Le Trône de fer(Game of Thrones) est une série télévisée américaine créée par David Benioff et D.B. Weiss, d'après la saga littéraire de fantasy médiévale, Le Trône de Fer de George R.R. Martin, diffusée simultanément aux Etats-Unis et au Canadadepuis le 17 Avril 2011 sur HBO et HBO Canada. Une deuxième saison, annoncée deux jours après la première diffusion de la série, est en phase de production. .
La série décrit les complots et les rivalités qui se jouent au sein du Royaume des Sept Couronnes, où les familles royales luttent pour s'emparer du Trône de fer, symbole du pouvoir absolu. .
. MON AVIS EN 2 MOTS:
Hormis des longueurs récurrentes un peu rébarbatives et des intrigues complexes et abstraites durant ces 4 premiers épisodes, cette série moyennageuse dépasse tout ce qui a été préalablement érigé à la tv et même au cinéma tant elle est d'un réalisme sensorielle bluffant ! Photo, décors, costumes, musique, rien n'a été laissé au hasard pour captiver et fasciner un public totalement immergé par les conflits et trahisons au sein du royaume des 7 couronnes. Mais c'est surtout l'incroyable densité psychologique d'acteurs charismatiques finement développés qui permettent d'élever cette série au rang de chef-d'oeuvre télévisuel. J'ai aimé la manière dont l'inégalité des sexes est traitée et abordée par les mentalités conservatrices, les complots, trahisons et manipulations octroyés aux personnages sournois en quête de mégalomanie, les conflits familiaux mesquins en phase de déclin, les romances déchues, le baroud d'honneur invoqué au thème de la vengeance et l'empathie accordée à d'autres personnages peu reluisants. Erotiquement torride et effronté, barbare, ultra violent (la brutalité qui émane des passages les plus crus impressionnent viscéralement l'esprit), aride, acéré, blafard et doté d'un véritable souffle épique, la série se permet même dans sa seconde moitié de bifurquer vers la fantasy occulte. Les deux derniers épisodes, capitaux dans les enjeux belliqueux à venir, sont d'une puissance émotionnelle bouleversée alors qu'un coup de théâtre incongru et inéquitable nous laisse dans un état de marasme inconsolable.
La chair et le sang dans toute sa splendeur de décadence et de romance contrariée suggère pour sa seconde saison une suite encore plus palpitante, opaque et effrénée. Une date dans le paysage télévisuel. .
1ère saison:
Epis 1: L'Hiver vient Epîs 2: La route royale Epis 3: Lord Snow Epis 4: Infirmes, bâtards et choses brisées Epis 5: Le Loup et le Lion Epis 6: Une couronne d'or Epis 7: Gagner ou mourir Epis 8: Frapper d'estoc Epis 9: Baelor Epis 10: De feu et de sang .
de Walter Hill. 1984. U.S.A. 1h33. Avec Michael Paré, Diane Lane, Rick Moranis, Amy Madigan, Willem Dafoe, Deborah Van Valkenburgh, Richard Lawson, Rick Rossovich, Bill Paxton, Lee Ving.
Sortie en salles en France le 14 Novembre 1984. U.S: 1er Juin 1984 . Récompense: Prix de la meilleure Actrice pour Amy Madigan au Festival international du film de Catalogne en 1984.
FILMOGRAPHIE: Walter Hill est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 10 janvier 1942 à Long Beach, en Californie (États-Unis).
1975 : Le Bagarreur (Hard Times),1978 : Driver,1979 : Les Guerriers de la nuit, 1980 : Le Gang des frères James,1981 : Sans retour, 1982 : 48 heures, 1984 : Les Rues de feu,1985 : Comment claquer un million de dollars par jour,1986 : Crossroads, 1987 : Extrême préjudice, 1988 : Double Détente, 1989 : Les Contes de la crypte (1 épisode),1989 : Johnny belle gueule,1990 : 48 heures de plus,1992 : Les Pilleurs,1993 : Geronimo,1995 : Wild Bill, 1996 : Dernier Recours,1997 : Perversions of science (série TV),2000 : Supernova, 2002 : Un seul deviendra invincible, 2002 : The Prophecy, 2004 : Deadwood (série TV).
Deux ans après son buddy movie célébré par le duo impayable Nick Nolte / Eddy Murphy (alors qu'il s'agissait pour ce dernier de son 1er rôle à l'écran !), notre briscard invétéré Walter Hill réalise une série B effrénée. Mixture improbable entre le film de bandes des sixties, le western moderne et la romance classique sur fond de musique pop et de rock n'roll. Le tout enraciné dans une époque indéfinissable, à situer à mi-chemin entre la rébellion des blousons noirs des années 50 et 60 et l'excentricité polychrome des néons flashys des années 80. La chanteuse Ellen Aim est kidnappée en plein concert par l'odieux Raven devant une foule médusée ! Après avoir mis à feu et à sang la ville, le gang se réfugie à proximité d'un quartier malfamé. Une barman décide d'écrire à son frère pour l'avertir que son ex petite amie a été enlevée par la bande de motards, les "bombers". Tom Cody, homme solitaire et marginal, se rend fugacement sur les lieux et décide de proposer une transaction avec le manager d'Ellen, Billy Fish. .
