mardi 20 novembre 2012

DES HOMMES SANS LOI (Lawless)

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site bd-sanctuary.com

de John Hillcoat. 2012. U.S.A. 1h55. Avec Shia LaBeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Jessica Chastain, Gary Oldman, Guy Pearce, Mia Wasikowska, Dane DeHaan, Noah Taylor.

Sortie salles France: 19 Mai 2012 (festival de Cannes). 12 Septembre 2012. U.S: 29 Août 2012

FILMOGRAPHIEJohn Hillcoat est un cinéaste australien, né en 1961 au Queensland
1988: Ghosts... of the Civil Dead
1996: To have and to Hold
2005: The Proposition
2009: La Route
2012: Des Hommes sans loi


En 2009, John Hillcoat s'était fait connaître avec un road movie post-apo d'une grande intensité dramatique. Trois ans plus tard, il change de cadre et de registre pour nous remonter à une lointaine époque. Celle de l'Amérique des années 30 pour l'évocation familiale de gangsters ayant réellement (sur)vécu durant la prohibition. Epaulé par une pléiade de stars notoires livrant des numéros d'acteurs indéfectibles (mentions spéciales pour Guy Pierce, proprement abjecte dans le rôle gouailleur d'un agent vénal, et la présence flegmatique de Tom Hardy dans celui d'un gangster robuste mais loyal), Des Hommes sans Loi est malencontreusement desservi par un scénario sans surprise et prévisible.

En 1931, en Virginie, la famille Bondurant exerce des activités illicites de contrebande pour la revente d'alcool librement interdite. Un nouvel agent spécial du nom de Charly Rakes décide de leur déclarer la guerre après que ceux-ci aient refusés une offre inéquitable de partage des gains. Mais les frères Bondurant, que l'on surnomme les indestructibles, sont prêt à tenir tête à l'entreprise de ce maître chanteur et se battre jusqu'à la mort pour leur orgueil. 


Superbement photographié dans ses nuances solaires et parfois même émaillé d'éclairs de poésie limpide au sein de sa nature bucolique, Des Hommes sans Loi nous retrace la lutte sans merci de trois frères baroudeurs particulièrement obtus pour se mesurer contre l'autorité d'une police véreuse en affiliation avec des gangsters sans vergogne. Avec le talent épidermique d'interprètes à la gueule burinée ou au minois timoré, cette nouvelle chronique d'une famille de paysans en ascension réussit facilement à créer l'attachement face à leur relation fraternelle éprise d'ambition élitiste. Si on se prend immédiatement de sympathie pour le jeune Jack Bondurant (Shia LaBeouf) dans sa bonhomie naïve à daigner devenir un trafiquant aussi notoire qu'Al Capone, la redondance des faibles enjeux alloués à cette inlassable guérilla manque inévitablement de densité dramatique et de sens épique. Et cela en dépit des innocents sacrifiés ! Pour accorder une certaine dimension humaine à l'intrigue éculée, on éprouve tout de même un intérêt progressif à suivre le cheminement hasardeux du jeune Jack, engagé contre son gré dans une vengeance erratique pour prouver sa bravoure. Face à l'autorité du frère aîné Forrest (Tom Hardy), véritable leader pugnace à la vulnérabilité quasi imputrescible, le spectateur éprouve également une fascination virile prédominante. Ajoutez aussi le charme naturel de Maggie (Jessica Chastain) en compagne férue d'affection pour l'aîné, et surtout la présence outrée de l'agent Charlie Rakes (Guy Pearce à contre-emploi !), dans celui d'un agent épouvantablement couard, et vous obtenez l'évocation sanglante d'une fratrie quasi invincible. Par contre, on regrettera la discrète apparition incisive de Gary Oldman en gangster notable intraitable, digne successeur d'Al Capone !


Jalonné de séquences d'action homériques plutôt attractives, John Hillcoat réussit in extremis à insuffler une certaine efficacité dans la narration conventionnelle allouée à l'honneur fraternelle. D'autant plus que la violence extrême émanant des nombreux règlements de compte est exacerbée par une verdeur dérangeante. Correctement mené, Des Hommes sans loi se regarde donc avec un plaisir (coupable ?) perfectible et sa brutalité parfois insupportable renforce la véracité des faits énoncés. Celle d'une époque où la prohibition avait déclenché un vent de terreur et de corruption chez des arrivistes sans déontologie. 

20.11.12
Bruno Matéï


vendredi 16 novembre 2012

A perdre la raison. Prix d'interprétation Féminine, Cannes 2012

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Joachim Lafosse. 2012. Belgique. 1h51. Avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim, Stéphane Bissot, Mounia Raoui, Redouane Behache, Baya Belal.

Sortie salles France: 22 Août 2012

Récompense: Prix d'Interprétation Féminine pour Emilie Dequenne, dans la catégorie: Un Certain Regard.

FILMOGRAPHIE: Joachim Lafosse est un cinéaste, scénariste, dramaturge et metteur en scène de théâtre belge, né le 18 Janvier 1975 à Uccle. 2004: Folie Privée2006: Ca rend heureux. 2006: Nue Propriété. 2008: Elève Libre. 2012: A perdre la Raison


Inspiré d'une sordide affaire d'infanticide survenue en Février 2007, A perdre la raison décrit la lente descente dans la folie d'une mère de famille, épouse de quatre enfants. Dans un climat austère, pesant et dépressif, le réalisateur belge Joachim Lafosse nous convie donc à une dérive psychotique vis à vis d'une femme démunie car trop esseulée pour se raccrocher à un soutien psychologique. Epouse d'un marocain impassible subjugué par son travail, Muriel est contrainte de partager sa vie conjugale parmi la présence du père adoptif de Mounir, le médecin Pinget. Au fil des mois, après quelques accrochages intempestifs vis à vis de leur autonomie et de la postérité des enfants, le couple décide de s'exiler au Maroc avec l'accord de Pinget. Pour tenter de soigner sa dépression et sous la recommandation du paternel de Mounir, Murielle part consulter une psychologue. Mais une sévère discorde d'ordre relationnelle contraint la jeune femme à endiguer ses futures séances de thérapie. En perte de repères, étouffée par la présence envahissante de Pinget et ses quatre enfants et délaissée par un mari inexistant, Murielle perd pied et sombre dans la folie. 


