mardi 21 décembre 2021

Lost Highway

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de David Lynch. 1997. U.S.A. 2h14. Avec Bill Pullman, Patricia Arquette, Balthazar Getty, Robert Blake, Robert Loggia, Natasha Gregson Wagner, Richard Pryor 

Sortie salles France: 15 Janvier 1997 (Int - 12 ans). U.S: 21 Février 1997

FILMOGRAPHIE: David Lynch est un réalisateur, photographe, musicien et peintre américain, né le 20 Janvier 1946 à Missoula, dans le Montana, U.S.A. 1976: Eraserhead. 1980: Elephant Man. 1984: Dune. 1986: Blue Velvet. 1990: Sailor et Lula. 1992: Twin Peaks. 1997: Lost Highway. 1999: Une Histoire Vraie. 2001: Mulholland Drive. 2006: Inland Empire. 2012: Meditation, Creativity, Peace (documentaire). 2017 : Twin Peaks: The Return (saison 3).

Sans opinion au 3è visionnage (découvert la 1ère fois au cinéma Kinepolis de Lomme)

*Eric Binford

INFOS (Wikipedia):

Le film suit un musicien (Bill Pullman) qui commence à recevoir de mystérieuses cassettes VHS de lui et de sa femme (Patricia Arquette) dans leur maison. Il est soudainement condamné pour meurtre, après quoi il disparaît inexplicablement grâce à un homme mystérieux (Robert Blake). Il est remplacé par un jeune mécanicien (Balthazar Getty) menant une vie différente. Mais, peu à peu, des éléments de son passé resurgissent.

Lost Highway est financé par la société de production française Ciby 2000 et est tourné en grande partie à Los Angeles. Le film est monté et produit par Mary Sweeney, tandis que la photographie est de Peter Deming. La bande originale du film, produite par Trent Reznor, comprend une musique originale d'Angelo Badalamenti et Barry Adamson ; elle est complétée par des chansons d'artistes tels que David Bowie, Marilyn Manson, Rammstein, Nine Inch Nails et The Smashing Pumpkins.

À sa sortie, Lost Highway reçoit des critiques mitigées qui lui reprochent notamment son manque de cohérence. Il a depuis été réévalué par la presse, et a accédé au statut de film culte. Lost Highway est le premier des trois films de David Lynch situés à Los Angeles, suivi de Mulholland Drive en 2001 et d'Inland Empire en 2006. En 2003, il est adapté en opéra par la compositrice autrichienne Olga Neuwirth.

Box-Office France: 382 934 entrées

lundi 20 décembre 2021

La Maison du Lac / One Golden Pond. 3 Oscars, 1982.

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Mark Rydell. 1981. U.S.A. 1h50. Avec Katharine Hepburn, Henry Fonda, Jane Fonda, Doug McKeon, Dabney Coleman 

Sortie salles France: 14 Avril 1982

FILMOGRAPHIE: Mark Rydell est un acteur, réalisateur et producteur de cinéma américain, né le 29 mars 1929 à New York (États-Unis). 1964-1966 : Gunsmoke (série TV). 1968 : Le Renard. 1969 : Reivers. 1972 : Les Cowboys. 1976 : Deux Farfelus à New York. 1979 : The Rose. 1981 : La Maison du lac. 1984 : La Rivière. 1991 : For the Boys. 1994 : Intersection. 1996 : Le Crime du siècle. 2001 : Il était une fois James Dean. 2006 : Even Money.


"La vieillesse est comme la nuit qui descend doucement sur le jour."
40 années pile poil il m'aura fallu pour le tenter pour des raisons assez inexpliquées (voires aussi infortunées) si bien qu'à l'époque je fus toujours séduit et attiré par son titre apaisant, son affiche solaire, son prestigieux casting et ses 3 récompenses aux oscars. Qu'en est-il après 1h50 de projo tout en tranquille intimité ? Une oeuvre magnifique, candide et fragile comme on n'en voit plus hélas dans le paysage ludique de la romcom contemporaine. Mark Rydell (La Rivière, The Rose, Le Renard, excusez du peu) traitant en grande simplicité et pudeur des thèmes de l'amour, de la peur de la mort et de la vieillesse et des conflits parentaux avec une infinie tendresse pour ce couple sclérosé fuyant l'urbanisation pour terminer leurs dernières années dans une maison champêtre à proximité d'un lac. Or, voilà que leur fille Chelsea débarque avec son nouveau compagnon et le fils de celui-ci que le père de Chelsea redoute un peu auprès de leurs sempiternels rapports tendus. Henry Fonda (décédé quelques mois seulement après le tournage) endossant le vieillard bourru au grand coeur avec une force d'expression badine, provocatrice et surtout mélancolique à travers ses réminiscences, sa peur introvertie du trépas et ses remords internes qui n'appartiennent qu'à sa morale. 

Tant et si bien que sa dernière prestance à l'écran dégage une intensité dramatique à la fois trouble et capiteuse au gré de son naturel chieur suggérant pour autant une profonde tendresse timorée. Dans la mesure également où Norman va réapprendre à aimer, verser de l'eau dans son vin et reconsidérer la filiation par le biais de Billy Ray, le beau-fils de sa fille Chelsea resté avec lui et son épouse pour les vacances d'été. Inscrite dans une grâce sollicitude et chérissant son époux avec une tendresse naturellement expressive, Katharine Hepburn demeure aussi incandescente à travers sa fragilité vulnérable (de la vieillesse) et son tempérament sémillant à embrasser la vie dans une idéologie écologique (le fameux couple des plongeons - oiseau palmipède aquatique - auquel elle voue une admiration sans borne). Quand à la sublime Jane Fonda (âgée de 44 ans à l'époque du tournage), celle-ci se fond dans le corps de la fille discréditée avec une amertume bouleversante si je me réfère à ses confidences torturées qu'elle livre auprès de sa mère tentant de la réconcilier avec une douceur d'âme bienveillante. Chelsea demeurant inconsolable à tenter de renouer amicalement avec un père grincheux aussi appréhensif qu'elle dans leur commune incommunicabilité. 


Le coeur sur la main.
Ainsi, ce qui fait la force émotive et la densité cérébrale de La Maison du Lac émanent de sa grande simplicité à évoquer la vieillesse, la mort, l'amour et les valeurs familiales avec une tendre pudeur parfois extravagante mais jamais outrée. L'oeuvre toute à la fois intime, (très) sensible et chétive demeurant d'une profonde mélancolie à observer la quotidienneté vulnérable de ce couple du 3è âge se raccrochant à leur union et à l'amour de leur famille avec une grâce bénévole. Les acteurs bouleversants d'émotions crevant toujours plus l'écran à chacune de leurs apparitions candides sous l'impulsion du message universel du temps présent à dévorer sans modération. Tout simplement précieux et inoubliable. 

