jeudi 31 octobre 2024

La Peau / La Pelle

                                              
                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Liliana Cavani. 1981. Italie/France. 2h13. Avec Marcello Mastroianni, Ken Marshall, Alexandra King, Carlo Giuffrè, Yann Babilée, Jeanne Valérie, Liliana Tari, Peppe Barra, Cristina Donadio...

Sortie salles France: 25 Novembre 1981. Italie: 25 Septembre 1981

FILMOGRAPHIE: Liliana Cavani est une réalisatrice italienne, née le 12 Janvier 1933 à Carpi (Emilie-Romagne). 1966: Francesco d'Assisi. 1968: Galileo. 1969: Les Cannibales. 1972: l'Ospite. 1974: Milarepa. Portier de Nuit. 1977: Au-dela du bien et du mal. 1981: La Peau. 1982: Derrière la porte. 1985: Berlin Affair. 1989: Francesco. 1992: La Traviata. 1993: Sans pouvoir le dire. 2002: Ripley s'amuse. 2005: De Gasperi, l'uomo della speranza. 2008: Einstein (téléfilm).


Le Pitch: En 1943, Naples vient d'être libéré après le débarquement américain. Malaparte, officier de l'armée italienne de libération doit négocier avec ceux qui détiennent les prisonniers allemands tout en faisant face à la misère des habitants dont certains se livrent à la prostitution.

Affreux, sales et méchants (toutes proportions gardées !).

Fort d'une atmosphère blafarde particulièrement nécrosée au fil d'une ossature narrative sciemment sournoise, Liliana Cavani nous dépeint sans fard aucun le moment de libération d'une capitale italienne lors de la seconde guerre mondiale parmi une foule déstructurée réduite à la famine et à la prostitution depuis leur précarité. Mais c'est à travers les observations d'un général, d'une aviatrice, d'un capitaine américains puis d'un officier italien (Marcello Mastroianni insufflant avec un magnétisme inquiétant une force tranquille et mutique ambigüe !) que La Peau nous mènera au bout d'une horreur inhumaine. Un voyage au bout des ténèbres pour autant dénué de scènes de guerre mais d'une infinie émanation fétide que l'on ne voit pas vraiment arriver afin de se violemment confronter au malaise et au dégout de manière reptilienne quant aux agissements sans vergogne d'une populace emportée d'un vertige existentiel en perdition. Celle où les valeurs du Bien et du Mal y sont rompues sans espoir de rédemption. Car en dépit de la dépêche rassurante de ce pays libéré par les américains contre l'occupation allemande, La Peau illustre avec une vigueur dramatique implacable les (ex)actions d'un peuple italien se remettant peu à peu du trauma de la guerre pour à son tour se corrompre à travers leur bassesse. 


Un constat social infiniment éprouvant donc et fort dérangeant de par son vérisme sordide si bien que ces petites gens cèderont complaisamment aux actes frauduleux (prostitution, enfants abusés) pour tenir lieu de bas instincts de survie. Or, de prendre en ligne de compte que ce sombre récit est tiré du roman "autobiographique" de l'écrivain Curzio Malaparte paru en 1949, un gout de souffre dans la bouche s'y fait inéluctablement ressentir suivi d'un malaise viscérale parfois difficilement gérable auprès des séquences les plus rudes, vulgaires ou scabreuses (on aborde même le cannibalisme à plusieurs reprises ainsi que la vivisection animale !). C'est dire si La Peau, éludé du hors-champs, est une constante épreuve (de force) morale que l'on subit sans anesthésie jusqu'à l'audace couillue d'une conclusion horrifiante à l'ironie vitriolée. Dans la mesure où passée une éruption volcanique (métaphorique), l'homme semble condamné à la damnation de s'être autant vautré dans la barbarie et la servilité, même auprès des plus candides comme le souligne l'ultime accident morbide auquel se clôt l'oeuvre maladive de Liliana Cavani à qui l'ont doit notamment son chef-d'oeuvre Portier de Nuit réalisé 7 ans plus tôt.


La Chair.
A travers sa mise en scène à la fois âpre et glaçante soumise à l'horreur d'une déliquescence morale de masse, La Peau se décline en éprouvant drame social quant au constat amer imparti à une déchéance miséreuse suite aux conséquences d'un conflit belliciste planétaire. Une oeuvre choc donc qui révulse et scandalise à la fois dans sa criante reconstitution historique où le souci du détail ornemental/sculptural et le recrutement de nombreux figurants fort convaincants y saturent sa facture docu-vérité. Un drame de guerre d'autant plus baroque de par sa scénographie insalubre au seuil de la pornographie diluant le malaise diffus (en intraveineuse svp, sans nous demander pardon). Et ce jusqu'à la hantise d'une méchante gueule de bois que l'on ne parvient pas à évacuer au-delà du générique. A réserver à un public averti tant il me semble illogique d'avoir mentionné une interdiction aux moins de 13 ans lors de sa sortie dans l'hexagone.

*Bruno
29.09.10
31.10.24. Vostfr

mercredi 30 octobre 2024

Rue de la Violence / Milano trema: la polizia vuole giustizia / Polices Parallèles

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sergio Martino. 1973. Italie. 1h44. Avec Luc Merenda, Richard Conte, Silvano Tranquilli, Carlo Alighiero, Martine Brochard, Chris Avram.

Sortie salles France: 2 Mars 1977. Italie: 22 Août 1973

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1970: l'Amérique à nu. Arizona se déchaine. 1971: l'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. l'Alliance Invisible. 1973: Mademoiselle Cuisses longues. 1973: Torso. 1975: Le Parfum du Diable. 1977: Mannaja, l'homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes poissons. Le Grand Alligator. 1982: Crimes au cimetière étrusque. 1983: 2019, Après la Chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg. 1989: Casablanca Express. 1990: Mal d'Africa. Sulle tracce del condor.

Poliziottesco rondement mené à travers ses courses-poursuites hallucinées coordonnées par Rémi Julienne (!), son ultra violence rêche (une femme enceinte et une fillette y trinquent de manière tranchée !) et l'investigation (de longue haleine) d'un flic réac infiltré au coeur d'une pègre criminelle, Rue de la violence porte bien son titre français afin d'appuyer sa radicalité d'une brutalité en roue libre. Reflet de l'époque des Seventies au sein d'une Italie soumise aux années de plomb, Rue de la Violence détonne par son réalisme urbain à la fois poisseux et tendu eu égard des exactions criminelles instaurées dans les rues pour l'enjeu de braquage de banques. Or, un flic teigneux particulièrement revanchard décide d'y opérer sa propre loi après que son supérieur se soit fait assassiner en pleine rue. L'acteur français Luc Merenda  portant le récit insalubre à bout de bras dans sa posture monolithique de justicier impassible résigné à nettoyer sa ville milanaise en faisant fi de déontologie. 