Photographie clinique, atmosphère anxiogène suffocante et hyper réalisme d'une mise en scène acérée impliquent le spectateur de manière sensitive vers une introspection mentale d'une jeune mère de famille névralgique. Le climat tendu entretenu au sein du couple et la relation en demi-teinte qu'ils doivent consentir avec le Dr Pinget rendent leur labeur péniblement inconfortable. Ce sentiment de claustration est d'autant plus lourd à supporter que les interprètes du film, exceptionnels de véracité, exacerbent cette déchéance conjugale en chute libre. Outre les prestances probantes de Niels Arestrup (impressionnant d'ambiguïté dans sa spontanéité affable) et du surdoué Tahar Rahim (révélé dans le multi-césarisé Un Prophète), une mention particulière est indubitablement impartie à la performance criante de vérité d'Emilie Dequenne (louablement récompensée à Cannes). Dans une froideur désespérée, elle retransmet avec une acuité neurotique le rôle chétif d'une mère de famille totalement désemparée par son environnement cafardeux dont personne ne semble éprouver une moindre empathie.


Remarquablement mis en scène avec un souci de réalisme proche du docu vérité et dominé par la prestance de trois comédiens époustouflants de conviction, A perdre la raison est un drame familial d'une noirceur et d'un désespoir péniblement supportable. Le climat dérangeant et le malaise diffus que le réalisateur véhicule avec application rendent le film finalement antipathique et (trop ?) austère. A conseiller avec réserve et prudence donc.

16.11.12
Bruno 

La polémique des intéressés (Source Wikipedia): Bien qu'il n'ait pas vu le film, Bouchaïb Moqadem, le père des enfants de Geneviève Lhermittte, l'a critiqué en le décrivant comme "insulte à la mémoire de mes enfants." Il a ajouté, "J'ai le droit à l'oubli. Cet assassinat et ce massacre gratuit sont inexplicables. Comment peut-on alors l'expliquer avec un artiste ?". Le Dr. Schaar qui a inspiré le personnage joué par Niels Arestrup s'est également indigné par rapport au film, "C'est faire du fric sur cinq cadavres d'enfants". Il estime que Joachim Lafosse "a fait preuve d’un manque d’empathie vis-à-vis des enfants morts et se fout complètement des protagonistes vivants."En mai 2010, les deux intéressés s'étaient déjà vivement opposés à la réalisation du projet et avaient par la suite réclamé un droit de regard sur l'œuvre qui leur a été refusé.


jeudi 15 novembre 2012

L'Arbre de Noel (The Christmas Tree / When Wolves Cry)

                                                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site femme-de-sable.skyrock.com

de Terence Young. 1969. Italie/France. 1h48. Avec William Holden, Brook Fuller, Bourvil, Virna Lisi, Madeleine Damien, Friedrich von Ledebur, Mario Féliciani, Michel Thomass, Georges Douking.

Sortie salles France: 15 Octobre 1969

FILMOGRAPHIE: Terence Young est un réalisateur et scénariste britannique, né le 20 Juin 1915 à Shangaï (Chine), décédé le 7 Septembre 1994 à Cannes (France) d'une crise cardiaque.
1946: La Gloire est à eux. 1948: l'Etrange Rendez-vous. 1948: One night with you. 1949: Les Ennemis Amoureux. 1950: Trois des Chars d'Assaut. 1951: La Vallée des Aigles. 1952: The Tall Headlines. 1953: Les Bérets Rouges. 1955: La Princesse d'Eboli. 1955: Les Quatre Plumes Blanches. 1956: Safari. 1956: Zarak le valeureux. 1957: Au bord du Volcan. 1958: La Brigade des Bérets noirs. 1959: Serious Charge. 1960: Les Collants Noirs. 1960: La Blonde et les nus de Soho. 1961: Les Horaces et les Curiaces. 1962: James Bond contre Dr No. 1963: Bons baisers de Russie. 1965: Les Aventures amoureuses de Moll Flanders. 1965: Guerre Secrète. 1965: Opération Tonnerre. 1966: Opération Opium. 1967: Peyrol le boucanier. 1967: La Fantastique Histoire vraie d'Eddie Chapman. 1967: Seule dans la nuit. 1968: Mayerling. 1969: l'Arbre de Noel. 1970: De la Part des Copains. 1971: Soleil Rouge. 1972: Cosa Nostra. 1974: Les Amazones. 1974: The Klansman. 1977: Woo fook. 1979: Liés par le sang. 1981: Inchon. 1983: La Taupe. 1988: Run for your Life.


Classique télévisuel des fêtes de fin d’année, ce mélodrame signé par un vétéran du cinéma populaire conserve intact son impact émotionnel lorsqu’il s’agit de partager les derniers instants d’un enfant atteint de leucémie. Tiré du roman de Michel Bataille, ce réquisitoire contre le péril nucléaire ne laisse personne indifférent face à l’iniquité d’une maladie incurable, surtout quand elle s’acharne sur la plus tendre jeunesse. Certains spectateurs, réfractaires au mélodrame, trouveront peut-être à redire à sa dramaturgie emphatique. Pourtant, c’est une œuvre intègre et sensible, qui refuse le pathos racoleur, tandis que la brutalité de son épilogue surprend par sa radicalité. Avec les compositions poignantes de William Holden, Virna Lisi, le jeune Brook Fuller, et l’aisance naturelle de Bourvil, à contre-emploi, Terence Young offre un conte de Noël bouleversant et désenchanté. Si le discours moralisateur sur le nucléaire flirte parfois avec la caricature, la leçon de dignité portée par le réalisateur emporte tout sur son passage, évoquant avec pudeur le quotidien d’une famille unie, déterminée à combler les attentes d’un enfant conscient de sa déveine. Pour apprivoiser cette injustice insoutenable, les protagonistes se réfugient dans l’instant présent, prodiguant sans retenue l’amour qu’un enfant fustigé doit récolter. Profiter pleinement de l’épanouissement commun avant d’affronter la perte inévitable. Latente, l’angoisse se lit aussi du côté de la famille, redoutant la fin prochaine, tandis que l’enfant, conscient de son déclin, est pris d’une anxiété viscérale.


