeance s'articule autour d'une trame un brin classique, tentant de justifier comme elle peut la mise en chantier de ces nouvelles aventures. Le film met ainsi un bon bout de temps à démarrer, à entrer pleinement dans le vif du sujet, s'attardant plus que de raisons sur les incessantes hésitations de son héros.

S'il reste dans un univers proche de celui de son prédécesseur, où l'honneur et le sens du devoir tiennent une place importante, Le bras de la vengeance pourra étonner par son incroyable violence graphique, la naïveté du wu xia pian se voyant sans cesse éclaboussée par des hectolitres du sang le plus rouge. A ce titre, le climax risque de rester gravé dans la mémoire des amoureux du genre, gigantesque massacre aussi interminable que jouissif.

Peut-être un peu moins marquant que son aîné (et surtout que le reboot que livrera Chang Cheh deux ans plus tard avec La rage du tigre), la faute principalement à un rythme casse-gueule et à un scénario prétexte, Le bras de la vengeance compense ses quelques défauts par une violence exacerbée assez incroyable, par la présence de Jimmy Wang Yu et par une poignée de combats parfois un peu brouillons mais grisants.

7 Gand-Alf 

 Critique publiée par Docteur_Jivago le 27 avril 2017

Suite au succès d'Un seul bras les tua tous, Chang Cheh poursuit sa trilogie autour du sabreur manchot avec Le Bras de la vengeance, misant ici plus sur l'action au détriment de la psychologie des personnages.

C'est d'ailleurs assez dommage ce changement de ton, tant il s'était montré convaincant dans le premier opus en s'intéressant plus aux protagonistes. L'équilibre n'est d'ailleurs pas toujours très bon, Chang Cheh se montrant par moment un peu excessif, notamment dans la violence ou au contraire dans la niaiserie. De plus, on sent aussi que cette suite n'était pas forcément prévu et la première partie de l'oeuvre en souffre malheureusement, à l'image de l'histoire mise en scène un peu trop classiquement.

Si tout cela est effectivement préjudiciable, ça n'empêche pas non plus d'apprécier le film, bien qu'il se révèle plus faible que le premier opus. Si maintenant la violence est très présente, jusqu'à l'excès donc, elle n'en reste pas moins assez bien mise en scène, avec quelques combats plutôt mémorables. C'est dans ses moments là que l'oeuvre va prendre tout son sens, ainsi que le côté aventure et l'enchaînement des affrontements que notre héro doit subir.

On trouve autour de lui des personnages mal écrits ou inutiles, mais c'est bien ce sabreur manchot qui attire la lumière et porte le film sur ses épaules, bien aidé par l'interprétation de haute volée de Jimmy Wang Yu. On a envie de le suivre, de le voir se battre et que sa quête soit une réussite. Derrière la caméra, Chang Cheh se montre plutôt efficace et n'hésite pas à faire ressortir l'aspect macabre et sanglant de son oeuvre.

Concentré d'action et de violence pas toujours bien subtil mais tout de même assez fun, Le Bras de la Vengeance permet à Chang Cheh de poursuivre l'histoire du manchot vengeur, n'hésitant pas ici à proposer un déluge ensanglanté.

6 Docteur_Jivago · 

lundi 11 avril 2022

Les Malheurs d'Alfred

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site boxofficestory.com

de Pierre Richard. 1972. France. 1h33. Avec Pierre Richard, Anny Duperey, Jean Carmet, Paul Préboist, Paul Le Person, Mario David 

Sortie salles France: 1er Mars 1972

FILMOGRAPHIE: Pierre-Richard Defays, dit Pierre Richard, est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur français, né le 16 août 1934 à Valenciennes. 1970 : Le Distrait.1972 : Les Malheurs d'Alfred. 1973 : Je sais rien, mais je dirai tout. 1978 : Je suis timide mais je me soigne. 1979 : C'est pas moi, c'est lui. 1991 : On peut toujours rêver. 1997 : Droit dans le mur.

Seconde réalisation de Pierre Richard, Les Malheurs d'Alfred fut à un gros succès commercial à sa sortie en salles avec plus de 1 304 579 entrées. Comédie bonnard sous couvert d'une satire contre les médias, précisément le mercantilisme des jeux télévisés, Les Malheurs d'Alfred est un sympathique divertissement en dépit de son rythme très inégal cumulant (hélas) plus de gags lourdingues que de bons. La faute incombant aussi à une intrigue plutôt faiblarde alternant scène de tendresse, romance et drôlerie sous l'impulsion d'un Pierre Richard rigoureusement à l'aise en gaffeur outrancier en proie à une soudaine célébrité (celui d'un candidat gagnant d'un jeu télévisé), et de la sémillante Annie Duperey absolument exquise de charme, de fraicheur et de spontanéité en speakerine suicidaire en mal d'amour. Ses yeux résolument azurs inondant l'écran à chacune de ses apparitions candides. A eux deux ils forment un tandem heureusement attachant dans leur quête du bonheur conjugal bien que le cheminement narratif (redondant à partir des épreuves sportives) demeure plutôt maladroit à enchainer parfois/souvent des séquences pittoresques tantôt ubuesques, tantôt nonsensiques (notamment auprès de la posture de seconds-rôles notoires). On apprécie enfin l'excellent score métronomique de Vladimir Cosma renforçant le peps et la gaieté de son climat décomplexé parfois émaillé de surprenantes plages de poésie. A réserver toutefois à la génération 80 qui saura mieux apprécier la tendre sincérité de Pierre Richard dénué de prétention. 


*Bruno Matéï
3èx

vendredi 8 avril 2022

L'Inspecteur Harry / Dirty Harry. Prix Edgar-Allan-Poe 1972 : meilleur film.