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Mis en scène avec une frénésie évoluant au rythme de tubes pop des années 80 et du rock des années 60, Les Rues de feu débute de manière explosive, via un préambule monté de main de maître par un réalisateur assidu à authentifier son univers dérivé de la bande dessinée et du western. En pleine retranscription d'un concert starisé par la mélomane Ellen Aim, une bande de motards affublés de cuir s'empare de la belle tout en foutant le zouc au sein de la petite banlieue, histoire de montrer aux citadins que toute tentative de rébellion est une peine perdue d'avance. Action et violence échevelées sont menées sur un rythme trépidant alors qu'une musique rock vrombissante va exacerber cette estocade culminant sa déchéance explosive en plein centre urbain ! Le suite de l'histoire reste d'une simplicité éculée ! Un rebelle décide de sauver son ex kidnappée par ces "Bikers". Après l'avoir sauvé, notre héros va être confronté à la menace du leader de la bande particulièrement rancunier, ce dernier lui proposant de se battre au corps à corps lors d'un prochain combat. Pour alimenter cette intrigue archi balisée et rendre l'aventure aussi excitante qu'exaltante, Walter Hill privilégie le montage millimétré etcompte sur une galerie de personnages irrésistiblement attachants, davantage en nombre grandissant durant l'épreuve de force de la mission périlleuse. Que ce soit la soeur candide et loyale convoquant un héros renfrogné au grand coeur, la chanteuse lascive à la voix langoureuse, la baroudeuse inflexible aux allures de garçonne, le manager imbus et vaniteux, la fan "pot de colle" futilement hystérique de son égérie, et un sympathique groupe de Blacks à la voix uniforme. Alors que du côté antagoniste, la bande des "Bombers" est représentée par une équipée motorisée, menée par la pugnacité d'un dur à cuir impassible du nom ténébreux de Raven. Avec une originalité risquée, le réalisateur fait évoluer nos héros dans une époque indéterminée sans flirter miraculeusement l'invraisemblance. Durant leur trajet semé d'embûches pour s'emparer de la belle Ellen, notre petite communauté va user de subterfuge et stratagèmes pour combattre les "Bombers" mais aussi déjouer les forces de l'ordre déployées en nombre dans les contrées adjacentes. Entrecoupé de morceaux musicaux interprétés par de véritables artistes comme Dave Alvin, Cy Curnin, Stevie Nicks, Jim Steinman, Tom Petty, Kennie Vance ou encore Dan Hartman, l'aventure épique pleine de fantaisies et de réparties cinglantes nous insuffle une irrésistible empathie face à la bonhomie de nos héros aussi chaleureux que vaillants.
Quand au point d'orgue escompté, il s'achemine de manière débridée vers un combat homérique entre Tom et Raven, tous deux armés de pioche pour mieux s'entretuer avant d'achever leur cinglant affrontement à poings nus. Pour parachever cette épopée flamboyante, nous aurons ensuite l'aubaine d'écouter une ultime fois la voix mélodieuse de notre chanteuse confinée dans sa salle de concert à guichet fermé. Niveau interprétation, l'excellent Michael Pare endosse avec sa trogne bellâtre le personnage viril d'un cow-boy solitaire intraitable, quand bien même sa partenaire Diane Lane lui prête la vedette dans une prestance suave et lamentée, car dépitée du caractère téméraire de son ex amant rancunier. Récompensée du Prix de la meilleure actrice à Catalogne pour son rôle inébranlable de soldat de fortune, Amy Madigan crève l'écran et harmonise spontanément l'ambiance de camaraderie engendrée par sa fidèle équipe. L'impayable Rick Moranis s'attribue d'une présence pittoresque dans sa posture de petit patron cupide à l'esprit présomptueux pour s'entacher de mener la bande avec risible autorité. Enfin, en bandit ténébreux vêtu de cuir noir, Willem Dafoe apporte une dimension belliqueuse lors de ses exactions marginales conçues sur l'ultra violence, la perversion et l'égotisme.
. Avec une efficacité optimale pour pallier la maigreur de son script, et une vigueur musicale pour écheveler l'action rocambolesque, Walter Hill rend hommage au cinéma d'action au sein de l'univers hybride du western moderne et de la BD. La multitude des genres imbriqués dans cet époque sans âge et sa flamboyance impartie à la scénographie rutilante édifiant l'ovni en fable romanesque de rock and roll. Pour parachever, pourrait-on omettre de souligner l'omniprésence du score électrique confectionné par l'illustre Ry Cooder !
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
de Francis Ford Coppola. 1992. U.S.A. 2h08. Avec Gary Oldman, Winona Ryder, Anthony Hopkins, Keanu Reeves, Richard E. Grant, Cary Elwes, Bill Campbell, Sadie Frost, Tom Waits, Monica Bellucci, Michaela Bercu.
Sortie en salles en France le 13 Janvier 1993. U.S: 13 Novembre 1992.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Francis Ford Coppola est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 7 Avril 1939. 1963: Dementia 13. 1966: Big Boy. 1968: La Vallée du Bonheur. 1969: Les Gens de la pluie. 1972: Le Parrain. 1974: Conversation Secrète. Le parrain 2. 1979: Apocalypse Now. 1982: Coup de coeur. 1983: Outsiders. Rusty James. 1984: Cotton Club. 1986: Peggy Sue s'est mariée. 1987: Jardins de Pierre. 1988: Tucker. 1989: New-York Stories. 1990: Le Parrain 3. 1992: Dracula. 1996: Jack. 1997: L'Idéaliste. 2007: l'Homme sans âge. 2009: Tetro. 2011: Twixt.
Enorme succès à sa sortie en salles si bien qu'il engrangea au total 215 862 692 dollars à travers le monde, Dracula fut en 1992 un évènement cinématographique quand on sait que derrière cet ambitieux projet Francis Ford Coppola s'est porté garant à échafauder sa propre version du mythe. Réunissant des têtes d'affiche de prestige et des moyens importants pour remanier la destinée immortelle du plus célèbre des vampires, cette version inscrite dans un classicisme flamboyant se pare d'un romantisme désenchanté.
Le Pitch: En 1462, en Transylvanie, le comte Vlad Dracul s'engage dans une offensive contre les Turcs alors que sa femme Elizabeta l'attend impatiemment dans son château. Après l'achèvement d'une cruelle bataille sanglante, son épouse reçoit une lettre lui indiquant que son amant est mort au champ d'honneur. Désespérée et anéantie par le chagrin, elle décide de se suicider en se jetant du haut d'un fleuve. Ayant survécu à la guerre, le comte revient dans sa demeure pour apprendre la terrible nouvelle. Fou de haine et de douleur, il décide de renier Dieu et ses sbires pour s'adonner vers les forces occultes et réclamer ainsi vengeance pour la mort inéquitable de son idylle. Quatre siècles plus tard, Jonathan Harker, clerc de notaire est invité à quitter Londres pour se rendre en Transylvanie dans la demeure de Dracula. En effet, le comte est intéressé à racheter l'abbaye de Carfax. Au moment de leur rencontre, le maître des ténèbres entrevoit le portrait de la fiancée de Jonathan, Mina. Frappé de stupeur par sa beauté lascive, il reconnait en elle le parfait sosie de son ancienne épouse. Il décide de partir à Londres pour la retrouver après avoir tendu un traquenard à Jonathan Harker en invoquant ses princesses de la nuit avides de sang frais.
