samedi 15 août 2015

L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site blogs.rue89.nouvelobs.com

"The Man Who Fell to Earth" de Nicolas Roeg. 1976. Angleterre. 2h19. Avec David Bowie, Rip Torn, Candy Clark, Buck Henry, Bernie Casey, Jackson D. Kane.

Sortie salles France: 6 Juillet 1977. U.S: 28 Mai 1976

FILMOGRAPHIE: Nicolas Roeg est un réalisateur anglais et directeur de photo, né le 15 Août 1928 à Londres. 1970: Performance. 1971: La Randonnée. 1973: Ne vous retournez pas. 1976: l'Homme qui venait d'ailleurs. 1980: Enquête sur une passion. 1984: Eureka, 1985: Insignificance. 1986: Castaway. 1988: Track 29. 1990: Les Sorcières. 1991: Cold Heaven. 1995: Two Deaths. 2007: Puffball.


                          Une chronique exclusive de Audrey Jeamart (http://scopophilia.fr/)

À l’opposé de son titre français laconique, ou anglais (« The man who fell to earth ») factuel, le quatrième film du britannique Nicolas Roeg est une œuvre complexe, sinueuse, d’une circonvolution confinant au vertige. Tenter de la résumer serait, plus qu’une gageure, une erreur, tant l’on savait bien avant X-Files que la vérité est ailleurs. Son intrigue, dévoilée par bribes, part d’une base linéaire et relativement sommaire (un extra-terrestre ayant pour mission de trouver un moyen d’acheminer de l’eau sur sa planète, où se meurent sa femme et ses deux enfants), mais emprunte constamment des chemins de traverse qui la rendent finalement accessoire et font du film, saturé d’ellipses et de soubresauts, une œuvre aussi décontenançante que fascinante.

Si la trame du film, dans sa globalité, suit bien une ligne chronologique, Roeg brouille constamment les repères et se montre peu avare en ellipses. On reste également interdits devant l’étrangeté et la beauté de ses montages alternés, dont le sens peu ou prou nous échappe. À nous de reconstituer, déduire, supposer, sans jamais acquérir de certitude. Tout comme la trajectoire du personnage, la narration du film se caractérise par un certain flottement, entre détours et raccourcis. Les motivations même du héros semblent floues, ses réactions parfois incohérentes. Sans plus d’explications, il nous faut accepter que Thomas Jerome Newton, qui vient tout juste d’arriver sur Terre, et après avoir simplement eu le temps de vendre son alliance, se retrouve assis dans le salon d’un avocat spécialisé dans les brevets (d’où découlera l’entreprise qui le rendra riche, mais dans quel but ?), qu’il s’établisse, en dépit de sa fortune, dans une chambre d’hôtel peu cossue où il accumulera les postes de télévision (abrutissement délibéré ou volonté d’engranger en peu de temps l’ensemble des us et coutumes humains ?), qu’il s’installe avec Mary-Lou, la femme qu’il y a rencontrée, dans une maison isolée, pour finalement ne se sentir bien nulle part.


De ce désordre apparent naît le vertige. Vertige d’une narration heurtée, ponctuée de cul-de-sac, traversée de réminiscences-visions de cet ailleurs (des étendues blanches et désertiques, et trois êtres aux yeux jaunes vêtus d’étranges combinaisons : souvenirs, visualisations mentales en temps réel ou espoirs futurs matérialisés, on ne saurait vraiment dire) dont on ignore au fond si le héros souhaite vraiment le retrouver. Vertige de la quête qui se délite progressivement (a-t-elle seulement existé ?), se désagrège comme une navette qui exploserait en entrant dans l’atmosphère. Car il apparaît de plus en plus évident que ce qui pouvait s’apparenter au départ à une mission des plus essentielles (retrouver sa famille et la sauver) n’est en fait qu’une errance. Celle d’un être qui s’invente un but sans être lui-même convaincu de son importance, qui bâtit un empire et devient millionnaire pour tout abandonner et finir reclus (d’abord volontairement, puis contre son gré, mais au fond, cela fait-il une différence ?). Qu’importe d’où il vienne (ni où il va), Thomas Jerome Newton est surtout dévasté par le nihilisme.

Difficile alors de ne pas voir le film de Roeg comme une allégorie de la chute originelle. Thomas Jerome Newton n’est-il pas celui qui littéralement « tombe sur la Terre » ? Dans leur dénuement, leur ascétisme serein, les visions de sa planète d’origine ne reflètent-elles pas une sorte de paradis perdu, où seul compte le bonheur d’être ensemble et de mener une vie simple ? Troublant également est ce plan de Tommy et Mary-Lou (qui interprète également sa femme extraterrestre), cet homme et cette femme, nus, qui se regardent, puis nous regardent, nimbés d’un voile vaporeux.

L’espoir d’un retour à l’âge d’or s’incarnerait alors dans cette mission de sauvetage familial, ni plus ni moins qu’une illusion destinée à amortir la chute, dont Tommy devient le symbole errant. Une fois identifiée comme un leurre, cette quête fait de Tommy un homme tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Un homme s’inventant un personnage. D’extraterrestre, en l’occurrence. Et c’est là que le choix de David Bowie (pour qui Roeg a conçu l’adaptation du roman de Walter Stone Tevis), d’emblée évident sans que l’on puisse au premier abord avancer une raison autre que son magnétisme et l’atypisme de sa silhouette frêle, de ses yeux vairons et de ses cheveux orange, prend tout son sens.


Qui d’autre pouvait mieux incarner Thomas Jerome Newton (nom ternaire comme celui de David Robert Jones) qu’un musicien qui semblait lui-même venu d’ailleurs et s’était toujours inventé des personnages, dont le plus connu, Ziggy Stardust, créé en 1972 (le film a été tourné en 1975), n’est autre qu’un messager d’une intelligence extraterrestre ? En 1969, Space Oddity, inspiré par sa fascination pour 2001 L’Odyssée de l’espace de Kubrick, raconte déjà l’errance, spatiale, du Major Tom, dont on apprendra quelques dix années plus tard, dans Ashes to Ashes, qu’il n’était qu’un junkie, et que l’astronaute était donc un personnage.

La figure de l’extraterrestre n’est pas innocente en ce sens que les termes « alien » et « aliénation », cette idée de dépossession de ce qui fait l’essence d’un être, proviennent du même mot latin. L’alien éprouvant des difficultés à s’intégrer n’est autre qu’un être aliéné qui traverse l’existence à la recherche, comme à tâtons, d’une complétude se dérobant sans cesse devant lui. Sans raison de vivre (l’autodestruction, par l’alcool, ou en tant qu’idée, comme avec ce pistolet intervenant dans les jeux érotiques de Tommy et Mary-Lou, parcourt le film entier), l’homme vit dans l’illusion de grands projets qui ne font que masquer le vide qui l’accable. C’est ce qui rend L’Homme qui venait d’ailleurs si mélancolique, si tragique, au fond.


