mardi 8 mars 2011

DEEP END

                                        

de Jerzy Skolimowski. 1970. Angleterre/Pologne/Allemagne. 1H31. Avec John Moulder Brown, Jane Asher, Karl Michael Vogler, Christopher Sandford, Louise Martini, Erica Beer, Anne Marie Kuster, Dieter Eppler, Diana Dors.

Dates de sortie: 18 Mars 1971 (Danemark), 10 Aout 1971 (Etats-Unis)

FILMOGRAPHIE: Jerzy Skolimowski est un cinéaste polonais né le 5 mai 1938 à Lodz en Pologne.
1961: Boks, documentaire, 1964: Signe particulier: néant, 1965: Walkower, 1966; La Barrière, 1967: le Départ, 1970: Les Aventures du brigadier Gérard, Deep end, 1972: Roi, Dame, Valet, 1978, Le Cri du Sorcier, 1981: Haut les mains, 1982: Travail au noir, 1984: Succès à tout prix, 1986: Le Bateau phare, 1989: les Eaux printanières, 1991: Ferdyduke, 2008: Quatre nuits avec Anna, 2010: Essential Killing.

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Par le réalisateur polonais du Cri du sorcier (Grand Prix du Jury à Cannes 1978), Jerzy Skolimowski avait réalisé huit ans auparavant ce Deep End, aujourd'hui tombé dans l'oubli le plus éhonté.
Un ovni sensitif extrêmement rare, quasi introuvable et méconnu dépeignant avec une originalité singulière les affres de l'adolescence impliquant un jeune quidam âgé de 15 ans, éperdument amoureux d'une séduisante aguicheuse majeur mais égarée et nonchalante.
Si le film s'est vu écopé d'une interdiction au moins de 18 ans à l'époque de sa sortie, c'est en rapport à la relation ciselée, politiquement incorrecte, répréhensible entre un mineur et une adulte consentante qui aura tant brusqué et offensé la censure bien pensante originelle.

Mike est un jeune garçon timide et maladroit occupé à un nouveau poste manutentionnaire dans un bain public. Il y fait la connaissance d'une des employées, Susan, jeune fille instable qui accumule les conquêtes sans lendemain.
Rapidement, Mike va se lier d'amitié avec elle pour en tomber follement amoureux.

                               

Difficile d'équilibrer un avis fluide et concret à la sortie de cette projection tant cette oeuvre étonnamment moderne et hors norme ne ressemble à rien de connu, déroutant le spectateur de manière continuelle en bousculant nos habitudes et en réinventant l'outil cinématographique par une mise en scène ambitieuse, virtuose, en quête d'innovations perpétuelles.
Cette histoire d'amour étrangement pastel pour s'appesantir brutalement vers une nuance terne dans son point d'orgue capital se révèle d'une sensibilité et d'une fragilité sous-jacente dans sa structure réaliste à la limite du reportage pris sur le vif !
On peut aussi le définir comme un film expérimental, une introspection viscérale des rapports humains où nos protagonistes sont ici répertoriés comme des êtres fantasques délurés, irascibles, versatiles, instables et refoulés. D'ailleurs, le spectateur dérouté pourrait éprouver une certaine irritation dans les agissements véhéments, ardents de nos protagonistes constamment joueurs de mesquinerie dans leur relation amicale virant à la romance courtisée pour l'un d'eux, obsédé par la liaison amoureuse.
Deep end dépeint avec autant d'humanité que d'absurdité saugrenue les rapports équivoques entre un garçon introverti irresponsable et une jeune allumeuse paumée et dévergondée se réfugiant dans les relations sexuelles insignifiantes en guise d'affection et cela depuis l'absence fustigée d'une mère décédée.
S'ensuit entre nos deux amants insolents et désinvoltes un jeu indocile façon "fuis moi, je te suis, suis moi, je te fuis" dans des contextes grotesques et démesurées, de manière à mieux nous interloquer dans un insolite jeu de pouvoir sur les étroits rapports amoureux ambigus et incertains.

                               

Le couple incarné à l'écran par le jeune John Mulder Brown et la ravissante et sexy Jane Asher sont tous deux étonnants de justesse dans leur subtile prestance à la psychologie affirmée de manière extravertie. Ils dévoilent comme rarement leur âme et leurs émotions dans un florilège de sentiments exprimés avec une troublante vérité, mise en exergue dans une réalisation pragmatique entièrement dédiée au caractère brut de l'authenticité.

ATTENTION SPOILER !!! Le final inopiné nouant sa romance lyrique à peine dévoilée dans le drame impondérable émeut, déconcerte et désoriente nos sentiments sévèrement entachés dans une séquence funèbre d'une poésie bouleversée (forme de lointain écho à la Nuit du chasseur de Laughton dans son sens du macabre stylisé baignant dans les eaux translucides).
FIN DU SPOILER.

                               

Appuyé en intermittence par la musique pop de Cat Stevens, Deep End est une oeuvre clairsemée atypique, délicate, fragilement trouble et immersive. Un poème diaphane octroyé au vertige de l'amour quand un adolescent rebellé souhaite s'accaparer d'une idylle insolente et fuyante, rêve d'un amour insoluble qui trouvera son apogée fusionnelle dans les corps enlacés mais scindés.
A l'image de sa sublime affiche publicitaire, Deep End est un authentique film culte, rare et précieux !

NOTE: Prix du meilleur second rôle féminin (Jane Asher), lors des BAFTA Awards en 1972.

08.03.11
Bruno Matéï.

    


                                       
      

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