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site plansamericains.com

de Don Siegel. 1971. U.S.A. 1h42. Clint Eastwood, Andrew Robinson, Harry Guardino, Reni Santoni, John Vernon, John Larch, John Mitchum.

Sortie salles France: 16 Février 1972 (Int - 13 ans). U.S: 23 Décembre 1971.

FILMOGRAPHIE: Don Siegel (Donald Siegel) est un réalisateur et producteur américain, né le 26 Octobre 1912 à Chicago en Illinois, décédé le 20 Avril 1991 à Nipoma, en Californie. 1956: l'Invasion des Profanateurs de Sépultures. 1962: l'Enfer est pour les Héros. 1964: A bout portant. 1968: Police sur la ville. 1968: Un Shérif à New-York. 1970: Sierra Torride. 1971: Les Proies. 1971: l'Inspecteur Harry. 1973: Tuez Charley Varrick ! 1974: Contre une poignée de diamants. 1976: Le Dernier des Géants. 1977: Un Espion de trop. 1979: l'Evadé d'Alcatraz. 1980: Le Lion sort ses griffes. 1982: Jinxed.

La marque des chefs-d'oeuvre c'est que même quand on connaît la fin on a toujours le même plaisir à les revoir, que ce soit la 5è ou 10è fois, tant on se sent bien avec ceux ayant bercé notre jeunesse cinéphile. L'inspecteur Harry ne déroge nullement à la règle tant Don Siegel, habité par ses convictions novatrices, se surpasse d'y imprimer un jeu du chat et de la souris entre un flic réac et un psychopathe jamais avare de perversité. Psycho-killer transplanté dans la cadre du polar urbain et du thriller à lisière du film d'horreur (la traque nocturne sur le stade est filmée tel un cauchemar vertigineux parmi l'emploi du zoom plongeant en mode inversé), l'Inspecteur Harry ne nous laisse nul répit dès que le tueur Scorpio s'efforce sournoisement de se railler de son rival avec un sarcasme méprisant resté dans toutes les mémoires.  Andrew Robinson immortalisant son rôle vicié avec une expressivité haineuse détestable eu égard de l'aversion ressentie par le spectateur avide d'assister à sa mort en live par notre redresseur de tort à la réputation peu flatteuse. C'est dire si Don Siegel, alchimiste machiavélique, s'y entend pour réveiller nos bas instincts criminels sous l'impulsion d'une vengeance expéditive qu'Eastwood n'hésite pas à recourir en dépit de son insigne policier dénué de déontologie. Celui-ci endossant une sorte de justicier burné à la fois obtus et provocateur afin de se gausser d'une justice arbitraire beaucoup trop laxiste auprès des droits des criminels. 

D'une brutalité et d'une violence inouïe afin de survitaminer l'action sanglante à l'aide de gunfights anthologiques, de passages à tabac barbares et de maltraitance infantile (!!!), l'Inspecteur Harry impose une démarche escarpée pour y dresser le portrait inédit d'un psychopathe s'en prenant uniquement à des enfants et des ados (si on élude la première victime adulte étalée dans sa piscine) par sadisme, cupidité et lâcheté. Ainsi, de par l'intimidation de ses exactions à faible lueur d'espoir, l'intrigue vénéneuse, jusqu'au-boutiste, âpre et malsaine, demeure tendue comme un arc lorsque Harry s'efforce à moult reprises de l'appréhender avec une détermination aussi stoïque que professionnelle. Or, le génie de la mise en scène de Siegel émane de cet affrontement au sommet entre eux n'épargnant aucune pitié ni coup bas pour emporter la mise. Par conséquent, au gré de cette interminable épreuve de force étalée sur 1h42 (notamment auprès de cette hallucinante poursuite à pied qu'Harry est contraint d'exécuter pour répondre à divers téléphones sur un itinéraire précis), l'Inspecteur Harry impose un style documenté à travers son réalisme limite cauchemardesque (notamment auprès de ces nuits urbaines malfamées que n'auraient renié Ferrara ou Friedkin). Clint Eastwood magnétisant qui plus est l'écran autant que son antagoniste déloyal avec un charisme naturellement orgueilleux et distingué (notamment pour sa démarche de cool attitude lors de la 1ère fusillade d'un hold-up manqué). Et ce même s'il adoptera un ton plus sobre, plus obscur et impassible lors de sa rencontre démoniale avec ce pire ennemi usant de roublardise pour le déprécier. 


La Rançon de la Peur.
Authentique chef-d'oeuvre révolutionnaire qui influencera une pléthore de Vigilante Movies après avoir cédé aux séquelles plutôt réussies (en dépit du 5è volet), L'Inspecteur Harry reste quelques décennies plus tard toujours aussi jubilatoire, oppressant et éprouvant de par sa tension exponentielle mettant nos nerfs à rude épreuve. On peut d'ailleurs parler de modèle de mise en scène (assortie de la contribution musicale idoine de Lalo Schifrin) tant Siegel ne nous impose aucune lassitude à travers moult séquences iconiques que l'on connait par coeur. 

P.S: A privilégier la VO par sa tonalité auditive plus âpre, plus grave et plus aigue. 

*Bruno Matéï.
4èx. Vostfr;

Box Office France: 755 540 entrées (mais gros succès Outre-Atlantique avec 35 976 000 $ de recettes vs 6 millions).

Bienvenue à Gattaca

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Andrew Niccol. 1996. U.S.A. 1h46. Avec Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law, Loren Dean, Alan Arkin, Gore Vidal.

Sortie salles France: 29 Avril 1998 

FILMOGRAPHIEAndrew Niccol est un scénariste, producteur et réalisateur néo-zélandais, né le 10 juin 1964 à Paraparaumu. 1997 : Bienvenue à Gattaca (Gattaca). 2002 : S1m0ne. 2005 : Lord of War. 2011 : Time Out (In Time). 2013 : Les Âmes vagabondes (The Host). 2014 : Good Kill. 2018 : Anon. 


