"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
jeudi 18 octobre 2018
THE HAUNTING OF HILL HOUSE
de Mike Flanagan. 2018. U.S.A. 10 x 55'. Avec Michiel Huisman, Carla Gugino, Henry Thomas, Elizabeth Reaser, Oliver Jackson-Cohen, Kate Siegel, Victoria Pedretti, Lulu Wilson, Mckenna Grace, Paxton Singleton, Julian Hilliard, Violet McGraw, Timothy Hutton.
Diffusé sur Netflix le 12 Octobre 2018
FILMOGRAPHIE: Mike Flanagan, né en 20 mai 1978 à Salem (Massachusetts), est un cinéaste américain. 2000 : Makebelieve. 2001 : Still Life. 2003 : Ghosts of Hamilton Street. 2006 : Oculus: Chapter 3 - The Man with the Plan. 2011 : Absentia. 2013 : The Mirror (Oculus). 2016 : Pas un bruit (Hush). 2016 : Before I Wake. 2016 : Ouija : les origines. 2017 : Jessie (Gerald's Game). 2018: The Haunting of Hill house (TV). 2020: Dr Sleep.
THE HAUNTING OF HILL HOUSE ou la série qui fit de Mike Flaganan un grand nom de l'épouvante !
Quand on y repense a posteriori du visionnage de la série, "The Haunting of Hill House" n'avait finalement pas beaucoup d'arguments originaux pour attiser notre curiosité. Son statut d'anthologie horrifique ? Face au succès, les séries de ce type prolifèrent ces dernières années, Netflix se devait seulement d'avoir la sienne pour surfer sur la vague. Une histoire de maison hantée ? À part quelques exceptions, le cinéma d'épouvante mainstream US tourne en rond sur le sujet en répétant inlassablement les mêmes jumpscares jusqu'à l'overdose et, à la télévision, récemment, seule la première saison de "American Horror Story" a marqué les esprits avec ce sujet et ce format mais en bousculant les règles afin de créer son propre ton si particulier qui a fait sa renommée. Une nouvelle adaptation du roman de Shirley Jackson ? Malgré son casting de luxe, la dernière en date, l'insipide "Hantise" de Jan de Bont, n'a pas laissé un souvenir impérissable.
Non, en fait, à bien y repenser, il n'y avait décidément pas beaucoup d'arguments pour justifier l'enthousiasme autour d'un tel projet... excepté peut-être un nom, celui de Mike Flanagan.
Pour les amateurs de (bon) cinéma de genre, la seule évocation de ce cinéaste a suffit à faire de "The Haunting of Hill House" un projet suscitant les plus vives attentes. Réalisateur touche-à-tout dans le domaine de l'épouvante, Mike Flanagan est devenue un nom incontournable avec une filmographie en constante progression qualitative où les excellents faits d'armes ne cessent d'enchaîner. Dernièrement, il a d'ailleurs miraculeusement signé une suite potable au catastrophique "Ouija" (une ovation rien que pour ça) et une des meilleures adaptations d'un roman de Stephen King, "Jessie", avant de prochainement rempiler avec une autre très attendue, "Dr Sleep". Autant dire qu'avec tout ça, le bonhomme était déjà considéré comme un grand en devenir... "The Haunting of Hill House" va tout simplement nous démontrer qu'il en est désormais un.
La première grande force de la série est de s'éloigner intelligemment de l'histoire d'origine (après tout, comment faire mieux que la version de Robert Wise en terme d'adaptation ?) pour n'en garder que l'essence de maison hantée pernicieuse et quelques noms bien connus. Le contexte surnaturel est donc bel est bien là mais il n'est ici que l'instrument métaphorique servant à dérégler un récit se focalisant avant tout sur une famille rongée par les non-dits d'une tragédie. Éclaté principalement sur deux époques, "The Haunting of Hill House" nous raconte en parallèle les événements engendrés par l'influence de la mystérieuse demeure qui ont conduit à la mort de la mère et leurs ravages des années plus tard sur les cinq enfants portant encore plus ou moins consciemment cette cicatrice à jamais inexpliquée. Le drame humain qui se joue est véritablement le coeur de la série, sa construction le traduit d'ailleurs sans peine. Les premiers épisodes se fixent ainsi sur chacun des enfants pour renvoyer sans cesse leurs souffrances présentes à des fragments de cette période vécue par chacun dans la maison et, surtout, la série va s'articuler autour de deux points-clés, deux "nuits" dont on ne sait rien : le drame premier de leur mère, celui les ayant séparé et devenant clairement le brouillard à dissiper afin de comprendre tous les tenants et aboutissants en bout de course, et un malheur contemporain qui va les pousser à se réunir, à enfin confronter leurs tourments existentiels les dévorant depuis leur jeunesse à jamais traumatisée.
Le passage de ces enfants insouciants dans la flippante Hill House aura donné naissance à Steven, un auteur ayant trahi la confiance des siens en racontant un récit auquel il ne croit même pas, Shirley, une entrepreneuse de pompes funèbres psychorigide, Luke, un toxicomane au comportement aussi destructeur pour lui que pour son entourage, Theodora, une psychologue se sentant obligée de s'isoler à cause d'une malédiction qui lui est propre et Nell, une jeune femme poursuivie par des apparitions de sa jeunesse...
Les maux du présent des enfants de la famille Crain sont donc bien issus de portes non refermées sur leur passé par le lien qu'ils entretiennent plus ou moins explicitement avec lui. Celui de Nell est le plus évident et la première moitié de saison va s'articuler autour de ce mystère/fil rouge pour déboucher sur un extraordinaire cinquième épisode, petit chef-d'oeuvre à lui tout seul avec ses dernières minutes laissant bouche bée de surprise et mini-conclusion en quelque sorte à une longue période de déchirements des personnages amenés désormais à se réunir par la force du destin. Les retrouvailles ne se feront pas sans heurts mais la nécessité de lever le voile sur cette période de leur vie qui les poursuit sera la plus forte et mettre un terme à des décennies d'ombres dans leur vie passera forcément par la fin du silence de leur père...
"The Haunting of Hill House" est donc d'abord l'histoire d'un drame familial habité par des personnages passionnants dont les portraits travaillés par des ricochets passé/présent jamais aléatoires ne cessent de renforcer notre attachement envers eux grâce à une écriture confinant à la perfection. On ne vous en dira pas plus mais sachez juste que la reconstruction difficile de cette cellule familiale dissoute à la fois par l'impossibilité du deuil, par l'irrationalité d'un passé qu'elle ne peut/veut reconnaître et par le sacrifice d'un père croyant bien faire pour épargner la vérité d'une tragédie à ses enfants se conclura de la manière la plus brillante qu'il soit en faisant monter la justesse des émotions qui habitent le propos à son paroxysme...