Un grand merci à Margotte Shoumi

*Eric Binford

RECOMPENSES:  
Oscar 1982 de la meilleure adaptation pour Ernest Thompson
Oscar 1982 de la meilleure actrice pour Katharine Hepburn
Oscar 1982 du meilleur acteur pour Henry Fonda

jeudi 16 décembre 2021

Le Grand Restaurant

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jacques Besnard. 1966. France. 1h27. Avec Louis de Funès, Bernard Blier, Folco Lulli, Venantino Venantini, Maria-Rosa Rodriguez, Paul Préboist, Noël Roquevert, Julián Antonio Ramírez.

Sortie salles France: 7 Septembre 1966

FILMOGRAPHIEJacques Besnard est un réalisateur, scénariste et producteur français né le 15 juillet 1929 au Petit-Quevilly (Seine-Maritime) et mort le 9 novembre 2013 à Boutigny-Prouais (Eure-et-Loir).1966 : Le Grand Restaurant. 1967 : Estouffade à la Caraïbe. 1967 : Le Fou du labo 4. 1972 : La Belle Affaire ou Les marginaux. 1974 : C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule. 1975 : La situation est grave... mais pas désespérée. 1976 : Le Jour de gloire. 1976 : Et si tu n'en veux pas ou Joëlle et Pauline1 avec Joëlle. 1978 : Général... nous voilà ! 1982 : Te marre pas... c'est pour rire ! 1984 : Allo Béatrice (TV). 1985 : Hôtel de police (TV). 1988 : La Belle Anglaise (TV). 1990 : Le Retour d'Arsène Lupin (1 épisode). 1992 : Feu Adrien Muset (TV), avec Jean Lefebvre. 1994 : Avanti, téléfilm


"L'anti-dépresseur par excellence hormis son ultime demi-heure moins hilarante, probante et maîtrisée." 
Formidable comédie policière mésestimée à sa sortie par la critique (alors que le public se rue en masse avec 3,8 millions d'entrées même si cette même année La Grande Vadrouille fracassera le box-office avec 17 millions de spectateurs !), Le Grand Restaurant demeure aujourd'hui un petit trésor de divertissement comique sous l'impulsion de ce génie de De Funes en restaurateur génialement tyran même si moins bien exploité par le réalisateur inégal Jacques Besnard, comme le souligne son ultime demi-heure plus orientée vers l'action et l'aventure au détriment des fous-rires antécédents. L'acteur demeurant moins à l'aise et quelque peu contracté à jouer l'émissaire en herbe pour le compte de la police, commanditaire d'un imbroglio savamment planifié. 

En tout état de cause; de par l'abattage impayable de De Funes s'opposant à un Bernard Blier  génialement sournois, perfide et goguenard en commissaire maître chanteur, et d'une pléiade de seconds-rôles déclenchant des fous-rires incontrôlés (tout du moins lors de la première moitié du récit constamment hilarante), le Grand Restaurant ne déçoit pas en dépit d'une réalisation perfectible donc. Ce que vient confirmer sa course-poursuite effrénée à travers de superbes paysages enneigés que l'on suit sans véritable passion au gré d'un rythme pour autant soutenu, qui plus est émaillé de cascades coordonnées par Rémy Julienne. Louablement, ses 10 dernières minutes nous réconfortent néanmoins auprès d'un rebondissement inopiné que l'on ne voit pas arriver et d'un gag final badin faisant formidablement écho à l'incident terroriste qui ouvre le film, à savoir l'enlèvement du chef d'état d'Amérique du Sud que des terroristes ainsi qu'une organisation clandestine parallèle se disputent la mise lors d'une pagaille à la fois décousue et incontrôlée. 

Comédie populaire soumise à sa bonne humeur, son innocence, son action aventureuse et sa drôlerie expansive (tout du moins jusqu'à mi-parcours du récit pour ses gags pléthoriques) sous l'impulsion de comédiens fripons au physique de l'emploi, Le Grand Restaurant demeure un divertissement encore plus stimulant et charmant que lors de sa sortie, grâce à son époque insouciante dénuée de complexe et de prétention. Une ère aujourd'hui hélas révolue ayant depuis bien longtemps égaré cette notion de fraîcheur et de candeur bonnards, à quelques incartades près. 

*Eric Binford

mercredi 15 décembre 2021

Affamés / Antlers

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Scott Cooper. 2021. U.S.A/Canada/Mexique. 1h40. Avec Keri Russell, Katelyn Peterson, Jesse Plemons, Jeremy T. Thomas, Graham Greene, Scott Haze, Rory Cochrane, Amy Madigan. 

Sortie salles France: 17 Novembre 2021 (Int - 12 ans). U.S: 29 Octobre 2021 (Int - 17 ans)

FILMOGRAPHIE: Scott Cooper est un réalisateur, scénariste et acteur américain, né en 1970 à Abingdon, Virginia, U.S.A. 2009: Crazy Heart. 2013: Les Brasiers de la colère. 2015 : Strictly Criminal. 2017: Hostiles. 2021: Affamés. 

Alors que Scott Cooper cumule avec succès les réussites à rythme métronome (Crazy Heart, Les Brasiers de la Colère, Hostiles), voilà qu'il s'essaie au cinéma d'horreur avec Affamés, modeste série B toute en ambiance diffuse et violence électrisante de par son réalisme cinglant plutôt impressionnant. Car en empruntant le mythe améridien du Wendigo (créature monstrueuse végétale affamée de chair humaine afin de préserver sa survie avant d'abriter un nouvel hôte), Scott Cooper nous offre une intéressante proposition d'horreur malsaine à la fois très sombre et dépressive. Les personnages, austères, reclus sur eux mêmes car hantés d'un passé traumatique, ayant comme point commun la famille dysfonctionnelle que le réalisateur rehausse auprès d'une ambiance malaisante qui ne lâchera pas d'une semelle l'attention du spectateur, et ce jusqu'au final ostentatoire à la fois cruel et dérangeant. Ainsi, en dépit d'un cheminement classique dénué de surprise, et de son rythme latent qui ne plaira pas à tous, Affamés rend dignement hommage au genre en s'efforçant d'y construire un climat de mystère prégnant à travers sa nature brumeuse ou nuageuse magnifiquement cadrée à l'orée d'un lac. Qui plus est renforcée d'une photo fastueuse saturée de teintes sépias et verts sombres. 