"Le bonheur n'est pas dans la recherche de la perfection, mais dans la tolérance de l'imperfection."
Film intimiste un tantinet difficile d'accès, de par son rythme monocorde (qui ne plaira pas à tous), son climat hermétique spécialement désenchanté, son parti-pris contemplatif et sa complexité narrative nous alertant des dérives de la génétique au profit de l'élitisme, Bienvenue à Gattaca fait toutefois parti à mon sens des plus belles oeuvres de science-fiction imparties à la dystopie. En tous cas, l'un des plus dignes fleurons des années 90 d'une ambition salutaire à travers sa prophétie futuriste nous alertant des dérives sanitaires. Visuellement splendide de par sa photo léchée et la discrétion de ses décors insolites magnifiquement éclairés (nuances jaunes ou verdâtres épurées), Andrew Niccol, dont il s'agit de son 1er essai, nous immerge sans fard dans son monde insidieusement totalitaire privilégiant le statut social d'êtres humains clonés au grand dam des invalides (les êtres conçus naturellement) discriminés par la science. Ainsi, 1h46 durant, et sans action ostentatoire (vous êtes prévenus), nous suivons le cheminement illégal de Vincent conçu naturellement par ses parents (et donc invalide aux yeux de cette société idéaliste adepte de la perfection physique, cérébrale et morale), qui, pour accomplir son rêve (voyager dans l'espace afin de fuir sa réalité aseptique) va usurper son identité avec la complicité de Jérôme, être génétiquement modifié mais devenu tétraplégique à la suite d'une tentative de suicide. Je n'en dirai pas plus pour l'intrigue ramifiée à suivre scrupuleusement (notamment au niveau de la grande importance des répliques), tant elle s'avère délicate à détailler. Mais sachez que Bienvenue à Gattaca dégage un climat mélancolique perpétuel dans sa faculté d'y cristalliser son univers futuriste par le biais de détails visuels aussi discrets que fascinants. 


A l'instar des voitures rétros échappées des années 40 et roulant sans ronronnement de moteur, de l'antre épuré de Gattaca dénué d'insalubrité ou encore du repère domestique de Jérôme tristement sans chaleur. Et ce en sublimant cet univers clinquant, froid, déshumanisé, tristement impassible par le biais d'un scénario tout à la fois charpenté et passionnant (à 2/3 sautes de rythme peu répréhensibles). Quant à son cast 3 étoiles (Hawk / Thurman / Law), il demeure terriblement attachant dans leur fonction de cobayes en perdition soumis à une société arbitraire mais doués d'une remise en question morale par leur évolution personnelle, notamment en tentant de sa raccrocher aux valeurs de la cohésion, du (soupçon de) bonheur et de l'amour. C'est ce qu'ils parviendront timidement à renouer durant leur coopération (tortueuse) en tablant notamment sur une rédemption spirituelle si je m'attarde aux états d'âme chimériques de Jérôme et de Vincent unifiés par une fidèle amitié non dénuée de conséquences à la fois inéquitables et infortunées au sein de leur société altière trop attachée à la police d'une idéologie grégaire. Outre la fragilité caractérielle de Jude Law en tétraplégique aviné et la trouble beauté d'Umma Thurman en clone perfectible réapprenant les valeurs du pardon et de l'indulgence, Ethan Hawke porte le poids de l'intrigue épineuse sur ses épaules avec une amertume élégiaque subtilement pesante et éthérée. Ce qui donne lieu à des séquences émotionnelles d'une infinie tristesse jamais démonstrative, si bien que Andrew Niccol demeure sobrement sincère à donner chair à ses personnages et à son univers défaitiste avec une grâce délicate. 


Un poème humaniste désabusé se raccrochant à la mansuétude.  
Cri de désespoir contre l'élitisme au sein d'une société sans vergogne aussi endimanchée que conventionnelle, puisque persuadée d'y formater sa population par une manipulation génétique infructueuse, Bienvenue à Gattaca dégage une frêle dramaturgie mélancolique sous l'impulsion de protagonistes utopistes avides d'horizon stellaire et d'au-delà afin d'approcher une parcelle de plénitude qu'ils n'auront jamais vécu sur leur terre stérile. Onirique et tristement nihiliste.

*Bruno Matéï
4èx

Ci-joint le synopsis de Wikipedia: 

Dans un monde futuriste, on peut choisir le génotype des enfants. Dans cette société hautement technologique qui pratique l'eugénisme à grande échelle, les gamètes des parents sont triés et sélectionnés afin de concevoir in vitro des enfants ayant le moins de défauts et le plus d'avantages possibles pour leur société.

Bien que cela soit officiellement interdit, entreprises et employeurs recourent à des tests d'ADN discrets afin de sélectionner leurs employés ; les personnes conçues de manière naturelle se retrouvent, de facto, reléguées à des tâches subalternes.

Gattaca est un centre d'études et de recherches spatiales pour des gens au patrimoine génétique impeccable. Jérôme, candidat génétiquement idéal, voit sa vie détruite par un accident tandis que Vincent, enfant conçu naturellement, donc au capital génétique « imparfait », rêve de partir pour l'espace. Chacun des deux va permettre à l'autre d'obtenir ce qu'il souhaite en déjouant les lois de Gattaca.

mercredi 6 avril 2022

Ca peut vous arriver demain / Death Game / The Seducers

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site themoviedb.org

de Peter S. Traynor. 1977. U.S.A. 1h27. Avec Sondra Locke, Seymour Cassel, Colleen Camp, Beth Brickell, Michael Kalmansohn, Ruth Warshawsky.