Mais derrière ce remarquable polar d'action très efficacement géré et filmé avec une certaine inventivité (cadrages chiadés lors des poursuites automobiles par ex), Sergio Martino en profite d'y dénoncer le fascisme qui irriguait l'Italie des Brigades Rouges derrière une organisation mafieuse en étroite relation avec une police corruptrice. La texture granuleuse de sa photo grisonnante, son climat quelque peu dépressif ainsi que le charisme des sales gueules d'acteurs secondaires (criant d'expressivité ordurière) contribuant à renforcer le réalisme glaçant d'une vendetta où tous les coups y seront permis. Sans restriction possible si bien que l'on quitte cette Rue de la violence la mine amère auprès de sa conclusion préjudiciable laissant une ultime note déchue quant à la moralité assumée du flic conscient de ses erreurs et de sa culpabilité. A redécouvrir d'urgence notamment donc pour se rendre compte à quel point l'Italie des Seventies fut capable de rivaliser avec les meilleurs films d'action au-delà de leur frontière avec une audace (ici à nouveau) glaçante. Et ce sans compter l'attention portée au traitement des personnages possédant ici une épaisseur humaine déconfite eu égard de l'intensité dramatique qui y émane avec empathie dépouillée (le personnage secondaire de la prostituée à titre de vibrant exemple). 

*Bruno
2èx. Vostfr

Infos subsidiaires: Box-office italien : 2 154 632 entrées 

En 2009, la magazine Empire l'a classé 9e dans un sondage sur les « 20 plus grands films de gangsters que vous n'avez jamais vus » .

Octopussy

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Glen. 1983. U.S.A/Angleterre. 2h11. Avec Roger Moore, Maud Adams, Louis Jourdan, Kristina Wayborn, Kabir Bedi.

Sortie salles France: 5 Octobre 1983. U.S: 10 Juin 1983

FILMOGRAPHIE: John Glen est un réalisateur anglais né le 15 mai 1932 à Sunbury-on-Thames (dans le comté de Surrey, en Angleterre). 1981 : Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only). 1983 : Octopussy. 1985 : Dangereusement vôtre. 1987 : Tuer n'est pas jouer. 1989 : Permis de tuer. 1990 : Checkered Flag. 1991 : Aigle de fer 3. 1992 : Christophe Colomb : La découverte. 1995 : Épisodes de la série télévisée britannique Space Precinct. 2001 : The Point Men.


Quel habile faiseur que ce John Glen d'avoir enquillé autant de réussites au sein de la saga James Bond. Si bien qu'à mon sens personnel il n'y a rien à jeter à travers ses 5 propositions imprimées entre 1981 et 1989. Et pour cause: Rien que pour vos yeux, Dangereusement votre, Tuer n'est pas jouer, Permis de tuer et enfin le film qui nous intéresse ici, Octopussy, sont parvenus à me séduire avec un enthousiame parfois même galvanisant. Ce qui fut particulièrement le cas avec Rien que pour vos yeux mais aussi Dangereusement Votre et enfin le réjouissant Octopussy. En attendant de revisionner ces deux derniers essais endossés par un nouveau James Bond en la présence de Timoty Dalton dans Tuer n'est pas jouer et Permis de tuer. Or, à la revoyure d'Octopussy, quel bonheur expansif de se retrouver plonger dans les années 80 d'une aventure exotique faisant la part belle à l'action et à la romance auprès de son concentré d'humour, cascades et charnalité parmi la présence de mannequins réputées comme de coutûme dans le cahier des charges. Et si le récit d'espionnage demeure un peu difficile à suivre (un reproche déjà consigné lors de sa sortie), la bonne humeur exaltante des comédiens, sa facture visuelle dépaysante nous baladant entre l'Inde, l'Allemagne, l'Amérique et l'Angleterre, son côté également Bande-dessinée haute en couleur et surtout la générosité de son action époustouflante nous rappellent par la même occasion à quel point ses trucages artisanaux continuent de générer une émotion frétillante auprès de ses séquences anthologiques dénuées de ride. 


Si bien que l'on rematte ses splendides morceaux d'esbroufe les yeux écarquillés. C'est dire si Octopussy demeure un régal permanant 2h11 durant sous l'impulsion toujours aussi décontractée d'un Roger Moore aimablement impliqué auprès de sa force tranquille, de sureté et de séduction. L'acteur n'hésitant pas non plus à se grimer en clown ou même en gorille (sans soupçon de ridicule évidemment) en guise de camouflage pour mieux usurper ses rivaux (se trahissant d'ailleurs entre eux) lors d'une traque en interne d'un cirque et d'un tramway. Ainsi, y émane de sa facture sobrement aguicheuse, ludique, décomplexée, un sentiment de fraîcheur, d'évasion, d'épanouissement et de réjouissance propres aux serials. Si bien que tous les comédiens à la fête semblent s'amuser autant que nous. Nous spectateur étant impliqué entre un jeu du chat et de la souris et une course contre la montre nucléaire auprès de méchants mégalos génialement cabotins. 


Formidable divertissement familial aussi sérieux que fantaisiste dans la juste mesure (même si le yoyo à scie circulaire - chorégraphié à point nommé pour ses attaques criminelles - ainsi que la pieuvre aux anneaux bleux - clin d'oeil à Alien - peuvent brusquer les plus petits), Octopussy demeure un épatant spectacle à l'ancienne plein de charme, d'humour et surtout d'actions "mécaniques" d'un réalisme fulgurant toujours aussi bluffant. Un plaisir permanent donc encore plus tangible à la revoyure de par son aspect "idyllique" plus prononcé aujourd'hui puisque révolu depuis l'ère numérisé.  

*Bruno
vf

Box Office France : 2 944 481 entrées

Budget : 27 500 000 $ (estimation)

Tournage du 10 août 1982 au 25 janvier 1983.

Lieux de tournage: Allemagne / Etats-Unis / Inde / Royaume-Unis

mardi 29 octobre 2024

Mother land / Never let go

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alexandre Aja. 2024. U.S.A. 1h41. Avec Halle Berry, Percy Daggs, Anthony B. Jenkins, Matthew Kevin Anderson, Stephanie Lavigne, Cadence Compton.

