jeudi 5 août 2021

Limbo

Photo empruntée sur Facebook 

de Soi Cheang. 2021. Hong-Kong. 1h57. Avec Gordon Lam, Mason Lee, Yase Liu, Hiroyuki Ikeuchi, Fish Liew. 

Sortie salles France: ?

FILMOGRAPHIESoi Cheang Pou-soi (chinois simplifié : 鄭保瑞 ; pinyin : Cheang Pou-soi), né le 11 juillet 1972 à Macao, est un réalisateur hongkongais. 2000 : Diamond Hill. 2001 : Horror Hotline... Big Head Monster. 2002 : New Blood. 2003 : The Death Curse. 2004 : Love Battlefield. 2004 : Hidden Heroes. 2005 : Home Sweet Home. 2006 : Dog Bite Dog. 2007 : Coq de combat. 2009 : Accident. 2012 : Motorway. 2014 : The Monkey King. 2015 : SPL 2 : A Time for Consequences. 2016 : The Monkey King. 2018 : The Monkey King 3. 2021 : Limbo. 

Coup de poing dans l'estomac issu de Hong-Kong, Limbo est la nouvelle référence du film de serial-killer afin de ne pas tourner autour du pot. Entièrement tourné dans un noir et blanc glacé, Limbo est tout d'abord une pure merveille formelle pour qui raffole des ambiances glauques et macabres au confins de l'apocalypse. C'est simple, et selon mon jugement de valeur, je n'avais pas contemplé une oeuvre aussi génialement décorée depuis le mastodonte Blade Runner de Ridley Scott auquel on peut peut-être y porter certaines allusions à travers quelques vues d'ensemble (fantasmagoriques) surplombant l'immensité d'immeubles high-tech à la luminosité nocturne. Le réalisateur se chargeant de transfigurer son cadre urbain de tous les dangers à l'aide d'une armada de détails morbides et insalubres quant aux détritus, sacs d'ordures et déchets hétéroclites qui inondent les ruelles malfamées. Par conséquent, au sein de ce no man's land ravagé de précarité, 2 flics, l'un expéditif, l'autre réfléchi, vont unir leur force pour mettre un terme au dangereux serial-killer adepte des mains tranchées. Et parmi ce triangle maudit, une junky paumée fraîchement sortie de taule aura fort affaire avec ces derniers à travers une traque infernale, témoin et indic malgré elle de règlements de compte en tous genres qu'elle subira telle une enfant martyr. Ultra violent, poisseux et escarpé de par sa manière tranchée d'y molester la junky sans modération (tant auprès des flics déboussolés, des dealers rancuniers que du serial-killer méthodique),  Limbo est une épreuve de force que le spectateur subit de plein fouet à travers son impuissance de ne porter secours au divers protagonistes. Quand bien même Soi Cheang ne cède jamais à la complaisance pour nous heurter ou renchérir dans l'horreur des situations malaisantes parfois à la limite du supportable. 

A l'instar de son final de fou furieux (même si outré dans les confrontations barbares à répétition) d'une intensité exponentielle à bout de souffle que le spectateur endure avec une appréhension suffocante. C'est dire si le vérisme de sa mise en scène (oh combien) stylisée et le jeu rigide des acteurs nous fascine à travers une scénographie anxiogène que l'on croirait extirpée d'un enfer futuriste. Le réalisateur prenant notamment soin d'y filmer, en mode tarabiscotée, des panoramas urbains aussi dantesques que vertigineux. Ainsi donc, cette plongée en enfer davantage humectée demeure une course contre la montre afin de retrouver le fameux responsable des meurtres en série que les protagonistes combattent avec autant de crainte que de résignation. Quand bien même la junky sur le fil du rasoir affrontera au même instant un parcours du combattant, entre résilience et vaillance à perdre haleine, quitte à y perdre la raison face au déchaînement de violence (anthologique !) qui s'ensuit sans vergogne. Et si l'intrigue demeure simpliste, voire sans surprise, tout ce que le réalisateur parvient à bâtir autour de ses personnages relève de l'exploit, d'une sorte d'expérience sensorielle en concertation avec le macabre. Ce qui relève du jamais vu dans un thriller à suspense qui plus est entièrement monochrome afin de renforcer son sentiment d'insécurité éminemment crépusculaire. Si bien qu'un sentiment d'ivresse tacite nous accompagne en route à travers cette fulgurance visuelle bien à part, pour ne pas dire inusitée lorsque l'on est sensible au climat horrifique en acuité émotionnelle éprouvante. A l'instar de la condition torturée de l'héroïne infréquentable absolument poignante puis bouleversante dans sa capacité à endurer les coups en dépit de sa fragilité physique et de sa névralgie morale. Quant au tueur en série, sournois et laconique, là aussi le réalisateur parvient à crédibiliser son profil et ses terrifiants méfaits à travers les thèmes de la religion et de la famille en connivence avec les meurtres dépeints. Un assassin impitoyable pour autant aimant (et donc humaniste !) à quelques occasions intimes avec sa victime fétiche. Mais psychologiquement terrifiant lorsqu'il se décide de passer à l'acte de la déraison criminelle avec une force physique outre-mesure. Alors que son physique quelque peu ordinaire nous trouble la vue par le biais d'un regard à la fois neutre et docile. 

La Petite fille au bout du Chemin.
Perle noire du thriller poisseux à trôner auprès des plus belles réussites du genre (l'Etrangleur de Boston, Seven, Le Silence des Agneaux, l'Etrangleur de Rillington Place, Prisoners, The Chaser, Que dios nos perdone, Le Voyeur, le 6è Sens et quelques autres), Limbo est le genre d'épreuve morale, émotionnelle et sensorielle ne ressemblant à nul autre métrage. Il demeure donc incontournable à travers sa faculté innée de nous immerger dans un enfer urbain désenchanté où l'apocalypse ne demande qu'à y émerger !

Merci à George Abitbol pour la découverte

*Eric Binford

La Nonne et les 7 pécheresses

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ernst Ritter von Theumer (Richard Jackson). 1972. Italie/Allemagne de l'Ouest. 1h11 / 1h32. Avec Monica teuber, Vonetta McGee, Mara Krup (pour une poignée de dollars), Ivana Novak, Tony Kendall, William Berger et Gordon Mitchell.

Sortie salles Italie; 25 Mai 1972

FILMOGRAPHIE: Ernst Ritter von Theumer est un réalisateur, scénariste et  producteur autrichien né le 5 Septembre 1926 à Vienne. 1987: Hell Hunters.  1985 Chaleur rouge (uncredited).  1984 Les guerriers de la jungle. 1979 Die Totenschmecker. 1972 La nonne et les sept pécheresses (as Richard Jackson). 1967 Le baron vampire. 1965: 001 destination Jamaïque. 1962 Les hyènes chassent la nuit. 1961 In der Hölle ist noch Platz.