Un parti-pris fructueux permettant d'y établir un contraste avec les morceaux de cadavres déchiquetés retrouvés dans la nature ou les endroits les plus insalubres ou caverneux que le réalisateur éclaire à travers une luminosité crue. Sans compter ses rares effets gores organiques parfois démonstratifs risquant de provoquer quelques haut le coeur auprès des plus sensibles. Mais si Affamés ne nous laisse pas indifférent à travers sa faculté de nous narrer un conte horrifique dans une étrange atmosphère de spleen, il le doit notamment à sa thématique de l'unité familiale lorsqu'un bambin s'efforce de suivre à la lettre l'histoire d'un conte Spoil ! en subvenant aux besoins de sa famille avide de chair humaine Fin du Spoil. Un concept aussi couillu qu'original renforçant constamment un malaise tangible auprès de cette innocence galvaudée qui déteindra sur le trauma moral de l'institutrice de la contrée autrefois abusée par son paternel. Ainsi, à travers son étude caractérielle plutôt bipolaire et sentencieuse, on reste surtout frappé par la très étrange prestance de l'acteur Jeremy T. Thomas endossant Lucas, enfant martyr doué d'un regard profondément inerte et meurtri à travers sa condition de vie désoeuvrée et sa besogne de sustenter sa famille de la manière la plus primale qui soit. Son physique indicible, limite patibulaire et maladif se prêtant à merveille à l'ambiance opaque du récit inscrit dans la désillusion. On peut d'ailleurs signaler le grand soin imparti aux effets-spéciaux, tant auprès des cadavres déchiquetés et lambeaux de chair qui émaillent le sol, de l'apparence décharnée d'un homme mutant livrée à l'état bestial que de sa créature dantesque ouvertement illustrée lors de son final paroxystique livrant quelques sueurs froides au spectateur par sa violence incisive dénuée de concession. 


L'Enfance Violée.
Perfectible et relativement mineur à travers sa modeste facture de série B horrifique au rythme languide, Affamés en sort malgré tout grandi à travers son atmosphère poisseuse de déréliction empruntant les thématiques de la famille dysfonctionnelle et de la perte de l'innocence avec une audace assez burnée auprès de son réalisme fuligineux. Un film d'ambiance feutrée donc, certes pas si envoûtant et immersif qu'escompté, mais suffisamment sincère, crédible, cruel, déprimant et olfactif pour ne pas l'omettre de sa mémoire sitôt l'épilogue (acrimonieux) dénué d'happy-end. Tout bien considéré, une des (rares) bonnes surprises horrifiques de l'année 2021.

*Eric Binford

mardi 14 décembre 2021

Impardonnable / The Unforgivable

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Nora Fingscheidt. 2021. U.S.A/Allemagne/Angleterre. 1h52. Avec Sandra Bullock, Jon Bernthal, Vincent D'Onofrio, Viola Davis, Rob Morgan, Aisling Franciosi, Richard Thomas. 

Diffusé sur Netflix le 10 Décembre 2021

FILMOGRAPHIE: Nora Fingscheidt, née en 17 février 1983 à Brunswick (en Basse-Saxe), est une réalisatrice, scénariste et actrice allemande. 2019 : Benni (Systemsprenger). 2021 : Impardonnable. 


La réputation est jugée bonne ou mauvaise à partir de la mort. 
Si les détracteurs de Netflix ne cessent de nous rabâcher que la médiocrité cinématographique est monnaie courante depuis leur (fulgurante) ascension (c'est bien connu, "plus t'es adulé, plus t'es détesté"), Impardonnable vient les contredire avec une sobre dignité eu égard du parti-pris dépouillé de la réalisatrice germanique Nora Fingscheidt d'y conjuguer drame carcéral, thriller et mélo sans sombrer dans une caricature triviale. Car si le pitch a beau être éculé et s'émaille de quelques situations convenues, la réalisatrice parvient inopinément à surprendre et à captiver pour s'extirper du produit standard en tablant avant tout sur la composition nuancée de Sondra Bullock, quasi méconnaissable en ex taularde tentant de renouer avec sa soeur depuis le tragique incident qui valut la mort du shérif de sa contrée. Tour à tour poignante, bouleversante, pour ne pas dire déchirante à travers sa force d'expression démunie dénuée d'artifice, Sondra Bullock soulève du poids de ses épaules l'intrigue en berne avec une dimension humaine souvent introvertie en dépit de ses éclairs de violence parfois incontrôlés (et impressionnants auprès de sa gestuelle quasi animale). 

Réflexion sur la difficile réinsertion sociale après avoir payé le lourd tribu d'une peine carcérale de longue haleine, alors que l'ombre de la vendetta va venir empiéter le cheminement indécis de Ruth en quête de retrouvaille filiale, Impardonnable nous calle au siège sans effets de manche de par le brio avisé de la réalisatrice auscultant chaque regard des protagonistes avec une justesse d'expression imparable. Le moindre second-rôle (surtout ceux masculins) affichant une posture appropriée afin d'y densifier l'intrigue soumise au portrait moral d'une femme déchirée Spoil ! par le remord (notamment pour sa responsabilité maternelle) et l'injustice Fin du Spoil. Tant et si bien que tout sonne juste à travers  l'intensité dramatique scrupuleusement feutrée, pour autant réhaussée en fin de parcours d'un coup de théâtre qu'on aurait juré probablement prévisible (on devine dès le départ que les flash-back imposés par les réminiscences de Ruth ne dévoilent par l'entière vérité des faits), mais qui pour le coup nous prend en estocade par son effet de surprise payant. Ainsi, à partir de cette brutale révélation remettant en question le point de vue moral de Ruth, Impardonnable va adopter une tournure dramatique autrement tragique, notamment en précipitant le mode du thriller avec ce même degré de réalisme immersif auprès de la précarité des personnages infiniment souffreteux par la perte de l'être aimé. Nora Fingscheidt se chargeant d'y cultiver une émotion davantage fragile parmi la douce impulsion d'une mélodie au clavecin à la fois grave et puissamment évocatrice.  

Superbe portrait de femme écorchée vive, parcours de combattante en résilience stoïque, que Sondra Bullock transcende de sa posture renfrognée (entre regard chétif et fébrile), Impardonnable (?) vibre de pudeur émotive auprès de sa houleuse réinsertion sociale que la populace, la justice (sauf si on se place du côté d'une main de la défense) et la police pointent du doigt dans une idéologie toute à la fois intolérante, arbitraire et réactionnaire. La réalisatrice nous posant habilement la question de l'éventualité d'offrir une seconde chance à un ex criminel en dépit de son acte impardonnable. Tout du moins en apparence, mais de manière affirmée à éveiller les consciences, puisque Impardonnable joue également efficacement Spoil ! au faux-semblant lors d'une ultime partie revenge qui arrachera les larmes aux plus sensibles. Fin du Spoil.   