Et comme les correspondances à l’œuvre dans le film n’en finissent plus et donnent elles aussi le vertige, la légende raconte que Bowie était sous l’emprise de substances pendant toute la durée du tournage. Qu’importe. Peu nous intéresse, au final, de savoir si cet air détaché, ce faciès quasiment imperturbable traversé par quelques sourires et mimiques ironiques d’autant plus saisissants qu’ils sont rares, découlent d’une volonté de jeu d’acteur ou d’un état second. Il est surtout troublant de superposer l’altérité manifeste à la fois de l’acteur, et du personnage. « Just being me as I was was perfectly adequate for the role. I wasn’t of this earth at that particular time », avait-il déclaré.

Au terme de cette déambulation chaotique, c’est par la création artistique que Tommy (qui tel Dorian Gray ne prend pas une ride, quand tous les autres personnages sont devenus vieux) se reconnecte à sa quête. On découvre en effet qu’il a composé un album (que sa femme entendra peut-être de là où elle est, nous suggère-t-on) sous le nom de The Visitor. Quelques années, plus tard, ce seront des portraits de Bowie tirés du film qui orneront les pochettes des albums Station to Station et Low (sur lequel figurent certains morceaux écrits pour la bande originale du film, mais qui ne furent pas utilisés).

En dépit de sa complexité, de sa continuité malmenée ne facilitant pas la compréhension immédiate et nous laissant parfois hagards, L’Homme qui venait d’ailleurs est d’une beauté confondante. D’une poésie rare, lancinante, profondément mélancolique. On demeure fasciné devant la trajectoire de cet homme qui se prend parfois à rêver et s’invente, échappatoire illusoire aux tourments qu’il tente de contourner, de sublimer, une seconde peau qui ne remplacera jamais vraiment la première, et devient le sublime et fragile écrin métaphorique de la difficulté de vivre et de s’adapter.

Audrey Jeamart (http://scopophilia.fr/)

vendredi 14 août 2015

Planet Terror

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site planetterror.wikia.com

de Robert Rodriguez. 2007. U.S.A. 1h45. Avec Rose McGowan, Freddy Rodríguez, Marley Shelton,
Josh Brolin, Naveen Andrews, Michael Biehn, Stacy « Fergie » Ferguson, Michael Parks, Tom Savini, Jeff Fahey, Carlos Gallardo, Nicky Katt, Bruce Willis, Quentin Tarantino.

Sortie salles France: 14 Août 2007. U.S: 6 Avril 2007

FILMOGRAPHIE: Robert Rodriguez est un réalisateur et musicien américain, d'origine mexicaine, né le 20 Juin 1968 à San Antonio, Texas, Etats-Unis. 1992: El Mariachi. 1993: Roadtracers (télé-film). 1995: Desperado. 1995: Groom Service (Four Rooms, segment: The Misbehavers). 1996: Une Nuit en Enfer. 1998: The Faculty. 2001: Spy Kids. 2002: Spy Kids 2. 2003: Spy Kids 3. 2003: Desperado 2. 2005: Sin City. 2005: Les Aventures de Shark Boy et Lava Girl. 2007: Planète Terror. 2009: Shorts. 2010: Machete (co-réalisé avec Ethan Maniquis). 2011: Spy Kids 4. 2013: Machete Kills. 2014: Sin City: j'ai tué pour elle. 2014: From dusk till Daw: The Series (épis 1,2 et 4). 2015: Machete Kills Again... in Space.


Vibrant hommage aux séries Z horrifiques des années 70 et 80, Planet Terror s’édifie en offrande ultime, celle que tous les amoureux du Bis espéraient un jour voir éclore sur grand écran. Autrement dit, ceux qui ont été bercés par des pellicules aussi incongrues que L’Avion de l’Apocalypse, Le Monstre qui vient de l’espace, Le Manoir de la Terreur ou Contamination. Si le duo Rodriguez/Tarantino nous avait déjà comblés avec le polar vampiresque (au goût de Tequila) Une Nuit en Enfer, nos lurons remettent le couvert de l’ultra-référence, en décuplant l’épice action/gore autour d’une invasion de zombies purulents. La faute à une transaction militaire menée par le lieutenant Muldoon : un gaz mortel s’échappe et infecte la population d’une bourgade rurale. Cherry, go-go danseuse en rupture de barre, et son ex-amoureux, s’allient à un restaurateur et une poignée de mercenaires pour repousser les monstres affamés de chair humaine.

Ce pitch éculé que les amateurs connaissent par cœur, Rodriguez en extirpe une gigantesque farce macabre, bourrée jusqu’à la moelle de poursuites, gunfights et agressions sauvages. Une confrontation démesurée entre zombies (à tête de pizza, siouplaît !) et survivants cloîtrés entre hôpital, grill-room et base militaire. Baignant dans le mauvais goût le plus délicieux, avec un gore aux effluves transalpines (clin d’œil savoureux à Fulci et sa fameuse écharde !), Rodriguez s’en donne à cœur joie, illustrant avec esbroufe grand-guignolesque d’innombrables éventrations, décapitations, démembrements, mutilations... à grand renfort de geysers de sang.

Outre la jouissance de son action trépidante nappée d’humour noir, Planet Terror est transcendé par une galerie de personnages tous plus excentriques, cyniques et ubuesques les uns que les autres. Porté par les trognes charismatiques de comédiens en roue libre - dignes rejetons des années 80 - le film arbore une patine vintage irrésistible, notamment dans la manière iconique dont Rodriguez dessine ses deux héroïnes estropiées. Le film rivalise d’idées saugrenues (la mitraillette encastrée dans le moignon d’une unijambiste !) et de situations scabreuses et pittoresques : des couilles émasculées comme enjeu diplomatique, des pustules giclant en pleine face au détour d’un dialogue.

Mais derrière l’absurde s’impose un soin constant de l’ambiance, qu’elle soit rurale (le grill-room) ou médicale (l’hôpital en alerte). Rodriguez cisèle l’esthétique flamboyante d’une photo rongée de scratchs - clin d’œil appuyé aux vieilles bobines Grindhouse -, rythmée par une partition électro en droite ligne d’un Carpenter halluciné. Une poésie visuelle et sonore qui ne tarit jamais dans son flot de trouvailles fantasques, graveleuses, répulsives.


