de Werner Herzog. 1979. France/Allemagne. 1h47. Avec Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor, Walter Ladengast, Dan van Husen, Jan Groth, Carsten Bodinus, Martje Grohmann, Rijk de Gooyer.
A l'instar de ses chutes d'eau et des montagnes rocailleuses que Jonathan Harker franchit, tel un baroudeur tranquille. Ou de cette plage automnale lorsque Lucy s'y hasarde afin d'y contempler l'horizon. C'est donc l'illustration d'un univers onirique que nous retransmet le cinéaste avant son passage funeste, Nosferatu transmettant la peste du rat sur la population après son périple maritime. Avec audace et originalité, le cinéaste se réapproprie du mythe en remaniant le caractère des personnages iconiques évoluant autour du non-mort. Tant auprès du portrait de Jonathan Harker, victime passive gagnée par l'amnésie, de sa fidèle épouse contrairement motivée à s'opposer au Mal ou de Van Helsing, chasseur de vampire décati dépassé par les évènements. Outre le soin formel imparti à une mise en scène extrêmement appliquée, Nosferatu est inévitablement transcendé du score envoûtant de Popol Vuh et des interprétations hallucinées d'Isabelle Adjani et Klaus Kinski. Ce dernier endossant la posture longiligne d'un vampire chafouin miné par sa condition d'immortel. Pourvu d'un regard frigide car obsédé par la mort et la vue du sang, l'acteur se fond dans son personnage avec une élégance somme toute sépulcrale. Quand à Isabelle Adjani, elle lui partage la vedette avec une grâce autrement ténue à travers sa beauté opaline, son émotion candide lors de ses expressions apeurées rattrapées par l'ambition d'y vaincre le Mal.
Chef-d'oeuvre du film de vampire contemplatif ne ressemblant à nul autre, Nosferatu, Fantôme de la nuit s'édifie en odyssée funeste de par ses thèmes de la nonchalance, de l'élégie et du désespoir existentiel. Tant auprès de l'ultime périple du vampire en perdition, faute de sa condition d'immortel déchue, que de la nouvelle relève imparti à son suppléant si bien qu'Herzog privilégie un parti-pris inopinément nihiliste lors de sa conclusion d'un onirisme spatial. Une oeuvre intime picturale donc, chemin de croix inscrit dans la langueur et la nonchalance auprès de ce vampire léthargique dénué de ressort afin d'endiguer sa besogne immortelle. Car au bout de son désespoir, il reste peut-être quelque part un espoir sentimental pour le soustraire à l'abime.
*Bruno