Clins d'oeil à Seb Lake et Pascal frezzato.

*Eric Binford

VF

lundi 13 décembre 2021

The Innkeepers. Prix du Public, Toronto After Dark Film Festival 2011.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ti West. U.S.A. 2011. 1h41. Avec Sara Paxton, Pat Healy, Kelly McGillis, George Riddle, Lena Dunham, Alison Bartlett, John Speredakos, Jake Schlueter.

Sortie U.S: 3 Février 2012. Sortie France (direct en dvd): 28 Août 2013.

FILMOGRAPHIETi West est un réalisateur, producteur, éditeur et scénariste américain né le 5 Octobre 1977. 2001: The Wicked. 2005: The Roost. 2007: Trigger Man. 2009: Cabin Fever 2. The House of the Devil. 2010: Perdants Take All. 2011: The Innkeepers.


En 2009, Ti West surprit les puristes fantasticophiles avec House of the Devil pour son hommage affectueux au cinéma d'épouvante des années 70 et 80. Trois ans plus tard, il renoue avec les mêmes ambitions modestes dans un huis-clos imposé par un vieil hôtel classieux auquel deux employés vont invoquer le fantôme d'une défunte suicidée ! Le PitchDeux gérants d'un hôtel prochainement clôturé s'intéressent de plus près aux phénomènes paranormaux en invoquant l'esprit d'un fantôme en guise d'ennui. Avec l'arrivée d'une ancienne actrice et d'un vieillard interlope, d'étranges évènements vont peu à peu se confirmer et devenir plus frénétiques.Ti West est un véritable amoureux du genre horrifique des années 70 et 80 tant il façonne avec parcimonie ce nouveau métrage largement influencé par les ambiances latentes et les angoisses diffuses. Après son formidable House of the Devil, le réalisateur renoue donc avec une histoire classique de maison hantée entièrement dédiée à l'effet de suggestion et du suspense sous-jacent émaillé d'inattendues pointes de cocasserie. Dès la mise en place des deux employés juvéniles, Ti West accorde une principale attention à nous familiariser auprès d'eux à travers leur complicité amicale des plus manifeste. Pat est un trentenaire solitaire occupant son temps à surfer sur le net, spécialement les pages web érigées sur l'occultisme (voirs aussi quelques sites pornos, faute d'un célibat de longue durée) quand la clientèle de son hôtel s'y fait rare. Son acolyte Claire demeurant une jeune fille un peu empotée attirée par les phénomènes paranormaux que Pat s'amuse à lui narrer en guise d'ennui. Ensemble, ils décident sans conviction d'invoquer le fantôme d'une défunte anciennement pendue dans la chambre 353 de l'hôtel. C'est le début d'une succession de futiles évènements intrigants avant que n'y culmine un revirement cinglant !


Ainsi, la complémentarité spontanée des deux comédiens accentuée de la maladresse de la jeune garçonne doit beaucoup à l'attrait sympathique d'un récit misant beaucoup sur leur complicité amiteuse à jouer les parapsychologues en herbe. Affublés d'une physionomie naturelle en "cool attitude", Ti West prend son temps à nous décrire leur relation amicale émaillée de futiles instants de tendresse (la confession de Pat à Claire sous emprise de l'alcool) avant de nous façonner sans esbroufe une traditionnelle histoire de fantôme constamment efficiente. Par vague de scénettes burlesques improvisées par notre héroïne puisque cumulant ses maladresses tributaires d'une peur panique, The Innkeepers réussit à provoquer l'amusement tout en nous faisant patienter pour les éventuelles apparitions surnaturelles. Une manière ludique et finaude à mieux nous prendre au piège de l'effroi légitimé lors de sa dernière partie échevelée. Au soin vétuste accordé à l'architecture de l'hôtel classique et à ses décors de lugubres corridors et de cave tamisée, le réalisateur nous entraîne en interne de ce huis-clos davantage anxiogène après qu'un dernier client eut préconisé d'investir la fameuse chambre 353. Soin du cadre alambiqué (parfois oblique) pour mettre en exergue des décors raffinés ou lugubres et score musical vrombissant sont octroyés pour parachever vers un climat de terreur en crescendo. Si bien qu'avec une économie de moyens, une bande son habilement distillée et une perspicacité à éluder le moindre effet choc inutilement explicite, The Innkeepers fait constamment appel à l'imagination du spectateur plutôt que de se laisser influencer par la surenchère en vogue. Quant aux fameuses apparitions fantomatiques, elles s'avèrent proprement terrifiantes de par leur aspect morbide et fétide découlant d'un effet de surprise alors que son point d'orgue cruel Spoil ! surprendra le public habitué aux happy-end salvateurs Fin du Spoil.


Hormis son épilogue perfectible où nous n'apprendrons rien sur le mystère de Madeline O'Malley (en appréciant sa dramaturgie imposée, mais la dernière image, vaine, ne surprend guère), le nouveau film de Ti West confirme tout le bien que l'on pensait de lui après l'excellent House of the Devil. De par la dextérité d'une réalisation assidue conçue à renouer avec les ambiances angoissantes allouées au pouvoir de suggestion, The Innkeepers amuse, effraie (tout du moins à 3/4 occasions) et captive sans ambages sous l'impulsion de protagonistes désirables qu'on aimerait côtoyer dans notre quotidienneté. Du cinéma d'épouvante artisanal en somme se prenant autant au sérieux qu'en dérision dans un cadre minimaliste pour autant esthétisant.   
 
Eric Binford
13.12.21. VF d'excellente facture à privilégier pour la voix irrésistible de l'héroïne.
23.01.12. 179 v

mercredi 8 décembre 2021

A tombeau ouvert / Bringing Out the Dead

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Martin Scorsese. 1999. U.S.A. 2h01. Avec Nicolas Cage, Patricia Arquette, John Goodman, Ving Rhames, Tom Sizemore, Marc Anthony, Cliff Curtis.

Sortie salles France: 12 Avril 2000. U.S: 22 Octobre 1999.

FILMOGRAPHIEMartin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york). 1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés, 2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island. 2011: Hugo Cabret. 2013: Le Loup de Wall Street.


