jeudi 16 mai 2013

La Nuit des Maléfices / Satan's Skin / Blood on Satan's Claw

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site culturopoing.com

de Piers Haggard. 1971. Angleterre. 1h36. Avec Linda Hayden, Michele Dotrice, Patrick Wymark, Barry Andrews, Wendy Patbury, Anthony Ainley, Charlotte Mitchell.

Sortie salles France: 19 Juillet 1972

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Piers Haggard est un réalisateur anglais, né le 18 Mars 1939 à Londres.
1970: La Nuit des maléfices, 1979: The Quatermass conclusion, 1980: Le Complot diabolique du Dr. Fu Manchu, 1981: Venin, 1994: La Brèche, 2006: Les pêcheurs de coquillage Saison 1.


Quel bien étrange sabbat que cette Nuit des Maléfices mis en scène par un réalisateur éclectique ayant à son actif une pléthore de longs-métrages, téléfilms et diverses séries TV. Si on lui doit en 1981 le formidable Venin et la 4è aventure de Quatermass réalisée deux ans plus tôt, Piers Haggard ne possède pas plus de réussites probantes au fil de sa carrière. A l'exception de cette modeste production horrifique réalisée avec un souci d'esthétisme poético-funeste. Et si le rythme de sa première demi-heure avait gagné à être un peu plus vigoureux (je chipote quand même), la suite se révèle toujours plus captivante, immersive et charpentée pour illustrer avec force et détails nombre d'incidents inquiétants fondés sur l'emprise de la sorcellerie et le culte satanique.

Synopsis: Dans un petit village anglais du 18è siècle, d'étranges évènements viennent ébranler la tranquillité des villageois. Alors qu'un paysan vient de découvrir dans son champ une tête d'apparence humaine, certains citadins sont épris d'hallucinations collectives. Une main griffue semble daigner intenter à leur vie sous l'allégeance d'un démon. En prime, au sein de la forêt, une jeune fille perfide pratique d'étranges rites afin d'inciter la population à invoquer Satan en personne. 


Ce qui frappe d'emblée quand on découvre La Nuit des Maléfices, c'est la beauté formelle impartie à ces décors bucoliques au sein de sa nature forestière. La gestion du cadre permet en outre de styliser certaines images oniriques d'une étonnante beauté végétale. Cette scénographie foisonnante, le soin alloué au moindres détails dégagent un charme vénéneux étrangement poétique. En prime, le jeu adroit de chaque comédien et la manière inédite à laquelle ils se voient confrontés au Mal renforcent le caractère crédible de cette évocation maléfique insinueuse. Si les violents incidents qui jalonnent le récit s'avèrent récursifs jusqu'au présage du fameux cérémonial, Piers Haggard réussit à insuffler une réelle efficacité à travers sa conduite narrative sans surprise. Car par l'entremise d'un stigmate corporel horriblement velu, les villageois sont peu à peu atteints d'une emprise démoniaque incontrôlée. A l'instar d'une épidémie, la plupart d'entre eux éprouvent un irrésistible besoin de provoquer le mal et pratiquer le sacrifice sous l'allégeance d'une sorcière lascive. Le climat d'étrangeté prégnant qui émane du récit et l'horreur de certaines séquences (en se resituant dans le contexte de l'époque) réussissent à provoquer un malaise sous-jacent, à l'instar du viol communautaire et du sacrifice pratiqués sur une jeune vierge démunie. Si la plupart des protagonistes se retrouvent tributaires de  l'influence du Mal, le réalisateur leur invoque dans son dernier acte une traditionnelle "chasse aux sorcières" également surprenante dans sa manière de la traiter à l'écran par des effets de ralenti obscurcissant son climat cryptique des plus convaincant.


Autour des thèmes de l'emprise maléfique, l'influence superstitieuse et la traditionnelle chasse aux sorcières, Piers Haggard réalise avec La Nuit des Maléfices une étonnante série B irrationnelle. Un film d'épouvante séculaire particulièrement soigné dans son esthétisme naturaliste et l'aura inquiétante qui en découle toujours prédominante. Une perle du genre au demeurant. 

*Bruno
12.04.2025. 2èx. 
16.05.13

mercredi 15 mai 2013

Miss Bala

                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site downloadfilmkv.blogspot.com

de Gerardo Naranjo. 2011. Mexique/U.S.A. 1h53. Avec Stéphanie Sigman, Noe Hernandez, Miguel Couturier, Jose Yenque, Irene Azuela, Gabriel Heads, James Russo.

Sortie salles France: 13 Mai 2011 (Cannes) 2 mai 2012 (sortie nationale limitée). Mexique: 9 Septembre 2011.

FILMOGRAPHIE: Nicolas Lopez est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur mexicain.
2004: Malachance. 2006: Drama/mex. 2008: Voy a explotar. 2010: Revolucion. 2011: Miss Bala. 2020 : Viena and the Fantomes. 2020 : Kokoloko


"Modèle de mise en scène."
Oeuvre coup de poing d'une intensité dramatique éprouvante, Miss Alba relate avec rugueux réalisme le destin de Laura Guerrero, jeune mexicaine postulant pour un concours de beauté afin de subvenir à sa famille. Après avoir été témoin de meurtres et de la disparition de son amie, elle est engagée par une organisation criminelle, l'Etoile, pour être impliquée contre son gré dans des missions périlleuses. Incapable d'avoir un quelconque soutien du côté de la police, elle se retrouve embarquée au sein d'une guérilla criminelle auquel l'Etoile envisage d'intenter un attentat contre le général Salomón Duarte. A l'instar d'un reportage pris sur le vif à la maîtrise technique stupéfiante (qui plus est inspiré d'un fait réel concernant le profil de Laura Zúñiga), Gerardo Naranjo nous établit le constat implacable d'un état mexicain englué dans la corruption et la violence. Celui d'une criminalité omniprésente (la guerre de la drogue fit plus de 36 000 morts entre 2006 et 2011) auquel le trafic de drogue génère plus de 25 milliards de dollars par an. Qui plus est, la ville au cours duquel se situe l'action fut considérée comme la plus violente du monde entre 1992 et 2001 (elle passera ensuite à la seconde position à partir de 2008). Ainsi, à travers le sombre destin d'une jeune otage mexicaine contrainte de se corrompre auprès d'un cartel, le réalisateur nous fait pénétrer à l'intérieur de cette milice avec l'efficacité d'un souci de vérité à couper le souffle ! 