Enième version d'un des archétypes les plus inaltérables du cinéma d'épouvante, Dracula s'alloue d'un éclat nouveau sous la caméra virtuose de Francis Ford Coppola. Cinéaste notoire cumulant les réussites les plus novatrices de ces dernières décennies, cette réactualisation du fameux vampire des Carpathes apporte son originalité et alimente un nouvel intérêt dans un romantisme éperdu baigné de flamboyance gothique. Un parti-pris formel privilégié de somptueux décors ainsi qu'une photo saturée de pourpre et carmin. La musique orchestrale composée par Wojciech Kilar s'accordant de violons sombres et raffinés, les costumes baroques resplendissant par leur aspect élitiste (surtout pour les personnages ténébreux) et les effets-spéciaux artisanaux étant confectionnés avec rigueur (exit donc la modernité des effets numériques que Coppola réfuta avant l'entreprise du tournage). La mise en scène inventive du réalisateurmultiplie les angles de vue alambiqués, les cadrages affinant l'étendue des vastes paysages gothiques ainsi qu'une poésie florissante émanant d'une imagerie fantasmagorique. Au passage, un bel hommage est rendu au cinématographe en pleine ascension victorienne alors qu'au même moment sortit le roman de Bram Stoker. Les comédiens sont plutôt adroitement sélectionnés pour nous enivrer dans une aventure horrifique émaillée de péripéties homériques mais surtout d'aigre romance caractérisée par le couple Dracula / Mina. Nos amants maudits étant remarquablement endossés par l'excellent Gary Oldman en noble vampire lamenté d'un amour éperdu, et la radieuse Winona Ryder, réincarnation de sa maîtresse immolée, destinée à sauver une âme maléfique autrefois vouée à Dieu. A eux deux, ils forment un duo ensorcelant dans leur relation fébrile au souffle romanesque charnel. A négliger toutefois dans une douce mesure le rôle secondaire de l'amant berné, Keanu Reeves, semblant ici transparent car peu à l'aise pour exacerber son amour et son empathie envers sa compagne tributaire du prince des ténèbres.
Une touche d'érotisme est également soulignée durant le cheminement narratif, tel ce livre pornographique que Mina feuillette timidement avec une curiosité fascinée, alors que sa comparse Lucie est plutôt dévergondée à suggérer les positions sexuelles les plus débridées. Enfin, le charme ardent émanant des maîtresses de la nuit dévêtues dans un lit de soie, enlaçant à elles trois de manière torride un Jonathan Harker transi d'excitation, fait sans doute parti des moments les plus vénéneux du film. Parfois, certaines séquences horrifiques surprennent par leur tonalité cruelle comme ce bébé en pleurs offert en sacrifice pour les trois princesses des ténèbres. Il y a aussi cette splendide séquence où nos héros attendent patiemment l'arrivée de Lucie dans la chapelle, alors que la morte devenue vampirisée porte en ses bras un enfant pour s'apprêter à le dévorer avant de s'engouffrer dans son caveau familial. Le final haletant s'octroie d'un caractère épique pour parachever une tragédie de désespoir et de romance. La force psychologique du récit est d'ailleurs d'avoir osé dénaturer le personnage maléfique de Dracula dans sa triste destinée d'amour meurtri. Alors que sa nouvelle compagne réincarnée en la personne de Mina était donc vouée à lui rendre la mise pour l'extraire du monde des ténèbres afin de le repentir à Dieu.
Liens d'amour et de sang Spectacle grandiose déployant un florilège de séquences aussi flamboyantes et épurées que dantesques et échevelées, Dracula de Coppola tire son impact émotionnel et son originalité par son récit romanesque d'une beauté funèbre lyrique. Le charme lascif de Mina, enlacée dans les bras d'un comte mélancolique rongé de remord, nous entraînant dans un somptueux ballet onirique où l'amour cathartique reste plus fort que tout.
Dédicace à Isabelle Rocton
*Bruno
10.11.11. .
15.08.23. 4èx
Récompenses: Oscar du Meilleur Montage sonore, des Meilleures Costumes et du Meilleur Maquillage en 1992. Saturn Awards du Meilleur film d'Horreur, du Meilleur Acteur pour Gary Oldman, du Meilleur Réalisateur, du Meilleur Scénario et des Meilleurs Costumes en 1993.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
de Liliana Cavani. 1974. Italie/France. 1h58. Avec Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy, Gabriele Ferzetti, Giuseppe Addobbati, Isa Miranda, Nino Bignamini, Marino Masé, Amedeo Amodio, Piero Vida.
Sortie en salles en France le 3 Avril 1974 (Int - 18 ans). U.S: 1 Octobre 1974
FILMOGRAPHIE: Liliana Cavani est une réalisatrice italienne, née le 12 Janvier 1933 à Carpi (Emilie-Romagne). 1966: Francesco d'Assisi. 1968: Galileo. 1969: Les Cannibales. 1972: l'Ospite. 1974: Milarepa. Portier de Nuit. 1977: Au-dela du bien et du mal. 1981: La Peau. 1982: Derrière la porte. 1985: Berlin Affair. 1989: Francesco. 1992: La Traviata. 1993: Sans pouvoir le dire. 2002: Ripley s'amuse. 2005: De Gasperi, l'uomo della speranza. 2008: Einstein (téléfilm).
Un chef-d'oeuvre maudit profondément scabreux dont les images incongrues, difficilement acceptables, laissent d'inévitables traces de par la force de la mise en scène, son fascinant climat mélancolique et du jeu transi des acteurs damnés.
Oeuvre polémique à sa sortie, rarement diffusée en salles ou à la T.V, classé X aux Etats-Unis, Portier de Nuit est une oeuvre sulfureuse et dérangeante sur l'amour interdit d'amants compromis. Si bien qu'un parfum de scandale s'esquisse autour de la relation sadomaso d'un ancien tortionnaire nazi et de sa maîtresse déportée juive toujours aussi fascinée par leurs plaisirs éhontés. A moins que celle-ci ne soit finalement victime du syndrome de Stockholm (voire même manipulatrice ?) au sein d'un huis-clos intimiste en déliquescence physique et morale.