Planet Terror, hymne solennel aux bisseries Z et autres classiques du gore transalpin que Fulci avait souillé de sa patte licencieuse, transfigure l’hommage, dépoussière le cinéma d’exploitation avec une vigueur galvanisante, une inventivité débridée, une verve insolente (les dialogues rivalisent de vulgarité gouailleuse !) et une générosité dévastatrice. Immersif en diable dans sa volonté de sacraliser l’atmosphère palpable d’une bourgade texane en proie à un surnaturel charognard, Planet Terror redore le zombie apathique avec un purisme fiévreux, porté par des comédiens cartoonesques littéralement fascinants.

Bruno
05.07.25 — 3èx

    jeudi 13 août 2015

    SCREAM 2

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemagora.com

    de Wes Craven. 1997. U.S.A. 2h01. Avec Neve Campbell, Courteney Cox, David Arquette, Jamie Kennedy, Jerry O'Connell, Elise Neal, Liev Schreiber, Timothy Olyphant, Sarah Michelle Gellar.

    Sortie salles France: 8 Juillet 1998. U.S: 12 Décembre 1997

    FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio.
    1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


    Seconde suite d'un premier opus mondialement reconnu, Scream 2 continue de surfer sur le slasher en vogue avec un goût tacite pour la parodie, Wes Craven s'interrogeant aujourd'hui sur la nécessité des suites à succès générant le merchandising, quand bien même les producteurs véreux utilisent l'appât du fait-divers crapuleux pour l'adapter à l'écran et divertir le public ado. A l'instar de son modèle, le film s'ouvre avec un prologue tout aussi cruel lorsqu'un couple de spectateurs est pris à parti avec le tueur masqué en pleine projection de Stab (adaptation cinématographique du premier Scream). Wes Craven ayant auparavant pris soin de nous attacher à leur rapport romantique afin de mieux irriguer l'empathie après leurs assassinats. Nanti d'un ressort dramatique, il utilise la mise en abîme pour mettre en exergue la réaction aphone du public lorsqu'il se retrouve témoin d'un véritable assassinat sur la scène de l'écran. Par le biais du "film dans le film" auquel ces derniers se frissonnent à observer le meurtre fictif d'une baby-sitter, Scream 2 tend à prouver à quel point le réalisme au cinéma peut altérer l'esprit du spectateur ne sachant plus ici distinguer fiction et réalité. Ou lorsque la tragédie du quotidien vient transcender l'illusion pour rappeler à l'ordre la conscience soumise du jeune public en émoi !


    Outre sa réflexion sur le pouvoir de l'image et l'influence de la violence cinématographique qu'il peut parfois exercer chez des sujets fragiles, l'intrigue met également en appui un discours sur l'avidité de la célébrité par l'entremise des journalistes sans scrupule et surtout de l'étudiant Cotton Weary (celui que Sidney avait accusé dans le 1er opus et qui lui valu d'écoper une peine de prison), délibéré aujourd'hui à prendre sa revanche sur sa réputation auprès de l'opinion public. Bourré de références aux classiques du Slasher mais aussi du Giallo, l'intrigue exploite moult rebondissements épiques, suspects et faux coupables lorsqu'un nouveau tueur décide de fonder une suite au 1er Scream pour y imposer sa signature et commettre une nouvelle série d'homicides afin de brimer Sidney Prescott et son entourage. Avec inventivité, cruauté sardonique et pas mal de vigueur dans la gestion des séquences de poursuites, Wes Craven élabore de nouvelles séquences d'angoisse ou de terreur particulièrement palpitantes (avant d'exploiter les repères du huis-clos claustro !) lorsque les victimes sont incessamment traquées par un tueur malhabile, ce dernier ne cessant de trébucher lorsqu'il s'engage à rattraper sa proie en panique. Une manière habile de détourner les codes du genre et de s'en moquer en jouant autant sur les poncifs éculés des suites à rallonge (notamment ces fameux alibis impartis à la vengeance et au coupable bicéphale !). Le point d'orgue s'avérant assez jubilatoire dans son humour sarcastique et ses contrecoups en pagaille régis autour d'une scénographie théâtrale. Une leste manière de dévoiler l'envers du décor cinégénique et tous ces artifices techniques que le cinéaste pratique inévitablement dans l'hyperbole ! Pour parachever, on peut également prôner la complicité amicale de tous les comédiens (déjà célébrés dans le premier opus !) formant une cohésion attachante par leur caractère spontané, quand bien même Courteney Cox insuffle à sa fonction de journaliste cupide une dimension plus humaine (et romantique !) dans sa prise de conscience d'aborder cette nouvelle dramaturgie avec discernement. 


    Fun et bien troussé par son savoir-faire véloce et son rythme sans faille, Scream 2 renouvelle son style ironique avec perspicacité pour divertir son public complice d'une farce macabre. De manière satirique, voire parodique, Wes Craven profitant de nous questionner sur notre responsabilité morale à distinguer la fiction d'une violence horrifique et la tragédie du fait-divers qu'Hollywood n'hésite pas exploiter vulgairement afin de favoriser le merchandising des suites lucratives. 

    Les Chroniques de Scream: http://brunomatei.blogspot.com/2011/04/scream.html
                                   Scream 4: http://brunomatei.blogspot.com/2011/04/scream-4.html

    Bruno Matéï
    3èx

    mercredi 12 août 2015

    Cloverfield

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

    de Matt Reeves. 2008. U.S.A. 1h21 (1h14 sans générique). Avec Michael Stahl-David, Mike Vogel, Lizzy Caplan, Jessica Lucas, T.J. Miller, Odette Yustman, Theo Rossi.

    Sortie salles France: 6 Février 2008. U.S: 18 Janvier 2008

    FILMOGRAPHIE: Matt Reeves est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 27 Avril 1966 à Rockville Centre (Etats-Unis). 1993: Future Shock (segment "Mr Petrified Forrest). 1996: Le Porteur de Cercueil. 2008: Cloverfield. 2010: Laisse moi entrer. 2014: La Planète des Singes: l'Affrontement.


    D'après un concept original du producteur J.J. Abrams, Cloverfield empreinte la démarche du Found Footage afin de renforcer l'ultra réalisme d'une invasion animale au sein de l'état de New-York. C'est à dire une créature géante (dont nous ne connaîtrons jamais l'origine ) chargée ici de semer le chaos en plein coeur des cités de Manhattan. L'armée enrôlée en masse s'efforçant vainement de déjouer l'ennemi parmi l'artillerie lourde de leurs mitraillettes, lance-roquettes et missiles envoyés par chars, hélicoptères ou encore avions de chasse. Ainsi, en alliant le film de monstre, digne héritier de Godzilla et la topographie du film catastrophe, Matt Reeves rivalise de prouesse technique pour authentifier son apocalypse urbain par le principe du documenteur. Car expérience de cinéma immersive imperturbable, Cloverfield parvient miraculeusement à se démarquer de la surenchère dans son habile dosage de destruction massive et d'apparition dantesque d'une créature protéiforme terriblement charismatique. Or, jouant également sur la suggestion en retardant le plus souvent possible sa morphologie démesurée, l'intrigue puise son efficacité dans le caractère vraisemblable de cette situation incongrue auquel un monstre aura décidé d'imposer sa loi. Ou comment cristalliser l'impensable dans le domaine du crédible par le biais d'une caméra mobile multipliant les ellipses visuelles pour mieux attiser notre curiosité. 