Sous un hiver rigoureux, en cette veille de Noël, Terence Young glisse une nuance poétique, teintée de mélancolie, dans la relation fraternelle que Pascal entretient avec un couple de loups. Ces mammifères sauvages, dérobés dans un zoo par son père Laurent et Verdun, incarnent un voeu utopique. Au-delà du thème grave de la maladie incurable et du péril atomique, L’Arbre de Noël doit son intensité émotionnelle à l’harmonie de ses interprètes. Dans le rôle de Pascal, le jeune Brook Fuller émeut en enfant martyr promis à la mort, trouvant le juste équilibre entre gentillesse spontanée et maturité responsable, sans appuyer sur la corde sensible. Bourvil, complice au naturel bonhomme, surprend par sa sobriété, traduisant indignation et peine face aux conséquences du danger nucléaire. Virna Lisi, maîtresse éprise d’amour pour Laurent, cultive une présence discrète, s’isolant volontairement pour préserver l’équilibre fragile de Pascal, avant de se montrer maternelle auprès du couple réfugié à la maison de campagne pour la veillée. Enfin, William Holden incarne avec poignante conviction un homme d’affaires rongé par la rancœur de la bêtise humaine mais dévoué à son enfant, prêt à le combler de cadeaux tout en lui offrant la tendre compagnie des loups sauvages.

 
"Le Noël des Loups et des Étoiles"
L’Arbre de Noël demeure un mélodrame humble et bouleversant, dont l’issue tragique et irréversible nous frappe de plein fouet, jusqu’au trauma. Porté par l’illustre mélodie de Narciso Yepes, ce conte de Noël vulnérable nous offre une leçon de dignité humaine pour protéger l’être aimé… jusqu’au dernier souffle.

15.11.12. 4èx
* Bruno


                                          

mercredi 14 novembre 2012

Outland

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site alapoursuitedu7emeart.over-blog.net

de Peter Hyams. 1981. U.S.A. 1h49. Avec Sean Connery, Peter Boyle, Frances Sternhagen, James Sikking, Kika Markham, Clarke Peters, Steven Berkoff.

Sortie salles France: 2 Septembre 1981. U.S: 22 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Peter Hyams est un réalisateur et scénariste américain, né le 26 Juillet 1943 à New-York (Etats-Unis). 1974: Les Casseurs de Gang. 1974: Our Time. 1976: Peeper. 1978: Capricorn One. 1979: Guerre et Passion. 1981: Outland. 1983: La Nuit des Juges. 1985: 2010. 1986: Deux Flics à Chicago. 1988: Presidio. 1990: Le Seul Témoin. 1992: Stay Tuned. 1994: Timecop. 1995: Mort Subite. 1997: Relic. 1999: La Fin des Temps. 2001: D'Artagnan. 2005: A Sound of Thunder. 2009: Présumé Coupable. 2013: Enemies Closer. 


"Sur la planète Jupiter, des hommes travaillent. La mort aussi..."
Inspiré du Train sifflera trois fois, Outland est un western futuriste dont l'action est délocalisée sur une station minière de Jupiter. Le pitch: Sur place, un nouveau shérif fédéral est recruté pour le maintien de l'ordre pendant que les ouvriers exécutent leur tâche de chantier. Mais une série d'incidents meurtriers vont l'interpeller pour l'orienter vers un démantèlement de trafic de drogue. Le régisseur de ce réseau de métamphétamine décide alors d'envoyer des tueurs pour le supprimer. A travers ce scénario simpliste, Peter Hyams exploite parfaitement l'originalité de ces décors industriels érigés sous une colonie minière en confrontant son héros flegmatique vers un survival intense auprès de son sens du suspense en ascension. Outland, c'est d'abord une immersion totale sur une planète hostile dont le climat étouffant et opaque s'apprivoise naturellement dans l'esprit du spectateur. C'est ensuite une course contre la montre magistralement dirigée et dominée par la prestance du monstre sacré, Sean connery à la sobriété infaillible. Seul contre tous (même si assisté d'une médecin légiste caractérielle), l'homme indéfectible dans ses valeurs devra user de subterfuge et vaillance afin de contrecarrer ses adversaires. 


La densité du récit est notamment impartie à la dimension psychologique de ce personnage intègre, délibéré à retrousser ses manches depuis que ses alliés ont démissionné par preuve de lâcheté. Démuni et dubitatif (sans parler d'une contrariété conjugale aussi poignante qu'attachante !) mais pourvu d'un héroïsme digne pour honorer sa déontologie, Outland transcende le portrait d'un shérif partagé entre sa crainte d'échouer et sa hargne de vaincre. En pourfendeur, Peter Hyams préfigure également l'avènement de la drogue infiltrée au sein de l'entreprise pour mettre en exergue l'exploitation des prolétaires par ces entrepreneurs sans scrupule où le souci de rentabilité prime. Là où des mains d'oeuvre éreintées par un labeur de longue haleine s'approvisionnent en substance illicite afin de pouvoir tenir le coup et ainsi décupler le chiffre d'affaires. La dernière demi-heure particulièrement fertile en péripéties spectaculaires utilise judicieusement le décompte d'un compte à rebours présageant les duels à venir. Tandis que les décors grandioses confinés vers les remparts externes de la station impressionnent par leur réalisme à la fois dantesque et géométrique. L'action impartie aux altercations ne faisant jamais preuve d'outrance en incitant au vertige lorsque notre héros, affublé d'une combinaison, doit s'agripper sur un chantier électrifiée pour tenter de déjouer les assassins confinés en interne de la station.


Dominé par la présence virile d'un Sean Connery pugnace mais humainement indécis à travers son choix cornélien, Outland est un solide western galactique à l'esthétisme hermétique et à l'efficacité narrative redoutable. En outre, il transcende sans esbroufe le portrait d'un héros inscrit dans la probité mais seul contre tous pour attester de la lâcheté de l'homme jamais avare de corruption, même dans l'espace. Un classique toujours aussi magnétique captivant.

*Eric Binford
16.08.21. 5èx
14.11.12.                     

mardi 13 novembre 2012

INSIDE (La Cara Oculta)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com

d'Andrés Baiz. 2011. Espagne/Colombie. 1h37. Avec Martina Garcia, Quim Gutiérrez, Clara Lago

Sortie salles France: 4 Juillet 2012

FILMOGRAPHIE: Andrés Baiz est un réalisateur, monteur, scénariste et producteur espagnol, né le
2000: Payaso Hijueputa. 2006: Penumbra. 2007: Satanas. 2007: Hoguera. 2008: Passing By. 2009: Love Film Festival. 2011: Inside.


«Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux.» Henri Georges Clouzot.

Passé inaperçu lors de sa discrète sortie dans l'hexagone, Inside est un thriller hitchcockien particulièrement machiavélique et bien ficelé. A travers la relation amoureuse d'un potentiel coureur de jupon suspecté par la police d'être l'auteur de la disparition de sa petite amie, Andrés Baiz débute sa conspiration de manière orthodoxe. L'amant en question est un séduisant chef d'orchestre délibéré à bâcler furtivement son deuil sentimental dans les bras d'une autre conquête féminine, Fabiana. Installée dans sa demeure bourgeoise, la jeune fille ne va pas tarder à être témoin d'étranges phénomènes en interne de la salle de bain. Un bourdonnement se fait écho dans la bouche du lavabo, une eau limpide laisse un sillage au contact inexplicable d'une vibration, alors que le jet de la douche s'élève subitement à une température ardente ! S'agit-il d'une apparition surnaturelle ? Adrian est-il le responsable de ces étranges anomalies et surtout a t'il assassiné son ancienne petite amie ? Bien qu'une enquête sous-jacente suit son court par deux inspecteurs de routine, un astucieux flash-back inopiné nous est divulgué pour mieux comprendre la relation conjugale qu'Andrian entretenait avec son idylle antécédente. Cette réminiscence est illustrée du point de vue d'un seul personnage pour nous dévoiler un rebondissement incongru vis à vis d'une configuration d'un lieu de la demeure (clef à l'appui !).


En jouant de prime abord sur le folklore surnaturel de la hantise, Andrés Baiz renchérit son intrigue indocile au bénéfice d'une soudaine preuve en privilégiant un suspense en crescendo dans la claustration d'un huis-clos bicéphale. ATTENTION SPOILER !!! Sur les thèmes de la jalousie, la suspicion, la rancune et la vengeance, le réalisateur confronte ses personnages féminins à leurs instincts égoïstes les plus pervers pour tenter de s'approprier un amant potentiellement infidèle.
A sa première demi-heure conventionnelle, Inside se révèle ensuite sous un aspect plus détonant dans sa confection d'une machine à suspense implacable. Cette rivalité insidieuse entre deux femmes pugnaces nous illustre avec masochisme un diabolique jeu de miroir au cours duquel leur égotisme intrinsèque va sérieusement compromettre leur autonomie. L'épilogue d'une cruelle ironie dans l'inversion des rôles impartis redouble de perversité sournoise pour extérioriser une rancoeur vindicative. Une manière pernicieuse d'autant plus furibonde que l'amant infidèle sera confronté à une riposte fortuite et devra tenter de découvrir l'utilité d'une clef énigmatique. FIN DU SPOILER


Les Diaboliques 
Dominé par la sobriété des comédiens juvéniles, jouissif en diable dans cette rivalité à double tranchant et davantage tendu par sa claustration imposée, Inside est un excellent thriller utilisant à bon escient le vase clos d'une demeure hantée par le spectre nazi.

P.S: Evitez à tous prix la bande annonce explicite dénuée de scrupule !

13.11.12
Bruno Matéï

lundi 12 novembre 2012

LOOPER

                                     Photo empruntée sur google, appartenant au site cinemateaser.com

de Rian Johnson. 2012. U.S.A. 1h58. Avec Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt, Bruce Willis, Paul Dano, Pierce Gagnon, Piper Perabo, Noah Segan, Jeff Daniels.

Sortie salles France: 31 Octobre 2012.  U.S: 28 Septembre 2012

FILMOGRAPHIE: Rian Johnson est un réalisateur et scénariste américain, né le 17 Décembre 1973 dans le Maryland (Etats-Unis).
2005: Brick
2008: Une Arnaque presque parfaite
2012: Looper


Succès surprise de cette fin d'année, le troisième long-métrage de Rian Johnson est un récit d'anticipation érigé sur une boucle spatio-temporelle. En 2044, le looper, un tueur à gages, est chargé d'assassiner des quidams envoyés du futur par une organisation secrète. Un jour, il retombe sur son double, plus âgé de 30 ans, qui réussit à lui échapper. Joe va tout tenter pour le retrouver au péril de sa vie. Récit de science-fiction dialectique illustrant avec modestie un monde futuriste aléatoire (comme le soulignait par exemple Bienvenu à Gattaca)Looper doit son mérite à la structure narrative d'un scénario aussi finaud et original que confus et passionnant. Sans daigner dévoiler les multiplies rebondissements qui jalonnent l'intrigue, cette série B lestement pensée possède l'atout majeur de nous surprendre au fil de son cheminement sinueux. Parmi l'ambiance en demi-teinte d'une société futuriste totalitaire, un tueur à gages doit combattre son double pour sauver sa propre vie. A contrario, cette réplique plus âgée de 30 ans va tout envisager pour convaincre le looper que sa future destinée amoureuse est mortellement compromise par son supérieur doués de pouvoirs télékinésiques.


Le but de leur mission est donc de retrouver dans l'heure actuelle l'enfant prodige prochainement proclamé le Rainmaker. Ce fameux leader recrutant des loopers du passé pour supprimer les témoins gênants du futur envoyés dans une machine spatio temporelle. On n'en dira pas plus pour l'intrigue savamment charpentée afin d'en préserver toute sa richesse, mais sachez que Looper ne cesse de surprendre dans son contexte temporel, notamment grâce aux attitudes équivoques de nos protagonistes. Cette complexité humaine chargée de doutes et de craintes, impartie à la moralité juvénile de Joe, renforçant l'aspect dramatique du sujet. Cette densité d'un enjeu alarmiste liée à la postérité d'un enfant est décuplée vers son point d'orgue fortuit, engendrant par la même occasion une belle allégorie sur l'éducation parentale Spoiler !!! ainsi qu'une leçon de dignité sur le sens du sacrifice. Fin du Spoiler. Non exempt de cocasserie subtile et de clins d'oeil allusifs à la saga Terminator, Looper fourmille de péripéties haletantes sans toutefois charger la donne dans l'esbroufe explosive. Sur ce dernier point, nombre de spectateurs qui s'attendaient au blockbuster estampillé "Bruce Willis" pourraient être déçus par son aspect dépouillé. Privilégiant plutôt le suspense lattent ainsi qu'une caractérisation de personnages interlopes impliqués dans une traque rivale, Rian Johnson traite de l'enjeu l'humain face à sa filiation lorsqu'une personne est délibéré à prémunir ce qu'il a de plus cher au monde.