Sortie salles France: ?. U.S: 13 Avril 1977

FILMOGRAPHIE: Peter S. Traynor est un producteur et réalisateur américain né en 1942 à Newton, Massachusetts, décédé le 15 Octobre 2019 (77 ans) à Santa Monica, Californie, USA. 1977: Evil Town. 1977: Ca peut vous arriver demain. 


Extrêmement rare et peu connu du public, Ca peut vous arriver demain est une curiosité malsaine symptomatique des Seventies. L'intrigue, inspirée d'une histoire vraie nous avertit un message liminaire, relatant les deux journées de calvaire d'un époux séquestré chez lui par 2 inconnues siphonnées du ciboulot. Et ce juste après s'être laissé influencer par un triolisme provoqué par ces charmantes nymphettes en rut (qui plus est mineures avoueront-elles un peu plus tard à leur proie afin de le faire chanter lorsque celui-ci décidera d'appeler la police). Sondra Locke et Colleen Camp jouant fort brillamment les psychotiques dévergondées avec un naturel infiniment spontané quand bien même Seymour Cassel se fond dans le corps de la victime soumise de manière sobrement désarmée.


Ainsi donc, de par son climat folingue à la fois fascinant, irritant et inquiétant, pour ne pas dire hystérisé par nos 2 marginales monomanes monopolisant le cadre 1h27 durant; Ca peut vous arriver demain vaut largement le détour pour qui raffole de curiosité saugrenue réalisée ici avec application et inspiration en dépit des aveux du cinéaste n'ayant que peu d'amour et de passion pour le 7è art. Un jeu de massacre féministe pour ces actrices en roue libre (euphémisme) auquel nous participons incessamment, entre curiosité, répulsion, inquiétude, interrogation et fascination perverse plutôt malaisante. Qui plus est, censurée chez nous de 17 mns lors de son exploitation Vhs chez l'éditeur VIP, ça peut vous arriver demain demeure dans sa version intégrale une oeuvre underground assez magnétique entrecoupée de chansonnettes primesautières afin d'y décupler son ambiance délurée aux confins de la folie meurtrière. 


A réserver toutefois aux amateurs éclairés, notamment pour son aura de souffre à la fois réaliste, flamboyante (photo, éclairages soignés en format scope), ensorcelante régie au sein d'un huis-clos domestique crépusculaire et cauchemardesque.

A privilégier impérativement la Vostfr.

*Bruno
19.08.23. 3èx. Vostfr
 
La chronique de CITIZEN POULPE Par Bertrand Mathieux ·(14 septembre 2022)

Quand Knock Knock, d’Eli Roth, est sorti sur les écrans français en 2015, il a peu été fait mention (en tout cas en France) qu’il s’agissait d’un remake et d’ailleurs, ce n’est même spécifié sur la fiche Wikipédia consacrée au film. Pourtant, Knock Knock n’est pas basé sur une scénario original mais bien sur un film daté de 1977, baptisé, sans grande inspiration, Death Game. Le titre français, plus drôle, étant Ça peut vous arriver demain.

Son réalisateur n’est pas vraiment un grand amoureux et artisan du 7ème art. Peter Traynor était en effet vendeur en assurances professionnelles (auprès des médecins) avant d’être cinéaste et producteur, et il ne se décida à travailler dans l’industrie cinématographique que pour faire de l’argent, de son propre aveu. Il déclara en effet dans une interview donnée en 1973 : "Je sais qu’il y a beaucoup de gens dans le business du cinéma qui prétendent y travailler pour faire de l’art. Ce n’est pas mon cas. Je suis là pour faire de l’argent pour mes proches. Je ne sais pas qui est l’Art, mais je parie qu’il a horriblement faim."

Quand on veut faire de l’argent au cinéma à cette époque, les films d’exploitation à petit budget constituent un assez bon filon. Ils coûtent peu et avec un peu de chance, ils trouveront leur public dans les salles de cinéma (dont les fameux grindhouse), alors beaucoup plus nombreuses et fréquentées qu’aujourd’hui. Ça peut vous arriver demain est un bon exemple de ce type de films. Il n’a coûté que 150 000 dollars ; à titre de comparaison, le remake insipide de Roth en a coûté 10 millions…

La démarche vénale revendiquée de Traynor, et son amateurisme total (il ne connaît rien à la technique cinématographique), pourrait laisser croire que le film n’a absolument aucun intérêt. Or, étonnamment, c’est loin d’être le cas.

Sur le plan formel d’abord, Ça peut vous arriver demain tient la route. C’est sans doute, en grande partie, grâce au chef opérateur David Worth, qui contrairement à Traynor possède une certaine expérience sur le plan technique (trois ans plus tard, il travaillera pour Eastwood sur Bronco Billy). Il parvient ici, en usant de jeux d’éclairage et de couleurs, à créer un climat inquiétant, sexuel et étrange qui convient tout à fait au récit, et qui dépasse en intensité celui du remake, plus lisse et convenu. Quant aux comédiens, si on tient compte du fait qu’ils n’ont apparemment reçu que de très vagues indications de la part du metteur en scène, ils s’en sortent très honorablement. C’est en particulier les performances de Sondra Locke (qui fut la compagne d’Eastwood et tourna dans plusieurs de ses films, dont Bronco Billy justement, mais aussi Josey Wales, hors-la-loi et L’Épreuve de force) et de Colleen Camp qu’il faut saluer ; de toute évidence en roue libre, elles y vont à fond dans le registre de la démence, et cela donne des scènes efficaces et assez intenses.