Pur produit d'exploitation 100% Grindhouse, La Nonne et les 7 pécheresses se décline en spectacle du samedi soir que l'on fréquentait dans les cinémas de quartier. Réalisé par l'autrichien Ernst Ritter von Theumer (le Baron Vampire), l'intrigue, littéralement improbable, suit la fuite désordonnée de taulardes dans les contrées africaines parmi la faible autorité d'une nonne tentant maladroitement de les remettre sur le droit chemin. Ainsi, durant leur traque chaotique semé de kidnappings et de cadavres, elles n'auront de cesse d'être pourchassées par des trafiquants de traite des blanches et des arabes, violeurs misogynes (dont un nabot sadique adepte du fouet !). Complètement foutraque, faute d'un montage bordélique que Roger Corman supervisa pour son exploitation Outre-Atlantique en le raccourcissant de 20 minutes, La Nonne et les 7 pécheresses n'est qu'un généreux prétexte pour satisfaire les bas instincts du spectateur embarqué dans une improbable traque entre prisonnières frondeuses et phallocrates dans le désert de l'Afrique du Nord. Truffé d'actions, de tortures (en mode flagellations), de vulgarité, de dialogues primaires, de gueules puantes, de seins nus et de fesses à l'air, cette série B étonnamment ludique ne nous ennuie guère à travers son rythme trépidant d'une action à la fois haletante et sanglante que le réalisateur exploite jusqu'à redondance. 

Et ce sans jamais y éprouver une quelconque lassitude, notamment lorsque celui-ci exploite efficacement ses splendides décors naturels que l'on croirait issus d'une grosse production ricaine. Sans compter que les comédiens à la trogne parfois familière se prêtent au jeu de l'aventure et au goût du risque avec une fougue assez communicative de par leur charisme franchement bisseux (mâchoire serrée, mitraillette à la main !). Outre la gratuité métronome de ses provocations SM et érotomanes amorcés par des mâles en rut, on se distrait autant de ses situations capillotractées lorsque certains antagonistes (ou héroïnes) adoptent un revirement nonsensique dans leur posture schizo. Quand bien même son final calqué sur le jeu de massacre de La horde Sauvage adopte une inopinée tournure dramatique sans que le spectateur y éprouve de l'effarement faute de son absence de réalisme (on est clairement dans une sorte de western cartoonesque pour adultes) et de sa moisson de rebondissements dénués de crédibilité. Pour l'autant, l'action permanente, la bonhomie des donzelles farouches jouant les guerrières suicidaires et l'insolence des phallocrates sans vergogne parviennent à y instaurer un charmant climat de délire décomplexé propre aux bisseries des seventies.

Evidemment mineur, elliptique (pour le montage d'1h11 dont la violence et la nudité restent toutefois intégrales) et savoureusement maladroit, La Nonne et les 7 pecheresses ne démérite nullement à nous imposer un divertissement trivial pétri de générosité et de sincérité de la part d'un auteur en roue libre s'amusant comme un gosse avec ses joujous belliqueux. A découvrir. 

Remerciement à Warning Zone pour sa splendide version 1080P

*Eric Binford

mercredi 4 août 2021

Blood Red Sky

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Peter Thorwarth. 2021. U.S.A/Allemagne. 2h05. Avec Peri Baumeister, Carl Anton Koch, Alexander Scheer, Kais Setti, Gordon Brown, Dominic Purcell. 

Diffusé sur Netflix le 23 Juillet 2021

FILMOGRAPHIEPeter Thorwarth est un acteur, réalisateur et scénariste allemand, né le 3 Juin 1971 à Dortmund. 2021: Blood Red Sky.  2019 Der letzte Bulle. 2014 Nicht mein Tag. 2006 Goldene Zeiten.  2002 Was nicht passt, wird passend gemacht. 1999: Bang Boom Bang - Ein todsicheres Ding. 1998: Die zwei beiden vom Fach (TV Movie). 


Chronique express

A peine influencé par l'intro du splendide L'Avion de l'Apocalypse, en remplaçant les zombies (infectés) par des vampires, Blood Red Sky étale ce concept transalpin sur 2h05 avec pas mal d'efficacité quant à la première heure quinze fertile en suspense, rebondissements et tension constamment soutenus. On apprécie également la judicieuse idée d'une vampire, victime malgré elle, contrainte de se substituer en héroïne de dernier ressort pour venir à bout de la prise d'otages à bord de l'avion. Le réalisateur relaçant constamment l'action des enjeux humains à l'aide d'idées et de péripéties retorses, tout en exploitant de fond en comble les décors  restreints de l'avion. Là où ça se gâte découle des 40 dernières minutes cédant trop facilement aux conventions de la surenchère si bien que l'on finit par décrocher par son outrance racoleuse en dépit d'un final au suspense à nouveau haletant quant aux sorts indécis de la mère vampire (Peri Baumeister très convaincante à travers ses expressions humaines haletantes) et de son bambin (moins motivé que celle-ci cela dit) toujours en proie à une course contre la survie. 
Dispensable donc bien que sa 1ère partie ne manque pas de charme, de vigueur, de violence hardgore (un peu trop complaisante parfois auprès des exactions du terroriste psychotique s'en prenant aux otages avec barbarie) et de nervosité fructueuse.

*Eric Binford

mardi 3 août 2021

L'Affrontement

                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site buddy-movierepack.blogspot.com

"Harry & Son" de Paul Newman. 1984. U.S.A. Avec Paul Newman, Robby Benson, Ellen Barkin, Wilford Brimley, Judith Ivey, Ossie Davis, Morgan Freeman, Joanne Woodward. 

Sortie salles France: 4 Avril 1984

FILMOGRAPHIEPaul Newman, né le 26 janvier 1925 à Shaker Heights (Ohio) et mort le 26 septembre 2008 à Westport (Connecticut), est un acteur, réalisateur, producteur, scénariste, philanthrope, pilote automobile et américain. 1968 : Rachel, Rachel. 1971 : Le Clan des irréductibles. 1972 : De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. 1980 : The Shadow Box (TV). 1984 : L'Affrontement. 1987 : La Ménagerie de verre. 