Chef-d'oeuvre pulsatile d'une éprouvante mélancolie existentielle sous l'impulsion d'un Cage inconsolable en déterré suicidaire.  
Oeuvre à part dans la carrière pléthorique de Martin Scorcese, de par son climat mortifère aussi envoûtant que déconcertant et d'une narration hystérique imbibée de mélancolie existentielle, A Tombeau Ouvert s'édifie en expérience surréaliste à tendance toute à la fois spirituelle et existentielle.  Le Pitch:  Ambulancier noctambule, Frank Pierce côtoie la mort chaque nuit lorsqu'il tente de secourir des blessés parmi lesquels s'y bousculent des marginaux suicidaires, vieillards avinés, trafiquants de drogue, délinquants criminels, prostituées, demeurés ou encore sdf psychotiques. Ereinté par la fatigue et angoissé à l'idée de ne pouvoir sauver plus de vie, il sombre dans une perpétuelle morosité avant de se raccrocher à la compagnie amiteuse d'une jeune fille en berne lui rappelant une ancienne connaissance qu'il n'eut pu sauver. Humour noir vitriolé auprès de ses dialogues et situations caustiques, persos lunaires aux comportements nonsensiques, ambiance crépusculaire d'un New-York hanté par les âmes des défunts à travers une faune aliénée, A Tombeau Ouvert ébranle l'habitude du spectateur tributaire du bad trip d'un secouriste tributaire de sa névrose paranoïaque. Celui-ci témoignant chaque nuit de la mort d'autrui, d'entendre par télépathie le cri salvateur d'un mourant reniant l'idée de survivre, quand bien même la famille se morfond dans l'angoisse d'y craindre son trépas.


Ainsi donc, au coeur de cette situation sinistrée où les cadavres viennent remplir chaque jour les morgues des hôpitaux, notre héros insomniaque tente timidement de se réconforter auprès d'une âme en peine, Mary, jeune fille aussi aigrie à l'idée de se rapprocher dangereusement de la mort. Baroque, stylisée, alambiquée, débridée et décalée, la mise en scène virtuose (sans renouvelée !) de Scorsese s'y désincarne à radiographier une cité urbaine cauchemardesque abritant les plus défavorisés avant de les soutirer parfois à la vie. Outre sa texture blafarde infiniment tangible (pour ne pas dire hypnotique sous l'impulsion d'un Nicolas Cage transi d'émoi dans son épuisement maladif) rehaussée d'une photo aussi trouble que fiévreuse, A Tombeau Ouvert est transcendé du talent de ses interprètes borderline s'adaptant naturellement à leur posture fragile à la marge de la démence. Nicolas Cage endossant avec un humanisme à la fois dépressif et torturé un ambulancier en perdition morale car trainant sa dégaine de déterré vivant entre amertume morbide, remord cafardeux (celle de n'avoir pu sauvé de la mort une fugueuse latine) et langueur besogneuse à perdurer sa quotidienneté professionnelle semée de paumés irrécupérables. Tant et si bien qu'il tentera à maintes reprises de se faire licencier de son patron goguenard conscient de sa dépendance à l'endurance d'y tenter de sauver des vies. Patricia Arquette lui partageant la vedette au gré d'une vulnérabilité toute aussi précaire dans sa fonction esseulée de fille paumée en requête désespérée d'une main paternelle qu'elle a rompu depuis 3 ans. Tous deux formant avec une fragilité mélancolique (sobrement) saillante (c'est dire la subtilité de Scorcese à ne jamais verser dans le pathos) les amants de l'infortune avant qu'une lueur d'espoir ne vienne les réveiller de leur torpeur lors d'un épilogue bipolaire d'une candeur inoubliable. 


Sauver autrui pour se sauver soi même.
Décalé, vrillé, électrifiant et ténébreux, profondément mélancolique, tendre, onirique et anxiogène (notamment auprès de séquences surréalistes surgies de nulle part !), A Tombeau Ouvert n'a aucunement pour ambition de caresser le spectateur dans le sens du poil à travers son ambiance mortifiée entièrement soumise aux états d'âme d'un secouriste en quête d'héroïsme de dernier ressort. Martin Scorsese  interrogeant sa conscience désaxée lors d'une introspection morale éprouvante que le spectateur subit en immersion au gré d'une intensité dramatique jamais appuyée. Chef-d'oeuvre pulsatile entièrement dédiée à notre fragilité humaine à la marge de la psychose, A tombeau ouvert résonne comme un poème morbide vis à vis d'une réflexion existentielle sur le sens de la mort et celui de la vie en portant assistance aux plus démunis. Du grand cinéma écorché vif de par sa puissance formelle et cérébrale étrangement trouble et émotive (aussi dépouillé soit son parti-pris baigné de pudeur et d'humilité), si bien que l'on ne sort pas indemne de cette interminable descente aux enfers, cri d'alarme envers la déliquescence des proscrits livrés au chaos et au mutisme à travers leur inégalité sociale.  

Eric Binford
08.12.21. 4èx
16.09.15.

mardi 7 décembre 2021

The Burrowers /Les Créatures de l'Ouest.

                                               
                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de J.T Petty. 2008. U.S.A. 1h36. Avec Clancy Brown, William Mapother, Laura Leighton, Sean Patrick Thomas, Doug Hutchison, Alexander Skarsgard.

Sortie en France directement en Dvd.

FILMOGRAPHIEJ.T. Petty est un réalisateur et scénariste américain, né le 28 Février 1976. 2001: Soft for Digging. 2002: Mimic: Sentinel (video). 2006: S and Man. 2008: The Burrowers. 2012: Hellbenders.


Le Pitch: En 1879, dans une région déserte et dénudée des Badlands, des fermiers et une troupe militaire s'associent pour partir à la recherche d'une famille disparue. Suspectant en premier lieu les indiens de l'avoir enlevé, ils vont découvrir une révélation cauchemardesque qui ne les lâchera pas d'une semelle durant leur houleux périple. 

Inédit en salles, tant Outre-Atlantique que dans l'Hexagone, The Burrowers est une excellente surprise injustement méprisée en dépit d'une poignée de défenseurs chez certaines critiques spécialisées. Tant et si bien qu'à la 3è revoyure, cette série B réfractaire aux conventions (car ne caressant jamais dans le sens du poil le spectateur) fascine irrémédiablement à travers la chevauchée rigoureuse d'une poignée de cow-boys tentant de survivre en s'en prenant aux indiens qu'ils croient responsables de la disparition de femmes et enfants. Avec ces personnages austères peu aimables, assez individualistes, méprisables et racistes, qui plus est jamais romantisés, le spectateur a bien du mal à s'identifier à eux si bien que le cinéaste J.T. Petty nous les présente comme des quidams rigides sans volonté de nous plaire mais en restant tout simplement eux mêmes avec leurs défauts respectifs précités. Pour autant, on suit avec un intérêt davantage croissant leur errance sinueuse au sein d'une nature redoutablement hostile implantée dans le cadre du western classique. Tout du moins en apparence puisque l'horreur s'y conjuguera rapidement de manière perfide à travers un climat solaire et crépusculaire lestement malsain. Tant auprès de la menace des indiens non avares de cruauté pour se venger (mais aucunement responsables des portés disparus) que de celle des monstres voraces que le cinéaste retarde au possible afin d'accentuer leur attrait fascinant. Et à cet égard, The Burrowers marque de nombreux points en jouant la carte d'une horreur à la fois adulte, insalubre et escarpée eu égard des victimes pouvant trépasser à tous moments, jusqu'aux rôles les plus majeurs et autoritaires. 