Le pitch: A Vienne, en 1957, Max travaille comme portier de nuit dans un grand hôtel. Un jour, il reconnait son ancienne maîtresse aujourd'hui mariée à un chef d'orchestre d'opéra. Leur relation amoureuse était préalablement établie sous le régime nazi au moment où Lucia fut envoyée dans un camp de concentration. Aujourd'hui, ils décident de renouer leur lien passionnel mais des officiers nazis, anciens compatriotes de Max, manifestent leur inquiétude face à ce témoin capital potentiellement capable de les dénoncer pour leurs antécédentes exactions.
Considéré comme le chef-d'oeuvre baroque de sa carrière plutôt politique, la réalisatrice Liliana Cavani dépeint avec verdeur et réalisme clinique le portrait d'un couple en réconciliation après avoir entretenu une relation passionnelle durant le règne despotiste du 3è Reich. Alors qu'il fut officier nazi chargé d'envoyer à la mort des milliers de juifs parqués dans les camps de concentration, Max tomba subitement amoureux d'une jeune déportée juive du nom de Lucia. D'abord réticente et pétrifiée pour l'objet de soumission qu'elle représente, la jeune fille se laisse peu à peu entraîner dans une relation masochiste alors que le génocide de son peuple est en pleine expansion. Quelques années plus tard, ils se retrouvent par hasard d'une représentation théâtrale dans laquelle le mari de Lucia est chef d'orchestre renommé.
De prime abord fuyante et angoissée de retrouver son précédant amant tortionnaire, la jeune femme se laisse attendrir par ses pulsions sexuelles refoulées, faute d'une romance fusionnelle indocile afin de renouer avec leur relation torturée d'humiliations, de châtiments et d'amour extraverti. Ainsi donc, dans une photographie blafarde illustrant avec froideur un climat austère renforçant son caractère trouble, dérangé, assez antipathique, Liliana cavani nous entraîne dans une impossible histoire d'amour auquel deux amants torturés de culpabilité souhaitent malgré tout vivre jusqu'au bout leur désir sulfureux d'un rapport autodestructeur. Ainsi, en confrontant cette audacieuse romance galvaudée du spectre tyrannique du nazisme, la réalisatrice établie un parallèle malsain pour notre sentiment interne face à la fascination / répulsion du Mal. Comme si Lucia, martyrisée d'un gouvernement dictatorial souhaitait amorcer cette relation putanesque à travers une sexualité sadique oscillant jouissance et douleur afin de fuir, omettre inconsciemment l'agonie de milliers de juifs sacrifiés dans des conditions infâmes. Dans le rôles des amants maudits, Dirk Bogarde impressionne fortement auprès d'une force d'expression bicéphale puisque contenue ou autrement furibonde à travers sa prestance déloyale d'ancien tortionnaire SS épris d'amour fou pour une jeune juive fascinée par ses rapports de soumission. Pour la présence meurtrie et ambiguë de Lucia, Charlotte Rampling hypnotise l'écran face à son regard félin particulièrement velouté, son attachement irrésistible auprès des actes abusifs de Max, formant ainsi à eux deux les amants maudits d'une idylle incongrue.
Déshonneur du désordre amoureux. Superbement mis en scène sans esbroufe car renforcé d'une sobriété autonome de la part de sa réalisatrice particulièrement affirmée, Portier de Nuit demeure un fascinant poème noir sur le destin de ces amants fous déterminés à fuir leur sinistre existence à travers les liens de l'épanouissement amoureux. Transcendé du jeu réaliste des comédiens se livrant corps et âme face à une caméra introspective, ce drame d'amour nécrosé dégage un parfum de souffre aussi malsain qu'étrangement beau (si je peux me permettre d'une certaine manière). Tout du moins d'une beauté mélancolique. Ainsi, il en résulte une oeuvre austère à la fois étouffante, fragile, hallucinée, abstraite, renfrognée, malaisante sous l'impulsion d'acteurs transis d'émoi. Même si évidemment leurs personnages plus vrais que nature à l'écran ne cessent de nous évoquer la perplexité, l'interrogation, la commotion, voire la timide empathie à travers leur culpabilité (impardonnable ?) d'une emprise délétère anti-manichéenne. Un film malade en somme (difficile à digérer donc) qui reste (inévitablement) entaillé en notre mémoire, ad vitam aeternam.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
de Lucio Fulci. 1979. Italie. 1h31. Avec Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Auretta Gay, Stefania d'Amario, Olga Karlatos.
Sortie salles France: 13 Février 1980. Italie: 25 Août 1979. U.S: 18 Juillet 1980
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.
Un an après le succès planétaire de Zombie de Romero, Lucio Fulci est chargé de concurrencer les Américains en livrant sa propre vision du mythe, teintée d’exotisme. Le producteur Fabrizio De Angelis le contacte sur les recommandations d’Enzo G. Castellari, d’abord pressenti pour exploiter ce filon lucratif. D’après un scénario de Dardano Sacchetti, l’intrigue est légèrement remaniée pour suggérer une filiation avec le chef-d’œuvre de Romero. Malgré une sortie expurgée de ses effets les plus sanglants, le film rencontre un immense succès mondial, et la notoriété de Fulci s'impose durablement dans l’Hexagone. En Italie, L’Enfer des Zombies sort sous le titre fallacieux de Zombi 2, faisant croire à une préquelle imaginaire.
Pitch: Un bateau fantôme échoue sur le port de New York. Deux policiers montent à bord. L’un d’eux est aussitôt agressé par un colosse monstrueux qui lui arrache la jugulaire. Peu après, la fille du propriétaire de l’embarcation, interrogée par la police, se rend sur l’île de Matoul pour retrouver son père disparu.
"L'île aux morts : fièvre tropicale et pourriture vaudoue".
Premier volet d’une quadrilogie fondée sur la mythologie du mort-vivant, L’Enfer des Zombiessuscite aussitôt l’effroi lors d’un prologue cinglant resté gravé dans les mémoires : dans les entrailles d’un yacht, deux flics font face à l’apparition insensée d’un zombie mastard, dévoreur de chair. Fulci exacerbe le choc avec une gorge arrachée, effet gore minutieux concocté par Gianetto De Rossi, tandis que la physionomie du monstre — amas de chair terreuse, pourrie — affirme déjà la patte fulcienne. Entouré de ses fidèles (Frizzi, De Rossi, Sacchetti), le réalisateur impose un style baroque, fiévreusement latin.