    C'est là la grande force de Cloverfield, car outre ses scènes d'action au souffle apocalyptique vertigineux, son pouvoir de fascination émane de l'apparition cauchemardesque du monstre par l'habileté de plans soigneusement étudiés. Et même si les protagonistes s'avèrent brièvement développés au cours de leur vicissitude de survie, bien que nantis d'une épaisseur humaine somme toute fragile, le parti-pris d'avoir sélectionné des acteurs inconnus renforce également sa facture si crédible. Et si le scénario superficiel n'apporte aucune surprise (en dehors des créatures annexes venues brimer la traque des survivants) quant au cheminement affolant des héros sillonnant les quartiers décharnés pour porter secours à une fille recluse dans un appartement, la manière urgente dont Matt Reeves nous immerge dans le feu de l'action nous laisse pantois de stupeur. Dès lors, nous redoutions la prochaine apparition du monstre déambulant avec une démarche aussi lourde qu'effrayante à travers les buildings tout en éprouvant une implacable fascination hypnotique face à ses exactions de destructions urbaines. On peut d'ailleurs souligner l'acuité de sa bande-son là encore conçue pour nous assourdir les tympans afin de rehausser la démarche pataude de la masse animale et les explosions d'immeubles qu'il génère tout en éprouvant l'empathie des survivants toujours plus à bout de course quant à l'évolution dramatique de leurs tourments dénués d'espoir. 


    Pur spectacle de samedi soir régi en tour de montagne russe, Cloverfield tient la dragée haute du divertissement alerte de par l'habileté du faux documentaire et d'un brio technique à couper le souffle. Par sa puissance visuelle crépusculaire et l'impact catastrophique d'une situation aussi aléatoire rappelant sciemment les tragiques évènements du 11 Septembre, le film peut s'officialiser comme l'un des plus réalistes film de monstres jauquel les remakes ricains de Godzilla sont balayés en un (furtif) coup de vent. 

    *Bruno
    22.08.24. 3èx. Vostfr. 4k.

      mardi 11 août 2015

      MENACE II SOCIETY

                                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site gettyimages.com

      des Frères Hughes. 1993. U.S.A. 1h37. Avec Tyrin Turner, Larenz Tate, Jada Pinkett Smith, MC Eiht, Samuel L. Jackson, Clifton Powell, Vonte Sweet, Charles S. Dutton.

      Sortie salles France: 5 Janvier 1994. U.S: 26 Mai 1993

      FILMOGRAPHIE: Albert et Allen Hughes sont des frères jumeaux producteurs, scénaristes et réalisateurs américains, né le 1er Avril 1972 à Détroit (Michigan).
      1993: Menace II Society. 1995: Génération Sacrifiée. 1999: American Pimp (doc). 2001: From Hell. 2009: New-York, I love you (un segment d'Allen Hughes). 2009: Le Livre d'Eli. 2013: Broken City (d'Allen Hughes).


      Film choc s'il en est, plus encore que ses précurseurs Colors et Boyz'n the Hood, Menace II Society dresse le portrait effrayant d'une délinquance juvénile, celle des ghettos noirs retranchés dans une idéologie criminelle où la loi du plus fort y engendre une ingérable spirale de violence. En témoigne son prologue cinglant auquel un couple de commerçants va être lâchement abattu par un jeune noir parce que l'épicier aura osé offenser verbalement sa mère. Cette violence implacable s'avère d'autant plus terrifiante par son réalisme poisseux qu'elle découle d'un jeune marginal destitué de toute morale à accorder la moindre chance et empathie pour sa victime. Et de pousser le bouchon de l'incongruité lorsqu'il vantera plus tard les mérites de ses actes crapuleux auprès de ses proches après avoir dérobé l'enregistrement de la video surveillance !


      Terrifiant pour l'impact cru imposé à sa violence gratuite, les exactions criminelles qui empiètent le cheminement du témoin du meurtrier (c'est à dire Caine, afro-américain de 18 ans !), provoque émoi et malaise dans son lot de circonstances sanglantes. Entre règlements de comptes aux motifs dérisoires, à l'instar d'un regard ou d'une provocation verbale mal placés, voir d'un désir de vengeance ou d'un ressort de jalousie, et avant que Caine ne commence à s'éveiller de sa torpeur existentielle par l'appui d'une idylle amoureuse et des sermons de son grand-père. Illustrant sans compromis sa dérive criminelle en chute libre, les Frères Hughes n'y vont pas avec le dos de la cuillère pour mettre en exergue cette déliquescence morale établie au sein d'une communauté noire engluée dans le chômage, l'alcool et la drogue. Si les flics les pourchassent la plupart du temps avec une longueur de retard, certains autres les incriminent avec un mépris raciste au point d'enfreindre leur loi pour se porter complice d'un éventuel lynchage (voir la séquence au cours duquel deux noirs molestés seront vulgairement déposés sur le trottoir d'un quartier latino). Outre ses scènes d'ultra violence particulièrement poisseuses, ce qui ébranle quand on revoit aujourd'hui Menace II Society émane du comportement irresponsable, décérébré et inconscient de ses bandes rivales s'entretuant pour des motifs d'orgueil et de supériorité dans leur condition désoeuvrée. Cette jeunesse constamment sur le fil du rasoir n'ayant comme seule optique de profiter de l'instant présent par leur autonomie ingrate au point même d'envisager parfois d'assassiner un des proches de leur clan.


      Pessimiste et désespéré car sans échappatoire, Menace II Society provoque un malaise tangible par son climat malsain abrupt ou la violence putassière découle du comportement irréfléchi d'une minorité noire souvent livrée à l'abandon parental et à leur déchéance dépravée. Son intensité dramatique rigoureuse culminant vers un point de non retour tristement prévisible et nihiliste. Un témoignage édifiant, un constat d'échec d'une société nombriliste dont on ne sort pas indemne...

      Bruno Matéï
      4èx

      lundi 10 août 2015

      DEATH SENTENCE

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site allocine.fr

      de James Wan. 2007. U.S.A. 1h45. Avec Kevin Bacon, Garrett Hedlund, Kelly Preston, Aisha Tyler, John Goodman, Jordan Garrett, Stuart Lafferty, Matt O'Leary.