Mais revenons un peu à l'apparence hideuse de ces créatures de l'Ouest filmés hélas en CGI lors d'effets parfois ratés mais pour autant étonnamment crédibles de par leur aspect résolument repoussant, visqueux, rampant, et leur manière insidieuse d'alpaguer leurs victimes à l'aide d'un venin paralysant. Leurs proies étant ensevelies sous terre, le temps que le cadavre y pourrisse (pour ne pas dire fermente) afin de leur servir de garde manger et manger les morceaux les plus tendres. On peut d'ailleurs y relever de bonnes idées de mise en scène lors de cadrages alambiqués, de façon à entrevoir une victime moribonde par l'orifice d'un oeil entrouvert à la surface d'un sol terreux. Des séquences malaisantes renforcées de la respiration contenue de la victime puisque enterrée vivante en ayant l'incapacité d'y bouger leur membre (à l'exception de l'index d'une main grattant par réflexe nerveux la terre ou un doigt de pied !). Et si de prime abord, le récit destructuré peine à captiver; notamment faute du classicisme de son pitch initial (retrouver en vie une famille disparue en s'en prenant aux indiens durant leur expédition criminelle) et ses persos languides, son climat westernien à la fois malsain, étrange et inquiétant s'avère toujours plus prégnant au fil de rebondissements alertes d'une violence insidieuse. Là encore, le cinéaste adopte un parti-pris draconien à travers l'épreuve de force de nos anti-héros épuisés tentant de combattre les 2 menaces dans un sentiment de désarroi et d'incompréhension assez névralgique eu égard des pièges tendus contre eux qu'ils se coltinent de façon désabusée. Le tout étant exploité dans une mise en scène dépouillée et réaliste agrémentée de séquences chocs davantage fortuites au sein d'un vénéneux climat fétide. 


Le mariage réussi du western classique et de l'horreur faisandée.
Plaidoyer écolo en faveur de la cause des bisons (que les créatures eurent autrefois l'opportunité de sacrifier pour s'y sustenter), réquisitoire contre le génocide indien pointé du doigt comme la menace intrusive du sol ricain, The Burrowers fait office d'étrangeté horrifique au sein du western vitriolé que l'on reluque avec une fascination à la fois perverse, malsaine et viscérale. A découvrir avec une vive attention donc pour les amateurs de rareté rubigineuse en dépit d'une mise en place un tantinet laborieuse (notamment faute du caractère peu empathique des personnages orgueilleux - bémol tout de même payant puisqu'ils existent par eux mêmes sans déborder -). 

*Eric Binford
07.12.21. 3èx
18.12.14. 90 v

lundi 6 décembre 2021

The Power of the Dog. Lion d'Argent, Meilleure Réalisatrice: Mostra de Venise.

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jane Campion. 2021. U.S.A/Nouvelle-Zélande, Australie, Canada, Royaume-Uni. 2h08. Avec Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Jesse Plemons, Kodi Smit-McPhee, Thomasin McKenzie, Frances Conroy, Keith Carradine.

Diffusé sur Netflix le 1er Décembre 2021

FILMOGRAPHIE: Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise née le 30 avril 1954 à Wellington. 1989 : Sweetie. 1990 : Un ange à ma table. 1993 : La Leçon de piano. 1996 : Portrait de femme. 1999 : Holy Smoke. 2003 : In the Cut. 2009 : Bright Star. 2021 : The Power of the Dog. 


Un excellent drame psychologique qui doit beaucoup à l'intensité de son vénéneux récit que Jane Campion affine sans fioriture, et à son cast résolument irréprochable auquel se disputent Kirsten Dunst (en mère alcoolique trop chétive pour se tailler une carrure frondeuse), Benedict Cumberbatch (en homo refoulé se complaisant dans la condescendance puis dans la rédemption), Jesse Plemons (époux accort trop soumis à l'autorité de son frère aîné pour fonder sa famille en bonne et due forme) et Kodi Smit-McPhee (jeune adulte gay à la fois introverti et équivoque quant à son rapprochement amiteux avec son ennemi). Ainsi, à travers la scrupuleuse mise en place de son récit morcelé en plusieurs chapitres (il s'agit de l'adaptation d'un roman de Thomas Savage), on reste captivé par les écorchures de ces personnages en constante souffrance tentant d'asseoir leur autorité et d'y résoudre leur conflit dans une posture à la fois taiseuse, névrotique et insidieuse. The Power of Dog étant avant tout un pur film d'acteurs magnifiquement dirigés sans esbroufe au sein d'un cadre naturel apte aux grands espaces (splendide photo en sus aux teintes sépias). On reste enfin surpris par la dramaturgie funeste de son épilogue interlope que personne n'a vu arriver. 


*Eric Binford

vendredi 3 décembre 2021

Black Christmas

 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Glen Morgan. 2006. U.S.A/Canada. 1h32. Avec Katie Cassidy, Kristen Cloke, Michelle Trachtenberg, Mary Elizabeth Winstead, Lacey Chabert, Andrea Martin, Crystal Lowe, Oliver Hudson, Karin Konoval.

Sortie salles U.S: 25 Décembre 2006

FILMOGRAPHIE: Glen Morgan est un scénariste, producteur et réalisateur américain né le 23 mai 1967 à Syracuse (New York). 2003 : Willard. 2006 : Black Christmas. 2016 : X-Files (saison 10 épisode 4). 2018 : X-Files (saison 11 épisode 2). 

