lundi 15 novembre 2021

Les Aventuriers du bout du Monde

                                        
                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"High Road to China" de Brian G. Hutton. 1983. U.S.A/Hong-Kong/Yougoslavie. 1h45. Avec Tom Selleck, Bess Armstrong, Jack Weston, Wilford Brimley, Robert Morley, Michael Sheard, Brian Blessed. 

Sortie salles France: 11 Mai 1983

FILMOGRAPHIEBrian Geoffrey Hutton est un réalisateur et acteur américain, né le 1er janvier 1935 à New York, État de New York (États-Unis) et mort le 19 août 2014 à Los Angeles (Californie). 1965 : Graine sauvage. 1966 : The Pad and How to Use It. 1968 : Les Corrupteurs. 1968 : Quand les aigles attaquent. 1970 : De l'or pour les braves. 1972 : Une belle tigresse. 1973 : Terreur dans la nuit. 1980 : De plein fouet. 1983 : Les Aventuriers du bout du monde. 


Démarquage parmi tant d'autres de la saga Indiana Jones à l'orée des années 80, Les Aventuriers du bout du monde s'avère fort sympathique à travers l'exploitation de son action épique s'apparentant d'ailleurs au film de guerre (son final belliqueux ne lésinant pas sur les moult explosions sous l'impulsion d'une foule de figurants armés jusqu'aux dents), le sens payant de sa cocasserie omniprésente et la complémentarité fougueuse du couple glamour Tom Selleck / Bess Armstrong jouant la discorde avec suffisamment d'humour, de traits de caractère mesurés et de sincérité pour se démarquer du stéréotype qui aurait pu rapidement nous lasser. Ainsi, partant d'un pitch comme de coutume simpliste (une femme cossue sollicite un aviateur pour retrouver la trace de son père afin de récupérer l'héritage de son entreprise malmenée par un ancien associé), prétexte à un florilège de scènes d'action dépaysantes aux quatre coins du monde, les Aventuriers du bout du monde fleure bon l'aventure du samedi soir. Un spectacle plein de peps, de romance, de drôlerie et de fraîcheur à la fois badin et exaltant eu égard de la capacité naturelle des protagonistes à tenter de nous amuser, entre crêpages de chignon à répétition et héroïsme en herbe au sein de paysages d'une beauté sauvage. 

Pour se faire, Brian G. Hutton a donc eu la judicieuse idée de recruter Tom Selleck (alors qu'initialement c'est lui qui devait endosser la panoplie d'Indy chez Spielberg) pour offrir une certaine ampleur à l'entreprise. De par son charisme viril taillé dans une posture bougonne, Tom Selleck est à l'aise en aventurier autoritaire aux penchants alcoolos toutefois récupéré d'une loyauté et d'une tendresse solidaire au fil de son évolution morale à reconsidérer sa partenaire déterminée à retrouver son père. On peut en dire autant de la présence pleine d'aplomb de Bess Armstrong jouant la commanditaire nantie avec un franc-parler (gentiment) contestataire. Terriblement charmante et sexy, caractérielle et davantage audacieuse (sa stratégie finale d'impressionner son entourage en s'emparant d'un avion pour mitrailler la camp ennemi) mais ne manquant pas de fragilité et de sensibilité lorsqu'elle se laisse influencer par le bagout affirmé de son partenaire, Bess Armstrong crève l'écran par son élégance charnelle dénuée de prétention. Si bien qu'elle parvient à nous envoûter à chaque fois qu'elle se présente à l'écran avec un naturel serein dénué de fard. Qui plus est, on peut également compter sur le score de John Barry afin de renforcer le souffle romanesque de l'aventure davantage éprise d'émotion et de considération quant aux valeurs humaines des personnages finalement compréhensifs et tolérants. 

Complètement oublié depuis des décennies et mésestimé par la critique, Les Aventuriers du bout du monde ne méritait pas tant de déshonneur car il demeure à mon sens un formidable divertissement à l'ancienne impeccablement mené et interprété au sein de cadres naturels hybrides aussi exaltants que grandioses (bien que le tournage n'ait eu lieu qu'en Yougoslavie, et non pas en Afghanistan, au Népal, en Chine, en Turquie ou en Inde. 

*Eric Binford.
24.09.20
15.11.21. 3èx. vf

Note (source Wikipedia): Le film nous fait visiter l'Afghanistan, le Népal, la Chine, la Turquie et l'Inde. Mais en réalité, le tournage n'a eu lieu qu'en Yougoslavie.

vendredi 12 novembre 2021

Jennifer 8

                                            
                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Bruce Robinson. 1992. U.S.A. 2h05. Avec Andy García, Lance Henriksen, Uma Thurman, Graham Beckel, Kathy Baker, Kevin Conway, John Malkovich.

Sortie salles France: 14 Avril 1993. U.S: 6 Novembre 1992

FILMOGRAPHIEBruce Robinson est un acteur, scénariste et réalisateur britannique, né le 2 mai 1946 à Broadstairs (Royaume-Uni). 1987 : Withnail et moi. 1989 : How to Get Ahead in Advertising. 1992 : Jennifer 8. 2011 : Rhum express.


Thriller à suspense de haute volée impeccablement mené par le méconnu Bruce Robinson, Jennifer 8 fait clairement parti du haut du panier du genre au sein de la décennie 90. Tant et si bien que 2h05 durant, celui-ci parvient à maintenir l'attention de par son récit ciselé conjuguant romance et thriller noir avec une efficacité dénuée de fioriture. L'excellent Andy Garcia (disparu des écrans depuis trop longtemps) endossant sans luxe le rôle d'un flic tourmenté au moment de tenter d'élucider une affaire crapuleuse après la découverte macabre d'une main sectionnée appartenant probablement à une aveugle. Sa piste l'entraînant à fréquenter Helena Robertson, également aveugle qui lui avoue que la main découverte dans une décharge appartiendrait sans doute à sa co-locataire Amber disparue il y a peu au gré de multiples indices. Avec l'aide de son acolyte Freddy Ross (Lance Henriksen inscrit dans une attention amiteuse aimablement friponne), John devient obsédé à l'idée d'alpaguer le tueur en série s'en prenant uniquement aux jeunes femmes aveugles. De par son intrigue particulièrement bien écrite prenant son temps à poser les bases d'une romance aussi prude que prochainement houleuse, Jennifer 8 nous attache à ses personnages où amour et amitié finiront par leur porter un lourd tribus. 