Dans une réalisation inventive d'une grande sobriété (les gunfights spectaculaires sont parfois audacieusement édulcorés par la technique du hors-champ !), Looper est une ellipse vertigineuse
culminant vers un final clairvoyant. Emaillé de plages de poésie surnaturelle (les expériences fulminantes de l'enfant chorégraphiées en slow motion) et désincarné d'un environnement aseptisé, Looper transcende (sans fioriture) la prise de conscience d'un orphelin épris d'altruisme dans son cheminement rédempteur.  

12.11.12
Bruno Matéï

vendredi 9 novembre 2012

TRANSAMERICA EXPRESS (Silver Streak)

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Arthur Hiller. 1976. U.S.A. 1h54. Avec Gene Wilder, Richard Pryor, Patrick McGoohan, Ned Beatty, Clifton James, Fred Willard, Len Birman.

Sortie salles France: 24 Août 1977 (1ère diffusion TV TF1: 15 Novembre 1981)

FILMOGRAPHIE: Arthur Hiller est un réalisateur et acteur canadien, né le 22 Novembre 1923 à Edmonton, Alberta (Canada). 
1955: Police des plaines. 1964: Les Jeux de l'amour et de la guerre. 1965: Promise her Anything. 1966: Tobrouk, commando pour l'enfer. 1966: Les Plaisirs de Pénélope. 1967: The Tiger Makes out. 1970: Escapade à New-York. 1970: Love Story. 1971: Plaza suite. 1971: L'Hôpital. 1972: l'Homme de la manche. 1975: The Man in the Glass Booth. 1976: Transamerica Express. 1979: Ne tirez pas sur le dentiste. 1979: Morsures. 1981: Making Love. 1982: Avec les compliments de l'auteur. 1987: Une Chance pas croyable. 1989: Pas nous, pas nous. 1990: Filofax. 1992: The Babe. 1997: An Alan Smithee Film.


Réalisateur éclectique qui aura touché à tous les genres mais aussi apporté sa contribution à diverses séries TV (la Famille Adams, Perry Mason, Alfred Hitchcock présente), Arthur Hiller nous livre en 1976 l'un de ses meilleurs films avec Transamerica Express. Condensé d'action et de suspense, de romance et de comédie mais aussi de catastrophe vers son point d'orgue alerte, cet hommage facétieux aux intrigues hitchcockiennes constitue un divertissement de choix mené sur un rythme effréné ! Avec l'abattage de deux acteurs impayables à la complicité commune (Gene Wilder en gaffeur valeureux et Richard Pryor en cleptomane au grand coeur !), Transamerica Express nous entraîne dans une improbable course poursuite en interne ferroviaire et à proximité de contrées rurales. A bord du Transamerica, George Caldwell, pélerin sans histoire, tombe subitement amoureux d'une jeune secrétaire avant d'être le témoin aléatoire d'un meurtre. Rapidement, les dangereux criminels décident de l'évincer du train afin qu'il ne découvre leur subterfuge à subtiliser un professeur d'art par leur sosie. Pugnace à contrecarrer la manigance des malfaiteurs, George va tenter par tous les moyens d'avertir la police avant de se retrouver suspecté.


Avec l'élaboration d'un scénario solide ne cessant de rebondir parmi une série d'incidents fortuits, cette fantaisie endiablée multiplie les péripéties avec une dextérité peu commune. Avant tout érigé sous la légèreté de la comédie hilarante, le réalisateur ponctue son cheminement narratif de gags irrésistibles (George se maquillant le visage de cirage noir pour éviter que la police ne le reconnaisse, le flic amateur de séries TV incapable de comprendre qui est l'auteur des meurtres, George éjecté du train à trois reprises mais pourvu d'aubaine insensée pour pouvoir remonter à bord !). Mais Arthur Hiller nous conçoit notamment un récit policier ordonné alternant rixes explosives dans ses échanges de tirs entre gangsters et flics et exactions meurtrières pour les individus encombrants. Avec une vigueur et une bonne humeur fringante, Transamerica Express trouve le juste équilibre à affilier ses genres disparates. En prime, la romance allouée entre nos deux amants et son suspense progressiste culminant un dernier enjeu alarmiste vers le principe catastrophiste comblent le spectateur sans jamais faire preuve d'esbroufe inutile. L'intrigue savamment charpentée éludant la moindre digression pour, à contrario, crédibiliser au possible les vicissitudes de nos protagonistes inlassablement pourchassés.


Formidablement manoeuvré par un trio de complices extrêmement attachants (Wilder/Pryor/Beatty) et d'une engeance notable (le génialement pisse-froid Patrick McGoohan !), Transamerica Express est un modèle de loufoquerie mâtiné d'haletant suspense ! Et pour conclure de manière pétulante, son point d'orgue irréversible surprend et impressionne avec l'acuité spectaculaire d'un crash ferroviaire. En résulte un divertissement hybride incroyablement fougueux dans les genres lestement codifiés. Une totale réussite !

09.11.12. 4èx
BM


mercredi 7 novembre 2012

Dark Crystal / The Dark Crystal. Grand Prix à Avoriaz, 1983

Photo empruntée sur Google, appartenant au site morbiusunblog.fr

de Jim henson et Frank Oz. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Jim Henson, Kathryn Mullen, Frank Oz, Dave Goelz, Louise Gold, Brian Muehl, Hugh Spight, Swee Lim, Tim Rose.

Sortie salles France: 23 Mars 1983. U.S: 17 Décembre 1982

FILMOGRAPHIE: James Maury "Jim" Henson est un marionnettiste, réalisateur et producteur américain né le 24 Septembre 1936 à Greenville, décédé le 16 Mai 1990 à New-York. Il est le créateur du Muppet Show, de Monstres et Merveilles et des Fraggle Rock (1983 - 1987).
1982: Dark Crystal. 1986: Labyrinthe. Frank Oz (Richard Frank Oznowicz) est un réalisateur, acteur et marionnettiste américain d'origine britannique, né le 25 Mai 1944 à Hereford. 1982: The Fantastic Mss Piggy Show (tv). 1982: Dark Crystal. 1984: Les Muppets à Manhattan. 1986: La Petite Boutique des Horreurs. 1988: Le plus escroc des Deux. 1991: Quoi de neuf, Bob ?. 1992: Fais comme chez toi. 1995: L'Indien du Placard. 1997: In and Out. 1999: Bowfinger, roi d'Hollywood. 2001: The Score. 2002: The Funkhousers (série TV). 2004: Et l'homme créa la femme. 2007: Joyeuses Funérailles.