Si bien que parmi la présence de l'héroïne, nous sommes véritablement plongés dans un univers chaotique de précarité puisque contrainte de suivre quotidiennement les exactions meurtrières de l'Etoile. Alors qu'au creux des cités urbaines, et en dépit de la présence sournoise de la police, un sentiment d'insécurité permanent y est infiltré. Avec une belle densité psychologique, Gerardo Naranjo nous dépeint notamment un magnifique portrait de femme déchue au courage singulier. Epiée, fustigée, abusée, violée par son leader et incessamment expédiée de force vers des missions belliqueuses pour le bénéfice de la drogue, Laura Guerrero doit en alternance concourir (aussi paradoxal soit-il) au titre de  "Miss basse Californie" financée par sa propre organisation. Stéphanie Sigman (dont il s'agit ici de son 2è rôle pour un long), nous révélant une grâce fébrile dans son humanité déchue, une bravoure insensée pour la survie, un désespoir forcené de ne pouvoir s'extraire de sa hiérarchie arbitraire. Une actrice juvénile habitée par la candeur, tant par sa présence longiligne que pour sa retenue émotive si poignante.


Ponctué de séquences d'action frénétiques dans sa mise en scène virtuose et fort d'une ambiance particulièrement ténébreuse (renforcée de la monochromie d'une photo sépia), Miss Bala fait d'autant plus la part belle au suspense sous-jacent afin de connaître l'issue fataliste de cette femme objet. Un film choc hypnotique donc qui dénonce avec vigueur implacable toute forme de corruption implantée par les puissants cartels de la drogue tout en pointant du doigt la misogynie d'une société littéralement phallocrate. Or, cette violence radicale qui prédomine l'intrigue se refuse d'autant mieux à l'esbroufe afin de coller au plus près de la réalité sordide du sujet. On peut également évoquer le cinéma de John Carpenter auprès de l'incroyable maîtrise des séquences d'action stylisées renforcées du format large. 

*Bruno
15.05.13.
26.02.25. Vost

vendredi 10 mai 2013

THE PLACE BEYOND THE PINES

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsfix.com

de Derek Cianfrance. 2012. U.S.A. 2h19. Avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Rose Byrne, Eva Mendes, Ray Liotta, Bruce Greenwood, Dane DeHaan.

Sortie salles France: 20 Mars 2013. U.S: 29 Mars 2013

FILMOGRAPHIE:  Derek Cianfrance est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Janvier 1974.
1998: Brother Tied. 2010: Blue Valentine. 2012: The Place Beyond the Pines. 2014: Chef.


Un an après s'être fait révélé dans Drive, Ryan Goslin se retrouve à nouveau catalogué dans le rôle du "bad boy au grand coeur" dans un polar flamboyant traversé d'éclairs de poésie lyrique. Si l'acteur reprend le personnage qu'il avait incarné dans le polar stylisé de Nicolas Winding Refn, il se révèle ici un peu plus extraverti et beaucoup plus irréfléchi dans son caractère obtus en multipliant les bourdes irréparables. Pourtant, le pitch de départ laisse craindre un film policier conventionnel entièrement bâti sur sa notoriété (un cascadeur paumé décide de braquer des banques pour subvenir à sa famille). Mais The Place beyond the pines s'avère un astucieux simulacre constamment surprenant par la densité d'un scénario impeccablement charpenté. Si les clichés usuels précités pullulent dans sa première partie, le réalisateur réussit à les exploiter avec l'efficacité d'une réalisation circonspecte entièrement vouée à l'étude caractérielle de ses personnages. Scindé en trois parties distinctes, la trame préalablement éculée va donc peu à peu développer une nouvelle intrigue bâtie autour d'un autre personnage éloquent, un flic de routine compromis à une bavure policière. Par la faute de son acte, cette nouvelle entrée en scène de ce personnage équivoque va nous ensuite nous confronter vers un retournement de situation d'une audace inouïe, à tel point que le spectateur dérouté aura du mal à concevoir cette réalité !


C'est véritablement à partir de sa deuxième partie plus intense que le film empreinte une dimension plus inquiétante par son suspense sous-jacent en traitant d'un cas de corruption policière. Là encore, les clichés reprennent du galop dans l'illustration scrupuleuse d'un flic épris de remord, prêt à balancer ses collègues ripoux (on pense à Copland et Serpico) pour se racheter une conscience, et par la même occasion accéder à un poste plus important. Sous ce canevas ressassé mais inexorablement captivant de maîtrise, on se demande tout de même où souhaite nous mener le réalisateur ! Vers la dramaturgie  d'une troisième partie vertigineuse où la fragilité des personnages va prendre un tournant décisive pour leur destin imparti. Ainsi, à travers le sort galvaudé d'un braqueur solitaire sans repères, faute d'un père absent, Derek Cianfrance aborde donc sans fioriture les thèmes de la démission parentale et de la filiation dépendante d'une délinquance juvénile. Des répercussions désastreuses que peuvent subir les enfants quand la lâcheté d'un homme de loi s'est résolu à préserver un odieux mensonge. De cet acte immoral va déboucher le remord, la quête de repentance mais aussi la rancoeur vindicative du point de vue des victimes, leur quête de vérité auquel deux adolescents vont communément devoir s'affronter pour retrouver un semblant de dignité.


Fascinant et incessamment envoûtant, The Place beyond the Pines s'érige en drame humain en démontrant à quel point l'absence parentale, le mensonge et la corruption peuvent véhiculer de lourdes contrariétés, voires des blessures incurables sur la postérité. Réalisé dans un souci de réalisme documenté et magnifiquement dirigé par des comédiens vacillants (Eva Mendes et le jeune Dane DeHaan sont bouleversants de rancoeur meurtrie !), ce polar en trois actes exacerbe toujours un peu plus son cheminement irréversible jusqu'au dénouement irrévocable. Un grand moment de cinéma lyrique porté par la grâce de ces acteurs (le bellâtre Bradley Cooper n'eut jamais été aussi convaincant !) au service d'une narration au cordeau.  