Car sans déflorer la vénéneuse intrigue redoutablement insidieuse, Jennifer 8 tisse lentement une toile d'araignée autour de l'unité de ses protagonistes aux valeurs humaines indéfectibles. Et si dans un 1er temps on se laisse facilement charmer par cette romance candide au sein du couple qu'Umma Thurman exprime naturellement en jeune aveugle ténue et quelque peu timorée, sa seconde partie autrement intense, hypnotique et passionnante s'affiche plus dense et subtile lorsque John finit par tomber dans les mailles d'un filet machiavélique lorsque le tueur parvient à le faire suspecter de meurtre auprès de ses collègues jouant la sourde oreille pour l'épauler. Fort d'un climat fétide davantage étouffant lors de l'interrogatoire cérébral entre John et l'agent St. Anne (endossé par un implacable John Malkovich en imprécateur trop affirmé) persuadé qu'il est coupable, Jennifer 8 se décline en affrontement tendu lorsque les deux individus ne cesseront de se contredire pour cet enjeu criminel où le tueur en liberté reste constamment invisible. Par conséquent, c'est d'ailleurs à ce moment propice que l'on saisit pourquoi le réalisateur eut tant attaché d'importance à la romance entre John et Helena afin que le tueur puisse exercer son pouvoir et son autorité sur eux avec une facilité infiniment sournoise. Quand bien même  au moment où l'étau se resserre auprès du sort de John, le dénouement s'ouvre à nous sans nous prévenir à l'aide d'un rebondissement redoutablement retors. 


Redoutablement charmant et envoûtant auprès de ses interprètes charismatiques à la complémentarité solidaire ou amoureuse jamais programmée, Jennifer 8 sait parfaitement doser ses ingrédients contradictoires sous l'impulsion d'un suspense anxiogène dominant la situation macabre avec une maîtrise technique et formelle constamment attrayante. Jennifer 8 possédant une force attractive incorrigible pour entraîner le spectateur dans une investigation morbide teintée de séquences oppressantes subtilement vertigineuses. Un grand thriller en somme déjà fort côté lors de sa sortie mais aujourd'hui toujours aussi enviable dans son adroite symbiose des genres.  
  

*Eric Binford
26.07.19
12.11.21. 3èx VO

jeudi 11 novembre 2021

Dark August

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Martin Goldman. 1976. U.S.A. 1h27. Avec  Kim Hunter, J.J. Barry, Carolyne Barry, Kate McKeown,  Frank Bongiorno, William Robertson.

Sortie salle France: probablement inédit. U.S: 10 Septembre 1976

FILMOGRAPHIE: Martin Goldman est un réalisateur, producteur et scénariste américain. 2016: The Reading (completed). 1997 Legend of the Spirit Dog. 1976 Dark August. 1972 The Legend of Nigger Charley. 


Exclusivement réservé aux amateurs de bizarrerie introuvable, Dark August est une étrange curiosité relativement soignée au niveau de sa mise en scène et du jeu des acteurs méconnus. A condition d'y privilégier la VO tant la version doublée s'apparente à une irregardable série Z, les acteurs ayant subitement égarés toute forme de crédibilité. Quant au récit linéaire, il relate le calvaire moral d'un peintre de 38 ans harcelé par le grand-père de la petite fille qu'il eut percuté en voiture quelques années plus tôt. Spécialiste d'occulte, le vieillard fait donc appel aux forces du Mal pour tenter de détruire ce responsable de la mort de la fillette. Ainsi, en dépit de cette intrigue ultra simpliste et redondante, parfois traversée de moments saugrenus (l'incendie du studio interrompu par les pompiers), le réalisateur parvient néanmoins à maintenir un (timide) intérêt de par sa sobriété d'y conter scrupuleusement son histoire de sorcellerie au gré d'une ambiance champêtre parfois hostile renforcée d'un réalisme ombrageux. 


Celui-ci soignant le cadre de la nature environnante avec, en intermittence, l'intrusion d'un étrange individu encapuchonné semblant épier le peintre et son épouse à proximité de leur résidence. Qui plus est, l'apparence patibulaire du vieillard suscite parfois un certain malaise lors de ses brèves apparitions dénuées d'émotions. En revanche, son dernier quart d'heure s'attardant sur un rituel afin de désenvouter le peintre demeure poussif auprès de ses incantations récursives que le spectateur observe de façon nonchalante. Qui plus est, son dénouement à double twist joue un peu trop sur l'ambiguïté Spoil ! quant à la véritable identité de l'homme encapuchonné virant sa cuti pour se retourner contre celui qui l'eut invoqué. Sans compter sa séquence finale à la fois dérangeante, cruelle et incompréhensible lorsque le peintre est subitement sujet à une agression injustifiée. Fin du Spoil


Un ovni franc-tireur donc passablement attachant, modeste héritier de l'ambiance ésotérique des Seventies. 

*Eric Binford.

mercredi 10 novembre 2021

It Follows. Grand Prix, Prix de la Critique, Gérardmer 2015.

                                                       
                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de David Robert Mitchell. 2014. U.S.A. 1h40. Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Jake Weary, Olivia Luccardi, Daniel Zovatto.

Sortie salles France: 4 Février 2015. U.S: 27 Mars 2015

FILMOGRAPHIEDavid Robert Mitchell est un réalisateur et scénariste américain.
2010: The Myth of the American Sleepover. 2014: It Follows.


"It Follows : Fugue en Do mineur pour une chair traquée".
Révision d’un authentique coup de ❤ du psycho-killer ésotérique, pur film d’ambiance traversé de moments de flippe vertigineux. Désormais un classique (en glacis), l’un des meilleurs représentants du genre de ces trente dernières années.

Grand vainqueur de Gérardmer en 2015 (Grand Prix et Prix de la Critique !), It Follows est la seconde œuvre — picturale — d’un réalisateur novice, éperdument amoureux du genre. Par son goût pour l’esthétisme onirico-macabre qu’un format scope transfigure avec un sens du cadre stylisé ; par sa musique métronomique, tantôt lancinante, tantôt stridente, directement inspirée de Carpenter, Tim Krog, Fred Myrow et Malcolm Seagrave (Phantasm) ; et surtout, par son ambiance anxiogène palpable, convoquant instinctivement les fleurons horrifiques des années 80.

Prenant à rebours les poncifs du psycho-killer lambda, It Follows brosse le portrait d’adolescents intelligents, humains, fragiles, tendres et solidaires — à l’opposé des archétypes rebelles, fumeurs de joints et sexuellement décérébrés. Par le prisme de la mort et de la sexualité, David Robert Mitchell renouvelle le genre à travers une entité maléfique que n’aurait pas reniée Ulli Lommel. Remake à peine déguisé du très sympathique Spectre (The Boogeyman), le film en partage le surnaturel (cette présence invisible traquant ses proies sans relâche), l’ambiance ésotérique et la musicalité envoûtante.

