de Bigas Lunas. 1987. Espagne. 1h24. Zelda Rubinstein, Michael Lerner, Talia Paul, Ángel Jovè, Clara Pastor, Isabel García Lorca, Nat Baker, Edward Ledden, Gustavo Gili, Antonio Regueiro...
Date(s) de Sortie(s) : France: 19 avril 1989 U.S.A: 08 janvier 1988
FILMOGRAPHIE: Juan José Bigas Luna est un réalisateur espagnol, né le 19 mars 1946 à Barcelone (Espagne). 1978 : Tatuaje , Bilbao, 1979 : Caniche, 1981 : Reborn, 1985 : Kiu i els seus amics (série TV),1986 : Lola, 1987 : Angoisse (Angustia), 1990 : Las Edades de Lulú, 1992 : Jambon, jambon (Jamón, jamón),1993 : Huevos de oro, 1994 : La Teta y la luna, 1995 : Lumière et Compagnie, 1996 : Bámbola, 1997 : La Femme de chambre du Titanic, 1999 : Volavérunt, 2001 : Son de mar, 2006 : Yo soy la Juani.
Quand la fiction dépasse la réalité
Un ophtalmologiste vit reclus auprès de sa mère. Bientôt, John devient aveugle à cause d’un diabète dégénératif. Sa mère, qui exerce sur lui une emprise malsaine, use de ses dons télépathiques pour l’inciter à perpétrer des crimes vengeurs, en lui ordonnant d’extirper les yeux de ses victimes.
Rares sont les films d’horreur capables de nous insuffler un état anxiogène sensoriel, rares sont ceux qui nous font vivre une transe expérimentale. En découle ici une réflexion vertigineuse sur notre rapport affectif à l’image et sur notre faculté mentale à fusionner avec une fiction qui ronge les contours du réel.
Bigas Luna, plus inspiré que jamais, débute sa trame par le portrait d’un schizophrène myope, obsédé par les yeux, coexistant avec sa mère — formidable Zelda Rubinstein, magnétique, sensiblement patibulaire. Une sexagénaire possessive, douée d’hypnose et de télépathie.
À travers quelques images baroques (un escargot rampant sur un corbeau noir), ou franchement cauchemardesques (les relations équivoques mère/fils sous hypnose, et la série de meurtres qui s’ensuit), nous suivons la besogne de John, poussé à se venger de ceux qui l’ont humilié, en leur arrachant les yeux avant de les tuer.
Cette obsession destructrice — annihiler la vue chez l’autre — culmine lors d’un double meurtre commis chez un couple de bourgeois, provoquant un malaise diffus chez le spectateur, tant par le réalisme cru des situations que par des effets gores frontaux (orbites arrachées au scalpel).
Puis Angoisse lève subitement le voile. Mais chut…
Qui plus est, pour amplifier le malaise et l’angoisse rampante, Bigas Luna introduit à mi-parcours une séance d’hypnose commanditée par la mère de John. Cette altération de la conscience produit chez certains spectateurs un vertige palpable — surtout chez cette jeune fille terrifiée, accompagnée de son amie, impassible. Ce trip expérimental agit également sur nous, comme si nous étions, à notre tour, soumis à l’influence de cette femme toute-puissante.
L'angoisse mentale de l’héroïne, au bord du marasme, déteint sur notre propre psyché, égarée dans un flou d’émotions. Et le pire est à craindre pour le sort des deux adolescentes harcelées par le tueur…
Dans cette seconde partie, terriblement claustrophobe, Bigas Luna enferme littéralement le spectateur dans une salle de cinéma, fusionnant deux récits parallèles en un jeu de miroirs manipulateur, qui entretient sans relâche la confusion entre réalité et fiction.
D’où cette réflexion troublante sur l’influence du 7e art sur les esprits vulnérables, et sur l’ambivalence du vrai et du faux que Bigas Luna manipule avec une maestria d’alchimiste.
Faux Semblant
Une pierre angulaire des années 80, à redécouvrir d’urgence — surtout pour ceux qui se sont égarés avec passion dans l’expérience Enter the Void de Gaspar Noé.
Mais ici, avec trois fois rien et sans la grandiloquence, Luna parvient à nous aspirer dans un dédale horrifique, aussi vertigineux que dérangeant.
Culte. Terrifiant. Hypnotique.
Récompenses: Prix très spécial, Prix de la critique, Prix du public, Prix du meilleur scénario au Festival du Rex à Paris en 1988.
Prix de la meilleure photo à Avoriaz 1988.
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