À partir d’un scénario simpliste, Fulci opère un retour aux sources du zombie vaudou, ancrant son récit dans un décor insulaire baigné de lumière et souillé par la mort. Une atmosphère poético-macabre s’installe, contrastant avec la beauté solaire de la nature tropicale. Comme ce crustacé s’échappant sur la poussière d’un village déserté, tandis qu’en arrière-plan une silhouette putride déambule vers nous. Fulci transcende la futilité narrative par une mise en scène sensorielle, délétère, nourrie d’un environnement fantasmagorico-baroque. La peur latente s’infiltre dans chaque recoin de l’île de Matoul : salle de bain, chapelle en ruine, baraque en bois transformée en hospice... Tout respire la fièvre, la sueur, l’agonie.
À la différence des zombies romerien, ceux de Fulci sont de véritables charognes spumeuses, suintant la puanteur. Leurs corps, rongés de vers, errent lentement, comme hypnotisés. Dans le dortoir des malades, recouverts de draps infectés de sueur et de sang, la mort plane — dans l’air chaud et poisseux que survolent des mouches insolentes.
Par intermittence, Fulci orchestre des péripéties tragiques avec une brutalité frontale. Impossible d’oublier la mort de Paola Ménard (Olga Karlatos, à la beauté méditerranéenne), séquestrée dans sa salle de bain par un zombie voyeur. Une écharde lui perfore l’œil dans un plan-séquence anthologique, zoomé, sans coupe — bestial, implacable. Fulci ose aussi l’irréel : une scène sous-marine où Susan, partie plonger, est menacée à la fois par un requin et un zombie spectral. Un duel improbable éclate entre les deux prédateurs, tableau surréel d’un monde en bascule. Plus loin, dans le cimetière des conquistadors, des morts émergent lentement de leurs tombes ; l’un d’eux se jette sur Susan pour lui déchirer la gorge. Et le final, précipité dans l’action, laisse exploser une apocalypse insulaire, où les zombies surgissent en masse, engloutissant le jour dans l’opacité.
La mise en scène, portée par une équipe d’orfèvres du macabre, serait incomplète sans la partition funèbre et entêtante de Fabio Frizzi. Le compositeur signe un score poisseux, d’une lenteur obsédante, martelant une ambiance exotico-macabre, presque olfactive.
Quarante ans après, ce chef-d’œuvre transalpin conserve intact son pouvoir de fascination morbide, son souffle moite, son horreur sourde. On fermera les yeux sur la direction d’acteurs bancale — l’un des points faibles récurrents chez Fulci — tant le charisme brut de certaines trognes secondaires (Richard Johnson en tête) rattrape l’essentiel. Et l’essentiel, c’est cette alchimie unique, ce cauchemar sur pellicule qui provoque une peur viscérale, déclenchée par un climat insulaire fiévreux, jusqu’à cette ultime image, prophétique, annonciatrice d’une apocalypse mondiale — écho halluciné aux zombies politisés de Romero.
Dédicace à Fabio Frizzi.
*Bruno
07.11.11. 6èx.
Bande-annonce française:
Oh ! Vous m'entendez ? Est-ce qu'il y a quelqu'un à bord ? On dirait qu'il est abandonné ! Si tu bouges j'te flingue ! Reste ou tu es ! Oui, c'est bien le voilier de mon père. Et ou se trouve t-il pour l'instant ? Nous voulons nous rendre à Mattool, nous sommes à la recherche de son père, les dernières nouvelles venaient de la-bas. Mattool ! C'est une île que tout le monde évite. On dit qu'elle est maudite. Mais de quelle maladie est mort mon père ? Quel est donc le secret de cette île ? Dites moi ! Qu'est ce que c'est que cette histoire de morts qui reviennent à la vie et que l'on doit tuer une seconde fois ? Il circule sur cette île de fantastiques légendes. Légendes de Vaudou et de Zombies. Quand la terre recrachera ses morts, tu vivras l'horreur de tes pêchers. J'ai peur tu sais, j'ai peur que l'on ne puissse jamais quitter l'île. Docteur ! Les morts reviennent à la vie ! Ils envahissent l'île.
de Miguel Angel Vivas. 2010. Espagne. 1h22. Avec Guillermo Barrientos, Dritan Biba, Fernando Cayo, Cesar Diaz, Martijn Kuiper, Manuela Velles, Ana Wagener, Xoel Yanez.
Récompenses: Mélies d'Argent à Espoo Ciné. Meilleur film, Meilleur Réalisateur au Fantastic Film Fest 2010.
FILMOGRAPHIE: Miguel Angel Vivas est un réalisateur, scénariste et acteur espagnol.
1998: Tesoro (court-métrage). 2002: El hombre del saco (court-métrage). 2002: Reflejos (réflections). 2003: I'll See you in my Dreams (court-métrage). 2010: Kidnapped
Sélectionné au festival de Strasbourg 2011, à Sitges 2010 et récompensé du Meilleur Film et Meilleur Réalisateur au Fantastic Fest 2010, Kidnapped est le second long-métrage d'un réalisateur espagnol déjà multi-récompensé auprès de courts-métrages. Mais rien ne semblait présager l'émotion traumatique qu'allait engendrer cet électro-choc dénonçant avec rigueur le phénomène inquiétant de la violence urbaine sur le territoire ibérique: l'"enlèvement express". A savoir, kidnapper avec une extrême violence une famille lambda en un minimum de temps afin de leur soutirer de l'argent.
Le Pitch: A Madrid, une famille aisée installée dans leur nouvelle demeure est victime de l'intrusion de trois individus cagoulés. Ligotés et menacés de mort, les parents ainsi que leur fille sont contraints de leur divulguer leur numéro de carte bancaire pour les monnayer. C'est le début d'une nuit de cauchemar auquel personne ne sortira indemne. .