Un pied de nez blasphématoire à la fête religieuse de Noël.
Formidable déclinaison (en lieu et place de remake éculé) du chef-d'oeuvre de Bob Clark portant la signature d'un Glen Morgan (Willard) extrêmement impliqué, tant d'un point de vue formel, technique, mélomane que narratif, Black Christmas "new look" fait clairement office de psycho-killer maudit au vu des critiques déconfites de l'époque allègrement indifférentes à l'inventivité en roue libre du divertissement retors que l'on nous sert dans une démarche si louable. On peut d'ailleurs aussi rappeler qu'il fut honteusement inédit en salles chez nous en dépit de son modeste succès public Outre-Atlantique. Par conséquent, en y saupoudrant de dérision (aussi bien tacite qu'explicite) son cheminement narratif imprévisible (tout du moins 1 heure durant), Black Christmas  redouble d'efficacité à travers sa pléthore de rebondissements horrifiques menés à 100 à l'heure. Et ce sans jamais lasser, griser ou irriter le spectateur embarqué dans un conte macabre carburant aux trouvailles (avec en sus des clins d'oeil à son modèle initial), chausses trappes et revirements fortuits en dépit des 10 dernières minutes un peu plus conventionnelles mais redoutablement spectaculaires lors des altercations en pagaille (sans préciser les adversaires afin d'éviter de spoiler). 

Le réalisateur exploitant dès le prologue les situations d'alerte, de mystère et d'appréhension en y alliant de manière finaude présent et flash-back quant aux origines du tueur éduqué dans un cadre familial dysfonctionnel. Ainsi, difficile de faire grise mine face à cette revigorante pochette surprise qui plus est formellement sublime (photo rutilante à tomber à la renverse), poétique et stylisé semblable au conte de noël vitriolé. Tant auprès de la méchanceté des meurtres d'un réalisme glaçant (même si concis mais redoutablement acérés si bien que le tueur, teigneux et inquiétant, demeure sans pitié aucune) que de sa scénographie édénique constamment stylisée que Glenn Morgan prend malin plaisir à transfigurer à l'aide de cadrages tarabiscotés et d'un montage ultra dynamique ne perdant jamais de vue la lisibilité de l'action. On est d'ailleurs constamment à la lisière de la semi-parodie assumée (que les critiques de l'époque n'ont probablement pas percuté) tant celui-ci s'efforce d'y grossir le trait lors des réactions un tantinet décalées des protagonistes féminines (et masculines) s'efforçant de fuir le danger à l'instar d'un cartoon sardonique que le tueur domine dans l'art de la planque et du camouflage. Qui plus est, et pour contenter également les amateurs de gore faisandé, celui ci se fait expert dans l'art d'y gober les yeux de ses victimes en les arrachant sauvagement en gros plans ! Le jeu du chat et de la souris n'étant au final qu'un prétexte afin d'y détourner la culture philanthrope de Noël à renfort d'humour noir corrosif. 

Prototype idoine du psycho-killer festif ne se prenant que rarement au sérieux (alors que son réalisme acéré y contredit constamment sa tonalité railleuse au gré de séquences génialement stressantes !), Black Christmas détonne en diable à travers son format de luxueuse série B s'efforçant intelligemment de dynamiter l'action à renfort d'inventivité à tombeau ouvert. Objet maudit lynché aux 4 coins du monde, Black Christmas, version 2006, est à revoir fissa pour tous fans de farce macabre aussi sémillante qu'inquiétante (notamment pour le profil du serial-killer sujet à une maladie corporelle des plus charismatiques). Alors que son alléchant casting féminin ne manque ni de peps, ni de charme, ni d'adresse pour se mesurer vaillamment à l'appréhension mortelle eu égard de l'insolence du psychopathe addicte à la chair fraîche "familiale". Tout bien considéré, Black Christmas demeure ni plus ni moins l'un des meilleurs psycho-killers des années 2000 !

*Eric Binford
2èx

Dream Lover. Grand Prix, Avoriaz 86.

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alan J. Pakula. 1986. U.S.A. 1h44. Avec Kristy McNichol, Ben Masters, Paul Shenar, Justin Deas, John McMartin, Gayle Hunnicutt. 

Sortie salles France: 2 Avril 1986

FILMOGRAPHIEAlan J. Pakula est un producteur et réalisateur américain, né le 7 avril 1928 à New York et mort dans un accident de voiture le 19 novembre 1998 à Melville (État de New York)).1969 : Pookie. 1971 : Klute. 1973 : Love and Pain and the Whole Damn Thing. 1974 : À cause d'un assassinat. 1976 : Les Hommes du président. 1978 : Le Souffle de la tempête. 1980 : Merci d'avoir été ma femme. 1981 : Une femme d'affaires. 1982 : Le Choix de Sophie. 1986 : Dream Lover. 1987 : Les Enfants de l'impasse. 1989 : À demain, mon amour. 1990 : Présumé innocent. 1992 : Jeux d'adultes. 1993 : L'Affaire Pélican. 1996 : Ennemis rapprochés. 

Flingué dès sa sortie hexagonale, dû en grande partie à son Grand Prix (injustifié) à Avoriaz, le mal aimé Dream Lover ne méritait pas tant de discrédit selon mon jugement de valeur, aussi perfectible et parfois incohérent soit-il (notamment faute d'un montage malhabile et de l'attitude nonsensique de certains protagonistes - le couteau en plastique planté dans le dos du confrère de Kathy-). Car proposition sincère d'un Fantastique psychanalytique superbement interprété par Kristy McNichol (le meilleur rôle de sa carrière, qui, pour le coup, aurait méritait un Prix d'Interprétation), Dream Lover empreinte la thématique du rêve de manière résolument adulte eu égard de son parti-pris scientifique (nous apprenons par exemple qu'une substance chimique secrétée par le cerveau nous empêche de  mouvoir notre corps au moment de nos songes nocturnes) et de son rythme languissant dénué de fioriture. Sur ce dernier point, il est vrai que son climat à la fois vaporeux, ombrageux et feutré (qui plus est renforcé de la posture interlope du père de Kathy excellemment endossé par Paul Shenar tout en charisme funeste) peut parfois prêter à la lassitude (on aurait peut-être pu raccourcir le métrage de 20 minutes) et décourager le grand public peu habitué à fréquenter les divertissements languides réfutant une action ostentatoire. 

Mais l'intérêt de l'intrigue en suspens reprend souvent le dessus grâce à la fascination exercée sur le cas de conscience de l'héroïne hantée de culpabilité et qui tentera après moult expériences de s'extirper de son mal-être. Kathy demeurant profondément perturbée après s'être violemment défendue contre un intrus menaçant au sein de son domicile durant une nuit de sommeil. Dès lors, sujette à de fréquents cauchemars malsains, elle finit par accepter de se porter cobaye auprès d'un spécialiste du sommeil afin d'extérioriser ses démons agitant ses nuits de sommeil. Dans la mesure où celui-ci va peu à peu parvenir à modifier les rêves de Kathy (par le mouvement corporel !) alors que cette dernière se laisse dériver par le somnambulisme pour y confondre réalité et illusion. Et ce au point d'intenter à sa propre vie. 