Le réalisateur aborde ainsi la peur du Mal et celle du sexe sous un angle ironique : les ados, pour survivre, doivent copuler. L’entité poursuit inlassablement le dernier à avoir osé l’acte. Métaphore des maladies vénériennes, de l’émancipation sexuelle comme exorcisme des névroses, It Follows épouse le récit initiatique d’une quête de maturité, mettant en lumière une épreuve collective menée par une bande d’amis pour repousser la menace.

Fort de cette présence irréelle, polymorphe et toujours hostile, et de la manière subjective dont Mitchell filme la tranquillité mortifère d’une bourgade ricaine abandonnée par l’autorité parentale, on pense inévitablement à Halloween. L’ombre de Michael Myers semble scruter chaque recoin, chaque geste d’une jeunesse en sursis. Le cinéaste jongle avec l’angoisse et la terreur au fil de situations aléatoires, sublimées par une esthétique onirique : la nature, sa faune, sa flore, multipliant les paraboles sur la virginité et la défloration.

Si les séquences de flippe se font discrètes, certaines effraient profondément lorsque l’entité prend une forme humaine indistincte pour surgir à l’instant le plus inopportun. Seule la victime ayant consommé l’acte peut percevoir cette forme — ses camarades, impuissants, n’en distinguent que le néant.

Angoissant de manière graduelle, constamment envoûtant comme un good tripIt Follows mise sur la tension dramatique : l’héroïne, fragile et déterminée, cherche une échappatoire, un nouveau partenaire à qui transmettre le fardeau. Mitchell exploite cette menace via une mise en scène géométrique d’une précision chirurgicale : chaque plan, chaque mouvement est d’une stylisation rigoureuse. Sur ce point, It Follows est aussi une prouesse technique, un artisanat de l’effroi sculpté dans la grâce. Une ambiance interlope, infiniment ensorcelante. Un miracle, vous dis-je, digne des plus beaux représentants des années 80 — Stand By Me baignant dans un crépuscule macabro-érotique.


"It Follows : l’orgasme à crédit".
À la fois angoissant, perturbant, terrifiant et tendre, fragile et romantique, It Follows réinvente les codes avec la sincérité d’un auteur passionné par les atmosphères diffuses. Porté par la présence juvénile d’acteurs sobrement attachants dans leurs rôles d’ados en rébellion, transcendé par une BO capiteuse, le film déploie une ambiance crépusculaire où l’insécurité s’enracine. Ce psycho-killer déguisé active la peur par un pitch surnaturel qui détourne habilement la sexualité adolescente. Un cinéma d’horreur adulte, comme on n’en fait plus depuis les années 80. Un pur morceau d’ambiance funeste, promis à trôner parmi les classiques du genre.
Total respect, Monsieur Mitchell.

*Eric Binford
18.05.15. 251 v
10.11.21. 2èx. VO

La Chronique de Spectrehttp://brunomatei.blogspot.fr/2014/11/spectre-boogeyman.html

Récompenses:
Prix de la Critique Internationale au Festival du cinéma Américain de Deauville, 2014
Grand Prix et Prix de la critique au Festival du film Fantastique de Gérardmer, 2015.

mardi 9 novembre 2021

Benedetta

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Paul Verhoeven. 2021. France/Hollande/Belgique. 2h11. Avec Virginie Efira, Elena Plonka, Charlotte Rampling, Daphné Patakia, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Louise Chevillotte

Sortie salles France: 9 Juillet 2021 (Int - 12 ans)

FILMOGRAPHIE
: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam.
1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book. 2016: Elle. 2021: Benedetta. 


"C'est fort, puissant, on en sort hanté, chamboulé, entre malaise et réconfort."
Attendu comme le messie après 5 ans d'absence derrière la caméra, Paul Verhoeven s'inspire cette fois-ci de l'histoire vraie de la nonne italienne Benedetta Carlini que Virginie Elfira endosse avec une troublante pudeur "nécrosée". Tant auprès des scènes de nudité effrontées que des étreintes saphiques à l'érotisme à la fois viscéral et dérangeant eu égard de l'environnement religieux auquel le couple vit reclus à travers leurs échanges saphiques. Jouant sans cesse sur l'ambivalence de ses états d'âme contradictoires (notamment pour ses pulsions éventuellement masochistes lorsque Dieu lui ordonne de souffrir pour lui), Virginie Elfira est proprement habitée par son personnage blasphématoire en lesbienne novice férue de passion lubrique, de dolorisme et de floraison sentimentale. Comme de coutume provocateur et sulfureux au gré d'une imagerie lascive parfois (voir même fréquemment) teintée de sang, Paul Verhoeven dresse donc le profil très ambigu de soeur Benedetta découvrant la tendresse et les plaisirs sexuels auprès de Bartolomea, jeune fille abusée par son père mais recueillie au couvent après lui avoir supplié de l'extirper de son bourreau pervers. 


Ainsi, 2h11 durant; on nous dévoile la quotidienneté troublée de soeur Benedetta habitée de visions christiques particulièrement sanglantes, voire littéralement possédée par le démon, probablement afin de s'expier de ses pêchés charnels qu'elle se découvre avec une fougue addictive. Le récit subtilement traité cultivant une atmosphère à la fois malsaine et inquiétante, notamment lorsque s'y interpose l'évêque le nonce (formidable Lambert Wilson à travers sa suffisance et son égoïsme détestables !) afin de juger l'éventuelle culpabilité de Benedetta. Et ce en y perpétrant les actes de torture que l'on exécute sous son impériosité sur la jeune maîtresse influençable Bartolomea (en appréciant également beaucoup le jeu naturel de Daphné Patakia lors de ses expressions rebelles ou démunies, les yeux doucement écarquillés). Fustigeant le fanatisme, l'hypocrisie, la félonie, les superstitions et les méthodes inquisitrices d'une doctrine catholique réactionnaire au sein de leur époque féodale, Benedetta est porté par la maîtrise indiscutable de sa mise en scène baroque privilégiant un réalisme tantôt froid, tantôt flamboyant; parfois même rugueux en dépit de la diction théâtrale des comédiens français impulsant une intensité dramatique au fil d'un dénouement assez imprévisible. 


Si on a peut-être connu Paul Verhoeven plus inspiré et percutant lors de ses glorieuses années d'insolence en franc-tireur, Benedetta ne manque surement pas de charme "terriblement" vénéneux, de beauté candide (les scènes érotiques jamais complaisantes sont magnifiquement expressives dans les rapports étroits de jouissance même si parfois la gêne s'y fait ressentir) et de densité psychologique (bien que parfois/souvent déroutant) afin d'y tolérer une histoire saphique au sein d'une caste religieuse tributaire de son ultra conservatisme. A découvrir absolument si bien qu'au second visionnage l'expérience sulfureuse demeure encore plus rigoureuse, caustique, vitriolée, dérangeante, mais aussi épurée, pudique et salvatrice auprès du duo saphique à la fois incompris, infortuné, irrécusable. Tout bien considéré, une oeuvre hybride unique qui en sortira grandie avec le temps, même si le public non averti est contraint de s'y préparer.  