Sortie salles France: 25 Septembre 2024

FILMOGRAPHIE: Alexandre Jouan-Arcady, dit Alexandre Aja, est un réalisateur, producteur de cinéma, scénariste, dialoguiste et acteur français, né le 7 août 1978 à Paris.1999 : Furia. 2000 : Là-bas... mon pays d’Alexandre Arcady (en seconde équipe). 2002 : Entre chiens et loups d’Alexandre Arcady (en seconde équipe). 2003 : Haute Tension. 2004 : Mariage mixte d’Alexandre Arcady (en seconde équipe). 2006 : La colline a des yeux (The Hills Have Eyes). 2008 : Mirrors. 2009 : Piranha 3D. 2014 : Horns. 2016 : La Neuvième Vie de Louis Drax (The 9th Life of Louis Drax). 2019 : Crawl. 2021 : Oxygène. 2024 : Mother Land. 


Captivant drame psychologique transplanté dans le cadre horrifico-fantastique d'une nature à la fois paisible et inquiétante, Mother Land tire son épingle du jeu de par la fine attention portée à caractérisation d'une mère bigote et de ses enfants apprenant peu à peu à se forger leur propre opinion bien que l'un d'eux rebroussera chemin pour mieux s'appliquer aux préceptes de celle-ci. 

Impeccablement endossé par une Halle Berry sans fard dans la peau d'une maman parano victime de son fanatisme religieux, Mother Land nous questionne, par ses actions à la fois drastiques et nonsensiques, et par le comportement interrogatif des enfants en proie à la perplexité, sur l'influence du Mal qu'ils dépendent communément au sein d'un contexte de survie éventuellement post-apo. Tour à tour vibrante, poignante et fragile mais déterminée et forcenée puisque aveuglée par sa folie parano en perdition, Hale Berry suscite crainte, effroi, désespoir à travers sa mélancolie morale de tenter de survivre dans la précarité en s'efforçant d'y préserver la vie de ses enfants avec une détermination irresponsable. 

Sorte de conte plutôt noir à travers son réalisme à la fois naturaliste, feutré et onirique baignant dans un climat esseulé émaillé de visions d'effroi, Motherland surprend par ses rebondissements dramatiques impromptus et par le parti-pris intelligent d'Alexandre Aja d'aborder un Fantastique adulte en faisant fi de facilités standard qu'on a coutume de voir dans ce paysage (souvent formaté). A travers son art formel et du storytelling, Aja  introduit d'autre part une émotion fébrile parfois même bouleversante au fil de l'évolution morale de ce trio maudit compromis par d'éventuelles forces du Mal intraitables. On est d'autant plus attaché à ces personnages rétrogrades qu'une intensité dramatique leur est également consignée avec un art consommé de l'autosuggestion. Le cheminement si indécis de ses enfants abandonnés de tous demeurant également la grande densité de ce récit métaphorique où la présence du Mal nous fera finalement office de réflexion existentielle, à l'instar d'un Carpenter persuadé que cette entité est parmi nous. 

Merci Mr Aja pour votre proposition Fantastique de nous avoir traité un métrage intimiste aussi fort, douloureux et intelligent. *

Et merci à toi Jean-Marc Micciche de m'y avoir suscité la curiosité (pour ton optimisme et par le truchement du "chien").

*Bruno

Infos subsidiaires: A l'origine Mark Romanek devait le réaliser. 

Tournage étalé sur une période de 3 mois (Avril à Juin 2023) à Vancouver (Canada). 

Scénario de Kevin Coughlin et Ryan Grassby

Production : Alexandre Aja, Dan Cohen, Dan Levine et Shawn Levy

Musique : Robin Coudert

lundi 28 octobre 2024

Le Comte de Monte Cristo. Festival du film de Cabourg 2024 : Swann du meilleur film.

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte. 2024. France. 2h58. Avec Pierre Niney, Bastien Bouillon, Anaïs Demoustier, Anamaria Vartolomei, Laurent Lafitte, Pierfrancesco Favino, Patrick Mille, Vassili Schneider.

Sortie salles France: 28 Juin 2024

FILMOGRAPHIE: Alexandre Dubois de La Patellière, dit Alexandre de La Patellière, né le 24 juin 1971 à Paris, est un scénariste, dramaturge, réalisateur et producteur français. 2012 : Le Prénom en collaboration avec Matthieu Delaporte. 2019 : Le meilleur reste à venir en collaboration avec Matthieu Delaporte. 2024 : Le Comte de Monte-Cristo en collaboration avec Matthieu Delaporte. Matthieu Delaporte est un scénariste, réalisateur pour le cinéma et la télévision et dramaturge français né le 2 septembre 1971. 2006 : La Jungle. 2012 : Le Prénom avec Alexandre de La Patellière. 2014 : Un illustre inconnu. 2019 : Le meilleur reste à venir avec Alexandre de La Patellière. 2024 : Le Comte de Monte-Cristo en collaboration avec Alexandre de La Patellière.

                                                Top 2024 (en tête de peloton du classement). 

"Toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots : attendre et espérer !"

Renouant avec la qualité disparue des grands classiques du genre tout en le modernisant un peu pour l'emploi de certains effets de style, le Comte de Monte Cristo est du grand cinéma populaire comme on n'en voit plus dans le paysage Français. On peut même prétendre une résurrection en somme. 

Du pur plaisir de cinéma 2h50 durant auquel tout est admirablement réuni pour nous séduire avec une bouleversante sincérité. Si bien que ce récit de vengeance de longue haleine doit autant au talent d'écriture d'Alexandre Dumas que du jeu terriblement investi des acteurs se disputant l'autorité avec un souffle épique ou romanesque que l'on croyait aujourd'hui révolu. 

C'est dire si la réunion des cinéastes Alexandre de La Patellière / Matthieu Delaporte a porté ses fruits d'avoir su réactualiser l'illustre récit sous une fulgurance formelle au cordeau (photo scope rutilante à l'appui). Si bien que le Comte de Monte Cristo est également un splendide livret d'images que son budget de plus de 42,9 millions d'euros (film français le plus cher de 2024) a rendu plausible en peaufinant chaque séquence jusqu'à la plus ordinaire. 