Correctement réalisé par Alan J Pakula (loin d'être un manchot au vu de son illustre carrière) et servi par le surprenant jeu à la fois fébrile et fragile de Kristy McNichol (Dressé pour Tuer), Dream Lover est un intéressant essai psychanalytique (teinté de futile romance quelque peu attachante) par le biais d'un Fantastique éthéré à la fois trouble et imprégné d'étrangeté (qui plus est renforcé d'éclairages limpides assez poétiques). Le récit s'autorisant des séquences fantasmatiques sensiblement fascinantes, inquiétantes ou envoûtantes au gré de la névrose morale de l'héroïne traumatisée par ses pulsions criminelles qu'elle n'aurait jamais soupçonnées. A (re)découvrir donc, tout du moins chez les amateurs de Fantastique dépouillé adeptes du 1er degré.

*Eric Binford.
2èx

mardi 30 novembre 2021

Le Dernier Duel / The Last Duel

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ridley Scott. 2021. U.S.A/Angleterre. 2h33. Avec Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer, Ben Affleck, Harriet Walter, Nathaniel Parker, Sam Hazeldine, Michael McElhatton.

Sortie salles France: 13 Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus. 2013 : Cartel. 2014 : Exodus: Gods and Kings. 2015 : Seul sur Mars. 2017 : Tout l'argent du monde. 2017 : Alien : Covenant. 2021 : Le Dernier Duel. 2021 : House of Gucci. 2023 : Kitbag. En préproduction : Gladiator 2 (titre provisoire). 


Immense, somptueux, magnifique... Scott se taille une seconde naissance. 
2h32 de cinéma épuré comme on en voit que trop rarement sur nos écrans numérisés ! Voilà ce que nous propose sur un plateau argenté Ridley Scott terriblement inspiré à retranscrire avec réalisme historique le dernier duel survenu en France en 1386. Car du haut de ses 83 ans, cela fait bien des décennies que je n'avais pas assisté à une oeuvre aussi gracieuse, puissante, limpide et maîtrisée venant de sa part. Tant auprès de sa mise en scène studieuse entièrement dédiée à la psychologie de ses protagonistes que de sa direction d'acteurs sobrement dépouillés jouant communément la contrariété au sein d'un triangle amoureux. Car entièrement voué à la cause des femmes en cette époque féodale où le patriarcat, la religion et l'obscurantisme ne laissaient que peu de crédit à la parole féministe, Ridley Scott nous conçoit un rape and revenge scindé en 3 temps. C'est à dire relancer l'histoire du point de vue de nos 3 personnages (les 2 rivaux: le chevalier et l'écuyer, autrefois amis, et leur victime désireuse de dévoiler l'esclandre au grand jour au péril de sa vie) à travers des flash-back subtilement reconsidérés selon l'émotivité de chacun des personnages. Tant masculin que féminin. Le 3è chapitre demeurant le plus violent et éprouvant du point de vue subjectif de la femme que Scott radiographie avec une dramaturgie bouleversante. Le champ-contrechamp ne cessant d'y modifier l'emplacement de tel personnage selon les chapitres évoqués. Passionnant et anxiogène quant aux affrontements psychologiques que s'opposent Jacques Le Gris et Jean de Carrouges ne cessant d'hurler l'arbitraire afin de retrouver sa dignité, Le Dernier Duel jongle dans la juste mesure, entre félonie amicale et violence sexuelle (si actuelle de nos jours, Me Too oblige) en dépit de son action timorée que Scott filme brièvement sans trop s'attarder sur l'impact dévastateur des corps à corps armurés (tant à cheval que lorsqu'ils combattent à pied). Je songe uniquement aux batailles rangées disséminées en intermittence lors de la première heure. 


Le cinéaste faisant plutôt preuve d'une attention infinie pour nous familiariser auprès de ces 3 personnages peu à peu divisés par un évènement dramatique aussi sournois que crapuleux. Le violeur se déculpabilisant au possible pour substituer sa victime en complice afin de la forcer à ne pas ébruiter l'affaire. Quand bien même l'époux, vaniteux, rétrograde et égoïste mais stoïque et pugnace au front (peu de le dire !), songe plus à son ego plutôt que de servir l'amour de sa femme. Et ce en dépit de ses éclairs de prise de conscience que celle-ci tente à plusieurs reprises de lui raisonner dans son sens de l'équité et de la maternité. D'une dramaturgie à la fois latente et éthérée si bien qu'on ne la voit jamais arriver, Le Dernier Duel invoque une vibrante émotion culminant lors du dénouement paroxystique où les 2 hommes se combattront avec une férocité sans égale. Véritable morceau d'anthologie à l'issue si précaire que l'on redoute, comme l'héroïne, en larmes, apeurée et oppressée, avec une appréhension somme toute viscérale. L'enjeu émanant autant du destin de l'époux d'un courage hors-pair à nous laisser pantois (qui plus est rongé par la peur de la trahison !), que de celle-ci potentiellement vouée à brûler vive si Dieu ne permettait pas la victoire à celui-ci. Probablement l'un des plus impressionnants duels vus au cinéma puisque traité avec vérisme névralgique eu égard de son intensité à la limite du soutenable que Scott transfigure sans fioritures en dépit de son immense brutalité primale dévoilée au compte goutte (les échanges des coups, toujours plus lourds, s'impactant lentement sur les corps déchiquetés, faute du poids de leurs armures et de la fatigue corporelle).  


Grand moment de cinéma militant avec tact, pudeur, rigueur et intelligence pour la parole émancipatrice de la femme discréditée par l'autorité patriarcale,
le Dernier Duel nous offre 2h30 durant un affrontement physique et cérébral d'une gravité peu à peu bouleversante à travers les conséquences désastreuses du viol éminemment impardonnable. Matt Damon (habité par ses pulsions frondeuses),  Adam Driver (quel charisme ténébreux à travers sa large carrure !), Jodie Comer (toute en élégance candide presque réservée), Ben Affleck (quasi méconnaissable en comte railleur et dédaigneux, puisqu'il m'a fallu 45 minutes pour m'en apercevoir !) s'opposant mutuellement avec une vérité humaine sobrement expressive jusqu'à la rédemption finale faisant preuve d'acuité émotive incontrôlée. Et s'il ne s'agit pas d'un chef-d'oeuvre selon le public le plus drastique, Ridley Scott l'a probablement effleuré au vu des traces qu'il nous laisse dans la rétine, le coeur et l'encéphale, alors que notre actualité contemporaine ne cesse de tenter de libérer la parole de la femme violentée et bafouée depuis des siècles de machisme comme nous le rappelle ici dignement le cinéaste à travers le motif "fait-divers".

*Eric Binford.