*Bruno
09.11.21
10.01.24. 2èx

lundi 8 novembre 2021

Darkman

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Sam Raimi. 1990. 1h36. U.S.A. Avec Liam Neeson, Frances McDormand, Colin Friels, Larry Drake, Nelson Mashita, Jessie Lawrence Ferguson, Rafael H. Robledo.

Sortie salles France: 14 Novembre 1990. U.S: 24 Août 1990

FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.

En dépit de son manque d'envergure et d'un aspect parfois téléfilm, Darkman est un très bon divertissement surfant sur les influences de la Universal Monster issue du Fantôme de l'Opera avec un goût prononcé pour le cartoon débridé pour y moderniser sa mythologie du monstre tragique. Si bien qu'à la suite de son passage à tabac par les sbires de Robert G. Durant, le généticien Peyton Westlake se retrouve brûlé et défiguré au sein de son labo réduit en champ de bataille. Passé pour mort, il décide d'élaborer sa vengeance en exploitant sa nouvelle création, une peau synthétique capable de lui permettre de changer de visages durant un temps limité. Dans le rôle de Darkman, et épaulé de maquillages réussis, Liam Neeson demeure très convaincant en monstre en berne partagé entre son appétence pour la vendetta meurtrière, son amour démuni auprès de sa partenaire et son humanisme torturé de renouer avec ses nobles instincts. 

Sam Raimi accordant beaucoup d'attention à humaniser ce personnage esseulé plongé dans ses idées noires après que celui-ci essuya une terrible correction punitive. Dans celui de son ennemi juré, l'étrange Larry Drake demeure détestable en leader gouailleur ne lésinant par sur la cruauté et le sadisme auprès de ses exactions punitives dénuées de complexe. On est d'ailleurs étonné de constater la brutalité de certaines séquences, en particulier le prologue auquel Peyton Westlake est sévèrement mis à mal avec la bande de Durant lors d'une succession de châtiments corporels particulièrement sardoniques (on peu d'ailleurs prêter une certaine allusion à Robocop de Verhoeven pour sa violence incisive et sa thématique fondée sur la vengeance du point de vue du monstre maudit).

Inventif, romanesque, explosif et rocambolesque auprès d'un rythme pétulant surfant sur la bande dessinée décomplexée, Darkman est un pur divertissement débridé auquel Raimi renoue avec sa maestria technique traditionnelle (montage ultra dynamique) pour renforcer sa texture animée sous l'impulsion de personnages lunaires aussi hystérisés.  

*Eric Binford
3èx VO

Récompense: Festival international du film de Catalogne en 1990 : prix du meilleur réalisateur et des meilleurs effets spéciaux

vendredi 5 novembre 2021

Possessor. Grand Prix, Gérardmer 2021.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Brandon Cronenberg. 2020. Canada. 1h45 (Uncut). Avec Andrea Riseborough, Christopher Abbott, Sean Bean, Jennifer Jason Leigh, Tuppence Middleton, Rossif Sutherland 

Sortie salles France: 7 Avril 2021 (dvd). Canada: 9 Octobre 2021.

FILMOGRAPHIEBrandon Cronenberg est un réalisateur et scénariste canadien né le 10 janvier 1980. 2008 : Broken Tulips (court métrage). 2010 : The Camera and Christopher Merk (court métrage). 2012 : Antiviral. 2018 : Please Speak Continuously and Describe Your Experiences as They Come to You (court métrage). 2019 : Possessor. 


Une épreuve cérébrale nécrosée qui fera date.
Coup de massue dans la tronche passé le générique de fin couleur giallesque, tant et si bien que l'on a beau ne point saisir tous les tenants et aboutissants des personnages bicéphales ne formant plus qu'un dans leur condition soumise au goût du sang et de la rancoeur, Possessor est une expérience extrême vue nulle part ailleurs. Auréolés du Grand Prix à Gérardmer et du Meilleur Film à Catalogne, les Festivaliers ont tout de même eu une sacrée audace de récompenser une oeuvre cérébrale aussi dérangeante et malaisante, voire parfois même insoutenable pour sa brutalité graphique s'apparentant à du Fulci à ses plus belles heures gorasses. Autant dire que les scènes chocs hyper complaisantes, mais transcendées d'une mise en scène aussi maîtrisée que scrupuleuse (le montage est à couper au rasoir), se succèdent à bâtons rompus de manière aussi cinglante qu'escarpée. Autrement dit, rien ou si peu ne nous est épargné lors des missions criminelles agonisantes, Spoil ! pas même le sacrifice d'un enfant, le corps impacté et le crane explosé de balles de calibre sans l'ombre du hors-champs. Fin du Spoil.

Mais pas que, car fort d'une ambiance anxiogène à la fois clinique, austère et réfrigérante tentant (avec succès) d'hypnotiser les sens du spectateur (un peu à l'instar de Frissons de Cronenberg), Possessor nous fait participer à une expérience de cinéma atypique au sein d'une société déshumanisée déversant des répliques parfois amphigouriques auprès d'une populace lobotomisée depuis des lustres. Le pitch retraçant les exactions criminelles de Tasya Vos, dépendante d'une technologie révolutionnaire, dans la mesure où celle-ci accepte auprès d'une organisation de pénétrer dans le cerveau d'un quidam pour le pousser à commettre l'irréparable selon les injonctions d'une gente huppée sans vergogne. Or, alors qu'elle accomplit sa seconde mission auprès du sujet masculin Colin, un incident technique (ou cérébral) la contraint de rester bloqué dans son corps alors que celui-ci tentera par tous les moyens de récupérer son identité lors d'éclairs de conscience assombris par ses actes crapuleux. Le récit, tentaculaire, labyrinthique, ne cessant de nous tourmenter la rétine et l'encéphale lorsque Colin et Tasya s'interposent dans leur psyché torturée de visions morbides et cauchemardesques. Brandon Cronenberg recourant à une imagerie parfois hallucinatoire aussi dérangée qu'ensorcelante à travers des images malsaines de corps, de visages liquéfiés, tuméfiés ou décomposés.   