10.05.13
Bruno 


jeudi 9 mai 2013

ED WOOD

                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site alexandrestojkovic.blogspot.com

de Tim Burton. 1994. U.S.A. 2h06. Avec Johnny Depp, Martin Landau, Patricia Arquette, Sarah Jessica Parker, Bill Murray, Jeffrey Jones, Lisa Marie.

Sortie salles France: 21 Juin 1995. U.S: 28 Septembre 1994

FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie.
1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie.


Edward D. Wood Jr continua le combat à Hollywood, mais le succès ne cessa de lui échapper. Après un lent naufrage dans l'alcool et des films d'horreur "dénudés", il mourut d'un crise cardiaque en 1978. Il avait 54 ans. 
Deux ans après, il fut sacré "plus mauvais réalisateur de tous les temps", ce qui lui valut la reconnaissance internationale. Depuis, des cinéphiles du monde entier lui vouent un culte. 

Voici mon hommage...

Eloge à l'industrie du cinéma Z à travers un réalisateur en herbe, Ed Wood relate la biographie d'un personnage hors normes, considéré comme le cinéaste le plus mauvais de tous les temps. En alternant drôlerie et émotion, le film déclare également une révérence à l'un des grands acteurs du cinéma d'épouvante (Bela Lugosi, transcendé ici par la prestance du vétéran Martin Landau !). Dans une superbe photo monochrome, Tim Burton nous retrace le parcours improbable d'un artiste du cinéma transi de volonté pour sa passion du cinéma. Avec une équipe d'accessoiristes et d'acteurs au rabais, ce réalisateur excentrique (il se travestissait parfois en femme durant ses tournages !) n'aura de cesse d'user d'impertinence et de boniment afin de convaincre n'importe quel producteur à sa portée que son futur projet sera voué à la notoriété. Fasciné par l'oeuvre emblématique d'Orson Welles baptisée   Citizen Kane, Edward D. Wood Jr se persuada qu'il possédait le talent inné pour façonner des oeuvres aussi substantielles par l'entremise du cinéma de genre. Mais surtout, l'amour sincère qu'il allouait à l'acteur hongrois Bela Lugosi était si digne qu'il réussit à convaincre ce dernier d'incarner des rôles de faire-valoir dans ces oeuvrettes les plus saugrenues. C'est d'ailleurs avec Plan Nine from outer space (financé par l'église catholique !), qu'Edward D. Wood parvint à accéder à la postérité. 


Avec une humble humanité, Tim Burton délivre notamment un poignant hommage à un illustre comédien immortalisé par son rôle vampirique mais malencontreusement réduit à l'indifférence vers la fin de sa carrière. Dépendant de la morphine et réduit à la solitude depuis le décès de son épouse, Bela Lugosi traîne ici sa silhouette sous l'apparence du comédien Martin Landau. Littéralement habité par son entité, l'acteur insuffle avec une émotion élégiaque le portrait déclinant d'une légende sclérosée. Une ancienne célébrité isolée du monde extérieur et réfugiée dans ses souvenirs populaires, hanté à jamais par son incarnation de Dracula. Sa relation amicale qu'il finit par entretenir avec Ed Wood  nous émeut par leur complicité mais aussi leur tendresse commune impartie à la chimère de la caméra ! Dans le rôle d'Ed Wood, Johnny Depp véhicule une spontanéité pleine d'extravagance pour retranscrire les états d'âme d'un luron amateur émerveillé par l'omnipotence du cinéma ! Avec des moyens techniques dérisoires et une équipe de seconds rôles non professionnels, ce personnage facétieux usa de constance dans ces audaces, mensonges et subterfuges pour parvenir à ses fins et filmer coûte que coûte les plus improbables divagations ! 


Transcendé par la prestance de comédiens férus de naturel et d'enthousiasme, Ed Wood condense la  flamboyante biographie d'un baladin entièrement voué à sa passion de cinéphage. Car en dehors du portrait alloué à une autre légende du cinéma de genre, ces deux témoignages engendrent un vibrant hommage à tous ces artisans discrédités de leur précarité mais pour autant transis d'amour pour leur foi au 7è art. Depuis ses travaux, Ed Wood, le personnage, est devenu l'emblème du nanar débridé à la poésie nonsensique ! Cette ultime déclaration d'amour aux séries Z se clôturant sur un bouleversant mémorial à tous ces quidams laissés dans l'ombre des projecteurs.

09.05.13. 2èx
Bruno Matéï

Récompenses: Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour Martin Landau
Meilleurs Maquillage pour Rick Baker, Ve Neill et Yolanda Toussieng
Golden Globes du Meilleur acteur dans un second rôle pour Martin Landau
Saturn Awards du Meilleur Acteur pour Martin Landau, Meilleure Musique pour Howard Shore
Screen Actors Guild Award: Meilleur Acteur dans un second rôle pour Martin Landau
NSFC Awards: Meilleur Acteur dans un second rôle pour Martin Landau, Meilleure Photographie pour Stefan Czapsky.

mercredi 8 mai 2013

The Proposition. Grand Prix du Jury, Valenciennes, 2009

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site forum.westernmovies.fr

de John Hilcoat. 2005. Australie/Angleterre. 1h44. Avec Richard Wilson, Noah Taylor, Guy Pearce, Jeremy Madrona, Jae Mamuyac, Mick Roughan, Shane Watt.

Sortie salles France: 16 Décembre 2009

FILMOGRAPHIE: John Hilcoat est un cinéaste australien, né en 1961 au Queensland. 
1988 : Ghosts... of the Civil Dead. 1996 : To Have and to Hold. 2005 : The Proposition. 2009 : La Route (The Road). 2012 : Des hommes sans loi (Lawless).


Avant de se faire connaître du grand public avec son odyssée post-apocalyptique La Route, John Hillcoat réalisait, quatre ans plus tôt, un western crépusculaire imprégné de poésie métaphysique. Transcendé par la prestance de ses antagonistes vénaux, The Proposition retrace le cheminement funeste du gang des frères Burns, ainsi que la quête rédemptrice du capitaine Stanley, homme de loi tiraillé par une éthique vacillante.

