mardi 2 décembre 2025

Le Portrait de Dorian Gray / The Picture of Dorian Gray d'Albert Lewin. 1945. U.S.A. 1h50

                              (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

(Révision)
 
"La Putréfaction de l’Âme sous le Vernis de l’Éternité."
 
Le Portrait de Dorian Gray demeure, à mes yeux, un chef-d’œuvre absolu du cinéma fantastique - injustement délaissé ces dernières années (décennies ?) par les fantasticophiles. C’est un tort immense tant le film, auréolé de l’Oscar de la meilleure photographie et du Golden Globe de la meilleure actrice pour Angela Lansbury, reste imperméable à l’épreuve du temps, figé dans une éternité glacée -(euphémisme !), à l’image de son protagoniste iconique.
 
 
Dorian Gray, incarné par un Hurd Hatfield d’une sidération hypnotique, ange maudit au venin discret, avance le visage lisse et l’âme pétrifiée avec un art consommé. Sa présence, rigide et spectrale, glace le sang de manière infiniment insidieuse et lancinante. Dandy altier lancé à toute vitesse dans une débauche sans frein, il choisit la volupté, l’excès, la jouissance comme unique boussole, tandis que son portrait - reflet monstrueux de sa décrépitude morale - pourrit lentement, se décompose, se crevasse, vieillit dans une lèpre abjecte et répugnante que le réalisateur amplifie en "couleurs". Une vision d’horreur pure qui dérange lamentablement. 
 
 
Il faut louer la maîtrise magistrale de Albert Lewin : une réalisation pleine de tact, d’intelligence et de précision, où chaque dialogue, ciselé comme une lame froide, dévoile avec une cruauté feutrée les conséquences pitoyables d’un aristo corrompu, modelé par les mauvaises influences, serviteur de sa propre hégémonie. Une jeunesse éternelle, mais figée, inerte, morte ; une âme vidée de toute empathie, réduisant autrui, femmes surtout, à de simples objets de distraction, dans un égoïsme orgueilleux qui refuse toute émotion, tout attendrissement, toute limite.
 
 
Baignant dans un climat étrange de douceur vénéneuse et de froideur meurtrière, Le Portrait de Dorian Gray hypnotise du premier au dernier plan. Son argument fantastique, fascinant et terrifiant, frappe avec d’autant plus de force quand l’on contemple cette toile suppurante, rongée par la philosophie abominable du "tout pour soi", de l’individualité cannibale, de la consommation sans vergogne.
 
Une oeuvre réfrigérante indispensable, brûlante d’actualité, dans ce monde obsédé par le paraître au détriment du sentiment, de la considération, de l’empathie, du respect, de l'amour. Un morceau de cinéma pictural qui dépasse les frontières du genre avec une finesse de suggestion dialectique à la fois pléthorique et salutaire.
 
 
— le cinéphile du cœur noir 🖤
2èx. Vostf 

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