Mais outre son régal pour les yeux et l'ouie (score musical de Jérôme Rebotier à damner un saint pour son sens lyrique), le Comte de Monte Cristo est avant tout et surtout un affrontement psychologique d'une intensité scrupuleuse passée une tolérance s'étalant sur une durée de plus de 14 ans. Des antagonistes couards au charisme infaillible (aucun ne déborde à travers leur commune expressivité antipathique) bientôt rattrapés par leur passé qu'Edmond Dantes (Pierre Niney est habité sans cligner d'un cil) est entrain de planifier pour son sens de la justice. Quand bien même le récit impeccablement charpenté met autant en exergue la valeur (ici écornée) de l'amour et de l'amitié avec un souffle lyrique ou dramatique tout en grâce élégiaque. 

Une oeuvre d'art donc d'une beauté académique épurée, un futur grand classique du cinéma d'aventures auquel les 9 millions de spectateurs français n'ont fait que confirmer son potentiel fastueux.

*Bruno

Budget : 42,9 millions d'euros (film français le plus cher de 2024)

Box Office: 9 037 088 entrées (au 29/10/2024)

mardi 22 octobre 2024

Alien: Romulus

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Fede Alvarez. 2024. U.S.A/Angleterre. 2h00. Avec Cailee Spaeny, David Jonsson, Isabela Merced, Archie Renaux, Spike Fearn, Aileen Wu, Daniel Betts.

Sortie salles France: 14 Août 2024

FILMOGRAPHIE: Fede Alvarez est un réalisateur uruguayen, né le 9 Février 1978 à Montevideo.
2009: Ataque de Panico (court-métrage). 2013: Evil-Dead. 2016: Don't Breathe. 2018 : Millénium : Ce qui ne me tue pas (The Girl in the Spider's Web). 2024 : Alien: Romulus. 


Tout d'abord ce qui frappe d'emblée dès que l'on découvre les premières images d'Alien Romulus émane de sa facture visuelle aussi dépaysante que crépusculaire. Un univers stellaire à l'urbanisation enfumée rappelant sciemment Blade Runner de Scott sans toutefois vulgairement le singer tant l'influence ici, autrement rubigineuse (parmi ses teintes ocres et sépia), s'y fait discrète auprès de ses FX minimalistes. Un prologue prometteur donc qui va rapidement entretenir l'attachement avec le tandem Rain / Andy. Une jeune ouvrière accompagnée de son androïde afro auquel elle accorde beaucoup d'empathie à travers leur relation fraternelle. 

Situé entre Alien et Aliens, l'action suit donc ces 2 héros bientôt influencés par Tyler (l'ex de Rain), Kay (soeur de Tyler), Bjorn (cousin de Tyler et Kay) et Navarro à quitter leur train de vie routinier de "mineurs" pour rejoindre une station spatiale abandonnée et se rendre sur Yvaga, planète potentiellemet plus paisible. 

"On prend (donc) les mêmes et on recommence" si j'ose ce facheux trait d'union à travers l'exploration de cette station abritant inévitablement nos chers facehuggers avec ce que celà sous-entend d'angoisse diffuse, tension grandissante, action épique 2h00 durant. 


Or, ayant déjà prouvé son talent d'habile faiseur avec l'excellente relecture de Evil-Dead et son huis-clos retors Don't Breathe; Fred Alvarez demeure rigoureusement impliqué, révérencieux, attentionné, circonspect pour éviter de décevoir l'amateur éclairé en nous offrant une séance ludique de train fantôme avec un art consommé de l'efficacité endiablée. Et cela fonctionne à nouveau à point nommé si bien que dès que nos héros arpentent, entre appréhension, interrogation et curiosité, les corridors de la station maudite au sein du lieu hermétique, Alien Romulus ne nous lâche pas d'une semelle de par son angoisse lattente bientôt substituée d'une intensité davantage effrenée, entre suspense exponentiel, action belliqueuse et scènes-chocs d'un redoutable réalisme viscéral. Le tout émaillé de clins d'oeil parfaitement justifiés et exploités à bon escient (tout du moins pour la plupart) puisque soumis à l'intrigue en étroit lien avec les 2 opus précités. Sans compter sa conjonction finale avec Prometheus et Covenant faisant office d'effet de surprise aussi cruel que baroque et dérangeant. 


Mais outre le plaisir de renouer avec l'aspect délicieusement ludique des 2 premiers Alien (en privilégiant toutefois une démarche beaucoup moins bourrine que le chef-d'oeuvre de Cameron), Alien Romulus parvient à nous immerger dans ce nouveau huis-clos infernal parmi l'audace d'y recruter un acting étonnamment juvénile puisque jamais vu au préalable au sein de la saga. Une gageure à la fois couillue (certains spectateurs puristes se risquant à la grise mine) et fructueuse (pour rameuter aussi la nouvelle génération) que Fede Alvarez parvient toutefois à relever de par leur fragilité humaine perceptible, l'aspect vulnérable de leur physique ordinaire peu enclin à s'y porter héros redresseur de tort. Même si notre jeune héroïne Rain accompagnée de son androïde bipolaire (notamment faute d'un remplacement de module) fera preuve d'une stoîcité impressionnante sans jamais se morfondre dans la caricature de guerrière intrépide déjà transcendée par Ripley iconisé par Sigourney Weaver. De jeunes protagonistes lambdas donc au charisme somme toute standard mais qui parviennent sobrement à nous impliquer dans leur effroi, leur désarroi avec une émotion palpable à défaut de véritablement nous ébranler, bien que certaines séquences particulièrement épineuses font génialement leur effet répulsif (les gouttes d'acide chutant sur une des victimes, l'empalement par le dos, l'explosion d'une cage thoracique, l'accouchement). 


Enfin, il faut aussi reconnaître que Fede Alvarez n'est point à court d'idées viciées (tant pour ses mises à mort susnommées que des intentions couardes de Rook, l'androïde du 1er opus, - FX très convaincant à l'appui auprès de son visage expressif-) et oniriques (les envolées des giclées d'acide émanant de la gravité zéro de la station) pour relancer l'action avec un savoir faire roublard. Alien Romulus instaurant notamment une scénographie rétro très crédible à travers la technologie sciemment obsolète de la station et pour la tenue vestimentaire de nos jeunes colons, afin de mieux respecter la chronologie temporelle des 2 premiers opus. 