En tablant sur un canevas éculé mainte fois adapté au cinéma de genre (la Rançon de la peur, les Chiens de paille, la Maison des Otages, la Dernière Maison sur la gauche et plus récemment The Strangers), Kidnapped exploite le fameux filon du "home invasion", huis-clos dédié à l'efficacité d'un suspense exponentiel chez une famille lambda séquestrée par des malfrats sans vergogne. Le préambule persuasif dans sa verdeur acerbe car illustrant un individu ligoté allongé sur le sol, nous impressionne lorsque celui-ci suffoque faute d'un sac plastique sur la tête. Après avoir réussi à rejoindre une chaussée, une nouvelle estocade nous est assénée après que ce dernier composa un appel téléphonique pour avertir sa famille. Parmi la froideur d'une photo blafarde et d'une caméra agressive portée à l'épaule, l'ambiance oppressante s'insinue instinctivement auprès du spectateur déjà averti que le cheminement narratif sera loin d'être une partie de plaisir. Générique liminaire... Après nous avoir furtivement présenté le profil équilibré d'un couple de bourgeois et de leur adolescente venus emménager dans leur nouvelle résidence, le réalisateur Miguel Angel Vivas va droit au but de son sujet pour nous asséner de plein fouet l'irruption brutale de trois individus cagoulés, implacablement déterminés à s'approprier du magot tant convoité. L'intensité de l'intrigue, c'est de nous immerger frontalement dans sa plus terrifiante et pénible quotidienneté. En effet, l'horreur perpétrée n'est ici nullement surnaturelle ou gentiment frissonnante mais bien ancrée dans la paisible rationalité d'un cocon familial en interne de leur foyer. Et donc, quoi de plus terrifiant et de déstabilisant qu'un groupe d'assaillants venu s'introduire dans leur maison au péril de la vie des propriétaires ! L'identification du spectateur auprès de la famille lambda demeurant idoine quand bien même l'interprétation spontanée des comédiens insuffle une émotion viscérale auprès de leur affliction psychologique. Qui plus est, la nationalité de ces derniers méconnus dans l'hexagone nous permet de nous familiariser auprès de leur trogne triviale.
Ainsi, sans vouloir épater la galerie, le metteur en scène applique de manière récurrente les critères du plan-séquence et du split screen (écran scindé en deux pour suivre en temps direct deux actions simultanées) afin de mieux nous imprégner de l'ambiance incisive découlant du viol de cet environnement familial. Le sentiment de terreur oppressante proprement insupportable assénée aux victimes serviles est exacerbé d'un réalisme rugueux proche du documentaire. La famille sévèrement prise à parti, perpétuellement menacée et molestée, se confinant dans un climat intolérable de désespoir. Tant et si bien que le spectateur témoin de cet engrenage infernal de violence gratuite ne peut que subir, endurer ce que les victimes sont acculées d'admettre et de supporter. De prime abord et intelligemment, sa violence à la fois acerbe et brutale prime avant tout sur la psychologie tourmentée, humiliée des personnages plutôt que l'outrance démonstrative des sévices endurés. A l'exclusion d'un final eschatologique d'une barbarie insoutenable. De surcroît, les évènements drastiques et situations de danger encourus par nos protagonistes sont plutôt lestement pensés, crédibles, sans fioriture alors que d'autres nouveaux intervenants de l'histoire iront s'interposer afin d'accentuer un suspense davantage éprouvant pour la survie des innocents. Avec une maîtrise probante, Miguel Angel Vivas offusque donc le spectateur jusqu'au malaise tangible lors d'une descente aux enfers proprement jusqu'au-boutiste. En nous posant notamment la fatale question de savoir ce que nous ferions en pareille situation d'effraction ! Il démontre également les risques irréversibles encourus du point de vue des malfrats véreux lorsqu'une situation échappe à leur contrôle. Néanmoins, leur caractérisation n'évite pas le stéréotype envers un des antagonistes, un peu plus compatissant, réfléchi, subitement conscient pour éluder un nouveau débordement meurtrier. Mais le réalisme sordide suintant de chaque situation intempestive et l'intensité imputée au climat de malaise transcendent finalement ce menu cliché.
Les Enragés.
Terrifiant au sens le plus viscéral, oppressant et tendu à l'extrême jusqu'à l'intolérable car y affichant un réalisme d'une brutalité escarpée, Kidnapped culmine dautant plus sa besogne vers un traumatisant bain de sang. Point d'orgue peut-être discutable pour son outrance en chaine mais relativement couillu et rejoignant pourtant le pessimisme de faits-divers tragiques qui inondent nos journaux TV. Sa tonalité alerte nous plongeant dans un tel sentiment de paranoïa, d'inconfort, de désarroi et de peur qu'on en sort exténué, mutique, désarmé surtout. Concentré d'adrénaline forcenée 1h20 durant, Kidnapped est un bad-trip discourtois à réserver évidemment à un public averti.
de Henry Cass. 1958. Angleterre. 1h24. Avec Donald Wolfit, Vincent Ball, Barbara Shelley, Victor Maddern, William Devlin.
Sortie salles France: 27 Avril 1960. U.S: Octobre 1958.
FILMOGRAPHIE: Henry Cass est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur britannique né le 24 Juin 1902 à Londres, décédé en 1989. 1949: La Montagne de Verre. 1950: Jennifer. Vacances sur Ordonnance. 1951: Histoires de jeunes femmes. 1955: Windfall. No Smoking. 1956: Bond of Fear. 1957: Professor Tim. Booby Trap. 1958: Le Sang du Vampire. 1960: The Hand. 1965: Give a Dog of Bone. 1968: Happy Deathday.
La même année que la sortie du chef-d'oeuvre leCauchemar de Dracula, le réalisateur anglais Henry Cass entreprend un film d'épouvante traitant du même thème mais abordé cette fois-ci d'un point de vue scientifique. Si bien que dans le Sang du Vampire, notre savant fou, accompagné de son traditionnel adjoint difforme, est contraint de réapprovisionner son corps de sang humain en usant de transfusions sanguines. D'après un scénario de Jimmy Sangster (habituellement crédité à l'écurie Hammer) et produit par l'illustre duo Monty Berman / Robert S. Baker (l'Impasse aux Violences, Jack l'Eventreur), le Sang du Vampire détonne par son ambiance malsaine démonstrative et son originalité à renouveler le mythe du suceur de sang.
Synopsis: En Transylvanie, en 1874, un homme est exécuté après avoir été accusé de vampirisme. Son fidèle assistant réussit cependant à exhumer son corps avec l'aide d'un scientifique pour lui rendre la vie grâce à une transplantation cardiaque. Malgré sa résurrection, l'homme qui avait ingéré un sérum pour pouvoir rester en vie a subi une infection sanguine. Six ans plus tard, directeur d'un asile psychiatrique, il poursuit ses sinistres travaux avec la collaboration d'un médecin. .