Le pitch : À la fin du XIXe siècle, dans l’aridité australienne, les frères Charlie et Mickey Burns sont capturés par les hommes de main du capitaine Stanley. Ce dernier leur propose un marché : Charlie aura neuf jours pour retrouver et tuer leur aîné Arthur, criminel insaisissable coupable de viols et de meurtres, en échange de sa liberté et de celle de son jeune frère.


Western laconique à l’ambiance mystique et lancinante, The Proposition est un chemin de croix ; une plongée introspective dans les méandres opaques de l’âme humaine. Car à travers le portrait d’anti-héros pervertis par la haine mais ébranlés par les conséquences, Hillcoat nous entraîne dans leur dérive putride au sein d’une société coloniale en décomposition.
Tous les hommes de loi y pataugent dans une violence institutionnalisée, infligée aux esclaves noirs dans l’indifférence générale. Les hors-la-loi, eux, poursuivent leurs exactions sanguinaires, mus par une arrogance vengeresse autant que par l’accoutumance au mal. Cette complaisance dans la cruauté finit par se heurter à une crise morale, un vertige de conscience : celle d’un peuple qui découvre que la barbarie n’est qu’une spirale obscène ; celle de Charlie, criminel en sursis, rongé par la culpabilité d’avoir conduit l’innocence de son cadet à l’abattoir, tout en portant l’empreinte vénéneuse d’un aîné dominateur ; et celle, surtout, de Stanley, mari tendre et attentionné envers une épouse candide (qui ignore tout de sa justice expéditive), mais officier éreinté, de plus en plus conscient de sa déchéance intérieure — une dégringolade primitive que seule la violence semble précipiter vers l’abîme.


"Sous le Soleil, la Douleur".
Magnifiquement photographié dans une nature solaire au lyrisme spectral — une nature qui ne cesse de questionner l’Homme — et porté par des comédiens aux trognes fermées, burinées par l’absolu, ce western âpre dresse le constat implacable d’une humanité corrompue par une justice discriminatoire.
Réflexion acide sur la gangrène de la violence, où l’être humain qui s’y est aventuré finit irrémédiablement châtié, The Proposition est un électrochoc d’une intensité telle qu’on en sort difficilement indemne.
L’un des westerns les plus rugueux jamais tournés — la séquence de flagellation est insoutenable, elle hante longtemps après la projection — mais aussi un poème existentiel sur l’éthique, la honte, et les fantômes de la rédemption.


08.05.13
Bruno 
 
Récompenses: Festival International de Valenciennes: Grand Prix du Jury
Australian Film Institute: Meilleure Photographie (Benoît Delhomme), Meilleurs Costumes (Margot Wilson), Meilleure Musique originale ( Nick Cave, Warren Ellis), Meilleure Production
Australia Film Critics: Meilleure Photographie (Benoît Delhomme), Meilleure Musique originale (Nick Cave, Warren Ellis).
Chlotrudis Awards: Meilleur Scénario (Nick Cave)
Inside Film Awards (IF Awards): Meilleure Photographie (Benoît Delhomme), Meilleur Film, Meilleure Musique (Nick Caven Warren Ellis), Meilleure Production
San Diego Film Critics: Meilleur Second rôle (Ray Winstone)  
Festival de Venise: Prix Gucci du Meilleur scénario (Nick Cave)


mardi 7 mai 2013

Evil-Dead 3, l'Armée des Ténèbres / Evil-dead 3, Army of Darkness

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site holypapershit.wordpress.com

de Sam Raimi. 1992. U.S.A. 1h36 (Director's cut). Avec Bruce Campbell, Embeth Davidtz, Marcus Gilbert, Ian Abercrombie, Richard Grove.

Sortie salles France: 5 Janvier 1994. U.S: 19 Février 1993

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.

 
"Ash et l’ombre des démons : la bataille funeste".
Troisième volet de la saga Evil Dead, L’Armée des Ténèbres replonge dans un délire horrifique qui, cette fois, privilégie l’action homérique et l’aventure mythologique, saupoudrées d’un comique cartoonesque. Hommage vibrant au maître du stop motion Ray Harryhausen — l’armée de squelettes livrant une bataille insensée —, clin d’œil au gothisme transalpin dans ses séquences crépusculaires du moulin et du cimetière, Evil Dead 3 déborde d’énergie et d’idées retorses, soutenu par des FX calibrés, pour nous propulser au cœur d’une épopée chevaleresque aussi folingue que jubilatoire, techniquement emballée avec un brio ébouriffant et vertigineux.

Le pitch : Ash, catapulté en l’an 1300 par une force démoniaque, est fait prisonnier par les chevaliers du roi Arthur. Pour retrouver sa liberté et regagner son époque, il doit récupérer le nécronomicon, sous la tutelle d’un illustre sorcier. Mais en récitant la mauvaise formule, Ash libère une armée de démons, déclenchant une bataille médiévale dantesque.

Si Evil Dead 2 avait déjà embrassé un délire cartoonesque en abandonnant la facture effrayante du modèle, Sam Raimi pousse ici le bouchon encore plus loin, oscillant dans un grotesque jubilatoire. Ce nouveau chapitre fait du genre aventure médiévale fantastique son terrain de jeu, où le roi Arthur et ses chevaliers sont asservis aux forces démoniaques du nécronomicon. Avec l’aide de notre héros versatile venu du futur, ils devront livrer bataille contre l’armée infernale.

Mais avant ce choc tant attendu, Raimi s’amuse à martyriser son héros dans une multitude de déconvenues burlesques confinées à des lieux clos : un puits, un moulin, une colline de cimetière. Armé d’une tronçonneuse puis d’une main d’acier, Bruce Campbell s’érige en héros des temps modernes, guerrier futuriste à la fois couard et téméraire, empoté et vaillant. Dans un jeu de mimétisme démentiel, il se livre à un festival de pitreries outrées, incarnant un héros égoïste, parfois masochiste, pris à la gorge par des démons railleurs — les incubes du puits, les lilliputiens enfantés par Ash, les squelettes commandés par un zombie putréfié. Bref, un bonheur en roue libre, ultra fun et décomplexé.