Sur le fond, enfin, Ça peut vous arriver demain est loin d’être un banal home invasion. Si l’on s’en tient au message qui ouvre le film et à la toute dernière séquence (ridicule), on pourrait penser, selon un point de vue assez simpliste, que le malheureux George est un honnête père de famille victime de deux tentatrices dépravées, corrompues par la révolution sexuelle. Mais cela serait ignorer de multiples indices qui suggèrent une lecture plus subversive, selon laquelle ce même père de famille serait en fait l’incarnation d’une figure américaine hypocrite, revendiquant des valeurs qu’il bafoue à la première occasion. En d’autres termes, à travers lui, Agatha et Donna s’attaquent rageusement au symbole d’une autorité masculine et paternaliste qui, sous le verni, est plus vicieuse qu’il n’y parait.

La chanson de générique, Good Old Dad, dépeint d’ailleurs un père (à travers les mots de sa fille) faussement idéal, et sans doute un vrai pervers (il me donne une fessée quand j’agis mal, dit la chanteuse sur un ton enfantin ironique), tandis qu’Agatha et Donna font fréquemment référence, quoique de façon allusive, à un passé familial douloureux, marqué par un père absent ou abusif. Sous cet angle, Ça peut vous arriver demain est le procès d’un mâle coupable (et de tous ses semblables, y compris un spectateur dont le voyeurisme est régulièrement titillé dans le film), et non le calvaire d’un innocent ; d’ailleurs, l’orage que cadre fréquemment Traynor (sans grande finesse) dans la dernière partie du film souligne l’idée d’une forme de justice biblique.

Le critique cinéma John Kenneth Muir vit ainsi dans Death Game un thème féministe, que ne contesta pas, peut-être de façon opportuniste, son auteur ; on peut alors se demander pourquoi celui-ci fit-il le choix d’un dernier plan qui viendrait presque contredire cette interprétation. Mais peut-être ne faut-il pas chercher dans le travail de Traynor de cohérence excessive.

Quoiqu’il en soit, malgré des problèmes de rythme et un côté répétitif, Ça peut vous arriver demain est un grindhouse qui vaut le coup d’œil pour son climat de folie, ses comédiennes finalement assez convaincantes et surtout, sa critique d’une image familiale mensongère.

Sondra Locke veut vous punir !

«Death Game» est un thriller de Peter S. Traynor sorti en 1977, avec la célèbre actrice et regrettée Sondra Locke. J’ai eu envie de voir ce film, car j’ai vu son remake réalisé par Eli Roth «Knock Knock» sorti en 2015. Les deux œuvres sont intéressantes à comparer, tant on n’en retient pas forcément les mêmes choses, ni les mêmes ressenties, malgré un scénario identique.

«Death Game» raconte la terrifiante histoire de Georges Manning (Seymour Cassel), honorable père de famille et homme d’affaire. Se retrouvant seul chez lui le jour de son anniversaire, deux jeunes fille, Agatha (Sondra Locke) et Donna (Colleen Camp) frappe à la porte. Trempées et perdues, elles demandent de l'aide à Georges. Après que les deux jeunes femmes eurent raison de sa fidélité, elles le menacent en lui faisant vivre un véritable calvaire. Sous des aspects de séduisantes jeunes filles, se cache la cruauté incarnée.

 Chronique de BaronDuBis chez SENS CRITIQUE:
 
«Death Game» est supérieur à son remake, de loin… «Knock Knock» virait dans une ambiance burlesque, à la limite de la comédie noire. Dans l’original de 1977, l’ambiance est vraiment beaucoup plus 1er degré. Tandis que le film avance, le style change et s’adapte au fur et à mesure que le pauvre Georges est frappé, maltraité, attaché et dans les vapes. Un travail sur les couleurs et un montage dynamique nous immerge bien dans cette maison de campagne ou de folles insouciantes et cruelles jeunes filles persécutent joyeusement un homme innocent. Contrairement à «Knock Knock», «Death Game» développe un vrai charme avec une mise en scène adaptée au contexte incontrôlable et bordélique.

Une différence de taille avec la version d’Eli Roth: le fond. L’homme est montré ici comme une victime, rien n’indique une charge contre le patriarcat ou la famille traditionnelle, rien ne laisse présager d’une misandrie quelconque, la fin du film ne laisse aucun doute là-dessus. Le remake quant à lui, est clairement une charge contre l’image de l’homme blanc moyen et père d'une famille idéale. L’homme est à la fois objectivement la victime et dépeint comme un coupable. Le film - sous prétexte de comédie noire - cherche clairement à faire plaisir au spectateur en humiliant et culpabilisant l’homme, jusqu’à la scène finale, ce qui rend le tout un peu gênant étant donné la réalité des faits. Là ou «Knock Knock» nous dit «Regarde comment j’humilie le modèle américain», «Death Game» nous dit «Fait attention, les hommes sont faibles, plus que tu ne le crois, tu pourrais te faire piéger».

Dernier détail, le film débute en prétendant que cette histoire est vraie, évidemment, une affirmation invérifiable...

En conclusion, «Death Game» est de l’excellent cinéma bis américain des années 70, un vrai plaisir de voir Sondra Locke en femme tarée et cruelle, usant de ses charmes pour mieux punir ensuite. Une bonne surprise, étant donné la déception que j’avais eue avec version d’Eli Roth, sans saveur particulière. À voir pour les amateurs du genre !
 
BaronDuBis
7/10

Chronique de Dahlia issue du blog les Gloutons du Cinéma
 
Oui, Eli Roth en a fait un remake en 2015 avec Keanu Reeves, Ana de Armas et sa femme (à l'époque) avec qui il a également tourné The Green Inferno: Lorenza Izzo. Knock Knock était sympathique mais assez oubliable. D'ailleurs, "fun fact" le réalisateur de l'original et ses deux actrices font parties des producteurs de ce remake, plus pour Colleen Camp qui y a un petit rôle également.