      Sortie salles France: 16 Janvier 2008. U.S: 31 Août 2007

      FILMOGRAPHIE: James Wan est un producteur, réalisateur et scénariste australien né le 27 Février 1977 à Kuching (Malaisie), avant de déménager à Perth (Australie).
      2004: Saw, 2007: Dead Silence, Death Sentence, 2010: Insidious. 2013: The Conjuring. 2013: Insidious 2.


      Pur hommage au Vigilante Movie, James Wan ne réinvente rien avec Death Sentence, le film épousant une structure narrative éculée avec cet aimable père de famille reconverti en exterminateur depuis la mort tragique de sa famille. Il compte donc sur l'efficacité des séquences d'actions remarquablement exécutées (à l'instar de cette poursuite filmée en plan-séquence en interne d'un parking !) et enchaînées sur un rythme sans faille, et sur l'interprétation poignante de Kevin Bacon, parfaitement charismatique dans celui du cadre sombrant peu à peu dans la folie meurtrière par regain de rancoeur. En savourant cette série B menée avec savoir-faire, les amateurs du genre se remémoreront avec nostalgie les péloches d'exploitation qui pullulaient à l'aube des années 80, particulièrement Le Droit de Tuer, Vigilante, Un justicier dans la ville 2 et le Justicier de Minuit pour en citer les plus notoires


      Outre son action échevelée et son ultra violence jouissive émanant du comportement vindicatif de rivaux incapables de s'amnistier, Death Sentence fait également preuve d'une intensité dramatique poignante lorsqu'un père de famille se retrouve témoin de la mort de son fils. De brèves séquences intimistes (la scène de l'hôpital où les parents apprennent le deuil de leur fils aîné, la séquence de la douche lorsque Nick se met à fondre en larme, l'étreinte du couple réunit dans la cave) faisant preuve de pudeur sont aussi mises en exergue pour illustrer la douleur insurmontable de Nick confronté à la violence aveugle d'une criminalité urbaine depuis la démission d'une juridiction laxiste. On peut d'ailleurs approuver la présence bicéphale de Kevin Bacon insufflant à son personnage en berne une sobre dimension humaine, notamment lors de son premier homicide quand il constate avec autant d'effroi que de dégoût la perversion de sa première pulsion morbide. Le film illustrant avec beaucoup d'efficacité sa lente descente aux enfers vers l'auto-justice et sa responsabilité immorale à prôner la meurtre depuis les conséquences dramatiques du destin de sa famille. Hormis son ossature narrative éprouvée, James Wan parvient tout de même à insérer quelques séquences inattendues, à l'instar de la confrontation improvisée entre Nick et le père de l'assassin (un vendeur illicite d'armes que John Goodman endosse avec une ambiguïté sociopathe !) alors que ce dernier n'hésitera pas à lui avouer sa démission parentale. Il y a aussi cette posture quasi ironique et désespérée d'observer Nick et son ennemi assis dans un canapé après leurs échanges de tir, quand bien même ce dernier lui fait constater à quel point il est devenu l'ennemi qu'il combattait depuis sa déliquescence criminelle.


      Mené avec un implacable savoir-faire dans sa mise en scène nerveuse d'une caméra très mobile, Death Sentence joue la carte du divertissement ultra violent en exploitant nos bas instincts réactionnaires. Il en émane un hommage sincère et intelligent pour le genre (le film n'approuvant jamais l'apologie de l'auto-justice) avec l'appui d'un inquiétant Kevin Bacon dans sa stature fragilisée d'anti-héros pourfendeur. 

      Bruno Matéï
      2èx

      jeudi 6 août 2015

      Le Venin de la Peur / Una Lucertola con la Pelle di Donna / Lizard in a woman's skin / Un lézard à la peau de femme / Carole / Les Salopes vont en Enfer

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site giallociaociao.com

      de Lucio Fulci. 1971. Italie. 1h42. Avec Stanley Baker, Florinda Bolkan, Jean Sorel, Silvia Monti, Alberto de Mendoza.

      Sortie salles France: 18 Août 1976. Italie: 17 Février 1971

      FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996.
      1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


      "Ombres sur la soie".
      Giallo atypique dans la carrière de Fulci comme dans l’histoire du genre, Le Venin de la Peur télescope psychanalyse sexuelle et enquête policière, avec un goût prononcé pour les climats oniriques et diaphanes. Traversé de séquences baroques à l’esthétisme stylisé, de visions hallucinées et de meurtres graphiques audacieux (le meurtre de Julia et l’éviscération des chiens hantent les mémoires par leur verdeur crapuleuse !), Fulci tisse une intrigue tortueuse, parfois nébuleuse — les dialogues y ont une importance capitale — centrée sur les frustrations sexuelles d’une épouse trompée.
       
      Carole est hantée par des cauchemars fantasques dans lesquels elle succombe aux charmes de sa voisine Julia, célibataire lubrique adepte des séances d’échangisme parmi une faune de jeunes hippies. Autant dire que les psychotropes sont aussi de la partie. À travers ces rêves récurrents aux accents morbides, Carole consulte un psychiatre dans l’espoir d’exorciser sa névrose. Mais peu après ces séances, Julia est retrouvée morte, poignardée avec un coupe-papier. Exactement comme dans les visions que Carole avait confiées à son thérapeute…
      L’inspecteur Corvin, chargé de l’enquête, soupçonne d’abord le mari volage, mais les carnets de rêves de Carole, eux, semblent dessiner une autre vérité.

      Expérience érotico-horrifique au pouvoir de fascination indéfinissable, Le Venin de la Peur tient aussi du bad trip psychédélique, habité par une galerie de figures troubles — bourgeois arrogants et jeunesse déviante sous LSD se disputant la scène dans un ballet de duplicité.
      Fulci, particulièrement inspiré, magnifie les séquences de rêves en les tirant vers la pure fantasmagorie, nourries par la psyché tourmentée de son héroïne. La beauté vénéneuse des actrices italiennes ajoute une sensualité latente à cette ambiance de déviance criminelle. Rêve et réalité se confondent, se frottent, s’enlacent dans l’esprit d’une femme en quête de vérité, et nous entraînent dans un labyrinthe mental sans repères, captivant comme une transe.
      Ce qui semblait flirter avec la clairvoyance glisse doucement vers une enquête classique, que des inspecteurs, sur le qui-vive, tentent de résoudre alors que Fulci orchestre des séquences de suspense paranoïaque, où Carole tente d’échapper à de mystérieuses menaces.
      La faune secondaire — silhouettes outrancières, postures agressives, regards fuyants — compose une galerie de figures délirantes, hostiles, souvent perverses. Émaillée de fausses pistes et de coups de théâtre, l’intrigue distille un suspense fiévreux, de plus en plus anxiogène, jusqu’à ce que l’évidence du coupable ne vienne clore cette partition baroque.