"J'aurai tant aimé défendre cette oeuvre intime méconnue car l'Affrontement accouche d'une souris."
Il y a des films que l'on fantasme depuis leur sortie, faute de n'avoir eu la chance de les découvrir pour des raisons diverses et variées. L'Affrontement est de ceux là lorsque je découvris une critique dans le magazine TV, Télé-Poche si je ne m'abuse (à moins que ce soit Télé Star). Alors que j'apprends aujourd'hui que les critiques et le public lui firent (à priori) grise mine, force est de constater que je comprends amplement pourquoi l'Affrontement sombra dans l'oubli dès sa conception. Réalisé et interprété par Paul Newman que je vénère comme un monstre sacré; L'affrontement est un ratage à tous les niveaux. Et bien que j'ai beaucoup de peine à oser l'avouer, ce drame psycho (mâtiné de mélo lors des ultimes minutes dont on éprouve une once de compassion, un comble !) demeure maladroitement réalisé par un Paul Newman du tout inspiré parce qu'il nous narre et nous filme. L'intrigue s'efforçant à souligner les confrontations tendues entre un père bourru et son jeune fils après le licenciement du paternel suite à un problème de vue (il est ouvrier de chantier). 


Celui-ci, humilié par son âge sclérosé, reportant sa colère et sa rancoeur sur les frêles épaules de son fils cumulant les petits jobs entre deux batifolages. L'affrontement dépeignant en parallèle les rapports amoureux du fils et de son ancienne compagne en instance de réconciliation. Or, tous ces personnages mal dessinés demeurent si caricaturaux et mal dirigés que l'on éprouve ni empathie ni sympathie auprès de leurs conflits familiaux en demi-teinte. Quand bien même le fils, plus lucide et optimiste, vole la vedette au père acariâtre davantage outré et ridicule à fustiger sa famille (notamment sa fille et son beau-fils assureur) par égoïsme, orgueil et malveillance (parfois revancharde). Bref, tout cela demeure à la fois poussif, tantôt hors sujet et dégingandé à conjuguer drame social, romance et comédie sur fond de conflit familial décérébré (Paul Newman demeurent à côté de la plaque en paternel en berne incapable de faire preuve de discernement et surtout de relativisme dans sa condition licenciée du 3è âge). Qui plus est, l'acteur bellâtre Robby Benson aux yeux bleus "perçants" accuse un jeu cabotin trop docile et vertueux pour nous convaincre de ses expressions naturelles. Il fut d'ailleurs nominé aux Razzie Awards 1 an plus tard.


Pour tous les fans de Paul Newman
, l'Affrontement est à découvrir comme une curiosité au risque de vous décevoir par tant de couacs, fantaisie sirupeuse et maladresse. Car plus l'intrigue évolue, plus les personnages en roue libre semblent converger dans des directions hasardeuses, faute d'un récit mal écrit qu'aucun ne parvient à maîtriser. Et ce jusqu'à cette conclusion incongrue conçue pour faire pleurer dans les chaumières avec une complaisance infertile. 

Remerciement à buddy-movierepack

*Eric Binford

lundi 2 août 2021

Aventure du Poséidon (l')

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ronald Neame. 1972. U.S.A. 1h57. Avec Gene Hackman, Ernest Borgnine, Red Buttons, Carol Lynley, Roddy McDowall, Stella Stevens, Shelley Winters, Jack Albertson, Pamela Sue Martin, Arthur O'Connell, Eric Shea, Leslie Nielsen. 

Sortie salles France: 29 Mars 1973. U.S: 15 Décembre 1972

FILMOGRAPHIERonald Neame est un réalisateur, producteur et scénariste britannique, né le 23 avril 1911 à Londres (Angleterre) et mort le 16 juin 20101 à Los Angeles (Californie). 1947 : Je cherche le criminel. 1950 : La Salamandre d'or. 1952 : Trois dames et un as. 1954 : L'Homme au million. 1956 : L'Homme qui n'a jamais existé. 1956 : De la bouche du cheval. 1957 : Alerte en Extrême-Orient. 1957 : La Passe dangereuse. 1960 : Les Fanfares de la gloire.1962 : Les Fuyards du Zahrain. 1963 : L'Ombre du passé. 1963 : Mystère sur la falaise. 1965 : Mister Moses. 1966 : Un hold-up extraordinaire. 1966 : D pour danger. 1968 : Prudence et La Pilule. 1969 : Les Belles Années de miss Brodie. 1970 : Scrooge. 1972 : L'Aventure du Poséidon. 1974 : Le Dossier ODESSA. 1979 : Meteor. 1980 : Jeux d'espions. 1981 : First Monday in October. 1986 : Le Sorcier de ces dames. 1990 : The Magic Balloon. 


Chef-d'oeuvre du film catastrophe à trôner à proximité de La Tour Infernale, l'Aventure du Poséidon n'a rien perdu de sa puissance à la fois dramatique et épique au gré du parcours du combattant d'une poignée de survivants à trouver une issue de secours pour s'extirper de leur geôle d'acier. En l'occurrence, un paquebot de croisière que le réalisateur exploite sous toutes les coutures à travers ses nombreux décors délabrés, que ce soit à l'air libre, sous les gaz d'échappement ou sous l'eau. Inspiré d'une histoire vraie issue de la seconde guerre mondiale (un navire dû affronter une énorme vague au moment d'avoir risqué de chavirer), l'Aventure du Poséidon est un modèle d'efficacité auprès de son lot de péripéties et rebondissements dramatiques que Ronald Neame transcende avec souci du détail technique. Dans la mesure où nous restons plaqués au siège à observer les espoirs désespérés de cette poignée de survivants comptant sur l'héroïsme impérieux d'un révérend jamais avare d'idées et d'énergie pour déjouer la faucheuse. Si bien qu'à travers ce rôle étonnamment vaillant adepte des nobles valeurs chrétiennes, Gene Hackman excelle à imposer son autorité drastique en dépit de son outrecuidance que nombre de passagers (en complexe d'infériorité) réfuteront pour lui contredire ses stratégies de survie. 


Ernest Borgnine
lui disputant admirablement la vedette en policier à la fois renfrogné et obtus tentant de s'opposer à ses propositions pour lui soumettre son refus d'obtempérer. D'ailleurs, à travers ces protagonistes attachants généralement stéréotypés auprès du genre catastrophe, on s'étonne de leur accorder autant d'empathie parfois poignante (pour ne pas dire bouleversante) si bien que Ronald Neame sait les diriger intelligemment en les profilisant avant tout comme des êtres humains fragiles, apeurés et terrifiés mais rapidement nantis d'un esprit solidaire fructueux au fil de leur escapade de dernier ressort. Spectaculaire en diable sans jamais verser dans la surenchère ou la gratuité, les incessantes bravoures de l'Aventure du Poséidon font preuve d'un suspense infaillible pour rendre compte du sort précaires des personnages grâce au vérisme de la réalisation au plus près de ses derniers, démunis, et aux trucages artisanaux absolument bluffants de réalisme. Tant et si bien que cette oeuvre matricielle, symptomatique des Seventies, demeure une expérience émotionnelle, voir même quelque peu sensorielle (surtout auprès des claustrophobes et ablutophobes) tant le spectateur s'immerge naturellement dans ce huis-clos maritime avec une tension anxiogène littéralement fascinante eu égard de sa vigueur visuelle cauchemardesque. 