Si l’horreur, ici, se fait plus discrète, L’Armée des Ténèbres s’impose en spectacle trépidant, transcendé par la mise en scène foisonnante et rusée de Raimi. La présence iconique de Bruce Campbell, flamboyant dans sa posture conquérante, doit beaucoup au caractère fantaisiste de cette odyssée médiévale, propulsée par un délire épique. Un troisième opus à marquer d’une pierre blanche.

A Ray Harryhausen (qui vient de nous quitter à l'âge de 92 ans).

*Bruno
07.05.13
13.08.24. 6èx. Vostfr

Récompenses: Corbeau d'Or au Festival du film fantastique de Bruxelles, 1993
Prix de la Critique au Festival Fantasporto, 1993
Saturn Award du meilleur film d'horreur, 1994

lundi 6 mai 2013

DICK TRACY

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site movies.film-cine.com

de Warren Beatty. 1990. U.S.A. 1h45. Avec Warren Beatty, Al Pacino, Charlie Korsmo, Glenne Headly, Madonna, Dustin Hoffman, William Forsythe, Ed O'Ross, Charles Durning, Seymour Cassel, Mandy Patinkin, R.G. Armstrong, James Tolkan, Henry Silva, James Caan, Paul Sorvino, Estelle Parsons.

Récompenses: Oscar du meilleur maquillage pour John Caglione Jr et Doug Drexler
Oscar de la meilleure direction artistique pour Richard Sylbert et Rick Simpson pour les décors
Oscar de la meilleure chanson originale pour Soony or Later de Stephen Sondheim.

Sortie Salles: 15 Juin 1990

FILMOGRAPHIE: Warren Beatty est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 30 Mars 1937 à Richmond, Virginie.
1978: Le Ciel peut attendre. 1981: Reds. 1990: Dick Tracy. 1998: Bulworth


Pour sa troisième réalisation, l'acteur Warren Beatty décide de rendre hommage à une célèbre bande dessinée crée par Chester Gould en 1931. Avec une distribution prestigieuse réunissant Al Pacino, Dustin Hoffman, Warren Beatty himself (très à l'aise dans ces 2 postes !), la chanteuse Madonna et un florilège de seconds-rôles rendus méconnaissables sous leur maquillage, Dick Tracy est une aventure clinquante transcendée par leur extravagance. Situé à l'époque des années 30, le film illustre les aventures du détective Dick Tracy contraint de déjouer les ambitions cupides d'un mafioso mégalo, Big Boy. Un soir, il découvre par hasard l'existence miséreuse d'un enfant maltraité et décide de lui porter secours. Ensemble, ils vont finalement s'unifier et user de stratagème pour mettre un terme aux agissements mafieux de la pègre. Mais alors que Dick est secrètement amoureux de sa fidèle amie Tess, ses sentiments vont bientôt être contrariés par le désespoir d'une chanteuse de bar, Breathless Mahoney. Asservie par l'autorité du gangster Big Boy, elle aspire à trouver une vie plus épanouie sous l'égide de notre illustre détective.


Si le scénario orthodoxe n'apporte finalement que peu de surprises (en dehors du suspense entretenu pour démasquer l'énigmatique justicier sans visage), ce divertissement rondement mené se distingue notamment par l'humanité de ses personnages. En priorité pour le trio attendrissant formé par Dick, Tess et le bambin, le Kid ! (dans son rôle infantile, Charlie Korsmo s'avère épatant de naturel !).
Sous couvert d'un film d'action visuellement cartoonesque et la présence interlope d'antagonistes au physique buriné (Al Pacino est quasi méconnaissable dans la peau de Big Boy !) ou difforme (le marmoneux, tête plâte), Dick Tracy préconise la romance candide. Le réalisateur accordant une belle importance à dépeindre avec pudeur la relation timorée du détective pour sa jeune amie solitaire. En prime, son rapport indécis avec la chanteuse Breathless et l'attitude paternelle qu'il va peu à peu engendrer avec le Kid nous illustrent bien sa quête intrinsèque du bonheur conjugal.
En dehors de séquences d'action parfois spectaculaires et fertiles en subterfuges, l'aventure s'alloue par ailleurs d'un humour espiègle dans ses situations débridées (l'interrogatoire avec le marmoneux) et dans la verve de dialogues ciselés. Le soin apporté au design des décors (naturels ou en matte painting), à la photographie flamboyante, à la musique orchestrale de Danny Elfman mais aussi aux chansons élégiaques d'une Madonna aigrie exacerbent l'élégance formelle d'une réalisation inspirée.


Sous une photographie rutilante saturée de teintes polychromes, de manière à mettre en exergue son esprit BD, Dick Tracy insuffle un charme irrésistible dans ces aventures attrayantes et fait la part belle aux sentiments nobles dans son alliage d'action, d'aventures, d'humour et de romance. Pétillant et plein de fraîcheur !

05.05.13
Bruno Matéï

vendredi 3 mai 2013

Evil-Dead 2013

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site aiguisemoica.blogspot.com

de Fede Alvarez. 2013. U.S.A. 1h36 (uncut version). Avec Jane Levy, Shiloh Fernandez, Jessica Lucas, Lou Taylor Pucci, Elizabeth Blackmore.

Sortie salles France: 1er Mai 2013. U.S: 5 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Fede Alvarez est un réalisateur uruguayen, né le 9 Février 1978 à Montevideo.
2009: Ataque de Panico (court-métrage). 2013: Evil-Dead. 


"Cabane rouge, âme noire".
Attendu comme le messie autant que redouté par les fans irréductibles de son modèle, Evil Dead, le remake, attisa notre curiosité dès ses trailers hargneux, violemment percutants. Mais n’y allons pas par quatre chemins : ce remake est un cadeau inespéré.

Dès l’abord, on peut saluer l’intégrité du réalisateur d’avoir conçu un film d’horreur premier degré, pétri d’une véritable ambiance à l’ancienne. Sans esbroufe gratuite, sans humour potache. Juste l’inquiétude rampante, l’appréhension sourde, ce sentiment d’insécurité qui ne fait que croître jusqu’à la folie furieuse. Et surtout, un respect humble et intelligent de l’essence du film originel.