Palpitant, opressant et anxgioène au détriment de nous foutre la pétoche comme sû le parfaire Ridley Scott avec son inégalable parangon de l'horreur spatiale où personne ne nous entendait criait, Alien Romulus se décline toutefois en divertissement de haute voltige parvenant même à imposer sa propre identité visuelle (mais aussi personnelle pour son discours sur l'exploitation du prolétariat du point de vue d'une jeunesse désœuvrée) à travers son univers stellaire tout à la fois génialement ravissant et insécure. En tablant autant sur la fragilité tangible de nos jeunes ouvriers à bout de souffle s'évertuant à repousser la pression avec une dimension héroïque désespérée. Un vibrant hommage donc, véritable et impliqué, qu'on aurait tort de bouder. 

*Bruno
Mar 15.10.24.Vostfr
Lun 21.10.24. Vostfr. 4K.

Ordre de préférence pour la saga: 
- Alien  
- Aliens 
- Alien 3
- Alien Romulus
- Alien Resurrection 
- Prometheus
- Alien Covenant.

vendredi 18 octobre 2024

La comtesse

P.S: Je n'avais pas vraiment apprécié la 1ère fois, j'ai aujourd'hui changé d'avis après ma révision d'hier soir (merci Jérôme pour l'influence) même si éloignée de ma zone de confort.

Il s'agit donc d'un récit historique dépouillé relatant la déliquescence morale de la fameuse comtesse Elisabeth Bathory qui, à la suite d'une déception amoureuse assez polémique et envieuse (faute de ses 20 ans d'écart avec son amant), sombre dans la folie meurtrière en s'abreuvant de sang humain afin d'y préserver sa jeunesse. 

Si son climat relativement austère, son rythme nonchalant peut de prime abord rebuter, on se laisse peu à peu séduire, dérivé, un tantinet envoûté, par les caprices déviants de cette comtesse à la fois vaniteuse, égoïste, indolente que Julie Delpy impose (derrière et face caméra) dans une posture rigoureusement altière, impassible, pour ne pas dire antipathique. Raison pour laquelle nous avions affaire à un docu/fiction peu aimable.

Formellement soigné, tant pour sa photo scope, ses décors naturels et domestiques et sa réalisation personnelle avisée, et plutôt bien interprété auprès d'une distribution internationale assez impliquée, la Comtesse dérange, déroute et captive sensiblement au fil de son évolution morale puisque entravée par sa condition bourgeoise dénuée de charité. Sa cruauté sans morale atteignant l'innommable pour mieux se consoler de sa désillusion esseulée. 

Un drame passionnel donc rongé d'une sinistrose existentielle, aussi intime que davantage horrifiant, que l'on quitte sans réelle empathie à force de dérive criminelle en roue libre dénuée de remord, de remise en question, de rédemption. 

Enfin, quant à la vérité des faits historiques morbides, Julie Delpy n'évoque pas en carton d'avertissement qu'ils restent largement mis en doute par certains historiens puisque les témoignages furent obtenus sous la contrainte et la torture et que le nombre de victimes causées par la Comtesse hongroise reste incertain. 

Alors, réalité ou légende ?

*Bruno

mercredi 16 octobre 2024

Vij ou le Diable / Viy (Вий)

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Konstantine Ierchov et Gueorgui Kropatchiov. 1967. Russie. 1h16. Avec Leonid Kouravliov, Natalia Varley, Alekseï Glazyrine, Nikolaï Koutouzov

Sortie salles France: 22 Mars 1972. Union soviétique : 27 novembre 1967

FILMOGRAPHIE: Konstantine Vladimirovitch Ierchov (en russe : Константин Владимирович Ершов), est un réalisateur, un acteur et un scénariste de films né le 17 juillet 1935 à Tchéliabinsk, RSFSR et décédé le 28 décembre 1984 à Kiev. 1967 : Vij ou le Diable avec Gueorgui Kropatchiov.1970 : L'enfant décédé (en russe : Поздний ребёнок). 1973 : Tous les soirs après le travail. 1976 : Le Pense-bête de Stepanov (ru) ou La fille de Stepan (titre VHS). 1978 : L'Homme qui a eu de la chance. 1981 : Les femmes plaisantent sérieusement. 1982 : Les Tours. 1983 : Si le bonheur n'existait pas..., 
Gueorgui Borissovitch Kropatchiov (en russe : Георгий Борисович Кропачёв), né le 15 avril 1930 à Léningrad, en Union soviétique, et mort le 13 mars 2016 à Saint-Pétersbourg, est un réalisateur, décorateur et scénariste de cinéma russe.

Nous sommes en terrain inconnu. Celui de la Russie des sixties sous la mainmise audacieuse du genre horrifique. Car le seul tourné chez eux (jusqu'aux années 2000 parait-il). Vij relatant les 3 jours cauchemardesques d'un séminariste contraint de veiller le corps d'une jeune fille se révélant une sorcière. Or, afin d'y canaliser ses affres, il s'enivre de Vodka au risque de perdre la vie. 

Visuellement splendide en s'immergeant goulument à l'intérieur de l'écran, Vij est un voyage infiniment dépaysant à travers sa scénographie à la fois rurale et gothique issue de l'union soviétique. Tant auprès d'une auberge, d'une église, d'un pâturage ou d'un vaste champs verdoyant, Vij est un ravissement formel vu nulle part ailleurs. 

Les réalisateurs Konstantine Ierchov et Gueorgui Kropatchiov élaborant des séquences oniriques à la fois féériques (les séquences de la jeune fille en berne puis ses apparitions en lévitation) et cauchemardesques (les démons qui harcèlent notre héros aviné jusqu'à un final anthologique surgit des enfers). Sur ce point les extraordinaires effets-spéciaux sont encore aujourd'hui pour la plupart surprenants, voirs bluffants de réalisme tout en nous illustrant avec une inventivité baroque des monstres difformes  épatants de singularité séculaire. 

Tiré d'un récit de Nicolas Gogol (déjà adapté à l'écran par Mario Bava avec son chef-d'oeuvre monochrome Le Masque du Démon), Vij ou le diable rassembla lors de sa sortie plus de 30 millions de spectateurs ! C'est dire si ce public peu familier à l'épouvante se rua dans les salles pour reluquer l'objet sulfureux puisant principalement sa force dans le jeu spontané des acteurs plutôt dynamiques (et à l'expressivité assez particulière) et surtout dans son imagerie ensorcelée faisant intervenir les forces occultes sous l'allégeance d'une sorcière à la fois physiquement répugnante et fastueuse. 