Une claque vitriolée indécrottable.
Complètement vrillé donc si bien que l'on perd rapidement pied avec la réalité qui nous est proposée de façon sciemment équivoque (comme la victime atone, déambulant tel un fantôme errant, nous  ressentions ses pertes de repères cérébrales au gré d'une intensité dramatique résolument cauchemardesque), Possessor traite comme nul autre cinéaste provocateur de la contagion de la violence, faute d'une perte identitaire, au coeur d'une société vampire ayant perdu toute notion d'humanité. Evidemment éprouvant et viscéralement perturbant mais irrémédiablement fascinant de par le vérisme de ses images expressives d'une acuité plus vraie que nature, Possessor est à réserver à un public préparé pour qui vénère les périples au bout de l'enfer cérébral. 

*Eric Binford
2èx VO

Récompenses

Festival international du film de Catalogne 20205 :

Meilleur film

Meilleur réalisateur

Festival international du film fantastique de Gérardmer 2021 :

Grand prix du Jury

Meilleure musique originale pour Jim Williams

jeudi 4 novembre 2021

Halloween 2 / Halloween II : The Nightmare Isn't Over

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedweller.com

de Rick Rosenthal. 1981. U.S.A. 1h32. Avec Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Charles Cyphers, Jeffrey Kramer, Lance Guest, Pamela Susan Shoop, Hunter von Leer, Dick Warlock, Leo Rossi, Gloria Gifford...

Sortie salles France: 16 juin 1982.  U.S: 30 octobre 1981

FILMOGRAPHIE: Rick Rosenthal est un réalisateur américain né le 15 juin 1949 à New York.
1981 : Halloween 2 ,1983 : Bad boys ,1984 : American Dreamer,1987 : Russkies ,1987 : Distant Thunder ,1994 : Les Oiseaux 2, 2002 : Halloween résurrection (Halloween 8) , Séries T.V: 2002 : Buffy contre les vampires (épisodes À la dérive et la Prédiction), 2003 à 2008 : Smallville (7 épisodes).

 
Horror Hospital
Un vrai film d’ambiance, symptôme des psycho-killers des années 80.

Trois ans après le succès surprise de John Carpenter, un jeune cinéaste inconnu, Rick Rosenthal, est enrôlé pour concrétiser une suite co-scénarisée et produite par son initiateur. Une rumeur persistante prétend d’ailleurs que Carpenter aurait remonté le film en post-production et réalisé certaines séquences supplémentaires, trouvant le rythme initial trop lent à son goût. Fort de l’énorme succès du premier volet, Halloween 2 bénéficie d’un budget plus conséquent — 2 500 000 dollars — et accède à son tour à une notoriété publique.

Le pitch : après les événements terribles qui ont failli coûter la vie à la baby-sitter Laurie Strode, Michael Myers reste obstinément décidé à l’assassiner. Confinée dans un hôpital pour sa convalescence, la jeune patiente va de nouveau redoubler d’efforts pour déjouer ses agissements meurtriers. 

En reprenant le final équivoque du premier Halloween, suggérant la disparition de Michael Myers, Halloween 2 concentre l’essentiel de son action durant cette même nuit du 31 octobre 1978, au sein d’un hôpital de l’Illinois, où Laurie est soignée pour ses blessures. Après un nouveau meurtre, le tueur décide de la retrouver, éliminant quiconque croise son chemin. Quant au Dr Loomis, rongé par le doute d’avoir accidentellement tué un innocent masqué, il tente vainement de retrouver sa trace, flanqué d’un agent fédéral et d’une infirmière.

Passée une première demi-heure inquiétante, rythmée par les errances nocturnes de Michael filmées en vue subjective, l’intrigue glisse vers un suspense plus latent, niché dans l’enceinte claustrophobe d’un hôpital paradoxalement déserté d’une partie de son personnel et de ses patients. Cette situation improbable permet néanmoins à Rosenthal d’instiller un climat d’étrangeté fascinant, la présence muette du tueur y prenant des airs presque irréels. 
                 
Sur le canevas d’un Vendredi 13, le récit aligne alors une succession de meurtres efficaces, ponctués de jump scares, tout en distillant une insécurité oppressante. Une séquence, surtout, foudroie : Michael, tapi derrière une infirmière, dévoile soudain son masque spectral avant de la poignarder. Grâce à cette atmosphère sourdement inquiétante, la seconde partie enchaîne séquences angoissantes et poursuites haletantes, rehaussées par le score métronomique de Carpenter, encore maître de la tension. Et pour parachever cette escalade, le dernier acte se resserre en une traque échevelée entre Laurie et son Boogeyman, serpentant les couloirs d’un huis clos médical dont Rick Rosenthal exploite avec efficacité recoins et souterrains, jusqu’à l’affrontement final.

Quant au Dr Loomis, toujours aussi anachronique et parfois irresponsable (sa bévue lors de la traque d’un suspect masqué !), il tente, dans un ultime sursaut héroïque, de stopper définitivement le Mal. Dans ce cache-cache avec l’inconnu qu’incarne l’insondable Michael Myers, un rebondissement majeur révélera la filiation liant Laurie à son bourreau. Endossant à nouveau la baby-sitter au regard tantôt contrarié, tantôt épouvanté, Jamie Lee Curtis crève l’écran : sa fragilité sous sédatif épouse une détermination vibrante pour déjouer l’inéluctable. Donald Pleasence, en Dr Loomis, campe un chasseur obsessionnel, à la fois obtus, fébrile et animé d’une ardeur presque suicidaire.


"
Nuit blanche à l’Hôpital du Mal".
En dépit de ses facilités et d’un schéma narratif balisé, Halloween 2 alterne suspense latent, angoisse diffuse et sursaut viscéral. Série B plaisamment magnétique, forte du charisme de ses comédiens, du charme funèbre de son ambiance et de l’impact frontal de ses meurtres et poursuites en vase clos. Rosenthal, hélas, reprendra plus tard le flambeau dans un huitième volet de sinistre mémoire, avec son concept risible de télé-réalité basculant en fiasco. Mais pour l’heure, dans cet hôpital hanté, le Mal rôde — et nous, spectateurs, avec lui.

*Eric Binford
08.01.11. VF
31.10.14. VF
04.11.21. VO. 7è


NOTE (wikipedia): Le film devait être tourné en relief à la demande des scénaristes et producteurs, mais à cause du coût élevé de la 3D et que la plupart des évènements du film se déroulent de nuit, la proposition fut tombée à l'eau ! Une version alternative de Halloween 2, connue sous le nom de Rick Rosenthal Version, a été diffusée à la télévision au début des années 1980. La plupart des images violentes et gores et plusieurs scènes supplémentaires ont été ajoutées. Cette autre version est parfois visible sur la chaîne American Movie Classics. À l'origine, cette version du réalisateur déplut à John Carpenter qui en fît un nouveau montage. Une édition spéciale DVD regroupant les deux versions est sortie en 2001

mercredi 3 novembre 2021

Frankenstein rencontre le Loup-Garou / Frankenstein Meets the Wolf Man

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmaboutit.com

de Roy William Neill. 1943. U.S.A. 1h15. Avec Lon Chaney Jr., Ilona Massey, Patric Knowles, Lionel Atwill, Bela Lugosi, Maria Ouspenskaya. 