De par son intensité dramatique parfois éprouvante car sans concession (impossible d'anticiper les futures victimes à trépasser) découlant d'une réalisation consciencieuse attachant autant d'importance à la caractérisation de ses personnages qu'à l'exploration de ses décors communément délétères qu'ils arpentent tels des enfants apeurés, l'Aventure du Poséidon préserve intact son pouvoir de fascination quelques décennies après sa conception. Il est donc à revoir d'urgence si vous souhaitez (à nouveau) participer à une expérience de survie "humaniste" comme si vous y étiez à l'aide d'un sens du sacrifice faisant office de sacerdoce. Du grand cinéma révolu donc, modèle de film catastrophe (alors en début d'émergence !) à la lisière de la perfection. 

*Eric Binford
3èx

Récompenses: Oscar du cinéma 1973 : Oscar de la meilleure chanson originale ; nominations dans les catégories meilleur second rôle féminin, meilleur son, meilleure musique.
BAFTA 1973 : Meilleur acteur (Gene Hackman)
Golden Globe 1973 : Meilleure second rôle féminin (Shelley Winters)

vendredi 30 juillet 2021

J.F partagerait appartement

                                            
                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site grainandnoise.wordpress.com

"Single White Female" de Barbet Schroder. 1992. U.S.A. 1h48. Avec Bridget Fonda, Jennifer Jason Leigh, Steven Weber, Peter Friedman, Stephen Tobolowsky, Frances Bay

Sortie salles France: 16 Septembre 1992. U.S: 14 Août 1992

FILMOGRAPHIEBarbet Schroeder est un réalisateur et producteur, de nationalité française d'origine suisse, né le 26 Août 1941 à Téhéran (Iran). 1969: More. 1972: La Vallée. 1976: Maîtresse. 1984: Tricheurs. 1987: Barfly. 1990: Le Mystère Von Bulow. 1992: J.F partagerait appartement. 1995: Kiss of Death. 1996: Before and after. 1998: l'Enjeu. 2000: La Vierge des Tueurs. 2002: Calculs Meurtriers. 2007: l'Avocat de la terreur (Documentaire). 2008: Inju, la Bête dans l'ombre. 2009: Mad Men (série TV). 2015: Amnesia.


"Les années 90 et leur thriller domestique resté dans les mémoires." 
Surfant sur la vague du thriller érotique initié par Liaison Fatale puis Basic Instinct, JF partagerait appartement adopte le principe du psycho-killer hollywoodien avec efficacité et savoir-faire. Le pitchA la suite d'une annonce, Hedy se présente à l'appartement d'Allie pour s'y partager une collocation. Rapidement, les deux locataires parviennent à entamer une relation amicale en dépit de la nouvelle intrusion de l'ancien amant d'Allie. Mais peu à peu, Hedy éprouve des signes de jalousie envers leur réconciliation. Un pitch simpliste et prévisible que l'artisan Barbet Schroder parvient à imprimer sur pellicule au gré d'un percutant suspense toujours soutenu, et ce avant de se laisser chavirer vers les conventions lors d'un final sanglant pour autant intense, haletant et assez convaincant. Pour ce faire, il compte avant tout sur le jeu mesuré de son duo féminin pleinement convaincant à travers leur affrontement psychologique de longue haleine où l'une ne cesse de s'interroger sur l'ambiguïté morale de l'autre constamment fureteuse et envieuse. Hedy (Jennifer Jason Leigh) demeurant une fille solitaire profondément perturbée (pour ne pas dire traumatisée) depuis la mort accidentelle (?) de sa soeur jumelle. Ainsi, incapable de se pardonner sa culpabilité, Hedy, en mal d'affection et de rédemption, tente de renouer une amitié (amoureuse) indéfectible auprès de sa co-locataire Allison Jones. 


Trouble, malaisante, saisissante, voire parfois même épeurante, Jennifer Jason Leigh porte l'intrigue sur ses frêles épaules avec une force d'expression lestement dérangée. La jeune actrice insufflant un jeu taciturne et insidieux davantage malsain au fil d'un climat vénéneux agrémenté de morts quelque peu horrifiques. Barbet Schroder exploitant d'autant mieux les pièces de l'immeuble académique (façon Rosemary's Baby) auquel finira par s'y jouer une partie de cache-cache pour la survie entre victime et bourreau. Un ascenseur, une chambre ou un salon se déclinant en huis-clos étouffant lorsque les victimes se retrouvent prises au piège en tentant désespérément d'y invoquer de l'aide par l'entremise d'un téléviseur, d'internet ou d'un téléphone. Quant à Bridget Fonda, petite bout de femme gironde ultra sexy, celle-ci n'a rien à envier à sa rivale en proie autrement influençable un brin naïve à pardonner un trop facilement l'adultère de son amant et la folie meurtrière de sa rivale résolument amoureuse d'elle. De par sa personnalité assez sensible, son indulgence humaine et sa lucidité d'y cerner peu à peu la personnalité torturée de sa comparse, Bridget Fonda nous provoque une empathie méritoire, notamment auprès de son initiation héroïque à se mesurer à Hedy avec une détermination assez véloce, voire également retorse (son opposition dans l'ascenseur, sa planque dans un conduit). 


Psycho-killer grand public jouant habilement avec les nerfs du spectateur (tout du moins 1h30 durant avant la facilité des confrontations explicites pour autant percutantes), J.F Partagerait appartement  repose beaucoup sur les talents indiscutables de son duo féminin en y cultivant à terme une fascinante réflexion sur la dichotomie de la culpabilité et du pardon du point de vue d'une gémellité avilie par la jalousie, la rancoeur et la manipulation. Bon suspense psycho donc toujours aussi diaphane, inquiétant et captivant en dépit de scories téléphonées (bien qu'on a largement vu pire ailleurs avec beaucoup moins d'efficacité et de plausibilité).  

*Eric Binford
30.07.21. 4èx
27.10.16. 

jeudi 29 juillet 2021

Milla. Coup de coeur du Jury au Festival de Valenciennes.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Shannon Murphy. 2019. Australie. 1h58. Avec Eliza Scanlen, Essie Davis, Ben Mendelsohn, Toby Wallace, Andrea Demetriades, Emily Barclay.

Sortie salles France: 28 Juillet 2021. Australie: 23 Juillet 2020

FILMOGRAPHIE: Shannon Murphy est une réalisatrice, scénariste et productrice australienne. 2019: Milla.