On sort donc de ce cauchemar tel un rêve éveillé avec l'impression d'avoir assisté à une expérience de cinéma "autre" que la Russie abdiqua toutefois (le genre "épouvante" j'entends) des décennies durant pour des raisons qui m'échappent. C'est dire si Vij ou le diable demeure extrêmement précieux pour l'amateur éclairé qu'Artus Films extirpe de sa torpeur dans une superbe copie Blu-ray agrémentée de passionnants Bonus. Une seule pensée nous vient passé le générique de fin, rembobiner la pellicule pour s'y replonger d'une façon gouleyante aussi sommaire soit son intrigue quelque peu facétieuse, voire même sarcastique (à l'instar de son inopinée conclusion contraire à la morale).

P.S: Chez nous, Vij sortit le 22 Mars 1972, soit 5 ans après sa sortie soviétique le 27 Novembre 1967.

*Bruno
3èx. Vostf

lundi 14 octobre 2024

The Substance. Prix du Scénario, Cannes 2024

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de Coralie Fargeat. 2024. France/Angleterre/U.S.A. 2h21 (2h14 sans générique). Avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid, Hugo Diego Garcia, Joseph Balderrama, Gore Adams

Sortie salles France: 6 Novembre 2024. U.S: 20 Septembre 2024.

FILMOGRAPHIECoralie Fargeat, née en 1976 à Paris, est une réalisatrice et scénariste française. 2017 : Revenge. 2024 : The Substance.


Elephant Women.
Vous aimez les expériences cinématographiques ne ressemblant à nulle autre pour vous hanter au-delà du générique jusqu'au malaise viscéral, ad nauseam ? Vous aimez les films d'horreur extrêmes stylisés, l'érotisme léché (au service narratif qui plus est), l'ironie vitriolée, le cynisme putassier, la satire à couper au rasoir pour mieux se railler de la chirurgie plastique, du sexisme, du jeunisme et de la beauté physique que chaque nouvelle génération idolâtre dans leur fétichisme d'une perfection éphémère ? Alors The Substance va vous interpeller, vous faire réagir, vous ébranler surtout, pour son imagerie dangereusement toxique car si séduisante, (pour ne pas dire appétissante) mais cauchemardesque la fois d'après ! Si bien que cette oeuvre malade extrêmement inspirée et maîtrisée (notamment auprès de sa fulgurance picturale sciemment saturée, pour ne pas dire criarde) nous hypnotise les sens à l'instar des travaux autrement alchimiques d'un Cronenberg provocateur pour son art consommé d'une matière organique mutante. Et quand on pense que cet objet fétide à la fois malaisant (attention au final orgiaque interminable !), dérangeant et malsain est issu du cerveau d'une femme en pleine possession de ses moyens, alors qu'il s'agit seulement de son second long, on est d'autant plus déconcerté, surpris, lessivé d'avoir assisté à son enfantement sans anesthésie. 


Qui plus est de souche française, Coralie Fargeat est habitée d'une ambition disproportionnée, d'une inspiration débridée en roue libre, d'une ambition dégénérée donc, eu égard de la conduite infaillible de son récit à la fois licencieux, épicé, en chute libre lorsqu'il s'agit de mettre en parallèle, à renfort de composants expérimentaux (travail chiadé sur le son, cadrages baroques ou alambiqués, jeu hystérisé des acteurs) la dérive mentale d'une quinquagénaire sur le déclin mais éprise d'un regain de succès après avoir vécu la notoriété dans le milieu médiatique. Demi Moore se mettant à nu face écran (au propre comme au figuré) avec une force expressive à la fois désespérée et acharnée eu égard des nouveaux talents de son binôme juvénile lui volant davantage la vedette faute de leur compromis médicamenteux révolutionnaire (pour autant officieux). Nanti d'un jeu particulièrement viscéral également, Demi Moore nous transmet ses sentiments de désordre, de chaos et de rébellion avec une intensité semi-dramatique fort dérangeante, faute de la tonalité gouailleuse de sa descente aux enfers dénuées de concession et encore moins de pitié. Quant à la (plastiquement) sublime Margaret Qualley, elle lui dispute la vedette avec une avarice toujours plus incontrôlable de par son tempérament vicié compromis d'une starisation médiatique aussi cupide et sournoise qu'elle. 


Ré-animatrice.
Objet filmique monstrueux comme habité de cette matière organique hybride que Coralie Fargeat nous dépeint avec une ironie infiniment décomplexée, The Substance tape fort et juste là où ça fait mal pour mieux nous démontrer à quel point nous sommes tombés si bas pour notre centre d'intérêt imparti à l'apparence physique (si trompeuse). Tout aussi bien jubilatoire et fascinant que davantage répulsif et malaisant, The Substance est un chef-d'oeuvre du cinéma horrifique profondément saillant et perturbant de par sa puissance sensorielle et l'impact fulgurant de ses FX charnels exemplaires de réalisme viscéral. Attention les mirettes et les haut-le-coeur !

*Bruno
vost

Récompenses

Festival de Cannes 2024 : Prix du scénario

Festival international du film de Toronto 2024 : People's Choice Award (section Midnight Madness).

Infos subsidiaires; Le tournage a été effectué à Paris et dans le Sud de la France.

Dennis Quaid a remplacé l'acteur Ray Liotta à la suite de son décès. 

Budget: 17,5 millions de dollars.

Ci-joint le point de vue de Jean-Baptiste Thoret

Je crois que la singularité, pour ne pas dire la force, de "The Substance" tient moins dans ce que Coralie Fargeat semble d'abord vouloir nous dire (asséner serait un mot plus juste) - soit un féminisme à la truelle, de bon aloi et en grand angle - que les moyens plastiques et esthétiques fous qu'elle déploie pour faire mine d'y parvenir.  De manière insidieuse, le film glisse peu à peu sur un autre terrain, à son corps défendant peut-être. À force d'enfoncer le même clou écarlate, on comprend bientôt qu'il vise un point plus éloigné, et plus profond que celui auquel on pouvait s'attendre, contrairement à "Revenge", son premier long-métrage, qui avait calé à ce stade (Female empowerment, male gaze, etc...). Son geste est tellement radical et enragé (mais d'une grande précision), sa volonté d'aller jusqu'au terme absolu de ses visions tératologiques est si forte (2h20 tout de même), qu'elle parvient à nous convaincre que le vrai sujet de son film tient finalement tout entier dans son (extrême) viscéralité.