Revenons donc à Ça peut vous arriver demain / Death Game : Avertissement en introduction : le film est basé sur des faits réels ! (Rien d'étonnant mais je n'ai point trouvé d'information à ce sujet). Là où je classerai Knock Knock dans la catégorie Thriller, ici, c'est plutôt le Home Invasion auquel je pense tout de suite. Là, où le film fait fort c'est la puissance de l'ambiance anxiogène ressenti. Deux jeunes femmes adorables, puis séductrices se transforment en véritable cauchemars. Cette montée angoissante parfaitement réussie, on la doit bien entendu à Peter S. Traynor, avec sa mise en scène, ses plans fascinants, ses couleurs psychédéliques,... Mais également et presque "surtout" à ses deux actrices : Sondra Locke (ex femme de Clint Eastwood qu'on a pu voir (entre autres) dans le meilleur Dirty Harry : Sudden Impact) et Colleen Camp (vu campant dix mille rôles secondaires de Police Academy, Le Jeu de la Mort à Die Hard 3...). Absolument terrifiantes, personnifiant magnifiquement bien la folie furieuse.

Ici, contrairement au remake, le bon père de famille est clairement "innocent", le but et la finalité sont ici, assez différents. On vous met d'ailleurs en garde en introduction que le mal peut frapper partout. Pas de vengeance particulière, juste de la "malchance" et de la chair faible (malgré le doute subsistant sur une lecture pas très saine)...

En bref, c'est pas une surprise et comme bon nombre de films, l'original surpasse de loin son remake. J'insiste sur une ambiance bien plus folle, anxiogène et même horrifique ! Angoisse et frustration assurées. A voir et revoir le 13 et 18 septembre à l'Etrange Festival !

-Dahlia- (5 Septembre 2022)
5/6

mardi 5 avril 2022

Un seul bras les tua tous / Dubei dao

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdfr.com

de Chang Cheh. 1967. Hong-Kong. 1h56. Avec Jimmy Wang Yu, Chiao Chiao, Tien Feng, Huang Chung-hsin, Yang Chih-ching, Pan Yin-tze 

Sortie salles France: 3 Juillet 1974. Hong-Kong: 26 Juillet 1967

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.


En mémoire de Jimmy Wang Yu...
Premier volet de la trilogie du sabreur manchot, Un seul bras les tua tous est un excellent film d'arts martiaux inauguré en 1967 par le maître Chang Cheh. Car à partir d'un poignant récit de vengeance latente que Fang Gang tente coûte que coûte de canaliser, Un seul bras les tua tous prône les valeurs de l'honneur, de la loyauté et de l'amour sous l'impulsion d'une tendre romance que se partagent le héros et une fermière qui le sauva du trépas. Car un peu plus tôt, Fang Gang perdit l'usage de son bras droit à la suite d'une altercation avec la fille de son maître Qi Ru-feng secrètement éprise de lui. Une séquence terriblement intense par son effet de surprise sous l'impulsion d'un score musical étourdissant ! Rongé de remord par sa rancoeur et sa jalousie, elle tentera lors de retrouvailles de lui avouer ses véritables sentiments en dépit de sa fraîche relation avec la fermière qu'il se refuse à compromettre. 


L'intérêt de l'intrigue misant sur la digne moralité de Fang Gang optant pour la fidélité, la sagesse et la maturité d'une vie de paysan plutôt que de perdurer la pratique des arts-martiaux au risque d'y perdre un jour la vie. Or, son ancien maître Qi Ru-feng (qui l'éleva à la suite de la mort de son père); est menacé par le démon du sabre et ses condisciples délibérés par la tricherie de leurs armes novatrices à annihiler leur dynastie. Emaillé de combats au sabre chorégraphiés en bonne et due forme, on reste surtout impressionné par son ultime demi-heure belliqueuse alternant en parallèle avec de furieux combats sanglants que les clans s'opposent sans relâche. Avec, en guise de point d'orgue singulier un affrontement au fouet que le méchant manipule avec un charisme aussi sournois que délétère. 


Ainsi, de par la disparité des armes parfois modernes et de la tenue vestimentaire de certains antagonistes, Un seul bras les tua tous dégage encore aujourd'hui une troublante modernité près de 60 ans après sa sortie, et ce en misant notamment sur l'aspect sanglant de la plupart des affrontements furibards que Chang Cheh filme avec une évidente sagacité aussi bien formelle (sa nature factice dégage un onirisme quasi enchanteur !) que technique. Pour la triste anecdote, j'appris aujourd'hui à tout hasard, et par l'intermédiaire d'une connaissance amicale (outre-atlantique), la disparition de l'acteur taïwanais Jimmy Wang Yu (héros du film) décédé ce 4 avril 2022 à l'âge de 79 ans. (Ma décision de revoir le film ce soir ayant été prévue depuis la semaine dernière après avoir revu La Rage du Tigre du même auteur).

*Bruno Matéï
2èx

lundi 4 avril 2022

Le Temps d'aimer et le Temps de mourir / A Time to Love and a Time to Die

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Douglas Sirk. 1958. U.S.A. 2h12. Avec John Gavin, Lilo Pulver, Don DeFore, Keenan Wynn, Erich Maria Remarque, Dieter Borsche, Barbara Rütting, Thayer David, Charles Régnier, Dorothea Wieck, Kurt Meisel, Klaus Kinski.

Sortie salles France: 16 janvier 1959. U.S: 9 Juillet 1958.