Certains lui reprochent une certaine vacuité des personnages, alors que son ancêtre souffrait déjà d’une interprétation superficielle — même l’icône Bruce Campbell y était largement perfectible. Ici, au contraire, la prestance tranchante de Jane Levy suscite autant l’empathie que l’effroi, dans son rôle de toxicomane chétive, dévorée par la paranoïa et la démence. Une jeune fille en perte de repères, contrainte de se sevrer au fond d’une cabane, aidée de ses proches — alors que le Mal, déjà, rôde tout près, prêt à s’immiscer en elle.

L’idée est brillante : l’addiction sert de prétexte au repli, au huis clos, et la fraternité familiale, bien que discrètement esquissée, donne de l’étoffe aux rapports dysfonctionnels entre frère et sœur, à peine survivants. Les crises de délire de Mia ? Des symptômes de manque, se disent d’abord ses amis. Ils la forcent à rester enfermée dans la cabane. Mais ils ignorent que Mia, à l’instant même, vient d’être violée dans les bois par une entité démoniaque. Le Mal est déjà à l’intérieur.

Le sérieux avec lequel Fede Alvarez raconte son histoire nous implique immédiatement dans le désarroi de Mia. Et la tension, palpable dès le départ, grimpe inexorablement durant sa lente dégénérescence.

Contre toute attente (et toute crainte), le film ne verse pas dans le vulgaire copié-collé, refusant de repomper les séquences cultes du Raimi furibond. L’usage du grimoire en est la preuve : chaque événement meurtrier découle directement de ses consignes infernales, invoquées par un héros bien mal inspiré.

Evil Dead, version 2013, surprend, tétanise, impose une panique brute face à ses séquences chocs d’une efficacité viscérale, presque insoutenable dans leur réalisme hardcore. Jalonné de clins d’œil respectueux à l’œuvre-mère (les bruitages, la musique ombrageuse), le film regorge aussi d’idées retorses — ces mutilations que s’infligent les possédés sont autant de cris de chair qu’on ne peut oublier.

Fede Alvarez ose, cogne, déchaîne un orage gore où l’intensité monte en flèche, jusqu’à la saturation. Et nous, spectateurs, ballotés dans ce cauchemar qui se déploie comme une spirale, assistons impuissants à la boucherie de ces victimes auxquelles, malgré tout, on s’était attachés.

Ici, l’humour noir se fait plus rare, moins railleur. Mais la verve obscène des démons évoque parfois les infamies dégorgeantes de la petite Regan de L’Exorciste.

 
"Une aiguille dans l’enfer".
Mené sur un rythme effréné, formellement rugueux, inventif dans ses détails, viscéralement cruel et d’une violence sèche, Evil Dead nous cloue au siège comme une montagne russe en flammes. Hargneux, anxiogène, parfois terrifiant, le film rend hommage à son modèle avec une dignité et une maîtrise (presque) inattendues chez un jeune réalisateur.

Et si, en 2012, le paysage horrifique semblait décliner, Evil Dead en a redoré le blason. La nouvelle génération, à son tour, pourrait bien lui vouer un culte. Car il est rare, si rare, d’être confronté à un “vrai” film d’horreur à l’ancienne, obsédé par cette acuité du malaise qu’il cultive avec un sérieux presque sacré.

*Bruno

La critique de Gilles Rollandhttp://www.onrembobine.fr/critiques/critique-evil-dead-2013

La critique d'Evil-dead, version 1981: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/05/evil-dead-evil-dead.html

04.05.13
16.01.17
24.04.23

Dark Skies

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de Scott Charles Stewart. 2013. U.S.A. 1h37. Avec Keri Russell, Dakota Goyo, Josh Hamilton, Annie Thurman, Alyvia Alyn Lind, Trevor St. John.

Sortie salles France: 26 Juin 2013. U.S: 22 Février 2013

FILMOGRAPHIE: Scott Charles Stewart est un réalisateur, producteur, acteur et scénariste américain.
2009: Legion. 2011: Priest. 2013: Dark Skies



Réalisateur de produits aseptiques parmi lesquels Legion et PriestScott Charles Stewart avait de quoi laisser dubitatif le cinéphile averti à la vue de son 3è long. Or, avec une surprenante inspiration, Dark Skies est une excellente série B du samedi soir qu'on aurait tort d'occulter. Oubliez donc l'affiche et son titre formaté et tentez l'expérience ludique d'une efficacité perpétuelle dans son art consommé de l'angoisse, du suspense et même de la terreur (à 2/3 occasions franchement percutantes). Car en empruntant le schéma classique du film de hantise exploité sous un contexte d'anticipation, Scott Stewart nous emballe un film d'angoisse passionnant et plutôt retors dans sa topographie. De prime abord, les protagonistes s'avèrent crédibles pour la caractérisation d'une famille unie rapidement témoin d'évènements aussi troubles qu'inquiétants au sein de leur foyer. Des objets et divers ustensiles sont empilés les uns sur les autres en rangée verticale sur la table de cuisine. Les enfants sont perturbés durant leur sommeil par une étrange présence alors que leurs parents sont confrontés à diverses hallucinations sous l'emprise du somnambulisme. Ainsi, sur un rythme métronome, le réalisateur continue d'exploiter nombre d'incidents inexpliqués afin d'entretenir l'anxiété (tels ses stigmates retrouvés sur le corps des bambins) mais aussi insuffler une notion de suspense latent tout à fait captivant. 


Car trouble et inquiétant, Dark Skies nous évoque essentiellement une conspiration extra-terrestre régie sous le mode de l'abduction. Mais la manière dont le réalisateur nous amène cette idée éculée s'avère à la fois efficiente et convaincante de par sa persuasion d'y provoquer la peur d'une hostilité venue d'ailleurs. Qui plus est, la sobriété des protagonistes provoque l'empathie à travers leur désarroi esseulé (ils sont suspectés de mauvais traitements sur leurs enfants), contraints par ailleurs d'ignorer l'aide infructueuse de la police. Néanmoins, ses parents démunis trouveront le soutien auprès d'un expert en affaires d'enlèvements extra-terrestres. Le récit en crescendo parvient donc par l'appui de sa compétence à nous convaincre de leur existence tout en nous interrogeant au 1er degré sur la thèse des ovnis. En l'occurrence, des aliens pernicieux installés sur notre globe depuis des décennies pour une raison bien spécifique. Sur ce point, le dernier quart d'heure particulièrement cinglant cultive une tension horrifiante pour leur apparition escomptée ainsi que la destinée précaire de cette famille. D'autant plus que le réalisateur s'est intelligemment appliqué à réfuter le "happy-end" au risque de décevoir le grand public.


