lundi 28 février 2011

4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS

                               (Palme d'Or, Cannes 2007)

                                                    (avis subjectif d'un puriste amateur)

                   

de Cristian Mungiu. 2007. 1H53. Roumanie. Avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu, Vlad Ivanov, Alex Potocean, Luminita Gheorghiu, Adi Carauleanu, Eugenia Bosânceanu, Ioan Spadaru, Cristina Burbuz...

BIOGRAPHIE: Christian Mungi est un Réalisateur, Scénariste, Producteur, né le 27 avril 1968 à Iasi en Roumanie.
Il étudie la littérature anglaise à l’université de Lasi et la réalisation cinématographique à l’université du film de Bucarest. Il travaille comme professeur et comme journaliste pour la presse écrite, radio et télévisée jusqu’en 1994. Durant ses études cinématographiques, il a été assistant réalisateur sur des productions étrangères tournées en Roumanie. Après l’obtention de son diplôme, en 1998, il réalise de nombreux courts-métrages.
Son premier long métrage OCCIDENT à été primé à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2002, et à ensuite reçu de nombreux autres prix. Il fonde sa société de production MOBRA FILMS en 2003.
  • 2002 : Occident
  • 2007 : 4 mois, 3 semaines, 2 jours
  • 2009 : Contes de l'Âge d'Or
                    

VIVRE LIBRE.
En évoquant le douloureux problème de l'avortement dans un pays totalitaire, alors que le régime communiste de Ceausescu touchait peu à peu à sa fin (nous sommes en 1987),  ce drame social d'une humanité accablée est plus un combat pour la liberté féminine bafouée que de condamner celles qui osent transcender la morale du choix de vie ou de mort infantile.

4 mois, 3 semaines, 2 jours est le temps qui sépare le moment où Gabita a fait l'amour avec son petit ami et le fameux jour où elle se décidera à avorter au risque de passer quelques années derrière les barreaux pour avoir oser transgresser cet acte lourdement répréhensible, considéré comme un crime.

L'action se situe en Roumanie, dans une chambre d'hôtel auquel Ottila et Gabita s'y sont réfugiées pour tenter l'acte condamnable avec l'aide d'un certain Mr bébé. Un médecin perfide immoral pratiquant l'avortement clandestin en toute impunité.
Nous allons vivre de prime abord, presque en temps réel, le calvaire de ces deux jeunes filles à tenter de convaincre un maitre chanteur appâté par le gain. Un être abjecte corrompu qui n'hésitera pas à abuser sexuellement de l'une d'entre elles puisque celles-ci n'auront pas pu regrouper la somme nécessaire pour pratiquer une telle opération de chirurgie.

                    

L'ambiance terriblement anxiogène et dépressive soumise d'abord à un huis-clos étouffant dans le refuge austère d'un hôtel régit par une hôtesse d'accueil dédaigneuse et orgueilleuse, s'accapare des sens du spectateur pour l'entrainer
dans un langoureux drame lié aux tourments, aux angoisses et aux conséquences psychologiques devant une décision aussi alarmiste et radicale.
Cristian Mungiu nous soumet avec une force de vérité âpre et un souci implacable de réalisme brut devant une prise de conscience davantage lourdement affectée. L'immense appréhension palpable d'un duo esseulé dans un pays intransigeant, écrasé par le poids de la culpabilité envers une décision aussi grave. Deux roumaines déterminées,  responsables d'avoir permis d'ôter la vie à un foetus ressemblant aux traits d'un petit enfant du fait de ces cinq mois de gestation à peine révolus.
A cet égard, la séquence épouvantée et bouleversante de la vision ensanglantée d'un petit être mort né délicatement posé dans une serviette de bain est tétanisante d'émotion trouble déséquilibrée. Une scène transie inoubliable, gravée à jamais dans notre mémoire auquel il est difficile de retenir ces larmes devant l'apparition frêle d'une présence aussi innocente.
C'est à cet instant lourdement acquis, que chacune leur tour, les deux jeunes filles auront été témoins de la résultante de leur labeur et d'un sacrifice. Alors que Gabita demandera à Ottila d'enterrer le corps en guise de respect et d'affectation, aux abords d'un terrain vague. Dans l'antre morose d'une nuit noire, d'une ville angoissée où le moindre individu lambda semble suspicieux et inquiété.
C'est alors tout le poids de la tristesse, de la peur, une culpabilité rendue palpable entre les deux héroines livrées à elles mêmes qui se fait ressentir auprès du spectateur anxieux et lamenté. Nos émotions troublées sont soumises avec empathie envers la tâche douloureuse de ces deux héroïnes dans ce drame féministe voué à l'échec maternel mais aussi à la liberté du choix fatidique d'avorter ou permettre la vie d'une future naissance.