Mais "The Haunting of House Hill" se devait bien sûr aussi de faire sérieusement monter la jauge du trouilllomètre pour ne pas faillir à la réputation de l'oeuvre dont elle s'inspire. Mike Flanagan l'a bien compris et, au cours des dix épisodes qu'il réalise intégralement (chose rare), le réalisateur va revenir à la base d'un surnaturel dont on croit tout connaître pour être en adéquation totale avec le réalisme du drame et de ses personnages.
Là où un James Wan ne sait plus quoi dire et est parti vers d'autres horizons en confiant les clés de son univers "Conjuring" à d'autres dans l'espoir qu'ils le renouvellent, Mike Flanagan, lui, paraît n'en être qu'au début de son potentiel dans le domaine au vu de l'inventivité constante dont il fait preuve. Même s'il utilise quelques incontournables du genre (il y a bien des jumpscares mais, utilisés avec parcimonie et sans abus, ils ne sont qu'un instrument parmi tant d'autres pour véhiculer la peur), le cinéaste mise avant tout sur l'atmosphère de la fameuse maison hantée qui, à l'instar des personnages, nous enveloppe pour ne plus nous lâcher. En jouant avec les codes de l'épouvante par une mise en scène habile qui ne tombe jamais dans le surplus artificiel d'apparitions, chaque pièce sombre de la demeure tout aussi sinistre que magnifique (elle est un personnage à part entière) devient susceptible d'abriter une menace surnaturelle, nous mettant dans une tension permanente à guetter chacune des manifestations étranges qu'elles peuvent receler (celles-ci sont d'ailleurs parfois dissimulées furtivement en arrière-plan dans le but de renforcer le trouble sur ce que vient de voir le spectateur). Et puis, la grande majorité des occupants fantômes de la maison sont de vrais réussites, chacun empruntant quelque chose de viscéralement primaire aux terreurs qu'ils cherchent à exprimer (l'homme à la canne rappelle presque un dessin d'enfant dans sa représentation par exemple), ne faisant que renforcer leur impact dès qu'ils surgissent à l'écran.
Cette variété d'êtres paranormaux couplée à la réalisation subtile et toujours en recherche du meilleur moyen d'insuffler de la peur d'un Flanagan en état de grâce font de "The Haunting of Hill House" un summum d'ambiance de l'épouvante comme on en n'avait plus connu depuis longtemps, le fait que cela provienne du format si particulier d'une série en est d'autant plus impressionnant.
Enfin, impossible de ne pas souligner une distribution d'acteurs tous au diapason de la qualité de l'ensemble. Que cela soit les enfants (les déjà presque vétérantes McKenna Grace et Lulu Wilson sont bluffantes mais les interprètes des petits jumeaux ne sont pas en reste) ou les adultes joués par des têtes bien connues du cinéma de Flanagan (son épouse Kate Siegel, Elizabeth Reaser, Henry Thomas, ...), l'ensemble du casting semble conscient de la partition parfaite qu'il lui est offert et s'en empare à sa juste mesure. On s'arrêtera aussi plus particulièrement sur les prestations démentes de celles qui sont au coeur des deux événements centraux de la série : la révélation Victoria Pedretti dans le rôle de Nell adulte (ce n'est que son premier rôle, punaise !) et la confirmation Carla Gugino, actrice trop souvent cantonnée à des seconds rôles mais au talent indéniable que Flanagan met en avant depuis "Jessie".
Avec "The Haunting of the Hill House", Mike Flanagan ridiculise tout simplement un nombre inquantifiable de produits formatés d'un certain cinéma d'épouvante US qui ne sait plus comment effrayer le spectateur autrement qu'en empilant des jumpscares risibles. En mettant le drame humain à hauteur égale avec le surnaturel, le cinéaste a tout simplement réussi un miracle d'équilibre entre la peur et les larmes et ce, sur la durée incroyable de dix heures sans jamais faillir. Bref, vous l'aurez compris, "The Haunting of Hill House" est probablement une des (la ?) meilleures anthologies d'épouvante jamais réalisées et qui consacre son créateur comme un des très grands noms du genre pour les années à venir. Un bijou de la première à la dernière minute qu'il est interdit de manquer....
Frederic Serbource.
mercredi 17 octobre 2018
LA FEMME DE MON POTE
de Bertrand Blier. 1983. France. 1h40. Avec Coluche, Thierry Lhermitte, Isabelle Hupert, François Perrot, Daniel Colas, Frédérique Michot, Farid Chopel.
Sortie salles France: 31 Août 1983.
FILMOGRAPHIE: Bertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt.1967 : Si j'étais un espion. 1974 : Les Valseuses. 1976 : Calmos. 1978 : Préparez vos mouchoirs. 1979 : Buffet froid. 1981 : Beau-père. 1983 : La Femme de mon pote. 1984 : Notre histoire. 1986 : Tenue de soirée. 1989 : Trop belle pour toi. 1991 : Merci la vie. 1993 : Un, deux, trois, soleil. 1996 : Mon homme. 2000 : Les Acteurs. 2003 : Les Côtelettes. 2005 : Combien tu m'aimes ? 2010 : Le Bruit des glaçons. 2019 : Convoi exceptionnel.
"Le meilleur souvenir que garde une femme d'une liaison c'est l'infidélité qu'elle lui a faite."
Tendre comédie acide fondée sur les rapports insidieux d'un triangle amoureux en proie au doute et à la ferveur de la passion, La Femme de mon pote est servi par de formidables acteurs sous la houlette de l'auteur Bertrand Blier maîtrisant son sujet avec la personnalité corrosive qu'on lui connait (notamment à travers ses dialogues plutôt chiadés !). Alors que Pascal multiplie les conquêtes féminines grâce à son physique plutôt avantageux, son meilleur pote Micky lui sermonne à nouveau la morale de ne plus tomber amoureux d'une inconnue depuis sa nouvelle fréquentation avec la séduisante Viviane. Or, à son tour Micky se laisse aguicher par les avances de cette dernière experte dans l'art de duper ses proies masculines. Comédie aigre douce abordant avec humanité et sensibilité les thèmes de l'infidélité et de la trahison par le biais d'une amitié indéfectible, La Femme de mon pote provoque une émotion empathique lorsque deux meilleurs amis cèdent finalement à la médiation faute du pouvoir vénéneux, pour ne pas dire irrépressible de l'amour. Bertrand Blier n'accusant jamais ses personnages à la fois fragiles, torturés et contrariés de par l'ivresse sentimentale qu'ils s'adonnent avec autant de remord et contradiction dans leur soif de chérir et d'être aimé.