D'après un scénario de prime abord orthodoxe, Henry Cass réussit avec une certaine audace à détourner le thème du vampire en quête de sang vierge pour le profil imparti au mythe du savant fou. Un scientifique contraint de pratiquer de multiples transfusions sanguines sur des cobayes humains au point de vidanger leur corps famélique. Le lieu baroque et sordide d'un asile psychiatrique surveillé par des gardes et accompagnés de dobermans affamés, réussit à créer une ambiance inquiétante particulièrement tangible. La photographie criarde aux teintes jaunes sépia et au rouge pourpre accentue ce sentiment d'hostilité palpable jusque dans le laboratoire de Callistratus, environnement barbare suintant la mort putride des cadavres moribonds. L'efficacité du récit s'établit notamment auprès des rapports conflictuels d'un jeune médecin (leur relation houleuse ne manque pas de mordant dans leur divergence) contraint de subvenir à un directeur utopiste en quête d'immortalité.
Tandis que la présence enjôleuse de la charmante Barbara Hershey apporte un appui affectueux auprès de son amant voué au chantage. Il y a aussi l'assistant difforme Karl, endossé par l'acteur Victor Maddern (comme sorti d'un "bossu de la morgue" ibérique). Sa présence iconique exacerbe à volonté l'ambiance gothique hybride dans un raffinement putassier. Mais si le Sang du Vampire se révèle aussi captivant et particulièrement intense entre les enjeux des protagonistes, il le doit beaucoup à la géniale interprétation de Donald Wolfit incarnant avec plaisir masochiste le rôle du savant fou immoral. Un être abject obsédé à l'idée de survivre en soutirant le sang de victimes innocentes. Sa mégalomanie arrogante, son faciès ténébreux mis en valeur par de larges sourcils et surtout son regard sournois irradient l'écran de ses cyniques exactions. .
Baignant dans un climat glauque et malsain agencé autour d'un univers gothique digne des productions Hammer, Le Sang des Vampires est un trésor d'épouvante rehaussé de la conviction des comédiens et d'un récit habilement structuré (à une incohérence près comme ce final vite expédié pour la sauvegarde du héros). On est d'autant plus surpris pour l'époque du caractère brutal de certaines dérives sanglantes, à l'instar de ces chiens insatiables dévorant ardemment deux protagonistes désoeuvrés.
de Gérald Hustache Mathieu. 2010. France. 1h42. Avec Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix, Olivier Rabourdin, Clara Ponsof, Arsinee Khanjian, Eric Ruf, Lyes Salem, Joséphine de Meaux, Ken Samuels.
Sortie en salles en France le 12 Janvier 2011
FILMOGRAPHIE: Gérald Hustache Mathieu est un réalisateur français né en 1968 dans la ville d'Echirolles, en Isère dans la banlieue sud de Grenoble.
1996: J'ai horreur de l'amour (assistant réalisation). 2001: Peau de Vache (court). 2003: La Chatte Andalouse (moyen métrage). 2006: Avril.2011:Poupoupidou
Après un premier film remarqué pour sa poésie libertaire, Gérald Hustache Mathieu entreprend avec Poupoupidou (titre énigmatique un peu peu réducteur), un polar insolite et décalé façonné dans le moule de la comédie atypique. Illuminée par la fonction pétillante de Sophie Quinton, cette ovni gracieux enchante subtilement le spectateur par son aura fantasmagorique. Un écrivain en panne d'inspiration découvre sur une route enneigée le cadavre d'une blonde surnommée Candice Lecoeur. Intrigué par ce potentiel suicide, il va tenter de remonter le passé pour découvrir la vérité sur cette égérie de Franche Comté grâce à son journal personnel. Peu à peu, il se rend compte que d'étranges similitudes avec la vie notoire de Marilyn est agréée avec celle de Candice. Pour renouer avec l'ambition de sa profession, il profite également de cette étrange enquête pour entamer la rédaction de son nouveau roman.
Avec la structure désincarnée et impondérable d'un scénario aussi insolite, difficile de rester inflexible face à un film aussi étrange, lyrique et enivrant. A partir d'un argument policier orthodoxe, l'intrigue foisonnante va rapidement s'acheminer vers un itinéraire excentrique remplie de situations cocasses, attendrissantes ou graves, compromises avec des personnages sournois, indécis, distraits et rêveurs, en quête de gloire ou de reconnaissance. Formellement, Poupoupidou flirte incessamment avec l'onirisme enchanteur dans un parti pris baroque (variante de nuances polychromes picturales) et avec la pétulance d'une jeune blonde avide de rencontrer l'amour mais persuadée d'être la réincarnation de Marilyn Monroe. Gérald Hustache Mathieu oscille les genres avec une aisance fulgurante et nous narre avec fantaisir une idylle impossible entre deux êtres que tout sépare malencontreusement. En résulte une perpétuelle puissance émotionnelle sous-jacente dans les investigations utopistes d'un écrivain passionné par les états d'âme fébriles d'une star trop vite élevée au rang d'égérie jusqu'au fameux climax révélateur d'une rédemption déchirante.
Pour l'interprétation, Jean Paul Rouve surprend avec sobriété dans un rôle à contre-emploi de romancier contrarié mais subitement inspiré par un fait divers macabre simulé en suicide. Modérément touchant et discrètement amoureux d'une femme subitement balayée par la mort, il reconstruit peu à peu le puzzle écorné de sa nouvelle Marilyn pour finalement découvrir un semblant de relation interposée. Sans fioriture, Sophie Quinton irradie l'écran de sa physionomie lascive pour émailler les campagnes publicitaires auquel elle doit user de sa suavité pour convaincre la société de consommation. Et en particulier la gente masculine fascinée par ses formes charnelles et son pouvoir érotique sensiblement aguichant. Sa présence féminine d'une beauté épurée hors norme insuffle au fil du récit une aura irrationnelle délicatement souple et envoûtante. Le spectateur rendu transi n'étant pas prêt d'oublier le talent de cette actrice néophyte au potentiel naturel !