                    

Il faut saluer l'interprétation sidérante de vérité dans une présence de ton naturelle des deux comédiennes se livrant corps et âme devant une caméra scrutant leurs moindres sentiments et angoisses perceptibles, en cohésion avec la sensitivité du spectateur.
Laura Vasiliu interprète avec fragilité naïve et sensibilité innocente le rôle d'une roumaine juvénile dénuée de maturité, angoissée par l'avenir d'un enfant qu'elle ne désire pas. Sans connaitre d'explications personnelles pour avoir décidé de pratiquer cet avortement clandestin. 
Anamaria Marinca est proprement bluffante dans celle qui va épauler, soutenir dans une force d'esprit bienveillante mais très affectée son parcours dantesque à encourir les risques les plus graves pour sauver la vie de son amie.
Un péril d'autant plus contraignant qu'Ottila est effrayée à l'idée d'imaginer qu'elle pourrait subir le même labeur avec son propre ami. Une cause à effet miroir, engagée dans la crainte, qui pourrait amener de lourdes conséquences quand à l'équilibre conflictuelle de son couple, au bord d'une potentielle rupture.

LE CHOIX DE GABITA.
Nonobstant un titre peu subtil qui pourrait paraitre rudimentaire, 4 mois, 3 semaines, 2 jours est un douloureux drame humain qui ne tombe jamais dans le débat sulfureux, à savoir s'il faut approuver ou non le choix discutable de l'avortement.
Il démontre avec un souci de réalisme documentaire, au plus près des sentiments de ses personnages que cet acte frauduleux lourdement funeste et virulent est un choix drastique pour savoir s'il faut se résoudre à supprimer une vie pour sa cause personnelle.
Une oeuvre exceptionnelle à la mise en scène limpide et minutieuse, portée par deux actrices au talent naturel criantes d'humanité. Le réalisateur retransmet avec une intensité émotionnelle rare le portrait empathique de deux jeunes roumaines lourdement éprouvées par une épreuve aussi rigoureuse sur fin de tragédie.
Mais il s'agira avant tout ici de narrer avec beaucoup d'humilité l'histoire difficile et délicate de deux femmes soumises, décidées à tenir tête face à la dictature d'un pays indécent, incompatible avec le sens de la dignité humaine.
Difficile de sortir indemne après une telle épreuve à autopsier les conflits intérieurs de deux témoins dans leur psyché lamenté, fortement entaillé.

08.12.10

                     

RECOMPENSES:
  • PALME D'OR au Festival de Cannes 2007
  • Prix de l'Éducation nationale et Prix FIPRESCI au Festival de Cannes
  • European Award du meilleur film et du meilleur réalisateur 2007
POLEMIQUES ET CONTROVERSES:
Le sujet délicat du film (l'avortement) et la manière de traiter ce thème ont engendré plusieurs polémiques et controverses.
En France, des associations anti-avortement, et certaines personnes comme la ministre Christine Boutin, ont voulu interdire le DVD pédagogique promis par le Prix de l'Éducation nationale que le film avait reçu lors du Festival de Cannes. Les contestations face à une telle censure éventuelle, largement relayées par les médias, ont néanmoins conduit le ministre de l'éducation, Xavier Darcos, à autoriser ce DVD. La controverse était d'autant plus étonnante que le film adopte une position neutre vis-à-vis de l'avortement, ce que confirma l'actrice Anamaria Marinca lors d'une interview en présence du réalisateur : « nous avons mis un point d'honneur à ne pas prendre parti pour laisser le spectateur se forger son opinion ». D'autre part, le film a finalement été classé "tout public" en France par la commission de classification, assorti d'un bandeau d'avertissement pour les spectateurs sensibles, ce qui a facilité la décision du ministre de diffuser le DVD.
En Italie, le Vatican s'est montré très indigné lors de la sortie du film : « A présent que le recours excessif aux scènes de sexe a épuisé le potentiel d'attraction (du public), un nouveau coup bas est infligé à la dignité du spectateur, avec ce film récompensé par la Palme d'Or : un signal dramatique d'un retour à la barbarie, individuel comme collectif, de nos consciences (...). On parle avec désinvolture de fœtus comme s'il s'agissait de choses, d'objets, et non pas d'êtres humains, appelés à la vie puis martyrisés, trucidés et jetés à la poubelle »

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