Si Thierry Lhermitte et Coluche forment une complicité versatile à travers leur solide amitié subrepticement écornée par les sentiments de lâcheté et de solitude, la pétillante Isabelle Huppert rivalise de douce exubérance en allumeuse instable pour autant affublée d'une inopinée tendresse pour ses ultimes prétendants. A travers leurs situations conjugales sensiblement cocasses et parfois cruelles, ils forment un trio masochiste en amants trompés avec l'espoir d'emporter la mise pour servir leur ego. A titre subsidiaire, on peut rappeler que le récit s'inspire d'une histoire vraie si bien que Coluche eut une liaison avec l'ex d'un de ses meilleurs amis Patrick Dewaere, décédé récemment avant la sortie du film. D'ailleurs, initialement, celui-ci et Miou Miou devaient mutuellement incarner les rôles de Pascal et Viviane, mais face à la soudaine tragédie Miou Miou réfuta le rôle quand bien même Coluche faillit également se désister du tournage avant de se raviser, à regret, si bien qu'il garde un mauvais souvenir du tournage (notamment en rapport à son addiction pour la drogue). Enfin, les critiques de l'époque ne furent guère tendres pour soutenir le nouveau Bertrand Blier (un peu moins ambitieux que ces précédentes réussites il est vrai !) alors que le public se déplaça dans les salles avec 1 485 746 entrées.
D'une surprenante et attachante tendresse mélancolique entre 2,3 verves pittoresques, La Femme de mon pote milite avant tout pour la fidélité amicale afin de se préserver des exubérances (ambivalentes) de l'amour le plus insolent et aguicheur. A revoir ne serait ce que pour le trio Lhermitte / Coluche / Huppert (plus belle que jamais !) assez impliqués dans leur posture socialement incorrecte pour autant bonnard.
* Bruno
mardi 16 octobre 2018
Long Week-end
"Long Weekend" de Colin Egleston. 1978. Australie. 1h32. Avec John Hargreaves, Briony Behets, Mike McEwen, Roy Day, Michael Aitkens.
Sortie salles France: 30 Juillet 1980. U.S/Australie: 29 Mars 1979
FILMOGRAPHIE: Colin Eggleston est un réalisateur australien, né le 23 Septembre 1941 à Melbourne, décédé le 10 Août 2002 à Genève. 1977: Fantasm Comes Again (pseudo Eric Ram). 1978: Long Week-end. 1982: The Little Feller. 1984: Innocent Prey. 1986: Cassandra. 1986: Dakota Harris. 1986: Body Business (télé-film). 1987: Outback Vampires.
En 1978 surgit sur les écrans un modeste film australien au budget dérisoire, signé d’un metteur en scène néophyte dirigeant brillamment deux comédiens encore méconnus. À la surprise générale, les récompenses pleuvent — à rebours de l’accueil glacial réservé par son propre pays ! Antenne d’Or à Avoriaz, Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique au Rex de Paris, Meilleur Film, Meilleur Acteur pour John Hargreaves, Prix du Jury à Sitges… Rien que ça.
Quelques décennies plus tard, remake amorcé, ce chef-d’œuvre écolo (terriblement actuel !) conserve intact son pouvoir de fascination, irradie d’un environnement naturel follement anxiogène, presque vénéneux.
Un couple au bord de la rupture tente de se réconcilier le temps d’un long week-end dans une nature sauvage, à proximité d’une plage. Après avoir planté leur tente sur un bout de terrain vierge, des phénomènes naturels inexplicables surviennent — comme si le monde végétal voulait leur peau.
Avec une économie de moyens et sans la moindre outrance spectaculaire, Long Weekend distille une peur rampante, par le biais d’une intrigue d’une rare originalité. Un couple en dérive conjugale tente une seconde chance, s’échappe vers une nature bucolique pour quelques jours.
Dès l’introduction, Eggleston pose un univers écolo inquiétant, puis s’attarde avec précision sur ce couple antipathique, dénué de toute considération pour la faune et la flore. Le mari, borné, amateur de chasse et de camping, passe son temps à inspecter la végétation avant de décharger, sans remords, ses cartouches sur tout ce qui bouge — volatiles, mammifères, peu importe.
Elle, frustrée sexuellement, irascible à cause d’un avortement et d’un adultère, s’ennuie en silence, se dore la pilule en lisant des magazines érotiques. Impassible à la beauté sauvage, encore plus irrévérencieuse et haïssable que son mari. Quand un rapace attaque ce dernier, elle écrase un œuf contre un tronc d’arbre — geste de rancune froide, presque sadique.
Peu à peu, leur relation délétère se déchire un peu plus, attisée par des événements troublants : des cris d’animaux affolés, éplorés, des bruits étranges, organiques, venant des fourrés.
Mais après avoir sacrifié des mammifères, piétiné une forêt vierge, la nature elle-même semble réclamer vengeance. Eggleston orchestre alors une montée en tension redoutable, issue de ces comportements primaires, égoïstes, d’un couple immature déversant sa rage, son déni, sur le monde autour d’eux.
L’ambiance devient suffocante. L’animosité entre les personnages, les événements inexpliqués, l’insécurité croissante, tout cela génère une atmosphère dépressive, un climat visuel oppressant, presque claustrophobe.
La dernière partie, une course de survie désespérée, rend palpable cette menace invisible, mais sourde, persistante, quasi mystique. Le spectateur, pris au piège, assiste impuissant à leur lassitude morale, leur chute intérieure, sous l’effet d’une dramaturgie escarpée et d’un humour noir abrasif.
Trois séquences, génialement ubuesques, forment un triptyque d’anthologie : ironiques, cruelles, mais teintées de compassion face à ce duo pathétique, englouti par ses propres travers.
Et sans jamais sombrer dans l’esbroufe, Colin Eggleston façonne, avec une subtilité rare, un cauchemar écolo hypnotique, aux cimes du fantastique. Le malaise, profond et rampant, s’empare de notre psyché aussi violemment que de celle des protagonistes.
L’effet de suggestion — vénéneux, feutré — installe une terreur implacable au cœur d’un écrin naturel devenu hostile.
Chef-d’œuvre atypique, formellement vertigineux, Long Weekend nous laisse en état de transe dès le générique final. Il nous interroge, en filigrane, sur la cause animale, sur la vengeance d’une nature bafouée, face à la plus grande menace que la planète ait jamais connue :
l’homme.
16.10.18. 4èx
10.01.12 (789 vues)
Récompenses: Prix Spécial du Jury, Prix de la critique au festival du Rex à Paris en 1979.
Antenne d'Or au Festival d'Avoriaz en 1979.