Lestement mis en scènedans une chimère romanesque inimitable, Poupoupidou est un poème en demi-teinte. Aussi frais, éthéré, drôle, angélique et passionné que lugubre, nonchalant, touchant et tragique dans le rêve insoluble que se partagent David et Candice. Par l'hypocrisie, la cupidité des hommes et la providence d'un hasard inéquitable, leur frêle destin s'édifie en conte désenchanté inscrit dans l'élégie. La désillusion fatale de deux êtres candides séparés par la mort mais dont leur liaison sous-jacente va finalement se convertir au travers d'une lettre de compassion. Poupoupidou étant finalement l'histoire fragile d'une princesse incomprise par qui la célébrité orgueilleuse aura tout détruit. On s'extrait de l'esprit de Candice bouleversé et hanté par sa stature de nouvelle Marilyn destinée à répéter sa légende brocardée.
de Rolf De Heer. 1993. Australie/italie. 1h52. Avec Nicholas Hope, Claire Benito, Ralph Cotterill, Carmel Johnson, Syd Brisbane, Nikki Price, Norman Kaye, Paul Philpot, Peter Monaghan, Natalie Carr.
Sortie en salles en France le 1 novembre 1995. U.S: 26 Avril 2005
FILMOGRAPHIE: Rolf De Heer est un réalisateur, producteur, scénariste et compositeur australien d'origine néerlandaise, né le 4 Mai 1951 à Heemskerk (Pays-Bas). 1984: Sur les ailes du tigre. 1988: Encounter at Raven's Gate. 1991: Dingo. 1993: Bad Boy Bubby. 1996: La Chambre Tranquille. 1997: Epsilon. 1999: Dance me to My Song. 2001: Le Vieux qui lisait des romans d'amour. 2002: The Tracker. 2003: Le Projet d'Alexandra. 2006: 10 canoës, 150 lances et 3 épouses.
En 1995 sort dans une quasi-indifférence un long métrage australien signé d’un réalisateur néerlandais. Inondé de récompenses dans divers festivals internationaux, Bad Boy Bubbygagne, au fil du bouche-à-oreille, un statut d’ovni hybride : dérangeant, beau et sordide, où l’humanisme candide de son protagoniste ébranle un public friand d’anticonformisme.
Le pitch : Bubby, 35 ans, vit reclus comme un animal dans sa maison familiale, sous la férule d’une mégère incestueuse. Enfermé, maltraité, réduit en esclave, il partage son isolement avec un chat de gouttière. Jusqu’au jour où, jalousé par les retrouvailles inespérées avec son père alcoolique, il décide de se rebeller et de franchir les frontières industrielles de sa prison.
Éprouvante, profondément malsaine et dérangeante, la première demi-heure rivalise de déviance dans ce foyer insalubre, où quelques cafards jonchent le sol et un chat est séquestré dans une cage. Sa mère, ventripotente et perverse, impose à son rejeton inculte de rester assis sur une chaise toute la journée durant ses absences prolongées. Parfois, elle l’étouffe tranquillement en lui bouchant bouche et nez. Pour sortir de la maison, elle se déplace en ville avec un masque à gaz, feignant auprès de son fils que l’air urbain est empoisonné, proche des bâtiments industriels. Abruti par une existence sans compassion, sans amour, sans notion du bien ni du mal, Bubby endure son ennui, son seul loisir étant d’asphyxier un chat domestique, par curiosité morbide. Ces scènes, d’une cruauté extrême et d’un réalisme glaçant, poussent à s’interroger : le chat a-t-il vraiment souffert, sacrifié pour mieux nous ébranler ? Avec l’arrivée inopinée de son père alcoolique, Bubby s’extériorise, adoptant une attitude de débauche sexuelle envers sa mère.
Par la suite, après nous avoir fait vivre dans un souci documentaire — un peu comparable au climat ombrageux et dépressif d’Eraserhead de Lynch — le sordide quotidien d’un homme réduit à l’état primitif, le réalisateur amorce lentement une quête initiatique. Il s’agit d’illustrer le profil d’un quidam arriéré — comparable au monstre de Frankenstein par son ignorance et sa pudeur déficiente — rencontrant au hasard des rues la jungle des marginaux, intégristes, artistes bénévoles et handicapés dystrophiés. Durant ce parcours d’un homme autrefois refoulé et molesté, Rolf De Heer filme de façon corrosive le portrait poignant d’un être esseulé, perdu au cœur d’une cité où les citadins cherchent un sens métaphysique à leur existence. À la manière d’un poème décalé sur l’absurdité humaine, Bad Boy Bubbyse déploie en magnifique récit initiatique, vers la raison et la rédemption. En fustigeant la religion responsable du fondamentalisme, le film devient aussi un hymne à la liberté la plus autonome, ainsi qu’à l’épanouissement de l’amour. Dans le rôle du clochard fasciné par les merveilles du monde, Nicholas Hope époustoufle par son jeu naturel et son regard empli d’innocence. Son chemin fantasque cristallise un message de tolérance, une fraternité envers les exclus, et une quête identitaire vers l’accomplissement.
"Bad Boy Bubby : L’odyssée crue d’une âme captive".
Choquant, déstabilisant, glauque, parfois malsain lors de sa première partie effrontée, le film de Rolf De Heer adopte une mise en scène singulière, inscrite dans la crudité, pour dépeindre avec sensibilité un univers aliénant et débridé. Caustique, désincarné, débridé, poétique, drôle et profondément bouleversant, porté par l’interprétation fébrile d’un acteur au jeu infantile, Bad Boy Bubbyest un ovni anticonformiste. Il transcende le portrait d’un homme chrysalide, découvrant peu à peu les nouveaux repères de son existence. Chef-d’œuvre dédié aux laissés-pour-compte, aux marginaux et aux athées, il s’impose comme une déclaration d’amour à la banalité de notre existence, ancrée dans l’instant présent.
Dédicace à Isabelle et Eugène Rocton, et Philippe Blanc. *Bruno
01.11.11.
Récompenses:Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise en 1993.
Prix du Meilleur Réalisateur, meilleur scénario, meilleur montage et meilleur acteur pour Nicholas Hope lors des Australian Film Institute Awards en 1994. Prix du Meilleur Film, Meilleur Acteur, Meilleure Mise en scène au Festival du film de Seattle en 1994. Prix du Public, Prix RFM, Prix des Etudiants, Prix Spécial du Jury au Festival d'action et d'Aventures de Valenciennes en 1995. Prix Très Spécial à Paris en 1995