Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com
de Mario Bava. 1963. Italie. 1h28. Avec Michèle Mercier, Lydia Alfonsi, Boris Karloff, Mark Damon, Susy Anderson. Jacqueline Pierreux, Milly Monti.
FILMOGRAPHIE:
Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 :
Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).
"Trois visages, un seul cauchemar : la peur sculptée par Mario Bava".
Après avoir posé les bases du giallo avec La Fille qui en savait trop, Mario Bava s’essaie, la même année, au film à sketch avec une trilogie de l’épouvante : Les Trois Visages de la Peur. Transcendé par une mise en scène appliquée, où l’ambiance onirico-macabre prime sur la logique narrative, le film s’articule autour de trois figures hostiles — autant de masques cauchemardesques destinés à attiser la peur. Celui d’un tueur anonyme harcelant son ancienne maîtresse au téléphone ; celui d’un vampire hantant une famille de paysans ; celui enfin d’un spectre vengeur revenu réclamer une bague volée à son cadavre encore tiède.
Le premier sketch, thriller en huis clos, joue la carte du suspense tendu, porté par un scénario retors jalonné de deux rebondissements cinglants. L’intérêt naît dans l’inattendue révélation de la culpabilité de l’assassin — avant qu’un nouvel intrus ne relance, in extremis, l’enjeu de survie de l’héroïne. Perfide, sensuel, captivant, le segment insinue le saphisme en filigrane, et s’enrobe d’un esthétisme raffiné : broderies, sculptures, drapés — un cocon luxueux devenu piège. Sa conclusion, férocement ironique, claque comme un fouet.

La seconde histoire s’enracine dans le mythe vampirique — ici incarné par les Wurdulaks, d’après une légende russe. Plus classique dans sa construction, elle envoûte pourtant par son atmosphère et la stature du grand Boris Karloff, impressionnant en vampire bourru, maître dans l’art du subterfuge. Là encore, Bava enchante par la splendeur gothique de son univers : ciels d’encre, halos lunaires, clair-obscurs crépusculaires… une nuit azurée qui semble éternelle.
Le troisième segment — le plus célèbre, le plus marquant — distille un poison lent. Celui de la terreur rampante, sournoise, presque silencieuse. Une infirmière, ayant dérobé une bague à une défunte, est peu à peu gagnée par la démence, assaillie par les signes d’un au-delà rancunier : une goutte d’eau qui résonne, une mouche qui obsède, une ombre dans le couloir. Atmosphérique en diable, ce conte vénéneux exploite chaque bruit, chaque silence, jusqu’à l’asphyxie. Visuellement, c’est un ballet lugubre dans des intérieurs aux décors archaïques, d’une beauté malade. Et surgit alors cette vision — celle d’une mégère rigide au rictus diabolique, au regard vide et exorbité — figure spectrale inoubliable, double d’épouvante qui s’impose comme une icône du cinéma d’horreur.

Atmosphérique et stylisé, Les Trois Visages de la Peur brille par ses décors ciselés, magnifiquement éclairés, où chaque détail séduit tout en faisant frissonner. Mario Bava, esthète dans l'âme, y convoque l’angoisse, l’inquiétude, la sensualité (ces femmes italiennes — sans omettre Michèle Mercier, d’une fragilité fascinante, qui crèvent l’écran), mais aussi la terreur pure — servie par une réalisation studieuse, où l’imagination macabre épouse l’ironie insidieuse de l’humour noir. Une splendeur de chaque instant.
Bruno
29.05.25. 4èx