FILMOGRAPHIEDouglas Sirk, de son nom de naissance Hans Detlef Sierck, né le 26 avril 1897 à Hambourg (Allemagne) et mort le 14 janvier 1987 à Lugano (Suisse), est un réalisateur et scénariste allemand d'origine danoise.1935 : La Fille des marais. 1943 : Hitler's Madman. 1944 : L'Aveu. 1946 : Scandale à Paris. 1947 : Des filles disparaissent. 1948 : L'Homme aux lunettes d'écaille. 1951 : La Première Légion. 1951 : Tempête sur la colline. 1954 : Taza, fils de Cochise (Taza, Son of Cochise). 1954 : Le Secret magnifique. 1954 : Le Signe du païen. 1955 : Capitaine Mystère. 1955 : Tout ce que le ciel permet. 1956 : Demain est un autre jour. 1956 : Écrit sur du vent. 1957 : Les Ailes de l'espérance. 1957 : Les Amants de Salzbourg. 1958 : La Ronde de l'aube. 1958 : Le Temps d'aimer et le Temps de mourir. 1959 : Mirage de la vie. 


"L'un des plus beaux films du monde" selon Godard.

« Ce film marque la rencontre bouleversante de Douglas Sirk et d'Erich Maria Remarque, l'auteur de À l'Ouest, rien de nouveau. Une osmose exceptionnelle s'est créée entre Sirk, le romantique, et Remarque, le pacifiste. Le Temps d'aimer et le Temps de mourir constitue l'une des œuvres les plus déchirantes et les plus intenses, sur la folie et l'absurdité de la guerre. “Ce qui m'a intéressé — devait déclarer Sirk — c'est ce décor de ruines et ces deux amants. Cette histoire d'amour est inhabituelle. C'est un film qui est très proche de mes idées, particulièrement par sa description de la brièveté du bonheur1.” Dans le décor apocalyptique d'une Allemagne qui s'effondre moralement, militairement et physiquement, deux êtres unis par un amour subit vont vivre quelques instants de bonheur. La force de ce film est de ne pas défendre une thèse. Sirk nous épargne les habituelles théories antimilitaristes. Pourtant, nous sommes extraordinairement concernés par cette guerre, machine folle qui broie tout. Remarquablement joué et dirigé, avec la tendresse d'un grand auteur, Le Temps de vivre et le Temps de mourir est une œuvre belle et douloureuse, à ne pas manquer. »
Patrick Brion.


Critique publiée par guyness le 2 octobre 2015 sur SENSCRITIQUE.

On confond trop souvent ce qu'est l'essence d'un vrai mélo avec ses excès caricaturaux, ou, pire, avec ses versions outrageusement ratées. Revenir aux fondamentaux est pourtant simple: on retrouve dans ce Sirk la quintessence du genre, débarrassée de de ces aberrations.

Il y a deux aspects passionnants dans l'histoire de cette permission inespérée dont bénéficie un jeune soldat, en pleine débâcle de Russie, qui rencontre l'amour sur le théâtre des ruines encore fumantes de ses souvenirs d'enfance.

La façon parfaite dont se côtoient la romance et la terrible réalité de la guerre, d'abord. Deux dialogues résument, mieux que toute tentative d'analyse, ce mélange divinement dosé.

-Tu as vu l'étoile filante ? Tu as fait un vœu? demande Ernst à Elizabeth (jusque là, plein mélo archétypal, non ?)

-Oui ! (une pause) ... J'espère que ce n'est pas un bombardier.

Un peu plus tard c'est Elizabeth qui interpelle son jeune amant.

- regarde cet arbre qui a bourgeonné avant tous les autres, avant même l'arrivée du printemps ! N'est-ce pas merveilleux ?

- Je pense que c'est la chaleur de la cabane qui a brûlé à côté, qui a du perturber les bourgeons.

Autant dire qu'il n'y a bien qu'un spectateur doté de la mauvaise foi d'un supporter de foot pour ne voir qu'une simple histoire d'amour, au demeurant superbe, dans cet avant-dernier film du réalisateur allemand.

Car voilà l'autre particularité du film. Montrer la guerre du côté des perdants n'est pas chose si fréquente. Au delà d'un ou deux exemples célèbres, comme peut l'être un inoubliable croix de fer, il faut souvent aller du côté des cinémas allemands, japonais ou italiens, de la deuxième moitié du 20ème siècle, pour trouver des histoires de héros dont les actions glorieuses n'ont pas été légitimés par la bénédiction du bon dieu, qui est, comme chacun le sait, toujours du côté de ceux qui font prévaloir la justice et le bien.

Sirk est natif de Hambourg, mais son cinéma est ici américain, et la singularité et la complexité de son message brouille encore un peu plus l'apparence lisse des choses. Le printemps révèle la putrescence des cadavres, les soldats revenus de l'enfer se font traiter de planqués par les populations restées au pays, les repas aux chandelles se finissent au sous-sol sous une pluie de bombes, et les mécanismes de précipitation vers la défaite des futurs vaincus, en cercles vicieux concentriques, sont superbement étudiés.

Depuis le temps, vous devriez pourtant le savoir: les films ne sont pas vieux ou modernes. Ils ne sont pas en noir et blanc, muets, en couleurs ou parlants. Ils ne sont pas asiatiques, européens, africains ou américains. Ils ne sont pas longs ou courts. Ce ne sont pas des westerns, des polars, des mélos ou des péplums. Ils ne sont pas en 3D ou en animations. Les films sont juste intéressants ou non, ratés ou réussis, touchants ou plats. Bref, si vous êtes effrayés par le mélo, soyez rassurés: le temps d'aimer le temps de mourir fait tout simplement partie des (très) bons films.

8/10 guyness

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Critique publiée par Aurea le 26 juillet 2011 sur SENSCRITIQUE

Ce film est adapté du roman de Erich Maria Remarque : Le Temps de vivre et le temps de mourir, Douglas Sirk tenait vraiment à modifier le titre pour rendre encore plus indissociable l'amour et la mort, et l'on ne peut s'empêcher de penser au Prélude à la mort d'Yseult, de Wagner, l'un des plus beaux morceaux dédiés à l'amour éternel et impossible.