Sortie salles France: 15 Décembre 1954. U.S: 5 Mars 1943

FILMOGRAPHIE concernant uniquement les années 40Roy William Neill, de son vrai nom Roland de Gostrie, est un producteur de cinéma et réalisateur américain né le 4 septembre 1887 sur un bateau proche des côtes d'Irlande1 (son père était capitaine de vaisseau) et mort le 14 décembre 1946 à Londres en Angleterre (Royaume-Uni) à la suite d'une rupture d'anévrisme.1940 : His Brother's Keeper. 1940 : Hoots Mon. 1940 : The Good Old Days. 1942 : Les Yeux des bas-fonds. 1942 : Madame Spy. 1942 : Sherlock Holmes et l'Arme secrète. 1942 : Frankenstein rencontre le loup-garou. 1943 : Sherlock Holmes à Washington. 1943 : Échec à la mort. 1944 : La Femme aux araignées. 1944 : La Griffe sanglante. 1944 : La Perle des Borgia. 1944 : La Fière Tzigane. 1945 : La Maison de la peur. 1945 : La Femme en vert. 1945 : Mission à Alger. 1946 : Le Train de la mort. 1946 : La Clef. 1946 : L'Ange noir. 

Faisant suite au Loup-Garou et au Fantôme de Frankenstein produits un an plus tôt, Frankenstein rencontre le Loup-garou joue clairement la carte de la série B bonnard sous la houlette de Roy William Neill, réalisateur méconnu ayant oeuvré de 1920 jusqu'aux années 40 avec pas loin de 50 métrages. Ainsi, en ayant l'audace débridée de réunir à l'écran le Loup-garou et le monstre de Frankenstein lors d'une confrontation au sommet (son final facétieux vaut assurément le détour à travers sa mise en image aussi naïve que spectaculaire !), Roy William Neill exploite un récit capillotracté pour tenir lieu des motivations désespérées du loup à trouver un remède qui pourrait le délivrer de l'immortalité. Alors que celui-ci aurait tout simplement pu se tirer une balle (d'argent) dans la tête pour mettre un terme à sa besogne criminelle. 

                                      

Mais tributaire de l'intrigue farfelue concoctée par le scénariste Curt Siodmak, il compte donc sur les archives du Dr Frankenstein ensevelis dans les vestiges de son château pour tenter de trouver une solution miracle à son fardeau, quand bien même au moment de ces fouilles il tombera sur l'apparition congelée du monstre confiné dans un bloc de glace. Un pitch improbable mais plaisamment amusant à témoigner de ses efforts risibles à endiguer la malédiction avec l'appui amiteux de la fille du Dr Frankenstein et d'un praticien altruiste bientôt atteint de mégalomanie malgré lui. Tout cela étant traité avec autant de sérieux que de légèreté, tant et si bien que l'on suit cette nouvelle aventure horrifique avec un inévitable sourire amusé. D'autant plus que la défroque du monstre de Frankenstein endossée par le cabotin Bela Lugosi demeure à la limite de la semi-parodie lorsque celui-ci tente avec le plus grand sérieux d'émuler son partenaire iconique Boris Karloff dans une posture rigide mécanique.

                                           

Baignant dans un noir et blanc magnétique parmi quelques décors macabres fascinants (le prélude dans la nécropole est juste magnifique) et porté par la présence convaincante de Lon Chaney Jr. en victime meurtrie par son sort lycanthrope, Frankenstein rencontre le Loup-Garou se décline en sympathique série B d'épouvante au charme rétro palpable (noir et blanc expressif aidant). 

*Eric Binford
2èx

mardi 2 novembre 2021

Maniac / The Maniac

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site moriareviews.com

de Michael Carreras. 1963. Angleterre. 1h26. Avec Kerwin Mathews, Nadia Gray, Donald Houston, Liliane Brousse, George Pastell.

Sortie salles France: ?.  Angleterre: 20 Mai 1963

FILMOGRAPHIE: Michael Carreras est un producteur et réalisateur britannique né le 21 décembre 1927 à Londres et mort dans la même ville le 19 avril 1994. 1955 : Eric Winstone's Stagecoach. 1957: The Steel Bayonet. 1961 : Visa to Canton (en). 1961 : La Chevauchée des outlaws. 1963 : Maniac. 1963 : What a Crazy World. 1964 : Les Maléfices de la momie. 1967 : Les Femmes préhistoriques. 1968 : Le Peuple des abîmes. 1971 : La Momie sanglante. 1974 : Un dénommé Mister S.

En quête de second souffle à l'orée des années 60, la Hammer Film redore son blason en s'inspirant des Thrillers hitchcockiens si bien que 3 ans plus tôt Psychose déboulait sur les écrans pour traumatiser son public friand d'épouvante. Par conséquent, ce Maniac sorti précisément en 1963, également tourné en noir et blanc, nous entraîne dans une vénéneuse relation conjugale en compagnie d'un touriste étranger (dragueur invétéré) batifolant avec la belle-fille et la mère de celle-ci, tenancière d'un bistrot du Sud de la France. Or, 4 ans plus tôt, l'époux de cette dernière fut interné en asile psychiatrique après avoir assassiné au chalumeau (une séquence fort cruelle même si le hors-champs est de rigueur) le violeur de sa fille. Ainsi, à travers ce duo d'amants à la fois volage, sournois et perfide amorçant sans complexe leur fraîche relation face au témoignage candide de la belle-fille particulièrement influençable et chagrinée de trahison, Michael Carreras finit par nous manipuler en renchérissant les rebondissements durant l'ultime demi-heure. 

Fort plaisant et soigneusement filmé à travers ses décors naturels (la Camargue) ou historiques (une arène en ruine) particulièrement baroques, Maniac dégage un climat solaire à la fois séduisant et déconcertant sous l'impulsion du couple en étreinte en concertation véreuse. Mais chut, n'en dévoilons pas plus, le spectateur s'attachant à leur liaison et à la douce Annette avec une curiosité davantage expansive eu égard des retournements de situations fructueux qui relancent l'action lors de sa dernière partie. Et bien que l'on peut déplorer un dernier rebondissement too much, pour ne pas dire superfétatoire lors des 5 dernières minutes (on sent clairement à nouveau l'influence Hitchcockienne), Maniac nous laisse sur un sentiment de satisfaction somme toute réjouissant. Notamment en tenant compte de la complémentarité du casting méconnu sobrement dirigé par un Michael Carreras plutôt inspiré à émuler le maître du suspense au sein d'une intrigue à la fois incongrue et sinueuse faisant intervenir un équivoque psychopathe. 