"Un crève-coeur capiteux; condensé d'humour, d'onirisme, de fraîcheur et de violence amoureuse, sans jamais se morfondre dans la sinistrose. Eprouvant mais rédempteur."
Romcom mâtinée de mélo à la sauce australienne sous couvert d'un pitch éculé faisant craindre le produit sirupeux à faire pleurer dans les chaumières, Milla en est le contre-exemple impératif dans sa capacité à élever les genres à un état de grâce insoupçonné. C'est dire si la néophyte (c'est sa 1ère réalisation) s'y entend pour nous amener à la suivre sur les pentes d'une tragédie humaine écorchée vive (le final déchirant vous martyrisera la mémoire ad vitam aeternam) détournant les clichés avec une dextérité forçant le respect. Tant et si bien qu'à travers la maladie mortelle de Milla, jeune ado en mal d'amour mais férue de joie de vivre au grand dam de sa condamnation, c'est le portrait d'une famille dysfonctionnelle que l'on nous dépeint parmi l'intrusion précipitée d'un délinquant impertinent tombant peu à peu amoureux de celle qu'il venait de secourir (incidemment ?) lors d'une tentative de suicide ferroviaire. Mais pour quelles mobiles Milla s'avère aussi puissamment vertigineux, lumineux, universel sans jamais s'en rendre compte ? (les séquences se succèdent au rythme d'évènements aléatoires en se laissant bercer par la confusion des sentiments des personnages désorientés). Pour une raison d'authenticité documentée à travers l'expression sidérante des acteurs, juvéniles ou adultes, s'échangeant la réplique auprès de leurs homologues avec une intensité humaine plus vraie que nature. Parce que Shannon Murphy s'alloue aussi d'un pilier inébranlable pour s'extraire du pathos bon marché à travers un humour ravageur quasi permanent quant aux portraits fragilisées des parents substitués en junkies pour y pallier leur douleur morale difficilement gérable. 


Ce qui donne lieu à des moments bipolaires rafraichissants tout en saisissant le sens de leurs comportement troublé face à l'injustice du cancer que leur fille supporte tel un fardeau sans jamais se plaindre, ouvertement parlant (en dépit du final rédempteur où l'on se confond vers une autre dimension émotionnelle). Et ce au point qu'on en omet la maladie de l'héroïne tant son climat de tendresse réconfortant, orageux, cocasse, badin nous est scandé dans un déluge d'images exaltantes, positives, vitales, sémillantes, gracieuses, naturelles tout simplement, de par la personnalité épurée de son auteur au plus près des sentiments humains qu'elle se refuse à caricaturer sans soupçon de voyeurisme. Quand bien même le jeune charismatique  Toby Wallace se dégage du stéréotype délinquant avec une force de caractère anti manichéenne en paumé sur la corde raide récupéré par un soupçon de sentiments pour cette étrangère qu'il apprend à côtoyer. Eliza Scanlen endossant sa petite amie avec une douceur d'âme et de personnalité responsable en malade incurable dévorant l'instant présent avec une joie de vivre ancrée dans la pudeur. Tous ces personnages déambulant autour de Milla avec une sincérité humaine jamais outrée dans leur désir d'y susciter le goût de vivre, l'appât de la joie quotidien jusqu'à la fatalité. Le tout irrigué d'un onirisme tantôt lunaire (la séquence singulière de la boite de nuit puis celle au sein d'un bar avec ses mouvements sensuels des corps déhanchés), tantôt naturaliste (la plage, le crépuscule à l'écoute des oiseaux) afin d'élever le film vers des horizons gratifiantes en dépit de la violence toujours plus affirmée des sentiments que les personnages expriment (mais aussi combattent) avec une personnalité autoritaire pleine de dignité, d'humilité, de modestie. 


"La mort commence lorsque vous cessez d'être un enfant".
Bijou d'humour et de gravité sous l'impulsion d'une poignée de personnages extrêmement familiers, Milla est un miracle d'émotions capiteuses jamais programmées. Un hymne à la tolérance et à la vie établit du point de vue de l'atavisme de la mort, cette injustice morbide que la réalisatrice traite sans ambages, avec autant de tact et de suggestion que de brutalité escarpée (on a parfois réellement l'impression de se retrouver face à la mort à travers les yeux de saphir de Milla). 

*Eric Binford

Récompenses: Mostra de Venise 2019 : Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir pour Toby Wallace
Festival international du film de Transylvanie 2020 : Trophée Transilvania du meilleur film et prix du public. 
Coup de coeur du Jury au 18è Festival de Valenciennes. 

mercredi 28 juillet 2021

Voyage au bout de l'horreur / The Nest

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Terence H. Winkless. 1987. U.S.A. 1h29. Avec  Robert Lansing, Lisa Langlois, Franc Luz, Terri Treas, Stephen Davies. 

Sortie salles France: ?. U.S: 13 Mai 1988

FILMOGRAPHIE: Terence H. Winkless est un réalisateur, acteur et scénariste américain. 1988: Voyage au bout de l'horreur. 1992 Rage and Honor. 1992. The Berlin Conspiracy. 1990 Private Offerings. 1990 Corporate Affairs. 1989 Bloodfist. 1996: Les aventuriers de la rivière sauvage. 1996: Ladykille. 1995. Mighty Morphin Power Rangers: Ninja Quest (Video).  1995 Not of This Earth. 1997: The Westing Game (TV Movie). 2013: Heart of Dance. 2009Twice as Dead. 2007 Nightmare City 2035.  2003 Fire Over Afghanistan. 


Formidable B movie inédit en salles chez nous (si je ne m'abuse), Voyage au bout de l'horreur fit les beaux jours des vidéophiles lors de son exploitation en Vhs à l'issue des années 80. Et bien qu'aujourd'hui il demeure hélas à la fois oublié et méconnu (en dépit de sa sortie Blu-ray chez Le Chat...), ce divertissement sans prétention dégage un charme encore plus probant aujourd'hui faute de son époque révolue à l'ère du tout numérique. C'est dire si Terence H. Winkless s'y entend pour nous divertir avec une générosité et une sincérité transpirants à chaque coin de l'écran. Et ce 1h29 durant car Voyage au bout de l'horreur se permet en outre d'y cultiver un rythme vif pour ne pas ennuyer le spectateur embarqué dans une énième invasion de cafards mutants (ils sont quasi omniprésents à l'écran afin de nous fasciner avec appréhension viscérale) qu'une poignée d'entomologistes, de bénévoles et un shérif tentent de juguler avec un courage en herbe. Or, ce qui rend si ludique et bonnard le spectacle du samedi soir émane autant du charisme ingénu des comédiens de seconde zone se prêtant à l'aventure avec une bonhomie inébranlable. 