Certes il s'agit d'un film de guerre, mais il est filmé avec l'intensité et la beauté d'un mélodrame, l'histoire d'amour étant d'autant plus forte qu'elle se situe dans un décor en ruines, et si dénonciation du nazisme il y a, elle doit céder le pas à l'histoire d'amour entre ce jeune Allemand, Ernst, généreux et idéaliste, incarné par John Gavin, débutant à l'époque, et la touchante Elisabeth, extraordinaire Liselotte Pulver qui ferait fondre un iceberg tant son jeu est naturel et spontané!

Trois semaines de bonheur intense dans les ruines et la clandestinité pour ces deux amants : "seules les choses condamnées peuvent être si douloureusement tendres".

Un film magnifique dont la dernière scène, poignante, semble hantée par ce que le réalisateur imaginait être les dernières semaines de son fils, et qui pour nous reste inoubliable.

10/10 Aurea ·

samedi 2 avril 2022

Freaks Out

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Gabriele Mainetti. 2022. Italie/Belge. 2h21. Avec Aurora Giovinazzo, Claudio Santamaria, Pietro Castellitto, Giancarlo Martini, Giorgio Tirabassi

Sortie salles France: 30 Mars 2022

FILMOGRAPHIE: Gabriele Mainetti est un réalisateur, acteur, compositeur et producteur de cinéma italien, né le 7 novembre 1976 à Rome. 2015 : On l'appelle Jeeg Robot. 2022: Freaks Out. 

Reconnu avec le savoureux On l'appelle Jeeg Robot découvert en 2015, l'italien Gabriele Mainetti remet le couvert avec un second film de super-héros aussi hétérodoxe et décalé. Si bien que les prods ricaines usuelles feraient bien mieux de s'en inspirer afin d'y dépoussiérer leurs convenances oh combien rébarbatives (et ce étalées sur plus de 2 décennies si j'ose dire) pour qui privilégie les oeuvres personnelles destinées à honorer le genre. Ainsi donc, beaucoup plus ambitieux qu'avec son excellent 1er essai, Gabriele Mainetti s'alloue ici d'un budget plus conséquent afin de rendre plus vrai que nature la triste période du 3è Reich vers la fin de la seconde guerre mondiale (l'action se situant en 1943). Pour ce faire, il jette son dévolu auprès d'un quatuor d'employés de cirque, des freaks ayant chacun des pouvoirs spécifiques surhumains afin de contenter le public ébaubi. Or, lors d'une représentation en bonne et due forme, un assaut de nazis intervient soudainement en semant morts et désolation. Sans chapiteau et démunis, nos héros accompagnés de leur mentor, Israel, tentent de fuir en Amérique afin de refaire leur vie. Mais un concours de circonstances malchanceuses les contraint à se séparer lorsque Israel embarqué de force dans un train, est envoyé dans un camp d'extermination parmi des juifs. Matilde, Fulvio, Cencio et Mario vont donc tout faire pour sauver leur doyen au moment de se réfugier dans un cirque nazi dirigé par Franz, pianiste à 6 doigts délibéré à exploiter les pouvoirs de ceux-ci afin de dominer le monde. 

Un pitch simpliste mais oh combien efficace dans sa structure puisque constamment épique, inventif, belliqueux (préparez vous à un final apocalyptique !), drôle mais aussi dur et cruel, si bien que pour le spectateur non averti, Freaks Out pourrait choquer les plus jeunes par sa violence effrontée dénuée de concession. Gabriele Mainetti dosant avec autant d'audace que d'habileté les composantes du drame, de la tendresse, de la romance et de la cruauté au sein d'un contexte innommable d'épuration ethnique. Car si ce divertissement caustique parvient constamment à surprendre et à amuser, il ne manque pas de brio pour contredire nos sentiments partagés entre rire, joie et larmes. Mais outre son ambiance baroque émaillée de poésie et de féerie que l'on pensait révolues (à la croisée du cinéma de Del Toro et De la Iglesia - en songeant surtout à Ballada Triste -), Freaks Out ne serait pas aussi stimulant sans la caractérisation humaine de ses interprètes aux gueules ordinaires si j'ose dire. Tant et si bien qu'à travers son vibrant plaidoyer pour le droit à la différence, Gabriele Mainetti nous fait aimer ces êtres décomplexés par leur solidarité fraternelle à la fois fragile, incertaine et facétieuse. Les acteurs méconnus chez nous demeurant naturellement attachants sans se laisser déborder par une quelconque outrance gestuelle ou expressive. 


Magic Circus
Il s'agit donc d'un formidable spectacle intrépide que nous propose généreusement l'auteur transalpin Gabriele Mainetti déterminé à réanimer les codes du genre avec une liberté de ton à la fois insolente, provocatrice et couillue. Tant et si bien que Freaks Out ne s'adresse pas à tous les publics par son réalisme cru réveillant la psychopathie du 3è Reich. L'intrigue bicéphale rendant autant un vibrant hommage à l'unité des marginaux et des laissés pour compte (ici natifs du milieu festif du cirque) que de la communauté juive destinée à périr sous l'autocratie d'un dictateur en herbe aussi monomane qu'Hitler (Franz Rogowski terrifiant de douce folie dans ses expressions désaxées faussement tranquilles). Merci Mr Mainetti de nous avoir offert ce second cadeau vitriolé, vrai moment de cinéma festoyant en mode franc-tireur.   

*Bruno Matéï

Ci-joint la chronique de On l'appelle Jeeg Robot: http://brunomatei.blogspot.fr/…/on-lappelle-jeeg-robot-prix…