Le pitch : Dans un monde inconnu, à une époque indéterminée, deux clans antinomiques — les Skeksès et les Mystiques — se disputent la possession du cristal noir. Sur le point de s’éteindre, les Mystiques invoquent l’aide du dernier survivant Gelfling. Jen, un jeune garçon orphelin, est chargé de retrouver un fragment de cristal afin de renverser la confrérie des Skeksès, selon une ancienne prophétie. S’ensuit une odyssée semée d’embûches, au cours de laquelle Jen croise une autre Gelfling et quelques alliés inattendus qui viendront l’épauler dans son combat contre le Mal.

Pièce maîtresse de la fantasy pour toute une génération de cinéphiles, couronnée à juste titre du Grand Prix à Avoriaz un an après sa sortie, Dark Crystal est avant tout une prouesse technique révolutionnaire. Doté d’un budget pharaonique pour l’époque, ce conte horrifique et envoûtant bâtit un univers atypique entièrement articulé autour du talisman du cristal noir. Ici, pas un acteur à l’écran : seulement des marionnettes — animées avec un savoir-faire d’orfèvre par leur créateur de génie, Jim Henson. D’une splendeur visuelle déroutante, entre décors extravagants, costumes flamboyants et bestiaire inédit, Dark Crystal est un enchantement perpétuel pour les yeux. Henson et Frank Oz, perfectionnistes obsessionnels, n’ont rien laissé au hasard pour nous immerger dans cette fresque d’heroic fantasy, où les notions de Bien et de Mal prennent une résonance universelle.

Forêt enchantée à la végétation féerique, faune chimérique, palais de cristal empreint de gothisme baroque — que des rapaces humanoïdes convoitent pour assouvir leur soif d’immortalité — Dark Crystal narre le combat entre deux forces contraires en lutte pour la postérité.

Le spectacle, à la fois épique et gracile, mêle poésie féerique et baroque cauchemardesque, parfois teinté de cruauté (l’essence vitale soutirée aux esclaves, les sacrifices silencieux de certains personnages). De cette alchimie naît une aventure exaltante, traversée d’une sagesse discrète, dans laquelle chaque protagoniste, marionnette métamorphosée en âme, semble animé par une volonté propre. L’émerveillement naît de cette animation bluffante, où chaque créature d’ethnie étrangère reflète son essence intérieure : empathiques et bienveillants pour les Mystiques et les Gelflings ; répugnants et menaçants pour les Skeksès et les Garthims, sortes de scarabées de cauchemar. Leurs ressorts psychologiques se trouvent exacerbés par une prophétie apocalyptique suspendue à la lumière de trois soleils.

Sa structure narrative, dense et fertile en péripéties, culmine lors d’un final haletant, où l’enjeu dramatique atteint une intensité saisissante — petit sommet d’anthologie dans la course à la récupération du cristal. Et toujours, cette poésie visuelle, spirituelle même, affleure : mystiques et Skeksès fusionnent dans un geste de rédemption, ne formant plus qu’un seul être, restituant le cristal à la sagesse des Gelflings. Dark Crystal en tire une méditation poignante sur la dualité du Bien et du Mal, inhérente à chaque être.

 
"Le chant obscur du cristal". 
Chef-d’œuvre du fantastique baroque, au pouvoir d’enchantement aussi ensorcelant que sa cruauté peut heurter les plus jeunes, Dark Crystal demeure une quintessence picturale, transcendante, qui dépasse tout ce que le genre chimérique avait jusque-là produit au cinéma. Quant à la suite suggérée en 2009 par la Jim Henson Company, potentiellement réalisée par Genndy Tartakovsky et prévue pour 2011, on a toujours le droit de la fantasmer… autant que de la redouter, tant l’exploit originel initié par Jim Henson et Frank Oz relève du miracle pur.

RécompenseGrand Prix à Avoriaz en 1983.
Premier prix au Festival international de cinéma imaginaire et de science-fiction de Madrid en 1983.

Dédicace à Daniel Aprin
07.11.12. 5èx
Bruno Matéï

mardi 6 novembre 2012

SAVAGES

Photo empruntée sur Google, appartenant au site affiches-et-posters.com

d'Oliver Stone. 2012. U.S.A. 2h15. Avec Taylor Kitsch, Aaron Johnson, Blake Lively, John Travolta, Benicio Del Toro, Salma Hayek, Sandra Echeverria, Emile Hirsch, Joel David Moore, Demian Bichir.

Sortie salles France: 26 Septembre 2012. U.S: 6 Juillet 2012

FILMOGRAPHIEOliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2012. Savages.


Ils ont disparu. Tout comme moi. Certains disent qu'on est en Afrique, au Kenya, ou sur une île paradisiaque indonésienne. Mais on parle encore de l'herbe de Ben et Chon. il arrive même quelquefois qu'on en trouve sur le marché. C'est ce qu'on a vécu et on ne pourra jamais revenir en arrière.
Ca m'a pris du temps, mais, je me suis remise à aimer la vie. Je ne suis pas sur que l'amour puisse se partager équitablement à trois. Ce n'est pas comme ça que ça marche. 
J'ai cherché la définition de "sauvage" dans le dictionnaire. Ca veut dire: féroce, cruel. Revenu aux instincts primitifs.
Un jour, peut-être, on reviendra... Mais pour l'instant, nous vivons comme des sauvages... De merveilleux sauvages...