On reconnaîtra d'ailleurs à travers cet attachant cast la jeune actrice Lisa Langlois révélée dans le génialement cintré Class 84, incarnant ici la fille d'un savant s'efforçant d'épauler ce dernier à la suite des conséquences dramatiques de ses expériences génétiques. Une prestance amiteuse convaincante donc puisque l'on craint pour sa survie lors de ses stratégies de dernier ressort culminant au final explosif confiné dans une grotte. Ponctué d'humour noir entre deux séquences comiques (dont un clin d'oeil à Ré-animator avec ce chat mutant erratique coursant ses victimes tous azimuts dans une cave, ou encore cette tenancière d'un snack affrontant les cafards avec ses ustensiles de cuisine !), Voyage au bout de l'horreur est généreux en scènes gorasses du plus bel effet répulsif. Et si certains trucages ont beau accuser une facture inévitablement cheap, le spectateur immergé dans l'action croit dur comme fer à ce qu'il voit. A l'instar d'un bambin guilleret contemplant son jouet qu'on vient de lui offrir dans son paquet cadeau artisanal. Non, franchement, les situations horrifiques les plus sanglantes demeurent jouissives par leur attrait plaisamment provocateur, voir également par leur aspect débridé. Quand bien même on se fascine avec recul pour la posture malsaine d'une des protagonistes féminines jouant les médecins scientifiques avec un sado-masochisme déviant pour son amour lubrique des cafards hybrides ! 


Beaucoup plus stimulant et divertissant qu'à son époque alors qu'il s'agit d'un 1er essai, Voyage au bout de l'Horreur est l'archétype du B movie horrifique du samedi soir pour son amour immodéré aux insectes mutants ici pleinement convaincants quant au parti-pris du réal à recruter de véritables blattes à l'écran (hélas parfois sacrifiés pour un mobile de réalisme morbide). A redécouvrir sans hésiter donc, surout auprès des puristes nostalgiques des années 80.

*Eric Binford
2èx

mardi 27 juillet 2021

Pig

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Michael Sarnoski. 2021. U.S.A. 1h32. Avec Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin, October Moore, Dalene Young, Gretchen Corbett.

Sortie salles U.S: 16 Juillet 2021

FILMOGRAPHIEMichael Sarnoski est un réalisateur, scénariste et producteur américain. 2021: Pig. 


Difficile de se faire une opinion objective à la sortie de la projo si bien que Pig déconcerte, désarçonne autant qu'il séduit selon notre immersion émotionnelle, notre humeur du jour et notre degré de sensibilité. Tant auprès de la cause animale, subsidiaire au récit, que de la déchéance humaine d'un solitaire déchu de son passé véreux. Le kidnapping de son cochon n'étant qu'un prétexte pour y tenter de profiliser ce veuf meurtri replié sur lui même au point de vivre en autarcie en pleine nature. Difficile d'accès et dénué de violence, en dépit du 1er quart d'heure concis et d'une bastonnade officieuse (sorte de Fight Club à l'envers !), Pig insuffle un rythme très lent au fil de la requête de Robin Feld déterminé à retrouver son cochon truffier par simple amour pour l'animal comme il l'avoue à son jeune complice (et non comme outil de travail rentable pour y renifler les truffes). L'intrigue prenant son temps à étudier les personnalités de 3 protagonistes du point de vue contestataire de Rob en désarroi affectif. Son climat langoureux baignant dans une aigre mélancolie face à un type désoeuvré noyé de pessimisme, de chagrin et de remord à la suite de son passé torturé. Par conséquent, par le truchement moral de celui-ci, spécialiste culinaire entre autre, et de ces confrères peu recommandables, Pig dresse un tableau plutôt pessimiste sur la nature humaine.


Son orgueil, sa mégalomanie et son égoïsme pour tenter de survivre, de se faire une place dans un monde déloyal toujours plus intolérant envers son prochain. C'est ce qui fait la force ou la puissance dramatique de Pig, errance existentielle d'un proscrit contraint de s'extirper de son terrier pour tenter de retrouver sa seule compagnie amiteuse dans sa morne condition de déréliction. Presque méconnaissable auprès d'un regard martyrisé par le désastre, on n'avait pas observé un Nicolas Cage aussi strié dans sa carapace de clodo à la fois flegme et taciturne plombé du deuil, de la vie impossible en société tout en se remémorant son passé probablement meurtrier. Contemplatif, dépressif et plein de pudeur (notamment auprès de la fragilité fortuite des seconds-rôles), Pig tente donc de nous dévoiler au compte goutte de maigres indices sur le passé de Robin au gré d'un climat de désillusion dénué de fioriture. Tant et si bien que sa conclusion, bouleversante mais résolument sobre, risquera sans doute de déplaire à une frange de spectateurs, surtout ceux militant pour la cause animale (rester dans l'interrogation demeure ici assez frustrant). Le réalisateur s'efforçant d'authentifier sa tragédie humaine sans optimisme du happy-end. Et ce parmi cette volonté assumée d'y parfaire la gravité de son récit dans une intimité humaine ne comptant que sur les traces du passé pour se remémorer un bonheur conjugal aujourd'hui éteint. 


En tout état de cause, pour qui sait apprécier les vraies propositions d'un cinéma personnel réfractaire aux codes, à la conformité et aux effets de manche, Pig ne peut laisser indifférent. Que l'on adhère ou que l'on rejette cette ambulation humaine que Nicolas Cage immortalise de sa (douce) présence en berne. 

*Eric Binford

lundi 26 juillet 2021

The Visitor

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site buddy-movierepack.blogspot.com

"Stridulum / Le Visiteur Maléfique". de Giulio Paradisi (Michael J. Paradise). 1979. U.S.A/Italie. 1h48. Avec John Huston, Mel Ferrer, Glenn Ford, Lance Henriksen, Shelley Winters, Sam Peckinpah, Joanne Nail 

Sortie salles France: 21 Novembre 1980. Italie: 3 Août 1979.

FILMOGRAPHIEGiulio Paradisi (né en 1934 à Rome, Italie) est un acteur, scénariste et réalisateur italien. Il est aussi connu sous le nom de Michael J. Paradise. 1970 : Terzo canale (Avventura a Montecarlo); 1976 : Ragazzo di Borgata; 1979 : Tesoro mio. 1979 : Le Visiteur maléfique (Stridulum). 1982 : Spaghetti House. 

Quelle bien étrange curiosité que ce Visitor autrefois diffusé sur Canal + lors des années 80, si bien que j'en ai toujours préservé un souvenir assez séduisant à travers son alliage hybride des genres (Fantastique - Horreur - Science-Fiction se télescopent en mode psychédélique). Production italo-américaine dont on reconnait bien là la patte transalpine à travers le soin de sa partition musicale et de son inquiétante bande-son monocorde), The Visitor surfe sur le succès de la Malédiction à travers son synopsis référentiel lorsqu'une fillette, envoyée du Mal, tente d'asseoir sa réputation sur Terre en tourmentant sa famille et son entourage. Réalisé sans habileté (notamment au niveau du montage superficiel) avec parfois quelques incohérences narratives (également dans la posture de certains personnages, tel l'envoyé du Bien se substituant à la baby-sitter le temps d'une soirée, ou encore la mère de Katy devenue tétraplégique sans que cela ne la traumatise), l'intrigue militant pour l'affrontement entre le Bien et le Mal demeure sans surprise bien que le spectacle tantôt envoûtant (toutes les séquences onirico-mystiques épaulées d'une bande-son lancinante) ne manque pas de surprises. 