De The Substance, on sort bien sûr éreinté, groggy, un peu nauséeux, avec un étrange sentiment mêlé de familiarité (à peu près tous les grands monstres qu'a produit le cinéma depuis ses origines sont invités à ce bal de l'horreur, De Palma, Lynch, Russell, Carpenter, Shining, Freaks...) et de dépaysement total, comme dans un cauchemar où tout semble parfaitement ressemblant (à ce qu'on a déjà vu) et pourtant radicalement autre (l'a-t-on déjà vu à ce point et comme ça ?). C'est, pour reprendre le titre d'une livre que Piers Handling a consacré à David Cronenberg au tout début des années 1990, un film d'horreur intérieure qui, au terme de son odyssée répugnante et nécessaire atteint malgré tout une forme de poésie et surtout de clairvoyance politique. À la fin du film, la feuille de route féministe de départ semble lointaine, presque oubliée, expédiée en quelques minutes ricanantes, comme si, au fond, il n'y avait rien de plus à en dire qu'une parodie de show télé obsédé par le fessier de sa nouvelle égérie et le visage déformé d'un Dennis Quaid libidineux. Mais le travail formel de Fargeat, époustouflant et débridé, son obstination à épuiser dans l'outrance et la férocité tous ses motifs, lui ont permis d'élever son film bien au-delà du genre body horror et de ses limites structurelles. Certes, son pas est toujours un pas de trop (du côté du gore, forcément, et de l'implosion de toute logique scénaristique) mais ce pas de trop est, en réalité, un pas plus loin. Au fond, que nous raconte "The Substance" ? Peut-être quelque chose comme ceci : le capitalisme contemporain est une immense fabrique de monstres auxquels le film veut rendre leur littéralité et leur substance organique. Et ces monstres-là - autrement dit nous, usagers dociles de sa technologie, de ses injonctions, de ses illusions, de sa bêtise et de son inhumanité - Fargeat nous propose de les regarder en face, mais surtout en chair et en os. Geste cronenbergien en diable qui consiste à redonner du corps (et donc du sens) à une idée et à la revitaliser par une forme d'incarnation frénétique. La métaphore, comme arme critique, aurait-elle fait son temps ?

Caddo Lake

 
                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de Celine Held et Logan George. 2024. U.S.A. 1h45. Avec Dylan O'Brien, Eliza Scanlen, Caroline Falk, Lauren Ambrose, Eric Lange.

Diffusé sur HBO MAX le 10 Octobre 2024

FILMOGRAPHIELogan George est réalisateur et monteur. 2020: Topside. 2024: Caddo Lake. 
Celine Held est réalisatrice et scénariste. 2020: Topside. 2024: Caddo Lake. 

                                                                          Top 2024

Prenant pour thème le fameux voyage temporel, Caddo Lake met scrupuleusement en parallèle la destinée de deux personnages: Le jeune Paris traumatisé par la mort de sa mère noyée dans les eaux du lac Caddo lors d'un accident de voiture, Elise dont sa soeur Anna vient tout juste de disparaître dans ce même lieu chargé de mystères et de silence mais aussi de bruits inexpliqués pour qui a l'oreille fine. 

Formellement fascinant auprès de sa scénographie aqueuse pénétrante et superbement réalisé puisque tant maîtrisé pour la gestion de son suspense haletant littéralement hypnotique, Caddo Lake s'illumine de densité pour la caractérisation psychologique de toute une famille du point de vue de Paris et Elise que tout semble opposer. Si le récit génialement inquiétant s'y entend pour susciter l'interrogation à travers les yeux de ceux-ci indépendamment plongés dans une dimension parallèle après voir péniblement percé les secrets du lac, sa puissance dramatique émane de leurs valeurs familiales qu'ils se disputent en contrepoint en s'efforçant de résoudre leurs blessures morales, réparer les dissensions et surtout modifier le temps pour s'extraire de l'injustice du deuil trop lourd à porter sur leur conscience.   

Constamment passionnant, tant pour la solidité de l'intrigue fertile en rebondissements, parfois confus mais cohérent (en rembobinant quelques séquences clefs pour mieux saisir les relations intrafamiliales un peu trop ramifiées dans une anarchie chronologique), du jeu des acteurs aussi impliqués que transis par la soif de découverte et de rédemption, que de sa réalisation circonspecte soumise à l'humanisme torturé de ses protagonistes en proie à la cacophonie, au sentiment d'injustice et au rejet de l'autre faute de leur découverte improbable liée au surnaturel, Caddo Lake suscite une fine émotion à la fois trouble, forte, poignante, déstabilisante, voir capiteuse même auprès de ses enjeux humains aussi fragiles que fébriles. 

Et si la conclusion peut un brin décevoir quant au sort imparti à l'un des protagoniste clef, Caddo Lake laisse en mémoire une investigation de longue haleine redoutablement trouble, fascinante, efficace en renouvelant sans fard aucun le thème du voyage temporel avec un art consommé de la singularité. 

Tout bien considéré, à trôner auprès des meilleurs films du genre auprès de sa thématique tant foisonnante du voyage temporel.

*Bruno
4K Vostfr

dimanche 13 octobre 2024

The Door / Die Tür

                                                 
                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Anno Saul. 2009. Allemand. 1H40. Avec Mads Mikkelsen, Jessica Schwarz, Heike Makatsch, Nele Trebs, Rüdiger Kühmstedt, Corinna Borchert, Valeria Eisenbart, Thomas Thieme, Tim Seyfi.

Sortie salles France : 20 Janvier 2011, Allemagne : 26 Novembre 2009

FILMOGRAPHIE: Anno Saul est un réalisateur et scénariste allemand. - Kebab Connection 2005
- The Door 2009. 2011 : Reiff für die Insel - Neubeginn. 2014 : Irre sind männlich


Basé sur le roman de Akif Pirinçci, The Door honore le cinéma Fantastique avec un art consommé  de la suggestion métaphorique (cauchemar cérébral pour le second niveau de lecture psychanalytique). Si bien que cette oeuvre intimiste native d'Allemagne prend comme alibi le voyage temporel afin d'illustrer le dilemme moral d'un couple à la fois tourmenté et meurtri depuis la mort de leur fillette de 7 ans.

Le Pitch: David, artiste peintre se rend chez sa maitresse au moment où sa petite fille tombe incidemment dans la piscine et meurt noyée. Cinq ans plus tard, rongé par le remord, le père en berne tente de reconquérir son ex-amie, en vain. Désespéré, il tente de se suicider en se jetant dans sa piscine mais un de ses amis le sauve in extremis. Quelques moments après, David erre sans but dans les rues nocturnes jusqu'au moment où il découvre sur son chemin un étrange tunnel capable de remonter le temps. 