Meilleur Film, Meilleur Acteur (John Hargreaves), Prix du Jury de la critique internationale de Sitges en 1978.
lundi 15 octobre 2018
Trauma / Burnt Offering
« J’ai toujours pensé qu’il y avait, dans le phénomène des pressentiments, quelque chose de surnaturel qui, mieux observé, fournirait la preuve de l’immatérialité de l’âme. »
Le pitch : Pour un coût dérisoire, un couple, leur fils et sa tante emménagent dans une vaste bâtisse pour les congés d’été. Leur seule condition : s’occuper d’une octogénaire, propriétaire esseulée, recluse dans une chambre à l’étage. Peu à peu, d’étranges incidents viennent ébranler la tranquillité de la famille Rolfe.
La Maison du Diable, L’Emprise, L’Enfant du Diable, Les Innocents, Next of Kin, La Maison des Damnés, Shining, Le Cercle Infernal… Autant de chefs-d’œuvre immuables, maîtres dans l’art de faire trembler la maison hantée sous le joug du pouvoir de suggestion. Trauma s’y inscrit, joyau du film de hantise, aussi inextinguible que ses illustres homologues.
Score monocorde aux accents lourds et ombrageux, cadre bucolique d’une résidence séculaire en lisière de bois… Trauma insuffle, dès son prélude solaire, une fièvre d’étrangeté rampante. En orchestrant le mystère autour d’une chambre close, gardienne d’une vieille femme jamais aperçue, Dan Curtis façonne l’un des cauchemars surnaturels les plus oppressants, sous l’emprise d’une maison maudite.
Sans jamais dévoiler la silhouette de la propriétaire décrépite, il fait monter le suspense jusqu’à un climax tétanisant — vision cauchemardesque et anthologique, gravée dans les annales de l’effroi.
Entre-temps, Curtis prend soin de radiographier ses personnages, tous ébranlés par une succession d’incidents inexplicables. Sans esbroufe ni effets chocs gratuits, sans gore tapageur, Trauma palpite d’une tension viscérale, nourrie par la psychologie contrariée de ses protagonistes. Attachants par leur solidarité, mais faillibles, meurtris, comme “possédés” par l’esprit protéiforme de cette maison avide.
Une demeure ancienne qui semble vouloir se nourrir du fluide anxiogène de ses occupants, les vampiriser pour trouver, en retour, une "mère porteuse" et ainsi se régénérer dans la durée.
Porté par des comédiens habités, Trauma instille un sentiment d’insécurité permanent, qui finit par contaminer l’anxiété du spectateur. Oliver Reed, accablé, incarne un père aimant, mais dépassé, rongé par une dépression rampante et les bizarreries du quotidien. Lee Montgomery, adolescent à la dérive, endure les coups d’un père fragilisé et les griffes de la maison. Bette Davis, immense, joue une femme figée dans la dégénérescence. Quant à Karen Black, inoubliable, elle insuffle une obsession trouble, tiraillée entre son amour maternel et l’attirance morbide que lui inspire la demeure.
En plus de marteler l’esprit par des séquences chocs (les apparitions du chauffeur au rictus malade, la mort sacrificielle de la tante, l’attaque des arbres qu’un certain Sam Raimi recyclera dans Evil Dead), Trauma frappe fort avec des scènes éprouvantes : l’agression du fils dans la piscine, la tentative de noyade par une force invisible...
Son intensité culmine dans un final nihiliste à la violence abrupte. L’aura malsaine des pièces closes, la pesanteur dépressive du climat, l’originalité organique de l’intrigue : autant d’éléments qui hissent Trauma au rang de référence absolue du fantastique vintage.
* Bruno
20.08.13. 6èx (694 v)
vendredi 12 octobre 2018
La Bête tue de sang froid / Le Dernier train de la nuit / L'ultimo treno della notte
de Aldo Lado. 1975. Italie. 1h34 (version intégrale). Avec Flavio Bucci, Laura D'Angelo, Irene Miracle, Macha Méril, Gianfranco De Grassi, Enrico Maria Salerno.
Sortie salles France: 30 Août 1978. Italie: 8 Avril 1975
FILMOGRAPHIE: Aldo Lado est un réalisateur italien, né le 5 décembre 1934 à Fiume (Croatie).
1971: La corta notte delle bambole di vetro. 1972: Qui l'a vue mourir ? 1972: La Drôle d'affaire. 1973 : Sepolta viva. 1974 : La cugina. 1975: La Bête tue de sang Froid. 1976 : L'ultima volta. 1978 : Il prigioniero (TV). 1979 : L'humanoïde. 1979 : Il était un musicien – Monsieur Mascagni. 1981 : La désobéissance. 1982 : La pietra di Marco Polo (TV). 1983 : La città di Miriam (TV). 1986 : I figli dell'ispettore (TV). 1987 : Sahara Heat ou Scirocco. 1990 : Rito d'amore. 1991 : La stella del parco (TV). 1992 : Alibi perfetto. 1993 : Venerdì nero. 1994 : La chance.
Ersatz italien de la Dernière Maison sur la Gauche, La Bête tue de sang froid s'est taillée au fil des décennies une réputation presque aussi notoire que le trauma infligé par Craven. Si Aldo Lado reprend le même cheminement narratif afin de réexploiter le "rape and revenge", il réussit tout de même à s'en démarquer grâce au décor confiné à l'intérieur d'un train et au portrait alloué à une bourgeoise sans scrupules. Cette dernière prétendument affable entraînant finalement un duo de marginaux dans la stupre crapuleuse. Si bien que sous son emprise retorse, ces deux délinquants issus de classe ouvrière se laisseront charmer par sa stature altière afin d'accomplir les pires exactions sur deux adolescentes. Merveilleusement campé par une Macha Méril habitée par une perversité scopophile, sa présence viciée symbolise d'une certaine manière l'avilissement de la bourgeoisie engluée dans son confort, l'ennui et la cupidité. A l'instar de ce témoin oculaire, sexagénaire d'apparence respectable mais soudainement épris de pulsions voyeuristes pour se laisser inviter au viol collectif. Tableau pathétique d'une nature humaine aux instincts barbares et pervers, La Bête tue de sang froid est un voyage au bout de l'enfer. Celui de deux jeunes étudiantes embarquées dans un train pour rejoindre leur bercail mais rapidement prises en otage par le trio diabolique.