Tant auprès de certaines scènes chocs surgies de nulle part (la conduite erratique de Glenn Ford sur l'autoroute, la poursuite entre bambins sur la patinoire) et assez bien réalisées, de ses moments ésotériques planants (on peut parfois songer à La Forteresse Noire), de ses idées ou détails imprévisibles (l'utilisation symbolique des volatiles) que de son incroyable casting parmi lesquels s'y croisent John Huston, Mel Ferrer, Glenn Ford, Lance Henriksen, Shelley Winters, Sam Peckinpah et Franco Nero !). Une distribution oh combien surprenante d'avoir accepter de se compromettre à un projet aussi mineur bien que le réalisateur demeure tout à fait inspiré pour se démarquer de l'ornière en y alliant efficacement les genres au gré d'un climat d'étrangeté prégnant. C'est ce qui fait le charme désuet de The Visitor que l'on a plaisir à revoir (même si uniquement réservé aux afficionados d'ovni introuvable !) en dépit d'un schéma narratif approximatif, voir parfois même redondant (notamment auprès des moult tentatives de Katy à se débarrasser de sa mère).


Killing Birds
Réalisé sans habileté mais formellement baroque et souvent soigné à daigner se démarquer des convenances, The Visitor demeure une intéressante curiosité aussi déconcertante que surprenante (notamment auprès de la brutalité inopinée de certaines situations punitives que Katy impulse). 

Remerciement à buddy-movierepack

*Eric Binford
2èx

mercredi 21 juillet 2021

La Mante Religieuse

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Tang lang" de Liu Chia-liang. 1978. Hong-Kong. 1h36. Avec David Chiang, Cecilia Wong, Lily Li, Chia Yung Liu, Norman Chu, Frankie Wei. 

Sortie salles France: 6 Avril 1983. Hong-Kong: 28 Juin 1978.

FILMOGRAPHIELiu Chia-liang (劉家良 en chinois, Lau Kar-leung en cantonais) (né le 28 août 1936 à Canton et mort le 25 juin 2013 à Hong Kong) est un réalisateur, acteur et chorégraphe chinois.1975 : Wang Yu défie le maître du karaté. 1976 : Le Combat des maîtres. 1977 : Les Exécuteurs de Shaolin. 1978 : La Mante religieuse. 1978 : La 36e Chambre de Shaolin. 1979 : Les Démons du karaté ou Shaolin contre Ninja. 1979 : Spiritual Boxer 2. 1979 : Le Prince et l'arnaqueur. 1979 : Le Singe fou du kung-fu. 1980 : Retour à la 36e chambre. 1980 : Emperor of Shaolin Kung Fu. 1981 : Martial Club. 1981 : Lady Kung-Fu. 1982 : Cat Versus Rat. 1982 : Les 18 armes légendaires du kung-fu. 1983 : Les Huit Diagrammes de Wu-Lang. 1983 : The Lady Is the Boss. 1984 : Carry On Wise Guy. 1985 : Les Disciples de la 36e chambre. 1986 : Les Arts martiaux de Shaolin. 1988 : Tiger on the Beat. 1989 : Mad Mission 5. 1990 : Tiger on the Beat 2. 1992 : Opération Scorpio. 1994 : Combats de maître/Drunken Master 2. 1994 : Drunken Master 3 (Jui kuen III). 2002 : Drunken Monkey. 

Sans daigner concourir au chef-d'oeuvre du genre, La Mante Religieuse est un excellent divertissement revisitant Romeo et Juliette avec tendresse, espièglerie, cruauté et action virevoltante. Wei Fung ayant pour mission d'infiltrer la famille de la jeune Chi-chi afin d'y dénicher une liste secrète. Or, en tant qu'enseignant, celui-ci tombe amoureux d'elle si bien qu'ils finissent par se marier. Mais pour leur enjeu de survie, les deux amants auront à traverser 5 épreuves mortels avant de vouloir présenter Chi-chi à sa belle-famille. Si les 3 premiers quarts-d'heure imprégnés de suave légèreté cèdent place aux batifolages de nos amants en apprentissage martial, pédagogue et amoureux, la suite relève de la pyrotechnie estampillée "Shaw Brothers" eu égard des improbables combats s'enchaînant à coup de sabre, de lance, de poignard, de nunchaku ou à poings nus. Les affrontements ultra furtifs nous donnant le vertige à travers la lisibilité d'une action éclectique que se partagent 2, 3, voir 4 adversaires férus de soif de victoire. 

Tant auprès des 5 épreuves offensives d'une inventivité en roue libre que de la vengeance intime de Wei Fung s'inspirant des gestes de défense d'une véritable mante religieuse pour venir à bout de ses futurs ennemis. Ses séquences d'entrainement instaurées en pleine nature nous valant des moments de poésie à la limite de la féerie lorsque celui-ci s'efforce de reluquer consciencieusement les expressions et gestes de la mante pour reproduire son agilité héroïque. Ainsi donc, à travers le thème des valeurs familiales,  Liu Chia-liang y dénonce la tradition conservatrice sous couvert de rivalité engendrant à mi-parcours des bravoures toutes plus époustouflantes les unes que les autres. Et ce au risque de déconcerter à terme une partie du public lors de son épilogue d'une amère cruauté (si bien que l'on ne s'y attend pas vraiment tant le revirement demeure aussi soudain que beaucoup trop précipité). En tout état ce cause, le spectacle ébouriffant en vaut la chandelle pour tous amateurs de divertissement d'art-martial d'une fulgurance visuelle inégalable. Et ce plus de 40 ans après sa sortie, comme quoi les classiques (même les plus mineurs !) ont encore de belles soirées devant eux pour courtiser le fan. 

*Eric Binford.

mardi 20 juillet 2021

Le Trésor de la Montagne sacrée

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Arabian Adventure" de Kevin Connor. 1979. Angleterre. 1h34. Avec Christopher Lee, Oliver Tobias, Puneet Sira, Milo O'Shea, Emma Samms, Mickey Rooney, John Wyman.

Sortie salles France: 18 Juillet 1979

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Kevin Connor est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né en 1937 à Londres (Royaume-Uni). 1973: Frissons d'outre-tombe. 1975: Le 6è Continent. 1976: Trial by combat. 1976: Centre Terre, septième continent. 1977: Le Continent Oublié. 1978: Les 7 cités d'Atlantis. 1979: Le Trésor de la Montagne Sacrée. 1980: Nuits de Cauchemar. 1982: La Maison des Spectres.