Un excellent thriller à suspense donc injustement méconnu (il reste inédit en salles chez nous mais renait enfin de sa torpeur chez l'éditeur ESC en formats Dvd et Blu-Ray), qui plus est tourné dans un superbe scope aussi inquiétant qu'envoûtant (on se croirait même parfois dans un western pour vous donner un avant goût de la scénographie assez hybride par moments sans sombrer dans la fioriture). 

*Eric Binford

lundi 1 novembre 2021

Fanatic / Die ! die ! My darling !

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Twitter

de Silvio Narizzano. 1965. Angleterre. 1h36. Avec Tallulah Bankhead, Stefanie Powers, Peter Vaughan, Maurice Kaufmann, Yootha Joyce, Donald Sutherland 

Sortie salles France: ?.  U.S: 19 Mai 1965

FILMOGRAPHIESilvio Narizzano, né le 8 février 1927 à Montréal au Canada et mort le 26 juillet 2011 à Londres, est un réalisateur anglophone canadien. 1965 : Fanatic. 1966 : Georgy Girl. 1968 : El Gringo (Blue). 1970 : Le Magot (The Loot). 1973 : Le Salopard (Senza ragione). 1977 : Pitié pour le prof (Why Shoot the Teacher?). 1979 : L'École ras-le-bol (The Class of Miss MacMichael). 1979 : Las flores del vicio. 1981 : Choices. 


Clairement sous influence hitchcockienne, Fanatic est un thriller à suspense tout à fait plaisant de par son intrigue criminelle insidieuse brocardant le fanatisme religieux lorsqu'une mégère, propriétaire d'une bâtisse gothique, s'en prend à son ex belle soeur depuis la mort de son fils chéri éduqué dans une doctrine catholique. Sans révolutionner le genre ou d'y laisser une empreinte indélébile, Fanatic fait tranquillement son job pour nous fournir un efficace jeu de soumission et de torture psychologique 1h36 durant. La pauvre victime féminine s'efforçant à moult reprise de s'échapper de cet enfer domestique isolé de toutes habitations. Ainsi, à travers d'intenses confrontations psychologiques que se disputent Patricia, Mme Trefole ainsi que ses deux domestiques, Fanatic use de la perversité de ces antagonistes s'efforçant de l'expier de ses pêchers en la retenant prisonnière. Et si l'intrigue habilement construite demeure toujours captivante (sans toutefois nous surprendre), elle le doit beaucoup à son étonnant casting que forment Tallulah Bankhead (divine d'austérité en mégère décatie fêlée du bulbe), la charmante Stefanie Powers (Pour l'amour du Risque) en victime éplorée auquel son sort précaire nous suscite désarroi et appréhension, Peter Vaughan / Yootha Joyce jouant le couple de domestiques avec hypocrisie vénale, et enfin Donald Sutherland en jardinier mentalement déficient. 


Inédit en salles chez nous et d'autant plus occulté, Fanatic renait de ces cendres grâce à l'éditeur ESC auquel le chaland aura la possibilité de préconiser la version SD ou HD. Pour autant non indispensable, faute du classicisme du schéma narratif mainte fois traité, mais tout à fait ludique et jamais ennuyeux à travers la sobriété de son suspense haletant, Fanatic est un sympathique exercice de style que la Hammer ne manque pas de fignoler auprès de l'exploitation de ses décors gothiques parfois inquiétants (notamment vers son final étonnamment saturé avec ce que nous réserve l'intérieur de la cave). Tout à fait fréquentable donc. 

*Eric Binford

vendredi 29 octobre 2021

Les Damnés / The Damned

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Joseph Losey. 1963. Angleterre. 1h27. Avec Macdonald Carey, Shirley Anne Field, Oliver Reed, Viveca Lindfors, Barbara Everest, Nicholas Clay. 

Sortie salles France: 30 Septembre 1964. Angleterre: 19 Mai 1963

FILMOGRAPHIE: Joseph Losey est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 14 janvier 1909 à La Crosse dans le Wisconsin et mort le 22 juin 1984 à Londres. 
1939 : Pete Roleum and His Cousins. 1941 : Youth Gets a Break. 1941 : A Child Went Forth. 1945 : A Gun in His Hand. 1947 : Leben des Galilei. 1948 : Le Garçon aux cheveux verts. 1950 : Haines. 1951 : Le Rôdeur. 1951 : M. 1951 : La Grande Nuit. 1952 : Un homme à détruire. 1954 : La bête s'éveille. 1955 : A Man on the Beach. 1956 : L'Étrangère intime. 1957 : Temps sans pitié. 1958 : Gipsy. 1959 : First on the Road. 1959 : L'Enquête de l'inspecteur Morgan. 1960 : Les Criminels. 1962 : Eva. 1963 : Les Damnés. 1963 : The Servant. 1964 : Pour l'exemple. 1966 : Modesty Blaise. 1967 : Accident. 1968 : Boom. 1968 : Cérémonie secrète. 1970 : Deux hommes en fuite. 1971 : Le Messager. 1972 : L'Assassinat de Trotsky. 1973 : Maison de poupée. 1975 : Galileo. 1975 : Une Anglaise romantique. 1976 : Monsieur Klein. 1978 : Les Routes du sud. 1979 : Don Giovanni. 1980 : Boris Godunov (TV). 1982 : La Truite. 1985 : Steaming. 


Découvrir pour la 1ère fois Les Damnés; oeuvre aussi méconnue que mal aimée alors qu'il s'agit d'une prod Hammer, est une expérience terriblement déconcertante selon mon propre jugement de valeur. Reconsidéré depuis son flop commercial et ses critiques timorées de l'époque, Les Damnés n'est nullement une oeuvre mineure vite vue vite oubliée, tant le réalisateur Joseph Losey fignole sa mise en scène auteurisante en dirigeant adroitement ses acteurs au détriment (d'une mécanique ludique) du cinéma de Genre. Le cinéaste ne cachant pas sa frilosité pour ce dernier, notamment auprès des composantes de la science-fiction et de l'horreur auquel la Hammer se fit une spécialité reconnue sur plusieurs décennies. Et cela se ressent fortement à mon sens au cours du récit apathique des Damnés filmé dans un magnifique scope monochrome tantôt envoûtant, tantôt baroque (ses statues en chiffon ou papier mâché). Le réalisateur scrupuleux prenant son temps à planter son (double) univers et ses personnages paumés au coeur d'un climat maritime éthéré sensiblement inquiétant. 