Mené sur un rythme sans faille, étonnamment convaincant dans sa démarche risquée de nous questionner sur l'existence des E.T, Dark Skies est une habile surprise où l'inquiétude et la peur sont à l'unisson. Efficacement angoissant (notamment la 1ère apparition du "gris", les postures erratiques des parents et le point d'orgue assez couillu pour sa radicalité dramatique), cette série B impeccablement menée possède enfin l'atout d'être servie par des comédiens attachants (et ce jusqu'aux seconds rôles infantiles, une fois n'est pas coutume) afin de renforcer l'aspect quelque peu documenté de ce cas d'ovni redoutablement perfide et pernicieux. 

*Eric Binford
15.04.25. Vost
29.11.21
03.05.13

jeudi 2 mai 2013

The Lords of Salem

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Popmovies.fr

de Rob Zombie. 2012. U.S.A. 1h41. Avec Sheri Moon Zombie, Richard Lynch, Bruce Davison, Meg Foster, Lew Temple, Ernest Lee Thomas, Ken Foree.

Sortie salles U.S: 19 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Rob Zombie est un chanteur, musicien et réalisateur américain, né le 12 Janvier 1965 à Haverhill, dans le Massachusetts. 2003: House of 1000 Corpses. 2005: The Devil's Rejects. 2007: Werewolf Women of the S.S. (trailer). 2007: Halloween. 2009: Halloween 2. 2012: The Lords of Salem.


Bad trip expérimental, messe noire invoquée au culte de Satan, délire horrifique chargé de symboles lucifériens, le nouveau Rob Zombie est un ovni anti religieux qui risque sévèrement de vous ébranler les neurones ! Difficile en l'état actuel d'évoquer ses impressions à chaud tant le film déroute méchamment. Néanmoins, et de manière prégnante, il nous préserve en mémoire des séquences cauchemardesques jamais vues au préalable ! Que l'on aime ou que l'on rejette en bloc ce pamphlet anticlérical, on ne peut nier la stylisation novatrice du réalisateur ainsi que son esthétisme formel déployant de saisissantes plages d'onirisme macabre. Qui plus est, la photographie élégamment teintée de filtres verts, sépia et rouges renforce l'aspiration du réalisateur ici régi en véritable créateur d'images picturales ! Que ce soit l'architecture religieuse d'un oratoire ou du design baroque de l'appartement de Heidi, de la nature automnale d'un parc public ou de la procession mystique du concert des Lords ! L'ambiance chaude et envoûtante, l'atmosphère urbaine palpable fonctionne si bien que l'on jurerait que ce soit une prod native des années 70.


Or, tout est dans l'art de la mise en scène et la manière de narrer une histoire d'impiété héritée des conspirations de Rosemary's Baby ou du Locataire. Si les séquences hallucinatoires (oh combien incongrues !) suggérée par l'héroïne s'avèrent au départ un peu trop récurrentes, son cheminement tortueux laisse place à d'autres évènements plus inquiétants, telle cette rencontre pernicieuse avec ces trois voisines de palier. D'ailleurs, parmi ce trio évoqué, quel plaisir de retrouver les talentueuses Meg Foster et Dee Wallace Stone dans des prestances littéralement malveillantes. Vibrant hommage aux sorcières de Salem, Rob Zombie semble habité par le malin à daigner nous entraîner dans une sarabande diabolique où la verdeur des dialogues n'a jamais été aussi scabreuse afin d'y répudier la divinité de Dieu ! Le clou du nihilisme funeste atteignant son paroxysme lors d'un final emphatique lardé d'images psychédéliques parfois couillues (on peut aussi évoquer l'univers métaphysique d'Alejandro Jodorowski). Au niveau des comédiens, chaque personnage possède la physionomie adéquate (sclérosée ou burinée pour certains) afin de camper leur rôle avec une conviction suprême. Quand à l'apparence chétive de Sheri Moon Zombie, transie d'émoi, elle promène sa silhouette à la manière d'une fantômette errante !


Danse avec le diable
Cérémoniel mortifère littéralement atypique de par son imagerie fétide (voir la séquence flamboyante du martyr des sorcières condamnées à rôtir sur le bûcher), The Lords of Salem déroute et déconcerte, ébranle nos habitudes ludiques en provoquant la fascination sépulcrale pour ceux qui sauront se laisser envoûter par son univers extrêmement occulte. Véritable ovni subversif multipliant les provocations visuelles et verbales à travers un esthétisme singulier, Rob Zombie délivre ici son film le plus personnel en auteur ambitieux. Un esthète prodige voué à l'anticonformisme au risque de déplaire une frange de spectateurs non initiés. Une chose est sure, The Lords of Salem s'érigera en phénomène culte auprès du cercle fermé des adorateurs de Satan. 
Pour public averti 

*Bruno
08.04.24. Vo
02.05.13

mercredi 1 mai 2013

Evil-dead (The Evil-Dead). Meilleure 1ère oeuvre au Rex de Paris, 1982.

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sam Raimi. 1981. U.S.A. 1h25. Avec Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, Richard DeManincor, Betsy Baker, Theresa Tilly.

Sortie salles U.S: 15 Octobre 1981 (première à Détroit). 15 Avril 1983 en sortie nationale.
France: Mai 1982 au Marché du film de Cannes. Novembre 1982 au Rex de Paris. 24 Août 1983 en sortie nationale.

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.