Encore une fois, Kevin Connor se plaît à exhumer les mirages de l'aventure pulp avec cette série B d’un autre âge, Le Trésor de la montagne sacrée, où l’archéologie de pacotille devient prétexte à l’évasion pure, brute, presque naïve. Si le film a vieilli, comme un artefact un peu éraflé dans la poussière du temps, il en conserve pourtant la patine d’un plaisir sincère — celui du dépaysement immédiat, de la promesse d’un ailleurs aux échos perdus.

Derrière cette quête de trésor enfoui dans les replis d’un désert hostile, Connor convoque les figures d’un exotisme un peu rêche, parfois caricatural, mais jamais cynique. Le récit se déroule comme un carnet de route bonnard, tâché de sable, de sueur, et de rencontres décomplexées. Les personnages, silhouettes exubérantes dans l’éternel mirage de la gloire ou de la richesse, se débattent entre trahisons et mirages mystiques. Mais l’enjeu véritable est ailleurs : dans ce souffle d’aventure un peu perdu, ce romantisme de la fin des grandes conquêtes, comme le souligne son final édénique.

La mise en scène, discrète mais appliquée, s’offre même quelques visions insolites, presque ésotériques, comme si la montagne sacrée elle-même bruissait d’un mystère ancien — un cœur minéral battant sous la roche. La musique, simple mais évocatrice, accompagne cette virée comme un murmure de vent parmi les ruines. 

Christopher Lee, impassible comme une stèle oubliée, distille ici son autorité naturelle avec un calme menaçant. Même dans un rôle plus mineur, sa simple présence magnétise l’écran, comme si chaque mot pesait le poids des siècles. Oliver Tobias, en héros de circonstance, incarne avec une nonchalance racée cet aventurier amoureux parfois faillible, partagé entre bravade et résignation. Il ne surjoue rien, mais laisse filtrer, dans ses silences, une attachante noblesse d'âme et de loyauté. Puneet Sira, dans son jeune rôle, apporte une touche d’innocence vive, parfois un peu maladroite, mais jamais fausse. Il offre au récit une ancre émotionnelle simple, presque candide, au cœur d’un monde de dupes. Milo O’Shea, enfin, s’amuse visiblement dans son rôle de prêtre excentrique. Il en fait peut-être un peu trop, mais avec une verve généreuse qui n’est jamais déplacée — un contrepoint fantasque qui colore la poussière ambiante d’un éclat d’ironie. Emma Samms, quant à elle, irradie d’un éclat discret mais tenace. Son jeu, tout en retenue, mêle une grâce un peu mélancolique à une force intérieure inattendue. Elle semble parfois perdue dans cet univers d’hommes et de poussière, mais ses regards, ses silences, trahissent une volonté farouche, presque mystique. Elle incarne moins un personnage qu’un souffle d’énigme — une présence qui traverse le récit comme une brise venue d’ailleurs.

Le Trésor de la montagne sacrée n’a pas l’ampleur des grandes fresques du genre, mais il en garde l’ombre, le parfum. Une œuvre modeste, oui, mais animée d’une foi sincère dans le pouvoir du cinéma d’aventures à l’ancienne, celui qui, sans détour, regarde l’horizon comme on fixe un mirage — avec espoir, avec fièvre.

*Eric Binford
08.05.25. 4èx

lundi 19 juillet 2021

Cop

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de James B. Harris. 1988. U.S.A. 1h51. Avec James Woods, Lesley Ann Warren, Charles Durning, Charles Haid, Raymond J. Barry, Randi Brooks.

Sortie salles France: 25 Janvier 1989. U.S: 11 Mars 1988

FILMOGRAPHIEJames B. Harris est un producteur et réalisateur américain né le 3 août 1928 à New York. 1965 : Aux postes de combat. 1973 : Some Call It Loving. 1982 : Fast-Walking. 1988 : Cop. 1993 : L'Extrême Limite (Boiling Point). 

Si James B. Harris possède une si courte carrière à son actif, il eut au moins réalisé une oeuvre marquante des années 80, un thriller porté à bout de bras sur les épaules de James Woods, Cop d'après un roman de l'illustre James Elroy. Car sous ses faux airs de modeste série B du samedi soir, ce psycho-killer symptomatique des années 80 demeure un excellent suspense criminel tirant parti d'un cheminement narratif aussi imprévisible que délétère. Notre personnage majeur, un flic à la fois sournois, cynique et expéditif, évoluant autour d'un univers de corruption à travers la drogue, la prostitution et les flics ripoux qui empiètent son enquête. Si bien que Lloyd Hopkins s'efforce de mettre sous les verrous un dangereux serial-killer sévissant dans le quartier depuis 15 ans. Un tueur de prostituée adepte de poème et de gerbe de fleurs qu'il envoie à ses prétendantes. Avec l'aide de quelques témoignages féminins, Lloyd tente de démasquer l'assassin en usant et abusant de son insigne policier lors de ses ripostes tranchées. Bien que l'intrigue demeure un tantinet difficile à suivre si on fait preuve d'inattention, Cop s'avère aussi fascinant que captivant de par l'intelligence de James B. Harris réfractaire au conformisme et aux clichés pour se démarquer du produit standard. 

Cop affichant au rythme d'un score monocorde génialement opaque (tendance film d'horreur) une carrure de psycho-killer franc-tireur en nous dressant une galerie de portraits aussi fantaisistes que marginaux (surtout l'écrivaine godiche à deux doigts de se faire déssouder par le maniaque faute de sa posture sirupeuse). Et si l'action s'y fait discrète, lorsqu'elle frappe c'est au bon moment et vers la bonne cible d'après les légitimes défenses (discutables) de Lloyd acharné à éradiquer l'ennemi qui se présente face à lui. James Woods crevant à nouveau l'écran à travers ses expressions naturelles de flic en rut plutôt indépendant, rustre et parfois manipulateur afin de parvenir à ses fins. On apprécie également quelques touches d'humour émanant de réparties irascibles ou de comportements niais (l'interrogatoire de l'écrivaine vaut son pesant de cacahuètes, la 1ère rencontre entre Lloyd et la prostituée de luxe adepte des partouzes). 

Ponctué d'éclairs de violence froides, concises mais impressionnantes, au service d'une intrigue à suspense où plane un vénéneux climat d'insécurité sous-jacent, Cop joue finalement dans la cour des grands à charpenter sa narration auprès d'un schéma tortueux réfractaire à l'ornière. James Woods épaulé  de son adjoint, l'accort et bon-vivant Charles Durning, monopolisant l'écran avec une pugnacité imparable dans sa personnalité anti-manichéenne. De ce fait, Cop possède aujourd'hui une patine proéminente grâce à son emballage discourtois aucunement conçu pour plaire à tous.

Eric Binford.
3èx