Photo empruntée sur Google, appartenant au site tribunedelyon.fr
de Damian Szifron. 2023. U.S.A. 1h59. Avec Shailene Woodley, Ben Mendelsohn, Jovan Adepo, Ralph Ineson, Rosemary Dunsmore, Michael Cram
Sortie salles France: 26 Avril 2023. U.S: 21 Avril 2023
FILMOGRAPHIE: Damián Szifron (né le 9 juillet 1975 à Ramos Mejía, dans le Grand Buenos Aires) est un réalisateur et scénariste argentin. 2003 : El fondo del mar. 2005 : Tiempo de valientes. 2014 : Les Nouveaux Sauvages (Relatos salvajes). 2023 : Misanthrope.
Du grand cinéma, sans fioriture, que ce terrible constat d'échec où l'hypocrisie est reine.
Une claque dont on ne sort pas indemne pour faire concis en cette année 2023. Car thriller psychologique nous suscitant un arrière gout de souffre dans la bouche lorsque le générique de fin se met à défiler,
Misanthrope porte bien son titre français à mettre en exergue le portrait écorché vif d'un sociopathe (végétarien) épris de haine, de lassitude et de dégoût face à la corruption du monde capitaliste, médiatique, politique, qui l'entoure depuis trop longtemps. Telle une pandémie indécrottable planant sur la métropole de Baltimore alors que chaque citadin s'éclipse sous un masque pour taire leur solitude existentielle... Si bien que le spectateur s'identifie naturellement au désarroi du criminel; à sa rancoeur, à ses états d'âme avilis par l'injustice d'une société aliénante n'obéissant à aucune règle pour asseoir son autorité, son pouvoir, de manière à la fois égotiste, détachée. Mais aussi horrifiants et implacables soient ces tueries en série qu'on nous illustres sans complaisance (le préambule demeure anthologique sans en dire trop) sous l'impulsion d'une réalisation chiadée (épaulée parfois de cadrages alambiqués faisant perdre notre sens de l'orientation),
Misanthrope porte également une énorme attention à son héroïne policière en herbe elle-même en proie à une haine sociétale et au dégoût de sa propre personne.
Un effet de miroir lui permettant ainsi de mieux saisir les aboutissants de l'auteur des crimes gratuits que son supérieur en uniforme épaulera avec confiance et certain goût du risque (au passage, quelle audace d'y instaurer un rebondissement aussi inopportun là où on ne l'attend pas). Et si ce thriller magnétique, impeccablement interprété (Shailene Woodley s'accapare de l'écran, entre fragilité et détermination dans une expressivité sans fard), s'avère aussi palpitant que passionnant (en renouant avec le "cinéma" au sens noble) de par la densité de ses thématiques tristement actuelles, il s'enrichit au fil de l'intrigue d'une ultime demi-heure à la dramaturgie escarpée au point de nous déchirer les larmes. Car rarement un thriller à suspense ne m'aura si profondément troublé, parlé (intrinsèquement j'entends), désarçonné pour m'immerger dans le trauma cranien d'un psychotique en y laissant exprimer ses mobiles que tout un chacun assimile dans sa propre condition de claustration depuis l'émergence de la cancel culture, du spectre du fascisme (de nouveau en ascension aux 4 coins du monde) et de la corruption gangrénant tous corps de métiers, et ou l'effet de rentabilité empoisonne un peu plus chaque citoyen. Et ce jusqu'au voyeurisme des réseaux sociaux imbibés de vendetta, de délation, de soif de gloire, d'auto-justice.
Au crépuscule du Mal.Subtilement vénéneux, implacable, tendu comme un arc (la séquence des galeries marchandes ou celle de l'épicerie), terrifiant et envoûtant, Misanthrope est donc une oeuvre fertile derrière son apparat de thriller contemporain parvenant sans prévenir à nous bouleverser aux larmes (sans excuser les actes du tueur) pour ce terrible constat imparti à la désillusion (la solitude existentielle de masse gagnant toujours plus de terrain) au point de sortir de la séance avec la méchante gueule de bois. Quand bien même certains esprits fragiles, ou autrement tourmentés, oseront peut-être à leur tour se poser l'improbable question: "suis-je également apte à commettre l'impensable un jour prochain ?". Traumatisant, les nerfs mis à rude épreuve, la mine déconfite.
*Bruno
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