A partir du moment où le piège se referme autour des victimes, Aldo Lado nous laisse en position de voyeur pour témoigner de leur calvaire interminable. Ce sentiment de gêne occasionné est accentué par l'enfermement du lieu clos (une cabine irrespirable) où viols et sévices leur seront infligés. L'atmosphère terriblement malsaine émanant notamment des regards obscènes que l'inspiratrice échangera avec les voyous. D'autre part, au moment crucial des actes les plus extrêmes, la lumière nocturne vire subitement aux éclairages bleutés afin de renforcer l'aspect cauchemardesque de cette baroque mascarade. Après les crimes lâchement perpétrés, Aldo Lado passe en mode revenge avec l'intervention des parents d'une des victimes. Sur ce point autrement crucial, la manière dont le trio réussit à s'infiltrer chez eux me parait un peu plus crédible que ce qu'eut envisagé Craven, alors que le jeu d'acteurs invoqué aux parents s'avère plus plausible de par leur sentiment d'angoisse et de contrariété en ascension. Tant et si bien qu'ici, face à l'insistance de la mégère blessée (une écorchure au genou), le père de la victime, éminent chirurgien, lui portera assistance et accueillera le trio au sein de son foyer. Avec une surprenante et réelle efficacité, Aldo Lado reprend donc le mode opératoire de son modèle (vengeance expéditive abrupte) en instaurant un climat de tension qui ira crescendo. Sans chercher à se complaire dans la violence bestiale (comme l'eut souligné la première partie), il illustre avec psychologie l'aspect avilissant de la justice individuelle lorsque le père se résigne à éliminer sa dernière victime face au témoignage contradictoire de son épouse.
Une horreur nauséeuse confinant au vertige.
A réserver toutefois à un public averti.
Warning ! La VF présente sur le Dvd de Neo Publishing est censurée de 15 minutes. Seule, la VOSTF comporte bien la version intégrale.
* Bruno
mercredi 10 octobre 2018
RAIN MAN. 4 Oscars dont celui du Meilleur Film.
de Barry Levinson. 1988. U.S.A. 2h15. Avec Tom Cruise, Dustin Hoffman, Valeria Golino, Jerry Molen, Jack Murdock, Michael D. Roberts.
Sortie salles France: 15 Mars 1989. U.S: 16 Décembre 1988
FILMOGRAPHIE: Barry Levinson est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 Avril 1942 à Baltimore. 1982: Diner. 1984: Le Meilleur. 1985: Le secret de la Pyramide. 1987: Les Filous. 1987: Good morning Vietnam. 1988: Rain Man. 1990: Avalon. 1991: Bugsy. 1992: Toys. 1994: Jimmy Hollywood. 1994: Harcèlement. 1996: Sleepers. 1997: Des Hommes d'influence. 1998: Sphère. 1999: Liberty Heights. 2000: An Everlasting Piece. 2001: Bandits. 2004: Envy. 2006: Man of the Year. 2008: Panique à Hollywood. 2009: PoliWood (documentaire). 2012: The Bay. 2014 : The Humbling. 2015 : Rock the Kasbah.
Pas aussi intense qu'à l'époque de sa sortie (l'effet de surprise de reluquer les performances d'acteurs bankables se dissipant hélas au fil de visionnages), Rain Man est un joli conte initiatique plutôt réaliste, voir légèrement documenté quant à la pathologie mal connue de l'autisme. Une solide histoire d'amitié, de tolérance et de compréhension de l'autre qu'un entrepreneur cupide développera finalement au fil de sa cohabitation avec son frère autiste. Ainsi, en dépit d'un manque d'émotions (que Levinson se réservait peut-être d'ébruiter afin de ne pas sombrer dans le pathos), Rain Man parvient tout de même à séduire et toucher le spectateur, de par la complicité révérencieuse que forment Tom Cruise (brillamment expansif en financier de prime abord orgueilleux, arrogant et condescendant) et Dustin Hoffman (louablement dépouillé en autiste impassible où perce une émotion prude). Au-delà de leurs rapports psychologiques jamais misérabilistes ou lacrymaux, Barry Levinson s'efforce en prime de soigner la forme à travers leur odyssée solaire traversée de magnifiques décors naturels (splendide contrées rocheuses de la Californie sous un ciel tantôt crépusculaire) ou urbains (la nuit pastel au casino de Las Vegas), qu'une splendide photo léchée renchérit sans complaisance. Quant au score composé par l'illustre Hans Zimmer, si on l'a connu plus inspiré, il parvient modestement à rehausser la teneur empathique du récit, notamment lorsque Cruise s'humanise le plus fidèlement afin de préserver la destinée précaire de son frère. Leur étreinte finale s'avérant par ailleurs un bouleversant moment d'émotions tout en retenue (la plus belle séquence du film à mon sens subjectif comme le souligne ma photo postée ci-dessus). Quoiqu'il en soit, et en dépit des aléas du temps, le triomphe public reste plutôt mérité.
* Bruno
3èx
Box-Office France: 6 475 615 entrées
Récompenses:
Ours d'Or au Festival de Berlin
Oscar du meilleur film
Oscar du meilleur réalisateur - Barry Levinson
Oscar du meilleur scénario original - Ronald Bass et Barry Morrow
Oscar du meilleur acteur - Dustin Hoffman
Golden Globe du meilleur film dramatique
Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique - Dustin Hoffman
mardi 9 octobre 2018
KRAMER CONTRE KRAMER. 5 Oscars dont Meilleur Film, 1980.
de Robert Benton. 1979. U.S.A. 1h45. Avec Dustin Hoffman, Meryl Streep, Justin Henry, Jane Alexander, Howard Duff, George Coe.
Sortie salles France: 27 Février 1980. U.S: 19 Décembre 1979
FILMOGRAPHIE: Robert Benton est un scénariste, réalisateur et acteur américain, né le 29 septembre 1932 à Waxahachie (Texas). 1972 : Bad Company. 1977 : Le chat connaît l'assassin. 1979 : Kramer contre Kramer. 1982 : La Mort aux enchères. 1984 : Les Saisons du cœur. 1987 : Nadine. 1991 : Billy Bathgate. 1994 : Un homme presque parfait. 1998 : L'Heure magique. 2003 : La Couleur du mensonge. 2007 : Feast of Love.
"Le divorce est une horrible souffrance de l'âme et de la chair."
Bouleversant drame familial récompensé de 5 oscars (dont celui du Meilleur Film) et ovationné par la critique et le public (en France, il récolte 4 039 372 entrées), Kramer contre Kramer traite des enfants du divorce sans pathos ni fioriture. L'oeuvre d'une sensibilité épurée illustrant l'ascension paternelle de Ted Kramer parvenant à éduquer son fils au grand dam de l'absence de la mère. Car autrefois égoïste d'avoir privilégié sa carrière au détriment des sentiments de son épouse, il prendra peu à peu conscience de son échec marital en endossant le double rôle de papa au foyer et de brillant graphiste. Alors que Ted Kramer, pubard surqualifié, annonce un soir à sa femme sa victoire d'avoir décroché un poste supérieur, celle-ci lui avoue sa détermination de le quitter en abdiquant également son fils de 7 ans. Livrés à eux-même, Ted et Billy vont apprendre à mieux se connaître au fil d'une intense et tendre complicité paternelle, quand bien même 15 mois plus tard, Johanna refait surface afin de solliciter la garde de son fils.