Récit d'anticipation langoureux abordant le drame, la romance et la violence à l'aide d'un parti-pris anti ludique, les Damnés est donc une oeuvre hybride difficile d'accès, de par son climat austère nonchalant et du peu d'empathie éprouvée pour les protagonistes en dépit d'un sujet brûlant stigmatisant le péril nucléaire. Ses enfants retranchés dans un labo top secret servant de cobayes pour la survie de l'humanité vouée à sa destruction. Et si sa première partie, peu à peu captivante, annonce fissa l'aura ténébreuse d'une romance à la fois désenchantée et éventuellement rassurante sur fond de règlements de compte machistes (les blousons noirs avec ce frère leader hyper protecteur envers sa soeur), la seconde partie s'avère un peu plus déroutante lorsque le couple et le frère sont contraints de s'allier au moment d'être hébergés dans une grotte par des enfants à la peau étrangement glacée. Et bien que 2/3 longueurs s'y font parfois ressentir, faute d'un rythme sporadique déstabilisant, son final nihiliste rehausse l'intérêt à travers sa dramaturgie escarpée offrant une ampleur à l'ensemble un peu plus dense et marquante. 


Remarquablement interprété (Oliver Reed en tête en blouson noir neurasthénique, la charmante Shirley Anne Field en marginale influençable) et mis en scène par l'auteur réputé Joseph Losey (Mr Klein, The Servant, le Garçon aux Cheveux Verts), Les Damnés demeure une oeuvre chorale aussi intéressante que glaçante à découvrir avec précaution faute de son climat austère limite antipathique. En tout état de cause il ne laisse pas indifférent pour les amateurs de raretés indépendantes si bien qu'un second visionnage y serait profitable afin de mieux l'apprivoiser et s'y approprier son essence hermétique. 

*Eric Binford.

jeudi 28 octobre 2021

Alone in the Dark / Dément

                                             
                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imbd.com

de Jack Sholder. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Dwight Schultz, Deborah Hedwall, Donald Pleasence, Jack Pallance et Martin Landau.

Sortie salles France: ?. U.S: 12 Novembre 1982

FILMOGRAPHIEJack Sholder est un réalisateur américain, né le 8 juin 1945 à Philadelphia. 1973: The Garden Party (court-métrage). 1982: Alone in the dark. 1985: Le Revanche de Freddy. 1987: Hidden. 1988: Vietnam War Story 2. 1989: Flic et Rebelle. 1990: By Dawn's Early Light (télé-film). 1993: 12H01: prisonnier du temps (télé-film). 1994: Sélection naturelle (télé-film). 1994: The Omen (télé-film). 1996: Generation X (télé-film). 1997: Panique sur l'autoroute (télé-film). 1999: Wishmaster 2. 2001: Arachnid. 2002: Beeper. 2004: 12 Days of terror.


Jack Sholder, modeste artisan révélé en 1987 par Hidden (Grand Prix à Avoriaz tout de même !), se fit connaître auprès des amateurs d'horreur avec ce premier long abordant le psycho-killer parmi la présence d'un trio de vénérables vétérans (Martin LandauDonal Pleasance et Jack Palance). Ainsi, à partir d'une idée simple mais originale (profitant d'une gigantesque panne électrique, quatre psychopathes s'échappent d'un asile  pour semer la terreur chez une famille ricaine), Jack Sholder réalise un petit miracle d'efficacité où terreur et humour noir se télescopent harmonieusement. Et si certaines situations s'avèrent éculées, son réalisme inopiné (renforcé du jeu étonnamment convaincant des interprètes, notamment auprès du jeu naturel de l'attachante Elizabeth Ward du haut de ses 12/13 ans) ainsi que la dérision macabre que le réalisateur emploie avec sagacité permet d'y détourner les clichés, effets de surprise en sus. Je songe surtout à la séquence du "monstre du placard" illustrant un jeune couple en étreinte réfugié sous la couette alors que l'un des tueurs est planqué à un endroit inhabituel de la chambre ! Mais bien avant ce principe ludique du huis-clos cauchemardesque, Jack Sholder cumule les séquences humoristiques ou saugrenues en nous présentant les patients de l'hôpital que le Dr Leo (Donald Pleasance toujours aussi naturellement magnétique) éduque avec un humanisme lunaire. Une première partie fort plaisante donc traité avec réalisme décalé, notamment lorsque le Dr Dan Potter (endossé avec aplomb par le méconnu Dwight Schultz) s'invite dans une boite punk sous l'influence de sa soeur et de son épouse. 


Par cette occasion débridée d'ambiance de carnaval (les chanteurs sont affublés de costumes horrifiques), les nostalgiques de cette tendance musicale marginale éprouveront les joies festives de la danse désordonnée du Pogo. Alors que dès que nos quatre demeurés se retrouvent en liberté pour se venger du suppléant Dan Potter (car persuadés que ce dernier est responsable de la mort de l'ancien praticien), le film s'adonne à une série de péripéties meurtrières renforcées d'un humour noir irrésistible. Il faut dire que nos quatre lurons s'en donnent à coeur joie pour perpétrer leurs exactions à travers leur complicité railleuse rancunière. L'ambiance horrifico-saugrenue s'affirmant davantage vers l'ultime demi-heure, home invasion affolant lorsque la famille du Dr Potter tentera de se prémunir contre la menace externe tentant de pénétrer à moult reprise en interne de leur bâtisse. Là aussi, Jack Sholder réussit à nous convaincre d'une situation rebattue au gré de rebondissements vigoureux rehaussés de la caractérisation affolée des protagonistes usant pour autant de bravoure pour venir à bout de l'intrusion dégénérée des envahisseurs au rictus diablotin (Martin Landau en tête de peloton). Or, derrière cette satire macabre fort ludique s'y dévoile  une certaine réflexion sur la réinsertion sociale des schizophrènes en y adoptant une démarche humaniste pleinement inscrite dans la tolérance. Si bien qu'au final, nous comprendrons pour quelle véritable motivation affective nos demeurés s'étaient empressés de venger la disparition du médecin altruiste particulièrement compétent pour pouvoir les comprendre, les aimer et éventuellement les guérir.


Doctor in love
Sous couvert d'une parabole sur la névrose sociétale (un dément y est tapi en chacun de nous !), Alone in the Dark demeure donc une perle (rare) d'humour noir malencontreusement occultée de nos jours en dépit de son irrévocable efficacité à jouer au jeu du chat et de la souris sous l'impulsion d'aimables vétérans désaxés s'en donnant à coeur joie dans leurs expressions décomplexées.    

*Eric Binford
28.10.21. 3èx
04.04.13. 129v