Ainsi, en abordant comme thématiques la tragédie familiale et l'incapacité de faire face au deuil faute d'irresponsabilité parentale, The Door décrit avec sensibilité et attention psychologique sous couvert du thriller le cheminement lourdement éprouvé du père avant que son destin ne lui permette la possibilité de se racheter une conduite de par la découverte d'une faille temporelle. Tandis que les futurs rebondissements iront reconsidérer l'action et les enjeux personnels parfois morbides auprès de protagonistes motivés par le désir de rembobiner leurs actions en détruisant les témoins gênants. La réalisation particulièrement soignée, circonspecte et maîtrisée prenant son temps pour y charpenter un récit en dent de scie apportant une scrupuleuse attention au père incriminé voué à une potentielle réconciliation auprès de sa vie conjugale en perdition. 

Impliqué dans une réaction en chaine inarrêtable, Mads Mikkelsen apporte une subtile densité auprès de son humanisme torturé partagé entre culpabilité, espoir et désir de renaissance. Un être véreux malgré lui mais hanté par le chagrin et le désespoir, le remord et la quête de rédemption à travers ses nouvelles prises de conscience, sa remise en question perpétuelle bâtie sur le non-dit, sa nouvelle motivation amoureuse à reconquérir sa vie de couple. Son visage renfrogné assorti d'un regard anxiogène accentuant l'attrait diaphane de son environnement élégiaque mêlé d'angoisse et d'inquiétude alors que l'action plus haletante enchainera les soubresauts auprès de son parcours houleux (impliquant notamment d'autres protagonistes), tel un châtiment punitif inextricable.  


Le temps d'aimer
Soigneusement réalisé sous le pilier d'une photo épurée non exempte d'onirisme naturaliste (le symbole du papillon bleu), écrit avec intelligence pour y parfaire mystère, tension et suspense latent autour de la psychologie névrosée des personnages, The Door se décline en superbe romance éperdue à travers l'irresponsabilité parentale compromise par la mort et l'adultère. Une oeuvre intense et passionnante donc à travers son fragile discours sur le pardon, la reconstruction morale eu égard de la part de responsabilité d'un père et d'une mère mutuellement opposés à la trahison. Le cinéaste Anno Saul  exploitant le genre Fantastique sans fioriture aucune (qui plus est sans effets-spéciaux !) pour rendre compte de la complexité des sentiments les plus fragiles, filandreux, véhéments, douloureux. 

Récompense: Grand Prix au Festival du film Fantastique de Gérardmer 2010.

17.01.11.
13.10.24. Vostfr

jeudi 10 octobre 2024

Amelia's Children / A Semente do Mal. Prix du Jury, Gérardmer 2024.

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Gabriel Abrantes. 2023. Portugal. 1h39. Avec Brigette Lundy-Paine, Carloto Cotta, Anabela Moreira, Alba Baptista, Rita Blanco.

Sortie salles France: 31 Janvier 2024

FILMOGRAPHIE: Gabriel Abrantes est un réalisateur américano-portugais vivant à Lisbonne, né en 1984 en Caroline du Nord. 2014 : Pan Pleure Pas, long métrage qui rassemble trois de ses précédents courts (Taprobana, Liberdade et Ennui ennui). 2018 : Diamantino, coréalisé avec Daniel Schmidt. 2024 : Amelia's Children. 

Quelle belle surprise que ce petit métrage portugais tourné en anglais (le réal étant de nationalité américano-portugais) repartit qui plus est avec le Prix du Jury lors du festival de Gérardmer. 3è long du méconnu Gabriel Abrantes, Amélia's Children s'y entend pour nous amener à le suivre sur les pentes d'une intrigante filiation lorsque Ed et sa compagne Riley recherchent les parents de celui-ci après avoir été kidnappé lorsqu'il fut bébé. Ce qui les amènent à côtoyer sa véritable mère et son frère jumeaux vivants reclus dans un manoir à proximité d'un bois. Efficacement mené auprès de son suspense lattent ne relâchant jamais l'attention, notamment grâce à l'attachement imparti au couple sans fard (tant auprès de leur physique standard que de leur jeu dépouillé particulièrement naturel, surtout auprès de Brigette Lundy-Paine portant littéralement le récit sur ses épaules), Amélia's Children empreinte intelligemment la thématique incestueuse sous couvert d'une satire cinglante sur le jeunisme. Or, fort d'un climat d'étrangeté d'autant plus stylisé au sein de cette charmante demeure où les jeux de couleurs y esquissent l'ameublement, l'inquiétude ressentie demeure d'autant plus palpable en la présence d'une maman tuméfiée d'une chirurgie plastique. 

Celle-ci parvenant à susciter gêne et malaise, notamment auprès de sa posture faussement affable, quand bien même le fils instille lui aussi une équivoque amabilité auprès de ses hôtes désorientés. Pour autant simpliste auprès de son schéma connu, Amélia's Children réinvente la notion de suspense et d'horreur suggestive hérités des fleurons des années 70 et 80. Tant et si bien que l'on se surprend à être irrésistiblement attiré, captivé par cette étrange retrouvaille familiale sous l'impulsion de protagonistes subtilement équivoques, sournois, inévitablement perfides. Le réalisateur n'usant que rarement de facilités et de clichés (à l'exception d'un seul assez grossier lors d'une poursuite finale entre 2 personnages) puisque privilégiant le non-dit, la suggestion, l'inquiétude, l'interrogation, la perplexité avec une efficacité payante. Et ce avant d'y parfaire un final autrement tendu, haletant et quelque peu sanglant sans toutefois s'embarrasser de surenchère ou d'effets grand-guignolesques injustifiés. D'autant plus que plus l'intrigue progresse, plus son climat malsain s'y impose en embrayant l'angoisse tangible, notamment parmi l'appui de certaines visions intolérables dénuées de violence graphique. 

Attachante farce morbide pleine de modestie et de sincérité pour le genre horrifique puisque traitée entre noblesse et intelligence, Amélia's Children demeure un excellent divertissement à la fois sardonique, ombrageux et dérangeant en renouant avec les contes fétides que l'on se narrait au coin du feu. Et ce dans une facture toute à la fois moderne et baroque auprès de son esthétisme inspiré.  

Dédicace à Loïc Bugnon.

*Bruno
Vostfr