L’opéra de la terreur !
Le film d’horreur le plus férocement original, dixit un Stephen King abasourdi ! Depuis sa sortie rentable en salles et son illustre succès en VHS, Evil Dead s’est imposé au panthéon des films d’horreur les plus impressionnants de l’histoire. L’emblème moderne du « ouh, fais-moi peur ! », alors même que son récit puise dans les clichés usuels de l’épouvante traditionnelle : une forêt bucolique, ténébreuse, régie par des démons sataniques.

Réalisé avec des bouts de ficelle et une poignée de comédiens amateurs, cette première œuvre d’un jeune cinéaste surdoué est un moment de folie furieuse jamais contemplé sur toile. Car conçu comme un train fantôme erratique, Evil Dead est une sarabande infernale, une nuit démoniaque et irrationnelle, dans laquelle un groupe de vacanciers a la déveine de croiser les forces du mal. En empruntant le schéma classique du film de possession et le cadre du slasher champêtre, Sam Raimi se réapproprie les conventions avec une insolence jubilatoire.

Entre ses touches d’onirisme macabre et sa profusion de gore aux accents frénétiques, Evil Dead provoque l’euphorie par sa mise en scène virtuose. D’une efficacité redoutable, Raimi transcende son script éculé en jouant la carte de la provocation et de l’action cinglante dans un esprit de grand-guignol carnavalesque. Fort de son ingéniosité bricolée, il secoue le spectateur et joue avec ses nerfs, face à ces protagonistes soumis, un à un, à l’emprise démoniaque.

À la bande-son tonitruante, où ricanements moqueurs se disputent aux hurlements d’effroi, Evil Dead distille une panique masochiste chez son spectateur voyeur. Jamais série B n’aura rendu si palpable — et terrifiante — une scénographie forestière, où l’entité démoniaque semble s’infiltrer jusque dans la pellicule. À ce titre, et en frôlant miraculeusement l’écueil du ridicule, la scène du viol de Cheryl reste un moment d’anthologie, couillu, chargé d’une verve visuelle aux connotations sexuelles — c’est d’ailleurs pour cette transgression que l’Angleterre assigna Raimi devant les tribunaux.

La tension diffuse devient de plus en plus prégnante, la férocité cauchemardesque atteint son apogée lors d’une ultime demi-heure totalement débridée, quand le dernier survivant, esseulé, se retrouve confiné dans la cabane maudite, à lutter vaillamment contre les démons ricaneurs.

 
"Le rire du démon dans la pellicule".
Furieusement gore (les armes blanches pénètrent et sectionnent les chairs avec une verdeur viscérale !), diablement jouissif, méchamment railleur, Evil Dead déploie avec une vigueur rare un florilège de déviances horrifiques dignes d’un bad trip sarcastique. Chef-d’œuvre subversif d’horreur hardgore, il reste d’une modernité renversante, notamment par sa capacité à transgresser la peur en y injectant stupeur, choc, euphorie — on ne compte plus les estocades des jump scares ultra-efficients.

C’est ce qu’on appelle aussi : une déclaration d’amour. Celle d’un artiste entièrement habité par ses innovations d’alchimiste ricaneur.

*Eric Binford
01.05.13. (23è visionnage)

La critique d'Evil-Dead, version 2013: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/05/evil-dead-2013.html

RécompensesPrix du Public et le Prix de la Meilleure Première Œuvre au Festival du Rex à Paris en 1982.


L'Enfance Volée / Der Verdingbub


de Markus Imboden. 2011. Suisse. 1h48. Avec Katja Riemann, Stefan Kurt, Maximilian Simonischek, Max Hubacher, Lisa Brand, Miriam Stein.

Sortie salles en 2011 en Suisse alémanique, 18 avril 2012 en Suisse romande
FILMOGRAPHIE: Markus Imboden est un réalisateur et scénariste suisse, né le 17 Octobre 1955 à Interlaken. L'Enfance Volée est son film le plus connu dans son pays natal.


Témoignage bouleversant sur la condition des orphelins suisses mais aussi des enfants destitués de leurs parents dans les années 50, l'Enfance Volée relate ici les destins de Max et Berteli embrigadés de force dans une famille d'accueil. Avec l'autorité castratrice de leurs nouveaux parents, des fermiers miséreux sans vergogne, les adolescents vont endurer diverses maltraitances physiques et sombrer dans l'esclavage avant de tenter la rébellion.


Drame social d'une intensité dramatique toujours plus éprouvante, l'Enfance Volée est un film choc imparable sur l'intolérance et la tyrannie parentale mais aussi le laxisme des pouvoirs publics.
Sans pathos et encore moins de misérabilisme, Markus Imboden réussit avec réalisme à nous décrire le calvaire de deux adolescents asservis par des paysans rétrogrades victimes de leur médiocrité. Si le film s'avère aussi poignant, immersif et passionnant dans sa peinture sordide allouée aux valeurs familiales, il le doit surtout à la caractérisation convaincante de ces personnages. Les antagonistes réussissant avec sobriété (en dehors du jeu outrancier du pasteur) à véhiculer une humanité déclinante dans leur désoeuvrement engendré par l'alcoolisme et la précarité financière. Enfin, les deux enfants incarnés par Maximilian Simonischek et Lisa Brand forment un duo inévitablement émouvant dans leur désarroi et rancoeur esseulées. Ils nous insufflent avec pudeur une empathie naturelle de par leur jeu dépouillé inscrit dans l'humilité fraternelle.


Superbement photographié au sein d'une nature bucolique verdoyante, l'Enfance Volée est un drame fort et cruel sur l'enfance galvaudée, intelligemment détourné de fioriture et de bons sentiments. La prestance habile des comédiens permettant de nous immerger dans leur existence sordide avec une vérité humaine prédominante. Au final, il demeure difficile de sortir indemne d'un tel fardeau pour ces enfants compromis à la maltraitance et l'inceste sexuelle. Un constat édifiant auquel 100 000 d'entre eux furent du jour au lendemain destitués de leurs parents pour être placés dans des familles d'accueil miséreuses après la seconde guerre. Sans compter cet hommage humble aux baladins accordéonistes ayant survécu grâce à leur inspiration musicale. Sur ce dernier point, ne vous fiez pas à l'aspect racoleur de son affiche (ainsi que son titre conventionnel). 

30.04.13
Bruno Matéï