Après une succession d'échecs artistiques peu louables, notre pourfendeur Oliver Stone revient plus motivé que jamais avec Savages, adaptation cinématographique du Best-seller de Don Winslow. Western tex-mex au vitriol arrosé d'ultra-violence au tabasco et d'idylle exotique sur fond de trafic de drogue, Savages nous évoque finalement une "true romance" insoluble. A travers une étreinte en trio auquel une jeune femme partage son coeur avec un ancien belligérant d'Afghanistan et un botanique adepte du bouddhisme, Oliver Stone caractérise ses personnages marginaux comme des trafiquants de drogue réputés notoires dans tout l'état. Quand le cartel mexicain décide de leur proposer une offre alléchante pour une affiliation, les deux acolytes décident simplement de s'y opposer. Intransigeante, la matriarche vénale Elena ordonne à ses hommes de main de kidnapper leur petite amie en guise de chantage. Eperdus d'amour pour leur maîtresse, les deux hommes iront jusqu'au no man's land pour récupérer la captive du désert. A partir de ce canevas simpliste mais palpitant, Oliver Stone en extrait un cocktail acidulé pour scander un polar véreux jalonné d'action cinglante mais entièrement dédié à la personnalité de ces marginaux. Mené sur un rythme alerte avec son lot de rebondissements sarcastiques, Savages se positionne en divertissement adulte par son humour noir sous-jacent et sa violence crue à la limite du supportable. D'ailleurs, sous couvert de farce caustique dénonçant l'industrie florissante de la drogue et la dégénérescence morale des deux dealers, le réalisateur en profite pour nous alarmer sur un fait sordide de société tristement actuel. Il signale avec ironie morbide (les tortionnaires sont affublés d'un masque horrifique) une forme de violence toujours plus incongrue chez la pègre mexicaine quand celle-ci n'hésite pas à employer des moyens barbares pour intimider leurs voisins rivaux. C'est à dire trancher la tête de leurs ennemis à la tronçonneuse ou les fouetter à mort jusqu'à l'immolation rédemptrice ! On sera aussi bougrement surpris par son final à tiroirs pourvu de dérision (faussement) rédemptrice et de tragédie irréversible. En prime, l'épilogue empreint d'exotisme édénique conclu magistralement son éthique sur l'autonomie libérale avant l'aspiration du béguin commun.


Avec sa galerie d'antagonistes impudents et crapuleux, décalés et besogneux, les illustres comédiens qui traversent le récit sont particulièrement à la fête pour livrer de savoureux numéros tendance Tarantinesque. Outre le trio imparti par les attachants Taylor Kitsch (Chon), Aaron Johnson (Ben) en dealers pugnaces et leur ravissante compagne Blake Lively (Ophelia) révélée dans The Town, c'est Salma Hayek qui surprend et détonne dans un rôle à contre-emploi. Celui d'une baronne opiniâtre élevée à la tête d'un immense empire depuis le décès de son défunt. Mais une mère à la maternité déchue car discréditée par sa propre fille rebelle. Quand à John Travolta, il s'alloue d'un rôle d'agent des stups plutôt couard et insidieux face à ces complices hétéroclites. SPOILER !!! Et cela en dépit de nous surprendre de façon roublarde dans un revirement fortuit pour la planification d'un fiasco dérisoire ! FIN DU SPOIL. Enfin, la palme la plus persuasive en terme de salopard ignominieux en revient à Benicio Del Toro dans celui d'un odieux trafiquant mexicain. Tortionnaire, violeur et amant infidèle, l'acteur insuffle sa verdeur meurtrière parmi le regard bestial d'un physique buriné !


Polar coloré désinhibé par une insolence gouailleuse et ébranlé par une violence intolérable, Savages est un divertissement débridé transcendant finalement un conte désenchanté. Celui d'une romance inéquitable vouée au diptyque de l'amour, à la manière de cette dense amitié commune partagée entre deux marginaux inséparables, quand bien même  SPOILER !!! leurs sentiments seront contraints de s'éloigner, faute des conséquences irréversibles d'une sauvagerie primitive... FIN DU SPOIL.

06.11.12
Bruno Matéï


lundi 5 novembre 2012

UN TUEUR DANS LA VILLE (The Clairvoyant / The Killing Hour)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Intemporel.com

d'Armand Mastroianni. 1982. 1h37. U.S.A. Avec Perry King, Norman Parker, Elizabeth Kemp, Kenneth McMillan, Jon Polito, Joe Morton.

Sortie salles France: 24 Octobre 1982. U.S: 1985 (uniquement en vidéo)

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Amand Mastroianni est un réalisateur et scénariste américain, né le 1er Août 1948 à New-York. A partir de 1989, l'essentiel de sa carrière est érigée sous le label de télé-films et séries TV. 1980: Noces Sanglantes. 1982: Un Tueur dans la Ville. 1985: Tales from the Darkside (série TV). 1986: The Supernaturals. 1987: Distortions (Machinations). 1989: Cameron's Closet.


Synopsis: Le cadavre d'une femme est repêchée par la police dans un canal new-yorkais. Ce crime est le premier d'une longue série dont l'une des particularité émane des menottes infligées sur les poignets des victimes. La police impuissante patauge par manque de mobile et de preuves, jusqu'au jour où une clairvoyante, étudiantes en beaux arts, ne vienne les épauler avec ses dessins prémonitoires. 

A l'origine conçu par William Friedkin, cette seconde réalisation d'un vétéran de la TV puise son originalité dans son thème de la prescience et du climat trouble d'une série d'homicides particulièrement cruels. Hormis sa facture un tantinet télévisuelle (ce qui lui renforce un cachet attachant) et sa mise en scène routinière, Un Tueur dans la Ville réussit facilement à nous tenir en haleine parmi l'efficience d'un script intrigant (entre fausses pistes et romance en trio) et la spontanéité attachante des comédiens de seconde zone. D'ailleurs, pour les fans du délirant Class 84 sorti la même année, ils pourront reconnaître Perry King, l'ancien professeur féru d'auto-justice, reconverti ici en journaliste arrogant et arriviste.


Mais ce qui interpelle lors de cette investigation criminelle matinée de surnaturel, c'est la cruauté des meurtres accomplis sans concession par un meurtrier sans visage. Ils se révèlent d'autant plus inventifs pour les lieux dans lesquels les victimes sont embrigadées (véhicule, piscine, ascenseur) qu'elles n'ont aucune chance de se dépêtrer des menottes attachées à leurs poignets. Cet effet de claustration est particulièrement bien rendu avec une séquence aquatique auquel un individu tente de s'extraire la tête hors de l'eau en essayant par tous les moyens de se libérer des menottes de sa cheville. Le sentiment d'insécurité est notamment exacerbé par l'éclairage de néons orangers d'une piscine couverte subitement obscurcie de pénombre. Enfin, vers la dernière partie, une séquence de viol particulièrement crue et malsaine n'hésite pas à incommoder le spectateur par son réalisme glauque résultant d'exactions masochistes de tortionnaires. Dans la chambre d'un hôtel miteux, ils s'accordent des jeux sexuels avec le consentement d'une femme menottée jusqu'à lui infliger divers sévices corporels, telle cette torture à la cigarette. L'ambiance feutrée émanant du mutisme des assaillants est également appuyée d'une bande-son bourdonnante. Quand à la résolution de l'intrigue, elle se révèle assez étonnante quant à l'identité du meurtrier ainsi que son mobile imputé à une sinistre affaire crapuleuse.