      Mais au-delà de la révélation, c’est la forme du puzzle qui fascine. Le souffle baroque, le regard noir sur la nature humaine, et cette dérive hypnotique qui ne nous lâche plus.


      "Miroirs brisés sur l’oreiller"
      Pièce maîtresse d’un giallo hétérodoxe, Le Venin de la Peur paraît aujourd’hui encore plus vénéneux, plus expérimental, plus cauchemardesque, sublimé par le master Blu-ray supervisé par Le Chat qui Fume. Un spectacle d’une beauté macabre et sensuelle, à couper au rasoir, où l’onirisme fétide dispute sa place à la stylisation extrême des visions d’horreur.
      Au-delà de ses choix formels, de la puissance de son élégie musicale et de sa narration en trompe-l’œil, Fulci s’amuse à caricaturer la psychanalyse de comptoir et le saphisme inavoué… du point de vue d’une femme-lézard en gestation.

      Remerciement à Philippe Blanc et au Chat qui Fume.

      Bruno 
      01.11.24. Vostfr. 5èx
      06.08.15
      01.10.10 (268)

      mardi 4 août 2015

      LA HAINE. Prix de la mise en scène, Cannes 95.

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site legrandaction.com

      de Mathieu Kassovitz. 1995. France. 1h36. Avec Vincent Cassel, Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui, Solo, Sergi Lopez, Choukri Gabteni, Benoït Magimel.

      Sortie salles France: 31 Mai 1995

      FILMOGRAPHIE: Mathieu Kassovitz est un acteur, scénariste, réalisateur et producteur français, né le 3 Août 1967 à Paris.
      1993: Métisse. 1995: La Haine. 1997: Assassin(s). 2000: Les Rivières Pourpres. 2003: Gothika. 2008: Babylon A.D. 2011: L'Ordre et la Morale.


      Film choc de l'année 95 ovationné à Cannes (Prix de la Mise en scène) puis un an plus tard aux césars (Meilleur Film), La Haine retrace la quotidienneté de trois banlieusards issus de la cité des Muguets à Chanteloup-les-Vignes. Alors qu'un de leur ami, Abdel, est hospitalisé dans un état comateux suite à une bavure policière, Vinz, le plus irascible, souhaite se venger si ce dernier venait à trépasser. Durant leur journée d'errance et de mésaventures, ses amis Hubert et Saïd tentent de le raisonner afin de lui épargner son regain de vengeance. Inspiré par la tragédie de Makomé M'Bowolé assassiné en 1993 par un policier lors d'une garde à vue parisienne, Mathieu Kassovitz met en exergue le conditionnement de jeunes de cités contraints de répéter leurs journées de lassitude dans leur situation précaire où l'ennui s'avère un fardeau toujours plus lourd à porter. Livrés à eux mêmes car n'ayant aucune considération ni attache pour une société discriminatoire et xénophobe, ces derniers s'adonnent aux petites magouilles telles que vols de voiture ou deal de shit avant leurs confrontations musclées avec une police aussi arrogante qu'impassible (voire la manière dont Kassovitz caricature la posture d'une assemblée monolithique de CRS protégeant la devanture vandalisée d'un poste de police).


      Fustigeant médias et journalistes dans leur quête de sensationnalisme, la haute bourgeoisie (la soirée d'exposition de tableaux virant subitement à l'échauffourée raciale) et surtout le zèle méprisant dont l'insigne policier fait parfois preuve dans leur comportement raciste et revanchard (notamment ce jeu d'humiliation et de passage à tabac que vont subir gratuitement Saïd et Hubert durant une garde à vue), La Haine insuffle un sentiment tangible de révolte par le témoignage désoeuvré de notre trio incapable de communiquer avec la classe sociable. La journée qu'ils vont subir durant plus de 24 heures s'avérant une épreuve de force, un parcours du combattant à refréner leur haine ("la haine attire la haine" s'exclamera Hubert !) dans leur situation houleuse avec une police omniprésente et incivile, quand bien même les délinquants les plus violents se laissent gagner par leurs pulsions criminelles (le sort aléatoire réservé au vigile de la boite de nuit !). Le cheminement indécis de leur errance journalière et leur sentiment d'injustice s'avérant toujours plus opprimant avant de connaître la réponse tragique de leur ami Abdel. L'ironie du sort étant de mettre en appui la déliquescence morale du plus intelligent du trio (Hubert) préalablement réfractaire à la violence et à la loi du Talion mais qui, dans une circonstance dramatique improvisée, cédera finalement à une justice expéditive dans sa rancoeur en ébullition. Une volonté habile pour Kassovitz de mettre en alerte la bavure policière, l'irresponsabilité de certains flics épris de zèle, et de nous démontrer que n'importe quel citoyen lambda doué de raison peut un jour basculer dans le crime pour tenir lieu de rébellion.


      Le Monde est à vous.
      Emaillé de situations cocasses parmi la verve insolente de dialogues incisifs, La Haine parvient avec réalisme documenté à nous immerger et nous familiariser dans la quotidienneté de ces délinquants avec l'énergie en roue libre de comédiens criants de vérité. Outre la précision chirurgicale de sa mise en scène alambiquée et la facture authentique de sa photo monochrome, La Haine tire parti d'une tension endémique rigoureuse par son contexte de crise sociale en perdition et par l'aigreur accordée à sa conclusion nihiliste (les bons et les méchants ayant proscrit leur identité). 
      Jusqu'ici tout va bien... Jusqu'à la chute de notre société...

      Bruno Matéï
      4èx

      "- ça fait vraiment du bien de chier un coup ! Vous croyez en Dieu ? il faut pas se demander si on croit en Dieu mais si Dieu croit en nous.
      J’avais un ami qui s’appelait Gonvalski, on était déportés ensemble en Sibérie, quand on va en Sibérie dans les camps de travail, on voyage dans le train à bestiaux qui traverse la steppe glacée pendant 2 journées entières sans croiser personne, on se tient chaud ensemble mais le problème c’est qu’il faut se soulager, faut chier, c’est pas possible dans le wagon, le seul moment où l’on s’arrêtait c’était pour mettre de l’eau dans la locomotive mais Gonvalski était très prude même quand nous devions nous laver ensemble il était très gêné. Et moi je me moquais souvent de lui à cause de ça. Donc le train s’arrête et tout le monde en profite pour aller chier en dehors du wagon et moi j’ai tellement embêté Gonvalski avec ça, il préférait aller un peu plus loin. Donc le train repart et tout le monde saute dedans car le train il n’attend pas.
      Le problème c’est que Gonvalski s’était éloigné derrière un buisson il n’avait pas fini de chier, donc je le vois il sort de derrière un buisson en tenant son pantalon dans sa main pour ne pas qu’il tombe, il essayait d’attraper le train. Je lui tends la main mais chaque fois quand il me tend la sienne il lâche son pantalon qui tombe sur ses chevilles. Il remonte son pantalon, il reprend sa course. Et chaque fois son pantalon il tombe quand il me tend la main.
      - Et alors après qu’est-ce qui s’est passé ?
      - Rien, Gonvalski est mort de froid."