Illuminé par les prestances de Dustin Hoffman en tendre paternel débrouillard et de Meryl Streep en mère instable en quête identitaire et d'émancipation féminine (son 1er grand rôle à l'écran !), Kramer contre Kramer diffuse une fragile intensité humaine de par leur désarroi de se confronter aux divergences conjugales, entre crises de colère et remise en question identitaire. Notamment eu égard de la cruauté du procès juridique qu'ils se disputeront au terme entre avocats interposés. Outre le talent virtuose de ce duo plus vrai que nature car endossant leur rôle familial avec une vibrante humanité, on peut autant saluer le jeu époustouflant de vérité de Justin Henry en bambin chétif ballotté entre son amour pour sa mère et celui de son père. Le film d'un réalisme probant parvenant à nous ébranler la corde sensible (sans jamais céder aux bons sentiments !) en nous posant des questions essentielles sur la perte de repères de l'enfant en proie à l'injustice de la séparation, sur la responsabilité parentale (et l'équité des sexes) à perdurer son éducation et sur la précarité de leurs sentiments lorsque l'un d'eux eut trahi sa cause maritale au profit de la cupidité.
Superbe mélo scandé par un trio de comédiens d'une force d'expression infaillible, Kramer contre Kramer parvient à illustrer sans fard l'épineuse épreuve de force d'un père et d'une mère se disputant la mise pour sauvegarder l'amour de leur chérubin. Inévitablement bouleversant et passionnant, nous assistons scrupuleusement à cet échec conjugal en tenant compte des états d'âme si humbles, matures et fragiles des victimes en proie à une prise de conscience initiatique.
* Bruno
4èx
Récompenses: 1979 : LAFCA du meilleur film
Oscar du meilleur film en 1980
Oscar du meilleur réalisateur pour Robert Benton
Oscar du meilleur acteur pour Dustin Hoffman
Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Meryl Streep
Oscar de la meilleure adaptation pour Robert Benton
Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle pour Meryl Streep
lundi 8 octobre 2018
L'Epée Sauvage / The Sword and the Sorcerer
de Albert Pyun. 1982. U.S.A. 1h40. Avec Lee Horsley, Kathleen Beller, Simon MacCorkindale, Richard Lynch, George Maharis, Richard Moll.
Sortie salles France: 28 Juillet 1982. U.S: Avril 1982.
FILMOGRAPHIE: Albert Pyun, né le 19 mai 1953 à Hawaii, est un réalisateur, scénariste et producteur américain. 1982 : L'Épée sauvage. 1985 : Le Dernier missile. 1986 : Campus. 1987 : Pleasure Planet. 1987 : Le Trésor de San Lucas. 1988 : L'aventure fantastique. 1989 : Voyage au centre de la Terre. 1989 : Cyborg. 1990 : Captain America. 1991 : Bloodmatch. 1991 : Kickboxer 2 : Le Successeur. 1991 : Dollman. 1992 : Deceit. 1993 : Nemesis. 1993 : Arcade (vidéo). 1993 : Brain Smasher... A Love Story (vidéo). 1993 : Les Chevaliers du futur. 1994 : Kickboxer 4: The Aggressor. 1994 : Hong Kong 97. 1994 : Spitfire. 1995 : Heatseeker. 1995 : Nemesis 2 (vidéo). 1996 : Raven Hawk (TV). 1996 : Nemesis 3: Prey Harder (vidéo). 1996 : Omega Doom. 1996 : Adrénaline. 1996 : Nemesis 4: Death Angel (vidéo). 1997 : Prise d'otages à Atlanta (Blast). 1997 : Mean Guns. 1998 : Crazy Six. 1998 : Postmortem. 1999 : The Wrecking Crew. 1999 : Urban Menace. 1999 : Corrupt. 2001 : Explosion imminente (Ticker). 2003 : More Mercy (vidéo). 2004 : Max Havoc : La malédiction du dragon. 2005 : Infection. 2006 : Cool Air (vidéo). 2007 : Bulletface. 2007 : Left for Dead. 2012 : Road to Hell.
Première réalisation d'Albert Pyuin (cinéaste prolifique habitué aux séries B et Z) surfant sur l'heroic fantasy en vogue (Conan le Barbare, Dar l'Invincible), l'Epée sauvage est une sympathique curiosité à découvrir d'un oeil distrait si bien que l'on jurerait qu'elle soit mise en scène par un cinéaste transalpin. De par son esprit bisseux friand d'un climat parfois étonnamment glauque que de ses (rares) éclaboussures de sang assez fétides. Ainsi, à travers ses jolis décors épaulés d'une photo particulièrement soignée, ses personnages bonnards au surjeu un tantinet attachant et sa violence gore inspirée du cinéma italien, l'Epée Sauvage inspire une certaine attention (affectueuse) auprès des afficionados sensibles au charme d'un cinéma artisanal aussi modeste qu'hélas révolu. En tout état de cause, on retient surtout son prologue horrifique (tellement prometteur), l'aspect plaisant d'une narration redondante aussi éculée qu'involontairement pittoresque ainsi qu'un final (à nouveau horrifique) du plus bel effet esthétisant auprès de ses maquillages charnels assez fascinants.
* Bruno
02.03.24. 4èx
vendredi 5 octobre 2018
Dar l'Invincible : The Beastmaster
"The Beastmaster" de Don Coscarelli. 1982. U.S.A. 1h58. Avec Marc Singer, Tanya Roberts, Rip Torn, John Amos, Josh Milrad, Rod Loomis, Ben Hammer, Ralph Strait, Billy Jayne, Janet DeMay, Christine Kellogg, Jant Jones.
Sortie salles France: 27 Avril 1983. U.S: 20 Août 1982
FILMOGRAPHIE: Don Coscarelli est un scénariste et réalisateur américain né le 17 Février 1954 à Tripoli (Lybie). 1976: Jim the World's Greatest. 1976: Kenny and Compagny. 1979: Phantasm. 1982: Dar l'invincible. 1988: Phantasm 2. 1989: Survival Quest. 1994: Phantasm 3. 1998: Phantasm 4. 2002: Bubba Ho-tep. Prochainement: Phantasm 5.
* Bruno
05.10.18. 6èx
jeudi 4 octobre 2018
THE ROSE. Golden Globe Meilleure actrice, Meilleur Espoir féminin.
de Mark Rydell. 1979. U.S.A. 2h13. Avec Bette Midler, Alan Bates, Frederic Forrest, Harry Dean Stanton, Barry Primus, David Keith.
