mercredi 10 novembre 2021

It Follows. Grand Prix, Prix de la Critique, Gérardmer 2015.

                                                       
                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de David Robert Mitchell. 2014. U.S.A. 1h40. Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Jake Weary, Olivia Luccardi, Daniel Zovatto.

Sortie salles France: 4 Février 2015. U.S: 27 Mars 2015

FILMOGRAPHIEDavid Robert Mitchell est un réalisateur et scénariste américain.
2010: The Myth of the American Sleepover. 2014: It Follows.


"It Follows : Fugue en Do mineur pour une chair traquée".
Révision d’un authentique coup de ❤ du psycho-killer ésotérique, pur film d’ambiance traversé de moments de flippe vertigineux. Désormais un classique (en glacis), l’un des meilleurs représentants du genre de ces trente dernières années.

Grand vainqueur de Gérardmer en 2015 (Grand Prix et Prix de la Critique !), It Follows est la seconde œuvre — picturale — d’un réalisateur novice, éperdument amoureux du genre. Par son goût pour l’esthétisme onirico-macabre qu’un format scope transfigure avec un sens du cadre stylisé ; par sa musique métronomique, tantôt lancinante, tantôt stridente, directement inspirée de Carpenter, Tim Krog, Fred Myrow et Malcolm Seagrave (Phantasm) ; et surtout, par son ambiance anxiogène palpable, convoquant instinctivement les fleurons horrifiques des années 80.

Prenant à rebours les poncifs du psycho-killer lambda, It Follows brosse le portrait d’adolescents intelligents, humains, fragiles, tendres et solidaires — à l’opposé des archétypes rebelles, fumeurs de joints et sexuellement décérébrés. Par le prisme de la mort et de la sexualité, David Robert Mitchell renouvelle le genre à travers une entité maléfique que n’aurait pas reniée Ulli Lommel. Remake à peine déguisé du très sympathique Spectre (The Boogeyman), le film en partage le surnaturel (cette présence invisible traquant ses proies sans relâche), l’ambiance ésotérique et la musicalité envoûtante.

Le réalisateur aborde ainsi la peur du Mal et celle du sexe sous un angle ironique : les ados, pour survivre, doivent copuler. L’entité poursuit inlassablement le dernier à avoir osé l’acte. Métaphore des maladies vénériennes, de l’émancipation sexuelle comme exorcisme des névroses, It Follows épouse le récit initiatique d’une quête de maturité, mettant en lumière une épreuve collective menée par une bande d’amis pour repousser la menace.

Fort de cette présence irréelle, polymorphe et toujours hostile, et de la manière subjective dont Mitchell filme la tranquillité mortifère d’une bourgade ricaine abandonnée par l’autorité parentale, on pense inévitablement à Halloween. L’ombre de Michael Myers semble scruter chaque recoin, chaque geste d’une jeunesse en sursis. Le cinéaste jongle avec l’angoisse et la terreur au fil de situations aléatoires, sublimées par une esthétique onirique : la nature, sa faune, sa flore, multipliant les paraboles sur la virginité et la défloration.

Si les séquences de flippe se font discrètes, certaines effraient profondément lorsque l’entité prend une forme humaine indistincte pour surgir à l’instant le plus inopportun. Seule la victime ayant consommé l’acte peut percevoir cette forme — ses camarades, impuissants, n’en distinguent que le néant.

Angoissant de manière graduelle, constamment envoûtant comme un good tripIt Follows mise sur la tension dramatique : l’héroïne, fragile et déterminée, cherche une échappatoire, un nouveau partenaire à qui transmettre le fardeau. Mitchell exploite cette menace via une mise en scène géométrique d’une précision chirurgicale : chaque plan, chaque mouvement est d’une stylisation rigoureuse. Sur ce point, It Follows est aussi une prouesse technique, un artisanat de l’effroi sculpté dans la grâce. Une ambiance interlope, infiniment ensorcelante. Un miracle, vous dis-je, digne des plus beaux représentants des années 80 — Stand By Me baignant dans un crépuscule macabro-érotique.


"It Follows : l’orgasme à crédit".
À la fois angoissant, perturbant, terrifiant et tendre, fragile et romantique, It Follows réinvente les codes avec la sincérité d’un auteur passionné par les atmosphères diffuses. Porté par la présence juvénile d’acteurs sobrement attachants dans leurs rôles d’ados en rébellion, transcendé par une BO capiteuse, le film déploie une ambiance crépusculaire où l’insécurité s’enracine. Ce psycho-killer déguisé active la peur par un pitch surnaturel qui détourne habilement la sexualité adolescente. Un cinéma d’horreur adulte, comme on n’en fait plus depuis les années 80. Un pur morceau d’ambiance funeste, promis à trôner parmi les classiques du genre.
Total respect, Monsieur Mitchell.

*Eric Binford
18.05.15. 251 v
10.11.21. 2èx. VO

La Chronique de Spectrehttp://brunomatei.blogspot.fr/2014/11/spectre-boogeyman.html

Récompenses:
Prix de la Critique Internationale au Festival du cinéma Américain de Deauville, 2014
Grand Prix et Prix de la critique au Festival du film Fantastique de Gérardmer, 2015.

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