      Récompenses:
      / Prix de la Mise en scène, Cannes 95
      / César du Meilleur Film, Meilleur Producteur (Christophe Rossignon), Meilleur Montage (Mathieu     Kassovitz/Scott Stevenson.
      / Prix Lumières du Meilleur Film, 1996

      lundi 3 août 2015

      Esther / Orphan

                                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

      de Jaume Collet-Sera. 2009. France/Allemagne/Canada.U.S.A. 2h03. Avec Vera Farmiga, Peter Sarsgaard, Isabelle Fuhrman, Jimmy Bennett, CCH Pounder, Margo Martindale, Karel Roden, Aryana Engineer.

      Sortie salles France: 30 Décembre 2009

      FILMOGRAPHIE: Jaume Collet-Serra est un réalisateur catalan, né le 23 Mars 1974 à Barcelone.
      2005: La Maison de Cire. 2007: Goal 2: La Consécration. 2009: Esther. 2011: Sans Identité. 2014: Non-Stop. 2015: Run all Night.


      Prenant pour thème l'enfant meurtrier, Esther mise sur le divertissement calibré à partir d'un scénario charpenté faisant preuve de montée en puissance du suspense et de violence rigoureuse étonnamment jusqu'au-boutiste pour une production PG-13. 

      SynopsisAprès la perte de leur 3è enfant, un jeune couple décide d'adopter une orpheline native de Russie, Esther. Rapidement, de nombreux incidents intentent à la tranquillité de la famille Coleman, quand bien même la mère commence à porter des suspicions sur la petite étrangère. 

      "Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film", dixit Alfred Hitchcock, et on peut dire que chez Esther nous tenons là un fameux spécimen de psychopathe en jupe courte. Impassible, insidieuse et glaçante d'austérité, Isabelle Fuhrman porte le film sur ses épaules du haut de ses 12 ans tant elle impressionne à provoquer l'émoi lors de ses stratégies délétères, l'ébauche de ses exactions s'avérant toujours plus couillue et ambitieuse. Nanti d'un regard noir d'une intensité dérangeante; cruelle et impitoyable lorsqu'elle s'adonne aux meurtres, l'actrice provoque d'autant plus la gêne dans sa condition infantile immorale (notamment son jeu de séduction incestueux entretenu avec le père) délibérée à influencer les rejetons de sa nouvelle famille pour mieux parfaire son dessein.


      De par l'efficacité du scénario, le savoir-faire de sa réalisation maîtrisée et le jeu spontané des comédiens, Esther parvient à captiver, notamment parmi l'habileté à laquelle fait preuve Jaume Collet-Sera d'y prôner les ressorts psychologiques d'une famille en perdition. L'ambition majeure d'Esther étant d'inciter l'entourage familial à écarter la mère afin de mieux influencer le père dans une relation d'ordre affective (pour ne pas dire sentimentale !). Ce qui donne lieu à des affrontements psychologiques plutôt intenses lorsque Kate Coleman tente de prouver à sa thérapeute et surtout à son époux qu'Esther est devenue une menace létale auprès de sa famille. Bien entendu, du fait du passé alcoolique de cette dernière ayant failli causé la mort de sa fille, et à cause de sa maternité inféconde la plongeant dans un déséquilibre moral, John Coleman tend à protéger Esther malgré des épisodes accidentels toujours plus alarmants. Outre la tension psychologique qui émane de leurs rapports discordants, l'intrigue met également en appui des rebondissements incisifs autour de l'identité d'Esther tout en insufflant un suspense exponentiel quant à la survie de la famille. Là encore le cinéaste fait preuve d'audace à mettre en pratique une violence graphique perpétrée par une fillette désaxée auquel les sentiments de haine, de rancoeur et de jalousie atteindront leur apogée lors du point d'orgue tragico-explosif.


      Etonnamment violent et cruel (notamment parmi le témoignage infantile involontairement complice), Esther s'impose en exercice de style tendu (jouer avec nos nerfs avec une efficacité retorse) pour y vanter une série B horrifique fertile en rebondissements et péripéties criminelles. Avec la plus-value Vera Farmiga exprimant un jeu viscéral de pugnacité révoltée et aparmi l'icone démoniale  Isabelle Fuhrman, leur inimitié de longue haleine constitue l'attraction émotionnelle d'un jeu d'autorité irréductible. Excellent divertissement (étonnamment) rosse donc à la photo d'autant plus chiadée auprès d'une luminosité sépia nuancée. 

      *Bruno
      16.12.24. 3èx. Vost  

      vendredi 31 juillet 2015

      JURASSIC PARK

                                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site buzzfeed.com

      de Steven Spielberg. 1993. U.S.A. 2h07. Avec Sam Neil, Laura Dern, Jeff Goldblum, Richard Attenborough, Bob Peck, Martin Ferrero, Joseph Mazzello, Ariana Richards, Samuel L. Jackson.

      Sortie salles France: 20 Octobre 1993. U.S: 11 Juin 1993

      FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode),1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad,1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004:Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal,2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 2012: Lincoln. 2015: Le Pont des Espions.


      Succès planétaire lors de sa sortie, Jurassic Park est le fruit de l'association de l'écrivain Michael Crichton avec le maître du divertissement Steven Spielberg mettant en scène pour la première fois à l'écran des dinosaures par Animatronique et images de synthèse. Révolutionnaires pour l'époque, le film doit essentiellement de sa notoriété grâce aux effets numériques ahurissants de réalisme afin de faire revenir à la vie nos monstres de la préhistoire tels que les Diplodocus, les Vélociraptors, les Dilophosaures et surtout un Tyrannosaure du plus bel effet rugissant ! C'est d'ailleurs par le biais de ce T-Rex monstrueux qu'une séquence-clef culmine son impact catastrophiste lors d'une altercation avec deux enfants réfugiés en interne d'une voiture. Un moment claustro d'une intensité dramatique épique, Spielberg filmant cette bravoure avec la virtuosité d'un montage consciencieux, notamment pour la poursuite à perdre haleine que les victimes molestées doivent parcourir ensuite à travers bois.