Agréablement troussé et incarné par d'attachants comédiens, Un Tueur dans la Ville est un fort sympathique (autant que curieux) thriller qui ne manque pas de susciter anxiété et appréhension face à une énigme particulièrement ombrageuse. A découvrir chez les amateurs de thriller marginal si bien que son ambiance glauque ne manque pas d'intensité pour dépeindre l'opacité d'une cité urbaine rongée par le Mal.

05.11.12
Bruno Matéï


THE AMAZING SPIDER-MAN

Photo empruntée sur Google, appartenant au site culturopoing.com

de Marc Webb. 2012. U.S.A. 2h16. Avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Denis Leary, Irfan Khan, Martin Sheen, Sally Field, Campbell Scott, Embeth Davidtz.

Sortie salles France: 4 Juillet 2012. U.S: 3 Juillet 2012

FILMOGRAPHIE: Marc Webb est un réalisateur américain né le 31 Août 1974.
2009: 500 jours ensemble
2012: The Amazing Spider-man


Trois après son premier long, 500 jours ensemble, le réalisateur Marc Webb entreprend la tâche délicate de succéder au réalisateur prodige Sam Raimi pour relancer la franchise de Spider-man. Indubitablement, les fans du genre et même le spectateur lambda auraient pu craindre le pire à l'annonce de ce reboot rapidement mis en chantier. Mais le résultat inespéré dépasse toutes les frêles espérances ! Cet Amazing Spider-man est une bande dessinée live aussi fougueuse, vertigineuse et fantastique que les trois volets de Raimi ! Un véritable enchantement perpétuel dans son alliage de romance aux personnages bien dessinés et d'action explosive pour des prouesses techniques ahurissantes. Synopsis wikipedia: Peter Parker est un adolescent combattant le crime sous le nom de Spider-man après avoir été piqué par une araignée transgénique dans les laboratoires Oscorp. Chassé par les autorités sous les ordres du capitaine Stacy, le père de sa petite amie Gwen, Peter tente de sauver New-York du Docteur Connors, l'ex-associé de son père métamorphosé en créature reptilienne, le Lézard.



Le scénario structuré en trois parties (la découverte et l'apprentissage des pouvoirs de Spider-man, sa quête vindicative pour retrouver le meurtrier de son oncle puis sa confrontation dantesque avec un lézard géant) captive et ne faiblit jamais par le dynamisme d'une mise en scène inspirée. En outre, Marc Webb prends le temps de développer les divers personnages du film. Les relations conflictuelles entre Peter et ses ascendants, ou avec celui du père de Gwen, ne manquent pas de densité humaine. L'ambition du scientifique provoque empathie par son flegme rassurant mais appréhension dans ses recherches pernicieuses sur la régénération corporelle. La romance idyllique parait aussi moins docile et puérile que dans la trilogie de Raimi. L'humour est notamment plus insolent et extériorise même parfois des éclats de rire hilarants. L'apprentissage aux supers pouvoirs développés par Peter à la suite d'une morsure d'araignée transgénique donnent lieux à des réparties fertiles en estocades bondissantes et brimade revancharde (le relation orageuse avec Flash). Là encore, les Fx ahurissants déploient des séquences de voltige d'une agilité hallucinée quand Spider-man doit se déplacer d'un immeuble à un autre à l'aide de biocables extensibles. Ses séquences pertinentes paraissent en l'occurrence beaucoup plus fluides et spectaculaires qu'il y a dix ans.
Pour parachever, la dernière partie érigée en confrontation dantesque face à un lézard toujours plus surdimensionné élabore des séquences d'anthologie démesurées à base d'explosions urbaines et de combats acrobatiques titanesques ! A couper le souffle !


Dans le rôle de l'homme araignée, Andrew Garfield s'en tire haut la main pour succéder à Tobey Maguire ! Un peu plus railleur, impudent et provocateur dans sa quête vindicative et celui de contrecarrer un lézard géant, l'acteur ne manque pas d'ironie mesquine à combattre ses adversaires et par la même occasion brimer les forces de l'ordre. Sa compagne Gwen Stacy incarnée par Emma Stone se révèle peut-être un peu trop austère et manque de densité humaine dans sa personnalité suffisante mais réussit tout de même à susciter une émotion face à l'attachement attendrie de son super-héros. Pour se mesurer à Spider-man, Rhys Ifans est stupéfiant et équivoque dans son rôle de scientifique bicéphale désireux de tester un produit génétique afin de régénérer l'amputation de son membre droit. En lézard humanoïde géant, il dévaste tout sur son passage pour tenter d'expérimenter sur la population ce même composé. Les effets visuels conçus en CGI sont absolument bluffants de réalisme dans chacune de ses apparitions. D'autant plus que son apparence reptilienne est exacerbée par la rancoeur humaine d'un regard vindicatif victimisé par une invalidité. Je garde notamment un souvenir ému face à la prestance de Sally Field (inoubliable interprète de Norma Rae et les Moissons du Ciel), dans celle d'une tante empathique, férue d'amour maternelle et d'inquiétude pour Peter. Enfin, Martin Sheen s'investit avec bonhomie dans la peau d'un paternel puriste, désireux d'inculquer à Peter sa pédagogie morale vouée à la déférence et au dépassement de soi.


Homérique, jouissif en diable et terriblement exaltant, The Amazing Spider-man est une nouvelle réussite inespérée de la part d'un réalisateur novice, prouvant déjà sa virtuosité indiscutable à se réapproprier trop tôt d'une franchise notoire. Et Andrew Garfield est absolument criant de conviction pour donner chair à son personnage. Celui d'un adolescent revanchard bafouant avec dérision la déontologie des forces de l'ordre et d'un super-héros véloce protégeant une population exposée à l'arrogance d'un mutant reptilien. Époustouflant !

05.11.12
Bruno Matéï