Sortie salles France: 4 Juin 1980. U.S: 7 Décembre 1979
FILMOGRAPHIE: Mark Rydell est un acteur, réalisateur et producteur américain, né le 23 mars 1934 à New York (États-Unis). 1964-1966 : Gunsmoke (série TV). 1968 : Le Renard. 1969 : Reivers. 1972 : Les Cowboys. 1976 : Deux farfelus à New York. 1979 : The Rose. 1981 : La Maison du lac. 1984 : La Rivière. 1991 : For the Boys. 1994 : Intersection. 1996 : Le Crime du Siècle. 2001 : Il était une fois James Dean. 2006 : Even Money.
"Où est-ce que vous allez, où est-ce que tout le monde s'en va ?"
Avant toute chose, et afin de taire certaines rumeurs, le film devait être à la base un biopic sur la célèbre chanteuse Janis Joplin que Bette Midler refusa illico d'incarner si le scénario et son personnage n'étaient pas entièrement remaniés. Pour se faire, Mark Rydell dû se plier à ses exigences depuis son admiration pour l'actrice récompensée à juste titre aux Golden Globe après le succès du film. On peut d'ailleurs souligner qu'en France il récolte 1 393 748 entrées !
Gros morceau de cinéma d'une puissance émotionnelle épurée, The Rose fait l'effet d'un shout sitôt le générique élégiaque bouclé ! Le spectateur envapé de détresse assistant impuissant à l'écran noir (et blanc) avec un flegme bouleversé. Et si la réalisation documentée du réalisateur touche à tout Mark Rydell y est évidemment pour beaucoup (notamment dans son refus impératif du misérabilisme et des effets de manche disgracieux), la prestance transie d'émoi de Bettle Midler transforme l'essai artistique en authentique chef-d'oeuvre musical ! Vidant ses tripes face écran auprès de milliers de fans béats d'admiration par son talent vocal et son déhanché effréné, Bette Midler pénètre dans le corps d'une rockeuse avec une névralgie résolument trouble, notamment eu égard de son tempérament volcanique
Car magnifique portrait de femme à la fois capricieuse et meurtrie par les outrances de sa célébrité, du sexe, de l'alcool, de la drogue et des voyages parmi la responsabilité cupide de son producteur psycho-rigide, Mark Rydell nous relate sa dégénérescence morale avec une dimension dramatique en crescendo. Tant et si bien que le final en apothéose musicale s'érige en grand moment de cinéma sous l'impulsion malingre de "Rose" offrant son dernier cri d'amour au public peu à peu plongé dans un mutisme anxiogène ! Tout le récit tant douloureux, car d'une grande violence à ausculter son épuisement moral et sa détresse affective, affrontant sans détour sa profonde errance existentielle, son insurmontable solitude émanant d'amours sans lendemain. Et ce en dépit de son coup de coeur auprès d'un chauffeur de taxi loyal que Frederic Forrest endosse avec une sobre intégrité. Délibérée à changer de vie et tirer un trait sur sa carrière trop houleuse, Mary Rose compte sur une rédemption romantique pour s'extirper des artifices d'une célébrité putassière. Emaillé de tubes rocks électrisants entre deux mélodies graciles, The Rose offre ses lettres de noblesse au genre musical à l'aide d'un vérisme immersif que le spectateur subit de plein fouet. Le réalisateur prenant soin de dévoiler sans clichés l'envers du décor pailleté auprès d'une star junkie profondément isolée du monde réel.
Requiem pour un ange déchu.
Cri de rage et d'amour pour la liberté d'une rockeuse autodestructrice incapable de s'imposer face à la rigidité de son entourage professionnel et sentimental, The Rose demeure l'un des plus beaux poèmes musical sur la déchéance d'une star borderline livrée à la solitude la plus attentatoire. Aussi grave que bouleversant sous l'impulsion écorchée vive de la provocante Bette Midler (quelle performance historique !), The Rose nous laisse en état de choc cérébral durant le flux de son générique d'une acuité aiguë. Un spectacle absolu.
* Bruno
3èx
Récompenses: Golden Globe de la Meilleure actrice et du Meilleur espoir féminin pour Bette Midler
mardi 2 octobre 2018
2 GARCONS, 1 FILLE, 3 POSSIBILITES
"Threesome" de Andrew Fleming. 1994. U.S.A. 1h32. Avec Lara Flynn Boyle, Stephen Baldwin, Josh Charles, Alexis Arquette, Martha Gehman.
Sortie salles France: 10 Août 1994 (Int - 16 ans). U.S: 8 Avril 1994
FILMOGRAPHIE: Andrew Fleming est un réalisateur et scénariste américain, né le 14 mars 1963 (ou le 30 décembre 1965). 1988 : Bad Dreams. 1994 : Deux garçons, une fille, trois possibilités. 1996 : Dangereuse Alliance. 1999 : Dick : Les Coulisses de la présidence. 2000 : Grosse Pointe (série TV). 2002 : Paranormal Girl (TV). 2003 : Espion mais pas trop ! 2005 : Head Cases (série TV). 2007 : Nancy Drew. 2008 : Hamlet 2.
"Le mot déviant vient du latin "de", en-dehors, et "via", la voix, le chemin. Il désigne donc quelqu'un qui sort du droit chemin. Celui qui fait bande à part. De nos jours, ça désigne quelqu'un dont la sexualité sort de la norme. Voici l'histoire de Stuart, Alex et moi. Voici comment pendant un temps nous sommes devenus des "déviants" dans tous les sens du terme."
Réalisateur touche à tout assez discret à qui l'on doit les séries B bonnards Panics (faux remake de Freddy 3 si j'ose dire !) et Dangereuse Alliance, Andrew Fleming s'essaie en 1994 au Teen movie avec Deux garçons, une fille, trois possibilités. En dépit d'un titre racoleur présageant un vulgaire produit lambda, cette comédie romantique parvient louablement à extérioriser une certaine fragilité humaine à travers le portrait d'un trio de lycéens curieux d'expériences nouvelles. Tant et si bien que Stuart et Eddy décident de partager leur chambre d'étudiants avec la jeune et dévergondée Alex en proie à un furieux désir concupiscent. A eux trois, et lors d'une quête identitaire pour leur orientation sexuelle, ils vont multiplier les expériences lubriques au point de converger vers le triolisme.