      Misant tout son potentiel visuel dans le sens du spectacle homérique et merveilleux (la première apparition du Diplodocus déambulant en toute quiétude sur une plaine insuffle un souffle féerique !), Spielberg parvient à nous immerger dans le contexte improbable d'une résurrection préhistorique par le biais d'un scénario cohérent. Une trame scientifique traitant du clonage et des manipulations génétiques à partir de l'Adn d'un moustique fossilisé contenant du sang de dinosaure et avec celui d'une grenouille engendrant la procréation de monstres uniquement femelles (une manière sereine d'éviter leur surpopulation et l'éventuel chaos). Au passage, il n'oublie pas de mettre en garde le caractère irresponsable de scientifiques utopistes violant les lois de la nature au profit de leur fantasme et leur cupidité, quand bien même la société de consommation est prête à exploiter sans vergogne les loisirs à sensations au mépris de la sécurité des touristes. Un milliardaire, apprenti sorcier, décide donc avec l'appui de son équipe scientifique de créer un gigantesque parc animalier prochainement réceptionné pour le public. Alors que deux paléontologues, deux enfants, un avocat et un mathématicien sont invités à scruter les lieux, ils finissent par s'y retrouver piégés sous une nuit pluvieuse. Epreuve de survie, c'est donc une partie de cache-cache que nos héros vont défier parmi les provocations bellicistes des dinosaures planqués derrière les bosquets et avant qu'ils n'investissent les lieux sécurisés de l'entreprise. Mené avec un savoir-faire imperturbable, Jurassic Park parvient à distraire efficacement malgré sa linéarité sans surprises (rejoindre un siège social pour se protéger de la menace préhistorique). Pour cela, il compte sur les courses-poursuites affolantes des protagonistes départagés en deux clans, et sur l'exploitation des décors naturels et du huis-clos qu'ils ratissent prudemment afin de déjouer les affronts des insidieux Raptors et du géant T-Rex.


      Spectaculaire avec une juste mesure, haletant et parfois très impressionnant (la première attaque du T-Rex restera dans toutes les mémoires !), Jurassic Park parvient assez efficacement à émerveiller son public pris à parti entre l'effroi du mode catastrophe et la féerie contemplative des monstres de leur enfance. Un fantasme inespéré que Steven Spielberg est parvenu à cristalliser par le biais d'un scénario (étrangement) cohérent et par l'appui héroïque de personnages humainement attachants. 

      Bruno Matéï
      3èx

      jeudi 30 juillet 2015

      Wolfman

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmofilia.com

      de Joe Johnston. Director's cut. 2010. U.S.A/Angleterre. 1h58. Avec Benicio Del Toro, Emily Blunt, Anthony Hopkins, Hugo Weaving, Geraldine Chaplin, Art Malik, Kiran Shah, Elizabeth Croft, Sam Hazeldine, David Sterne.

      Sortie salles France: 10 Février 2010. U.S: 12 Février 2010

      FILMOGRAPHIE: Joseph Eggleston "Joe" Johnston est un réalisateur et producteur américain, né le 13 mai 1950 à Fort Worth, Texas. 1989: Chérie, j'ai rétréci les gosses. 1991: Les Aventures de Rocketeer. 1994: Richard au pays des livres magiques. 1995: Jumanji. 1999: Ciel d'Octobre. 2001: Jurassic Park 3. 2004: Hidalgo. 2010: Wolfman. 2011: Captain America: First Avenger. 2013: Not safe for work.

       
      "Dans l’ombre du père, la bête"
      Échec commercial injustifié lors de sa sortie, alors qu’il adopte une ambition aussi formelle que psychologique, Wolfman remet au goût du jour le mythe lycanthrope en rendant un hommage humble et fervent aux monstres sacrés de la Universal et à l’élégance gothique de la Hammer

      1891. Après la mort de son frère, un comédien de théâtre revient sur les terres de son enfance pour retrouver un père reclus dans l’austérité d’un manoir brumeux. Tandis que les villageois tombent, déchiquetés par une bête sauvage, Lawrence Talbot ignore encore qu’il va exhumer un terrible secret familial.

      Nanti de décors gothiques à couper le souffle et d’une photo crépusculaire, baignée d’onirisme, Wolfman dépoussière l’épouvante séculaire par un mélange d’effusions gore cinglantes et d’action homérique. Un dosage habile que Joe Johnston exploite avec intelligence, à travers une narration charpentée laissant libre cours aux tourments de personnages infortunés avant que ne gronde l’inéluctable. Le réalisateur s’attarde sur la discorde d’une famille brisée, tendue autour d’un face-à-face amer entre un père véreux et un fils candide, malgré lui impliqué dans une malédiction atroce l’incitant à faire justice par instinct de vengeance.

      Pour incarner ces tensions parentales à la colère contenue, on peut compter sur deux acteurs au charisme viril et ombrageux. Benicio Del Toro, félin, habite un fils tourmenté, partagé entre sa malédiction et la rage d’avoir découvert l’auteur des morts de sa mère et de son frère. Interné, expérimenté dans un asile, il devra aussi affronter l’intolérance d’un peuple avide de lynchage. En patriarche bourru et solitaire, Anthony Hopkins jubile à distiller ambigüité, orgueil cruel et jouissance trouble, se gaussant du destin de sa progéniture. Au cœur de cette guerre larvée, une romance affleure par le biais de Gwen, la fiancée défunte de Ben, incarnée avec pudeur et fragilité par Emily Blunt. Elle s’abandonne aux bras du frère survivant, et incarne bientôt l’ultime espoir de rédemption pour le loup.

      Fascinant à plus d’un titre, notamment par la photogénie foudroyante de son esthétisme, Wolfman transcende ses scènes d’action et de transformation grâce à des effets spéciaux souvent bluffants - si l’on excepte quelques CGI disgracieux. Les diverses métamorphoses, rugueuses, bestiales, résonnent avec la fureur lycanthrope déjà sublimée par Neil Jordan dans le magnifique conte métaphysique La Compagnie des Loups.


      Spectacle onirico-gothique d’une beauté suffocante, Wolfman renoue avec la flamboyance du cinéma d’épouvante vintage avec une vigueur et une inspiration qui forcent le respect. Mené tambour battant à travers une cavalcade de péripéties sanglantes et bondissantes - dont une course-poursuite haletante sur les toits - et porté par le duo magnétique Del Toro / Hopkins, cette relecture fiévreuse mérite, à son tour, de s’ériger en classique (moderne) du genre. 

      — le cinéphile du cœur noir

      2èx
      30.07.15
      12.03.11 (89)