Sans pour autant laisser un souvenir impérissable dans nos mémoires, notamment faute du classicisme de sa réalisation et d'une intensité émotionnelle perfectible, Deux garçons, une fille, trois possibilités demeure un charmant Teen movie largement rehaussé du jeu spontané des trois comédiens en osmose libertaire. Le réalisateur osant illustrer à travers leur fidèle amitié un érotisme tantôt audacieux, tantôt provocant sans toutefois verser dans la gratuité putassière. Le message du film annonçant au terme qu'il faut oser braver le politiquement correct lors d'une complicité amicale flirtant avec les vrais sentiments le temps d'une endurance initiatique. Ainsi, à travers leurs batifolages badins et relations charnelles émaneront un apprentissage à la sagesse et la maturité après avoir côtoyé (sans nul regret) une émancipation sexuelle aussi subversive qu'assouvie. Marqués à jamais par leurs expériences égrillardes décalées, ils préserveront au sein de leur mémoire un souvenir saillant, de par leur audace de s'être échangés à une sexualité romantique résolument louable. En somme, vivez à fond vos expériences sexuelles dans une éthique de responsabilité, de respect et d'amitié fructueuse (notamment grâce aux échanges de confidences et remises en question identitaires).
* Bruno
lundi 1 octobre 2018
MANDY
de Panos Cosmatos. 2018. U.S.A. 2h01. Avec Nicolas Cage, Andrea Riseborough, Linus Roache, Bill Duke, Richard Brake, Ned Dennehy.
Sortie salles France: 12 Mai 2018 (Festival Cannes). U.S: 14 Septembre 2018
FILMOGRAPHIE: Panos Cosmatos est un réalisateur, scénariste et producteur canadien, né en 1974 à Rome (Italie). 2010 : Beyond the Black Rainbow. 2018 : Mandy.
"Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit."
Trip mystique d'une fulgurance rubiconde à damner un saint, Mandy est une expérience de cinéma atypique comme on en voit peu dans le paysage conventionnel. Car à partir d'une intrigue aussi ultra simpliste que sans surprise (la vengeance d'un homme nommé Red Miller après le sacrifice de sa compagne par une bande de hippies fanatisés !), Panos Cosmatos (il s'agit de sa seconde réalisation) compte sur la forme pour renouveler un furieux spectacle de samedi soir assez vertigineux, et ce sur fond de fanatisme religieux. Dans la mesure ou Mandy demeure autant un vibrant hommage au cinéma Grindhouse des Seventies et Eighties (notamment à travers ses bribes de séries Z que l'on entrevoit à travers une lucarne 4/3 ou encore à travers le tee-shirt de Red Miller) qu'une expérience visuelle et auditive afin de nous confiner dans un dédale cauchemardesque peuplé de personnages dérangés. A la fois sarcastique, horrifique, gore, grotesque et décalé (à situer à mi-chemin entre The Crow et Mad-Max), mais aussi onirique, stylisé et envoûtant (notamment durant sa première demi-heure assez cosmique dans les étreintes romanesques), Mandy explore l'ultra violence des exactions vindicatives de Red à travers une scénographie rutilante où les couleurs ne cessent de tapisser le paysage bucolique à l'instar d'une fresque psychédélique.
De par la rage qu'extériorise Nicolas Cage en exterminateur transi de haine et par son humanisme dépressif faute de l'injustice du châtiment crapuleux, l'acteur insuffle une fois encore un jeu viscéral rugissant (comparable à son tee-shirt animalier !). Le film métaphorique (et prémonitoire) n'étant après tout que la descente dans la folie d'un justicier éploré incapable de canaliser sa souffrance morale pour accepter le deuil. Un état d'esprit rageur que le spectateur accepte facilement eu égard de son témoignage impuissant d'assister en direct à l'immolation de sa compagne par de lâches fidèles dévots. Une séquence d'une belle intensité dramatique que Panos Cosmatos exacerbera ensuite lorsque Red Miller parviendra à se libérer de ses chaines pour laisser exploser une immense tristesse en état d'ébriété. Ainsi, si Mandy parvient constamment à nous hypnotiser et manipuler nos émotions sans toutefois révolutionner quoique ce soit, il le doit autant à l'extravagance de ses antagonistes lunaires extraits d'une nouvelle dimension (pour ne pas dire d'une oeuvre ramifiée de Lynch). Les hippies (lobotomisés par leur gourou) et les bikers (que l'on croirait sortis de Hellraiser ou d'un film de monstres de série Z !) s'exprimant dans des compositions emphatiques à l'aide de répliques débridées et d'une bande-son dissonante (notamment auprès de leurs voix éraillées par la prise de LSD).
L'Enfer de la vengeance
Furieusement barge, décoiffant et excitant dans son action aussi bien belliciste qu'ultra sanglante, beau, envoûtant et romanesque à travers ses plages ésotériques, Mandy explore la série B indépendante avec la volonté de dépasser le genre en expérience sensorielle résolument désincarnée. Dépaysement assuré donc (notamment auprès de ses superbes séquences d'animation alertant l'état moral de l'anti-héros en proie à la folie meurtrière !) avec une charge d'émotion dramatique que sa conclusion confirme dans la tendresse mélancolique.
* Bruno
La p'tite chronique de Jean-Marc Micciche:
Séance découverte avec Mandy. Comme vous le savez certainement, Mandy traine depuis quelques semaines une réputation d'eouvre de bargeot, à la fois fou et inclassable. Et vous savez quoi ? C'est vrai ! à l'heure, où le cinéma de genre et en particulier le fantastique et d'horreur a un mal fou pour sortir des sentiers battus (mais il y a fort heureusement des execption, Lords of salem, The witch etc), Mandy fait un bien immense. Non pas que l'essai de divisera pas ou qu'il ne sera pas clivant, mais au moins quelqu'un a essayait un truc de dingue, un truc que les cinéphiles pourront se refiler au bon souvenir des seventies et eighties. Et il est évident que Mandy trouve sa moelle artistique à cette période. Car si sur le papier, Mandy a tout du revenge movie basique, son traitement narratif et visuelle est clairement à la croisée de diverses influences directes ou indirectes, comme si Lynch avaient tenté un croisement entre Hellraiser et The crow à la sauce Death Warmed up. C'est d'ailleurs à ce film oublié que Mandy fait le plus pensé tant le film diffuse une pate irrésistiblement punk et black métal. Alors oui on pourra arguer que le seconde partie est narrativement plus faible et plus mécanique dans sa démarche, mais le parvient malgré tout à rester fidéle à son esthétisme et une nouvelle fois on peut se réjouir qu'un fou comme Nicolas Cage soit encore capable à sortir un film de cet acabit dans sa filmographie. D'autres spectres cinématographiques nourries le film : La dernière maison sur la gauche, le look gourou de Richard Lynch de Meurtres sous controles, un combat très massacre à la trançonneuse 2.....